De l’apprentissage technologique à l’innovation organisationnelle de grandes entreprises : proposition d’un cadre d’analyse. Résumé L’apprentissage des outils technologiques par les organisations est l’objet de nombreuses critiques. Des pratiques contradictoires au sein des groupes internationaux ne favorisent pas la cohérence décisionnelle en la matière. Il faut donc se demander si l’apprentissage des outils technologiques favorise l’innovation organisationnelle ? Quel processus organisationnel permet l’apprentissage technologique ? Ces questions s’inscrivent dans la perspective de la pratique sociale qui se développe en système d’information. Une démarche inductive, Grounded Theory, est appliquée aux entretiens réalisés. Un cadre d’analyse identifie trois logiques organisationnelles fondées sur une diversité d’apprentissage technologique. L’apprentissage des outils technologiques dépend davantage de l’expérience des acteurs que du contexte organisationnel. Mots clés: apprentissage technologique, innovation organisationnelle, cohérence, alignement stratégique, Grounded Theory. Abstract The technological training is strongly criticised. Contradictory practices within the international groups do not support decisional coherence on the matter. It thus should be wondered whether the training of the technological tools supports the organisational innovation? Which organisational process allows the technological training? These questions fall under the prospect for the social practice which emerges in information system. An inductive step led according to general principles of Grounded Theory is applied to the talks carried out. Our step identifies three organisational logics founded on a technological diversity of training. A framework of analysis helps to understand that the strategy of training of the technological tools is strongly dependent on the experiment of the actors connected to the organisational context. Key-words: training, tools technological, organisational strategy, coherence, strategic alignment. Grounded Theory. 2 Les outils technologiques sont au centre des préoccupations de la recherche en sciences de gestion car ils remettent en cause les processus organisationnels qui font progresser les pratiques gestionnaires (Gilbert, 1998). Dès lors que l’environnement technologique pousse l’entreprise à transformer ses propres outils, à en adopter de nouveaux, toute décision les concernant devient difficile à imaginer, la modélisation approximative. Tout comportement d’apprentissage lors de l’adoption de l’outil modifie les relations de l’entreprise avec son environnement. L’innovation organisationnelle est une interrogation récurrente dans la recherche en système d’information. Si l’on admet que l’apprentissage est déterminant pour l’organisation (Moisdon, 1997), aucune entreprise ne peut se passer d’évaluer sa performance, de mesurer sa rentabilité. Selon le niveau d’analyse retenu, les études menées aboutissent à des résultats souvent contradictoires. C’est généralement suffisant pour vérifier l’atteinte d’objectifs (efficacité) parce que les outils sont doublement construits (construction délibérée et appropriation) et que les indicateurs sont propres à chaque organisation, compte tenu de leur schéma organisationnel et des objectifs stratégiques adoptés (Reix, 2005). Mais c’est insuffisant pour établir une forte cohérence organisationnelle résultant d’un compromis managérial entre des contributions théoriques et des perspectives pratiques (Limayem et al. 1997). Dans la mesure où l’innovation de l’organisation ne permet pas d’emblée la transformation d’une contribution technologique en un apprentissage organisationnel, il est nécessaire d’établir le lien entre les relations technologiques, sociales et organisationnelles (DeSanctis, Poole, 1994), seul moyen de déterminer si l’innovation organisationnelle dépend largement ou non des conditions d’utilisation des technologies par les acteurs (Orlikowski, 2000). L’environnement organisationnel peut être lui-même structurant sous l’influence des 3 interactions qu’il entretient avec les acteurs (Orlikowski, 1992). Même si dans tous les cas, l’apprentissage technologique structure l’organisation, il faut également prendre en compte les effets des pratiques professionnelles sur la gestion des connaissances. Les entreprises qui investissent dans les ressources technologiques réorganisent des processus de management, qui dépendent autant de la flexibilité d’intégration que de l’impact organisationnel, en cohérence avec la stratégie internationale (Reix, 2004). Sur toutes ces questions, des affirmations contradictoires ont été avancées par des chercheurs, des consultants ou des managers. Bien que le rôle des technologies apparaisse généralement déterminant, il est toujours difficile d’en évaluer l’effet : « les mêmes outils conduisent à des résultats extrêmement variables selon les contextes d’utilisation » (Gilbert, 2002). Aussi, ne faut-il pas céder à la description normative du changement, mais retenir une approche non fonctionnaliste (Simon, 1947) susceptible de prendre en compte les nouvelles perspectives d’apprentissage, sans minimiser l’organisation. Dès lors que les salariés apprennent collectivement lors de situations réelles, dont le sens s’inscrit dans un contexte d’utilisation (Barley, 1986), l’innovation organisationnelle dans l’étude de l’apprentissage technologique est devenue une perspective récurrente de la recherche en système d’informations. Il convient de se demander si l’apprentissage des outils technologiques encourage de nouvelles logiques organisationnelles ou si, au contraire, les outils favorisent le fonctionnement collectif de l’usage technologique ? Pour répondre à cette question, plutôt que de partir des formes particulières de technologies, nous examinerons les interactions qui émergent lors de l’apprentissage technologique. Cette approche n’est pas toujours évidente dès lors que les variables de contexte ont une valeur explicative dans les effets d’apprentissage. On retiendra donc une méthode inspirée de la réalité sociale, la théorie enracinée de la Grounded Theory (Glaser, Strauss, 1967), pour appréhender de quelle manière 4 le contexte organisationnel affecte l’utilisation de l’outil et dans quelle mesure un outil d’apprentissage caractérise une organisation. L’objet de cette recherche consiste donc à identifier les logiques organisationnelles permettant l’apprentissage technologique. La contribution théorique repose sur une réflexion sur l’innovation organisationnelle, qui dépend autant de la flexibilité d’intégration que de l’impact organisationnel dans une perspective de stratégie internationale. Le caractère multidimensionnel de l’apprentissage technologique est l’objet de nombreux débats (1). Les contributions technologiques établissent une interaction avec les pratiques sociales, ouvrant ainsi d’autres perspectives que les recherches causales (2). Une série d’entretiens menée auprès de plusieurs entreprises internationales, selon une méthodologie inductive permet de repèrer les composantes majeures des dimensions organisationnelles (3). Puis, une typologie organisationnelle fondée sur les dimensions de l’apprentissage technologique aboutit à l’élaboration d’un cadre d’analyse heuristique (4). In fine, au-delà de l’approche sociale de l’apprentissage technologique, les formes organisationnelles sont discutées au regard de futures pistes de recherches (5). 1- Débats Les mutations de l’environnement concurrentiel modifient sensiblement les stratégies d’apprentissage des entreprises internationales, qui ne peuvent se dispenser d’apprécier les coûts induits par le moindre changement technologique, au risque d’apparaître moins performantes. Valorisées par les consultants, les nouvelles technologies de l’information et de la communication créent une pression considérable sur les organisations, qui cherchent à obtenir par elles un avantage concurrentiel. Ne pas investir dans la technologie du moment fait craindre de perdre des marchés, pousse souvent à imiter le comportement dominant de son secteur d’activité. 5 Les entreprises internationales ont pris conscience de la nature stratégique de leurs actifs immatériels (Bounfour, 1998 ; Cadiou, 1999). Elles ont modifié leurs comportements de gestion au point de valoriser exclusivement le recours intensif aux technologies. L’analyse des résultats obtenus a très vite démontré qu’une forte implication de l’équipe dirigeante et des salariés permettait de dépasser les critiques, les relevés d’insuffisances. Les processus d’apprentissage sont apparus autant liés à l’organisation qu’aux pratiques technologiques (Boudreau, Robey, 2005). D’une certaine manière, l’outil dépend de la motivation de chaque salarié, de ses connaissances, de son expérimentation qui « transcende l’apprentissage organisationnel » (Reix, 2005). Bien sûr, il ne peut s’agir de miser sur le tout technologique, de se conformer aux pratiques des organisations concurrentes en raison du caractère stratégique couramment attribué aux connaissances. L’aspect humain est aussi fondamental que l’usage technologique. L’appréciation des coûts humains pour partager les connaissances dépend largement du niveau de formation et permet de se singulariser bien davantage des entreprises concurrentes que par l’innovation technologique. Dès lors qu’un mode d’apprentissage s’appuie sur les ressources technologiques, il est nécessaire lors de la mise à disposition des outils que les salariés puissent maîtriser les fonctionnalités. On a pu en déduire que le temps d’apprentissage évoluait selon les limites d’un « propre espace-temps subjectif, dont la dilatation dépendrait de son niveau de tolérance à l’incertitude (….) La distance subjective entre ses éléments constitutifs (idées, connaissances, opinions, objets, produits) serait de fait restreint, en raison d’un fort besoin de sécurité, de familiarité et une aversion de la nouveauté [porteuse] de changement, d’ambiguïté, de complexité » (Urien, 2001). Mais, en réalité, chaque salarié se fait une représentation spécifique de son espace de travail. L’apprentissage organisationnel est fondé sur les connaissances difficiles à copier car pour parvenir à créer de la valeur les compétences clés ne doivent pas être imitables (Charreaux, 1998). Les ressources dans un environnement 6 concurrentiel procurant d’autant plus d’avantages compétitifs qu’elles sont uniques et créatrices de valeur (Barney, et al. 1995). Il est nécessaire qu’elles s’appuient davantage sur le capital humain ou organisationnel que sur l’aspect financier. Sinon, le système d’information cesse d’être source d’opportunités stratégiques dès que le système d’information ne connaît plus de période d’innovation technologique. A contrario, c’est bien la rareté d’une ressource informatique qui la rend stratégique, et non sa large diffusion (Carr, 2004). Un équilibre est donc à trouver entre les ressources cognitives de l’organisation lors de l’exploration de nouvelles connaissances et l’exploitation des connaissances acquises. L’entreprise adopte généralement des stratégies d’exploitation et des stratégies d’exploration dans une perspective d’avantage compétitif (March, 1991). Ces visions de l’apprentissage organisationnel ne sont pourtant pas opposées. Elles confirment que l’organisation peut être, d’une part, un accélérateur de l’apprentissage en permettant la capitalisation et la formalisation des connaissances en vue de leur exploitation et, d’autre part, un frein à l’apprentissage lorsque l’organisation répond à des critères économiques qui réduisent les dépenses consacrées à l’exploration lors des périodes d’incertitude. Dans ce contexte, notre recherche met l’accent sur les organisations marquées par les caractéristiques des outils qui offrent une flexibilité stratégique ou accordent un avantage concurrentiel. Deux grands types de travaux académiques sont venus alimenter ces débats. Les premiers ont cherché à mesurer l’impact des nouvelles technologies sur l’organisation, les seconds ont observé les situations d’utilisation. Ils ont conclu que les nouveaux outils ont des conséquences imprévues qui entraînent des résultats aléatoires. Les fonctionnalités de l’outil se heurtent souvent à des difficultés techniques, des problèmes de communication ou des obstacles relationnels, et n’intègrent pas toujours l’apprentissage de l’outil, bien qu’il revête un rôle central dans la stratégie des entreprises (Berry, 1983). Par ailleurs, l’apprentissage technologique doit être envisagé au regard des comportements individuels et collectifs « qui 7 mémorisent et transforment des représentations » (Reix, Rowe, 2002). Il s’agit donc de s’intéresser à l’apport proprement dit des technologies à l’innovation organisationnelle (Marciniak, Rowe, 2005). Les résultats décevants des technologies d’apprentissage invitent à reconnaître la variété des usages. La façon dont les utilisateurs se les approprient (Barley, 1986) ne fait que renforcer les logiques déjà existantes, au risque de reproduire les cloisonnements organisationnels (Giddens, 1979, 1984). Chaque outil dégage une perspective émergente qui caractérise les aspects sociaux et managériaux dans la mise en œuvre des objectifs stratégiques. Il faut bien reconnaître que si les outils peuvent être structurants, ils sont susceptibles d’être aussi contre performants, à l’origine de conflits, de dysfonctionnements ou de comportements dissidents (Kalika, Kéfi, 2004). On peut examiner les situations d’utilisation selon la nature de l’activité du salarié lors de la recherche d’information ou la résolution de problème (Davis et al. 1999), ou envisager les relations entre la construction de savoirs spécifiques selon diverses combinaisons organisationnelles, tels le développement des communications informelles pour régler des problèmes, la standardisation des compétences ou des processus pour pailler une forte incertitude (Mintzberg, 1985). Aussi, faut-il se demander si l’apprentissage des outils technologiques favorise de nouvelles logiques organisationnelles ou si, au contraire, les outils favorisent le fonctionnement collectif de l’usage technologique ? A ce stade, il est indispensable de se reporter aux différentes contributions technologiques avant de se doter d’un dispositif d’observation. 2 - Contributions technologiques L’intégration des outils technologiques dans l’innovation organisationnelle accentue les incertitudes et rend l’apprentissage déterminant pour l’organisation. Le système d’information entraîne des répercussions sur tout apprentissage de l’entreprise. Les travaux classiques consacrés aux entreprises apprenantes (Senge, 1990) révèlent que les capacités des 8 acteurs de l’entreprise sont définies par des aptitudes a priori obtenues par le travail mis en œuvre en milieu professionnel. Une distinction doit donc être opérée entre les savoirs tacites, qui se transmettent par l’imitation et l’expérience, et les savoirs explicites, qui relèvent de la connaissance car ils peuvent être codifiés et transmis directement. Il existe donc une dualité de savoirs qui intègre les processus émergents aboutissant à des usages différents, complémentaires ou contradictoires. L’apprentissage apparaît à la fois comme la transformation d’un ensemble de connaissances et l’ajustement du comportement organisationnel en réponse aux interactions entre les agents d’une organisation. L’apprentissage technologique est un processus fondé sur trois types de savoirs organisationnels. Tout d’abord, un ensemble de savoirs existants qu’il faut consolider (répétitions) par des boucles d’apprentissage (simple boucle ou double boucle) (Argyris, Schön, 1978), permettant d’opposer les théories d’action aux théories d’usages. Puis, un ensemble de savoirs dont il faut partager la représentation pour créer la connaissance organisationnelle conduisant vers un apprentissage continu dont les savoirs implicites sont incorporés aux savoirs explicites (Nonaka, Takeuchi, 1995). Enfin, un ensemble de savoirs qu’il faut interpréter, à la fois pour s’adapter et être adapté (Weick, 1995). Dans tous les cas, les organisations réduisent le caractère équivoque de l’environnement en sélectionnant les meilleures informations. Elles tentent de valider leurs explications avant de généraliser des voies d’amélioration. L’apprentissage technologique n’est compréhensif qu’en fonction des représentations créées par les logiques organisationnelles car la mise en œuvre des outils sur les processus gestion trouve parfois difficilement sa légitimité. Par ailleurs, le déploiement de nouveaux outils ne produit de l’efficacité que si l’organisation sait déclencher les modifications adaptées. Au demeurant, l’outil ne doit jamais être dissocié des acteurs. Les choix qu’ils opèrent induisent des comportements structurants. Un système d’information donne une indication des relations entre les connaissances et les comportements individuels et 9 collectifs. La multiplication des outils de gestion, au sens d'une formalisation de l'activité organisée, est une des caractéristiques des entreprises (Moisdon, 1989). Les travaux d’Orlikowski (2000) ont établi l’existence d’une interaction entre la technologie et les pratiques d’application de ces principes à l’apprentissage. Il nécessite d’examiner comment celui-ci favorise l’émergence de nouvelles structures puis comment les acteurs se les approprient. Plutôt que de partir des apports technologiques, on envisage les structures émergentes de l’entreprise qui s’inscrivent dans la pratique organisationnelle. Cette démarche de la pratique, inspirée de la Grounded Theory (Glaser, Strauss, 1967), présente l’avantage de relier l’apprentissage technologique à l’organisation (Poole, DeSanctis, 1990). En outre, la démarche de la structuration de Giddens (1984) permet de comprendre comment les technologies sont mises en place et progressivement intégrées dans les organisations. Même si les technologies ne peuvent avoir des impacts déterminés, leur apprentissage peut influencer l’organisation qui se transforme en fonction de l’utilisation des acteurs (Orlikowski, 2000). Pour une appréciation réaliste des expériences recensées, il faut se demander comment l’apprentissage des outils technologiques motivé par des besoins organisationnels peut devenir par la suite un nouvel enjeu stratégique. Notre démarche méthodologique privilégie ainsi les dimensions organisationnelles jusqu’à l’élaboration du cadre d’analyse. 3 - Dimensions organisationnelles Le cadre théorique de cette recherche doit permettre de concilier les influences mutuelles entre les phénomènes techniques et les phénomènes organisationnels. On s’appuie sur un échantillon de vingt-huit entreprises très diverses, autant par la taille que par les secteurs d’activité. Sélectionnées en fonction de leur représentativité (Thompson, 1967), elles interviennent dans les secteurs de l’assurance, de la banque, du bâtiment, de la construction 10 automobile, des télécommunications et du tourisme, respectant ainsi la diversité stratégique de groupes internationaux (Thomas, Venkatraman, 1988). La méthode suivie a été soumise à un contrôle de validité, autant externe qu’interne. La validité externe a permis de généraliser les résultats pour réduire au maximum la subjectivité, tout en confrontant les données à la littérature pour mieux comprendre la réalité sociale. La validité interne a rendu crédibles nos résultats au regard d’autres connaissances. Les entretiens ont permis des comparaisons sur le terrain, de rechercher des catégories, puis de formuler des propositions explicatives. Ils n’ont été que très peu modifiés afin de préserver au mieux le lien entre les données recueillies. L’analyse des entretiens débute par le codage en tenant compte des unités d’analyse, qui sont des indicateurs d’où émergent ensuite des propositions théoriques. Le recueil s’achève lorsque les responsables ont répondu à l’ensemble des situations possibles. Pendant ce travail, il ne faut pas cesser de penser qu’il va falloir ultérieurement lier des unités d’analyse à des catégories plus générales. En effet, l’analyse de contenu implique de diviser les discours en unités d’analyse pour créer un travail de catégorisation afin de définir un univers de référence du discours (Glaser, Strauss, 1967). Un tableau permet de faire figurer les unités d’analyse illustratives dans une première colonne (nom de l’entreprise, transcription d’un entretien), les codes-clés dans une deuxième colonne, puis les catégories sont analysées selon notre démarche heuristique dans la colonne suivante. Ce procédé assure l’intégration des catégories au modèle inductif de départ issu du regroupement des catégories centrales. Il aide à trouver le fil conducteur des variables en les reliant à la structure sociale tout en tenant compte des représentations des acteurs. Il est donc facile de comparer les réponses des entreprises afin d’isoler certains paramètres. Chaque code doit être court et mnémonique, faire référence à une unité illustrative Ainsi, « INT » se réfère au code Intégration et à la sous catégorie GLO (vision globale). 11 Unités d’analyse illustratives Intégration – Mise en oeuvre Entreprise industrielle1 : « Notre objectif était de diffuser sur l’ensemble de nos 70 000 salariés, l’esprit du groupe et la vision globale de nos clients. La mise en place d’un intranet est une première au sein du groupe et des bases techniques sur des familles de produits spécifiques sont apparues dans les différentes branches métiers. Reste désormais à convaincre les salariés à utiliser ce nouvel outil de travail ». Entreprise de transport aérien : « Le déploiement d’un nouveau parc informatique a été l’occasion de restructurer l’organisation et d’introduire progressivement les technologies pour favoriser l’acquisition de réflexes vers les nouveaux modes d’apprentissage, de permettre l’accès à un plus grand nombre à la culture inter/intranet. Il faut donc coopérer avec les salariés pour avoir la capacité d’organiser le travail collaboratif de l’information dans une stratégie globale d’entreprise. Sur Internet, on vend de la compétence dans une logique de projet ». Entreprise informatique : « En matière de gestion des ressources humaines, il s’agissait d’élaborer une véritable dynamique des schémas de carrière et de développer une politique permettant de favoriser la rétention des compétences critiques pour attirer de nouveaux collaborateurs. Un intranet mondial propose un espace personnel à tous les collaborateurs leur permettant de situer leurs compétences par rapport aux métiers qu’ils exercent, et offre une bourse d’emploi pour tous les métiers du groupe. Nous travaillons sur un marché où les compétences sont très vite périmées, il est primordial de disposer d’une vision globale des ressources humaines dont nous disposons, c’est pour nous une question de survie: piloter le potentiel compétences c’est piloter l’entreprise ». Entreprise d’énergie : « Le développement des nouvelles technologies nous a permis de développer les agences commerciales en ligne puis le développement du eprocurement s’inscrit dans la démarche Internet du groupe. Il faut réfléchir au lien entre l’organisation du travail, la mobilisation des hommes et l’intérêt de l’individu, qui est une vision globale de la ressource humaine dans l’entreprise ». Entreprise de transports : « L’apprentissage des outils technologiques résulte d’une décision stratégique au sein de l’organisation. C’est un outil de reconnaissance du capital de chaque salarié. Il change la manière de travailler. L’apprentissage des outils échappe encore souvent aux périmètres des expérimentations. La question du pilotage 1 Code s-clés Codage sélectif INT INT GLO Vision globale de l’organisation. Les entreprises supportent des équipements fortement flexibles grâce aux outils technologiques dont la collaboration des acteurs mobilise les compétences. en externe. Il s’agit de proposer un langage commun des différents métiers. INT GLO Vision globale de l’organisation. Dans tout projet, il est nécessaire de tenir compte des facteurs individuels liés aux mécanismes d’apprentissage, puis des facteurs techniques liés à la médiatisation, sans oublier les facteurs organisationnels. INTGLO Vision globale de l’organisation. La vision globale modifie l’allocation des ressources et donc l’organisation. De même, les résultats obtenus montrent la corrélation entre la prise de décision en matière de compétences technologiques et la gestion des ressources humaines dans l’organisation. INTBES Besoins exprimés. L’entreprise étendue se traduit par une grande collaboration et une meilleure gestion des connaissances. Les entreprises s’intéressent à l’optimisation de leurs relations avec leurs partenaires immédiats en partageant plus efficacement la connaissance. Besoins exprimés. L’outil informatique devient peu à peu un outil d’apprentissage, une condition de l’expérimentation de tout outil qui dépasse la conception traditionnelle de l’outil adapté au travail. INTBES Les diverses organisations citées font l’objet d’une présentation spécifique in 12 est posée, comme toujours en matière d’introduction des TIC ». Entreprise de cosmétologie : « Tout doit être mis en œuvre pour éviter le rejet. Pas seulement pour des raisons de coûts, car l’échec a un effet psychologique désastreux sur les salariés impliqués dans la mutation de leur entreprise. Pas question de répliquer la catastrophe des ERP, sans accompagnement. Dans les usines, c’est le responsable qui pilote l’intranet. Les outils technologiques ne peuvent constituer un terrain d’expériences, mais doivent s’insérer dans un projet à part entière. Il faut mener une stratégie de changement dans une logique d’équipe de projet ». Entreprise automobile : « L’apprentissage des outils technologiques favorise la diffusion de notre culture d'entreprise ou chacun a conscience du rôle qu’il apporte dans la construction du produit fini. Appartenir au groupe procure aux salariés un sentiment de fierté indéniable. Nous accordons une grande importance au pilotage des différents projets d’implantation. C'est, en effet, un élément déterminant à la motivation des salariés ». INTNEG Adaptation de l’intégration Le contexte dépend des capacités d’adaptation de l’organisation aux dimensions technologiques. Les outils sont parfois difficiles à déployer dans certains contextes organisationnels. L’intranet remet en cause les frontières entre l’information, la formation et la connaissance. Les échecs sont dus à des approches trop technologiques. INTNEG Adaptation de l’intégration. Dans le secteur automobile, l’intégration de l’entreprise étendue est l’occasion de partager un savoir-faire en utilisant les moyens mis en œuvre. L’organisation apparaît comme un ensemble de processus de gestion des différents projets d’implantation. Impact organisationnel IMP Banque : « Pour répondre à la volonté stratégique du secteur, nous avons impacté nos métiers dans les nouvelles technologies qui demandent des salariés mieux formés. Les résultats de cette volonté montrent que le traitement électronique des processus a un effet positif sur l’efficacité. De même, le coût moyen du traitement des actes par la procédure électronique a un effet positif sur l’efficience alors que dans le même temps, le coût moyen du traitement des actes par la procédure papier a un effet négatif sur cette efficience ». Entreprise de télécommunications : « Nous avons adopté de nouveaux outils pour optimiser les coûts. Plus les moyens technologiques sont utilisés pour améliorer le concept de notre organisation, plus l’accompagnement se renforce et obtient une qualité toujours meilleure. Nous avons été amenés à réorganiser le travail d’équipe pour que le salarié puisse avoir du temps disponible pour consulter un intranet, pour dénicher une information précise sur les conseils de son responsable et pour lui permettre de progresser dans le cadre effectif de son travail. Je suis tout à fait conscient que l’expérience que nous menons actuellement n’est pas transposable, à coût équivalent, dans une autre entreprise française. Nous avons découvert certains éléments progressivement, au fur et à mesure du déroulement de l’expérience. Les nouvelles technologies sont en train de modifier le travail de groupe depuis 3 ans ». Entreprise de télécommunications : « La mise en œuvre de notre outil d’expertise vise à transformer le responsable en véritable manager. Auparavant, il se comportait plus comme un porte-parole des salariés que comme un manager. Aujourd’hui, il devient le maillon principal et fondateur de la nouvelle organisation. Non seulement il doit jouer son rôle d’encadrement, il doit également répondre aux stratégies locales de la prise de décision tout en conservant la culture des unités dont il a la IMPCOM Compétences métiers. La décision correspond parfois à une démarche de rationalisation et révèle que les usages avancés sont souvent liés aux formes de travail mises en œuvre, plus qu’à l’outil lui-même. Les utilisateurs apprennent à travailler ensemble ; les outils ne sont qu’un support. IMPCOM Compétences métier. Le recours accru au marché et le développement de réseaux d’entreprises conduisent à des réductions inégales de coûts de coordination interne et externe. Il faut se méfier des affirmations qui prédisent que l’utilisation des TIC aura pour conséquence une augmentation de la taille des organisations ainsi que des études empiriques qui révèlent que l’utilisation des TIC réduit la taille des firmes. IMPPOU Relations de pouvoir. Les outils permettent des solutions intermédiaires de pouvoir. Un système expert réduit le coût d’acquisition des connaissances nécessaires, le salarié voit son domaine de compétence s’enrichir, le contrôle hiérarchique est facilité. Le coût de la connaissance du salarié est moins élevé, il peut ainsi 13 responsabilité dans la nouvelle organisation ». Banque : « Les TIC suscitent des changements lourds dans les modes de management. Il fallait associer dès le départ toutes les strates du management, les managers de managers, afin d’en faire de véritables sponsors pour aider nos équipes à intégrer les changements technologiques. Nous avons conçu un programme de formation destiné aux managers de managers pour leur expliquer les enjeux des nouvelles technologies de l’information, faire comprendre la stratégie Internet de l’entreprise, optimiser l’utilisation de l’intranet et en faire un véritable outil collaboratif ». Entreprise de cosmétique : « La problématique de notre groupe, c’est notre banque de connaissances indispensable car nous devons faire face à la concurrence. Plusieurs grands groupes convoitent notre place. Le succès du groupe vient en partie de sa croissance interne. Les multiples acquisitions au niveau international nous permettent d’être présent sur des segments prometteurs non encore occupés par le groupe (…) Nos résultats sont en hausse, cela vient de la maîtrise de notre système d’information grâce à l’automatisation de certains processus. Ce sont autant d’éléments qui procurent un avantage concurrentiel ». Banque : « Les situations de travail auxquelles ont dorénavant à faire face les salariés ont profondément évolué. Les salariés n’ont plus à réaliser des tâches codifiées à l’avance, mais à faire face à des demandes imprescriptibles. Au travers d’un intranet nous sommes en phase de déploiement pour relier tout le personnel (65 000 personnes). Outre le fait de pouvoir véhiculer l’information et de faciliter le knowledge management, on pourra modifier le management et la distribution de la connaissance ». …………………………………………………………… IMPPOU plus facilement faire appel à son supérieur pour résoudre un problème. Relations de pouvoir. Les TIC remettent en cause le contrôle hiérarchique. Les flux d’informations sont enregistrés et stockés ; ce qui permet de suivre le travail des équipes. Le système des relations internes permet des consensus locaux. IMPCON Gestion des connaissances. La performance technique modifie le cadre cognitif de l’apprentissage. Les entreprises insistent sur le caractère incertain des effets sur la configuration de travail, l’expérience des acteurs, car elles redoutent la grande diversité des utilisations. IMPCON Gestion des connaissances. Les méthodes d’apprentissage évoluent peu, ne profitent pas toujours des potentialités réelles des dispositifs. …….. ………………………………………… Tableau 3.1 – Exemples d’analyse de données. Selon la Grounded Theory, le codage commence par l’analyse des données, qui sont ensuite élargies en fonction des expériences des entreprises, devenues plus évidentes au fur et à mesure de la réalisation des entretiens. La méthode de comparaison des données s’effectue durant le codage à la fois ouvert, axial et sélectif. Le codage ouvert se rapproche le plus possible des notes prises. On regroupe les unités d’analyse retranscrites et les catégories sont progressivement établies selon une liste de code. Au cas où une catégorie regroupe plusieurs observations similaires, un code est donné à chaque catégorie. Le codage axial transforme les unités d’analyse en catégories. Il sert à repérer les régularités entre le contexte de l’environnement et les comportements d’adoption 14 pour faire émerger les interactions explicatives. Enfin, le codage sélectif analyse les relations entre les catégories et permet la présentation du cadre d’analyse. C’est lui qui met en évidence les éléments contextuels des problèmes de mise en œuvre, révèle les impacts organisationnels et stratégiques. Les relations entre les catégories et les éléments contextuels font apparaître les incertitudes dans la recherche d’un équilibre entre la flexibilité de l’organisation et la recherche d’un avantage concurrentiel. codage ouvert Codes codage sélectif Intégration des outils INT-GLO Vision globale de l’organisation. Expression des besoins Adaptation INT-BES INT-NEG Impact organisationnel IMP IMPCOM IMP-POU IMP-CON …………………… Catégories : codage axial Structure sociale Organisation Processus cognitifs. Connaissances Pratiques internes Pratique sociale ………… Compétences métiers. Relations de pouvoir. Gestion des connaissances ………………… Pratiques internes. Pratique sociale Structure sociale Organisation Processus cognitifs. Connaissances ………………….. Tableau 3.2 – Relations entre les catégories et les éléments contextuels. Les relations entre les catégories et les éléments contextuels conduisent à une typologie de comportements d’apprentissage liée aux effets contrastés des choix stratégiques sur le contexte organisationnel. La mise en évidence des relations est souvent l’occasion d’établir un diagnostic organisationnel entre l’environnement de l’organisation, les ressources internes et les outils technologiques (Romelaer, 2002). L’interaction des unités « intégration des outils technologiques » et « impact organisationnel » constitue un cadre d’analyse de l’apprentissage des outils technologiques, qui permet de schématiser une série de choix organisationnels produisant des adaptations spécifiques à l’apprentissage technologique. Dans tous les cas, l’appartenance sectorielle est peu significative résultant des apprentissages liés aux technologies adoptées. 15 4 - Cadre d’analyse Une comparaison des entreprises analysées permet de distinguer à titre heuristique, trois types d’approches en matière d’apprentissage technologique. Dans une première approche, les entreprises subissent des contraintes liées à leur dispersion géographique et tentent de l’emporter sur les concurrents. Elles espèrent optimiser leurs relations sociales en cherchant à réduire les coûts pour accroître leur capital intellectuel et le partager. Elles sont confrontées à de nombreuses contradictions. L’utilisation technologique a pour conséquence une augmentation de la taille des organisations alors qu’elle apparaît souvent comme un ensemble de processus de gestion dont la rentabilité est assurée par les partenaires immédiats. L’investissement technologique se révèle bénéfique dans les secteurs très exposés à la concurrence, généralement les plus informatisés et les mieux équipés en systèmes techniques. Les entreprises supportent des équipements fortement flexibles ; la collaboration des acteurs mobilise des compétences de l’environnement immédiat. La diffusion du capital intellectuel aisément accessible sur le lieu de travail devient un support de savoir et d’expertise pour les salariés, une aide à la mise en réseau de nouvelles capacités dans les pratiques managériales. Les outils permettent des solutions intermédiaires dans les relations de pouvoir. Le système des relations internes assure des consensus locaux. L’apprentissage technologique remet en cause le contrôle hiérarchique. Les flux d’informations sont enregistrés et stockés ; ce qui favorise le suivi du travail des équipes. Selon une deuxième approche, des entreprises se servent de l’apprentissage des outils pour accumuler des connaissances technologiques. Elles ont pris conscience des difficultés à déployer des outils dans certains contextes organisationnels. Les formations proposées au maniement de l’outil sont ponctuelles, afin de maîtriser progressivement les fonctionnalités permettant d’échapper aux rigidités technologiques. Ces entreprises internationales sont les moins informatisées et construisent elles-mêmes leurs apprentissages à partir des 16 représentations collectives. Elles partagent la connaissance avec leurs partenaires immédiats. La capitalisation des connaissances induit une grande diversité des utilisations, aux effets incertains sur la configuration de travail ou l’expérience des acteurs. Les méthodes d’apprentissage évoluent peu, ne profitent pas toujours des potentialités réelles des dispositifs. Enfin, dans une troisième approche, les pratiques sociales des entreprises révèlent des choix déterminants dans les comportements organisationnels. L’apprentissage des outils technologiques bouleverse les compétences internes. Les salariés négocient l’adoption des outils technologiques. Un décalage apparaît entre les outils technologiques et les besoins des différents utilisateurs. La négociation modifie le sens du travail, surtout si la multiplication des outils se traduit par un accroissement du travail administratif et du temps consacré à la gestion de l’information. La démarche de rationalisation révèle aussi les conflits à propos des compétences nécessaires dont les outils ne sont qu’un support. Dans les trois approches, l’apprentissage dépend de capacités d’adaptation parfois difficiles à déployer dans certains contextes organisationnels. Les dimensions organisationnelles se caractérisent par une variété de perspectives d’apprentissage liées à la structure sociale, à la gestion des connaissances et aux pratiques sociales modifiant le cadre cognitif de l’apprentissage en raison des formes particulières de technologies. Dimensions Structure sociale L’apprentissage dépend de la structure sociale Caractéristiques - Apprentissage décentralisé mais coût inégaux - Maîtrise des savoirs et compétences métiers - Flexibilité d’apprentissage - Accès global à l’information et bonne coordination - Expérimentation de l’environnement et capitalisation des meilleures pratiques Expérimentation : l’environnement sur Gestion des connaissances L’apprentissage permet l’accumulation des connaissances - Apprentissage par expérimentation - Compétences métiers, malgré les difficultés de déploiement - Connaissances librement accessible sur intranet - Capitalisation des représentations collectives - Outils technologiques bouleversant les relations internes. Capitalisation : Pratiques sociales L’apprentissage est soumis aux pratiques sociales - Apprentissage difficile dans un environnement élargi - Appropriation collective irréaliste au regard du potentiel technologique - Conflits sociaux importants liés aux réticences des salariés - Déséquilibre des moyens consacrés aux outils Adaptation 17 l’expérience Limites Apprentissage non lié à la stratégie interne peut entraîner des conflits au sein du groupe Les relations sociales construisent les outils. Apprentissage est largement informel difficile à déployer dans d’autres contextes La reproduction des situations de travail Apprentissage s’appuie sur une perception contraignante de l’environnement. Tableau 4.1 - Cadre muldimentionnel de l’apprentissage technologique. Un cadre d’analyse muldimentionnel nous permet d’opérationnaliser les trois comportements d’apprentissage en utilisant plusieurs sources d’évidences de l’environnement, mais aussi des ressources internes. Il s’agit toujours d’accompagner les transformations de l’organisation en modifiant les représentations collectives (exploitation) et les savoirs techniques de base (exploration). D’un outil d’investigation de l’organisation résulte un processus managérial. L’entreprise situe son environnement et reproduit les situations de travail en fonction des relations sociales. En interne, l’interdépendance des logiques d’action propres et de leurs finalités résulte de la coordination des trois approches. La typologie organisationnelle résulte-t-elle de l’intégration des outils ou de leur impact sur l’organisation ? Pour répondre à cette question, nous avons recherché des variables explicatives à notre cadre multidimentionnel en s’appuyant sur l’analyse des premiers entretiens relatifs à l’intégration des outils et à l’impact sur l’organisation. On peut considérer que l’outil est devenu progressivement un mode d’apprentissage organisationnel, un lieu de capitalisation de l’expérience indispensable à la gestion des connaissances. Si l’on se demande quelles sont les dimensions organisationnelles qui facilitent l’apprentissage technologique, il faut bien reconnaître qu’est davantage en jeu la satisfaction de nouveaux enjeux organisationnels que l’apprentissage des fonctionnalités techniques. Reprenons donc notre schéma d’apprentissage : 1 – Expérimentation : la structure organisationnelle est dynamique et coordonne les éléments susceptibles de favoriser l’apprentissage organisationnel. Une structure flexible 18 encourage l’expérience des individus. Les structures organisationnelles doivent promouvoir l’environnement, l’expérimentation constitue une dimension nécessaire à l’apprentissage technologique. La compréhension du contexte interne est indispensable. 2 – Capitalisation : les relations sociales recouvrent les échanges individuels dans l’organisation. La dimension sociale joue un rôle essentiel dans le développement de l’apprentissage organisationnel. L’entreprise doit construire les échanges et véhicule les pratiques sociales tout en favorisant la mise en cohérence des connaissances. Ce sont les acteurs qui imposent la technologie et contribuent à l’utilisation émergente de la technologie. Les structures de l’organisation se constituent selon un apprentissage largement informel qui peut être difficile à déployer dans d’autres contextes. 3 – Adaptation : une nouvelle technologie n’implique pas nécessairement l’émergence d’une nouvelle forme organisationnelle. Les pratiques sociales font référence au difficile processus d’adoption des technologiques. L’apprentissage s’appuie sur une perception contraignante de l’environnement qui standardise les situations de travail. Dans les trois contextes, bien que les changements organisationnels, techniques et sociaux soient interdépendants, les entreprises ne les envisagent que rarement simultanément. Il faut donc privilégier une approche qui se situe proche de l’individu et de l’organisation afin d’envisager la discussion des leviers managériaux qui en découlent. 5 - Discussion L’apprentissage des outils suscite des interrogations sur l’impact organisationnel et sur l’intégration des outils. Même si l’on constate aujourd’hui, après les premières euphories, une attitude réservée des organisations envers les outils technologiques, il n’en est pas moins indispensable de tenir compte des compétences clés, et non de partir du seul avantage technologique (Nonaka, Takeuchi, 1995). Rares sont les entreprises qui ne considèrent pas leur capital humain comme une clé de leur réussite. Au-delà de la mobilisation des acteurs, 19 d’autres facteurs conditionnent aussi l’apprentissage des outils technologiques : la structure organisationnelle, les pratiques sociales, l’expérience des acteurs, le processus de gestion des connaissances et l’infrastructure technologique. Au reste, le déploiement des technologies est parfois progressif, notamment dans les organisations qui ont associé les salariés aux modifications professionnelles. Les pratiques sociales guident l’adoption de nouveaux outils. Dans certaines entreprises, des résultats contrastés de pratiques managériales finalisées ou progressivement déployées révèlent une diversité d’apprentissage technologique. L’intégration des ressources techniques, humaines et cognitives dans une stratégie globale nécessite un ensemble d’ajustements continuels. La contribution technologique à l’innovation organisationnelle doit adapter les différents contextes d’usage. Ainsi, certaines entreprises, qui investissent faiblement dans un outil approprié, obtiennent parfois des utilisations locales parfaitement satisfaisantes. D’autres, au contraire, malgré des plateformes coûteuses connaissent parfois des mises en œuvre peu performantes. On observe souvent davantage un empilement d’outils qu’une intégration réfléchie et maîtrisée. Les dysfonctionnements dans l’usage de formes de technologies peuvent se traduire par un détournement de fonctionnalités offertes par l’outil, autrement dit, l’élaboration d’une autre application. Il peut être ainsi constaté un usage minimum ou une résistance à l’utilisation qui peut conduire à terme à un manque de fiabilité du système. C’est un peu comme les rêves de convergence des équipements électroniques : les échecs prouvent le manque d’intérêt pour des outils complexes, peu souples et qui n’apportent qu’un service supplémentaire très relatif. Ainsi, on constate que les outils fonctionnent selon un principe contradictoire : ils cherchent à rendre la vie plus facile en la complexifiant. Dans certains cas, les salariés préfèrent des solutions éprouvées plutôt que de s’en tenir à des solutions difficiles à mettre en place, bien que plus puissantes. 20 Dès lors, avant de chercher à évaluer l’apprentissage des outils technologiques, il est indispensable de comprendre son impact dans l’organisation. L’implantation de nouveaux outils donne une cohérence aux besoins opérationnels, mais devient par la suite un nouvel enjeu stratégique dans les choix organisationnels et conduit toujours à s’interroger sur la cohérence organisationnelle. Si les entreprises soulignent l’importance de l’incertitude, l’apprentissage dépend autant de la flexibilité d’intégration que de l’impact organisationnel dans le cadre d’une stratégie internationale. Beaucoup de difficultés encore rencontrées en matière d’apprentissage s’expliquent par le morcellement des approches et l’absence de vision globale. A l’évidence, se focaliser sur la dimension technologique est souvent une erreur. Dans ce contexte, nos trois approches organisationnelles révèlent largement les différentes incertitudes devant être prises en compte par toute entreprise. Lorsque les outils sont utilisés dans une logique intégrative, leur utilisation aide à maîtriser les contraintes technologiques, mais elle améliore assez peu la performance d’ensemble. Si l’impact organisationnel apparaît central dans les contraintes technologiques, le déploiement des outils peut être difficile s’il n’est pas le résultat d’une réflexion stratégique. Il en ressort que c’est plutôt l’alignement stratégique qui permet d’identifier les caractéristiques technologiques nécessaires aux entreprises pour donner des repères d’apprentissage à l’ensemble des acteurs. Au demeurant, bien que les liens entre l’apprentissage technologique et l’innovation organisationnelle soient peu explicites, seul un changement des processus valorise l’apprentissage technologique, qui apparaît à la fois comme une ressource et une contrainte pour le travail des salariés. L’intégration des outils technologiques n’est pas indépendante de l’organisation. Nos trois approches organisationnelles, à but heuristique, ne suffisent pas à rendre compte de toutes les situations. Notre cadre d’analyse appréhende globalement la variété des fonctionnalités technologiques pour en préciser les apports théoriques et managériaux. Trois 21 leviers d’action soutiennent l’apprentissage technologique dans les organisations : expérimentation, capitalisation et adaptation qui dépend de la flexibilité d’intégration, de l’impact organisationnel en cohérence avec la stratégie internationale. Le caractère multidimentionnel de l’apprentissage reflète les dimensions sociales de la technologie. Il conviendrait de prolonger la recherche par une étude longitudinale auprès de grandes entreprises. L’émergence de pratiques sociales serait la variable dépendante à considérer selon une diversité de structures organisationnelles suggérées par l’apprentissage technologique. Par ailleurs, une typologie technologique permettrait d’analyser l’influence des outils sur l’organisation afin d’examiner comment l’organisation subit des modifications dues aux caractéristiques des outils sur le processus d’apprentissage. On peut dire que l’apprentissage technologique est étroitement lié au contexte organisationnel fortement dépendant de l’expérience des acteurs. A ce titre, une approche pragmatique de l’organisation peut entraîner un apprentissage défavorable des outils technologiques, qui réside toujours dans la satisfaction de nouveaux enjeux stratégiques. L’approche opérationnelle présente l’adaptation de l’organisation aux diverses fonctionnalités techniques, ce qui risque souvent d’aboutir à des échecs dans l’apprentissage. Seule l’approche cognitive inscrit durablement les formes organisationnelles dans des pratiques technologiques. Si de nombreux discours tendent à simplifier les relations entre technologie et organisations, le compromis managérial n’a qu’un faible pouvoir explicatif, qui s’accommode mal de la complexité des phénomènes d’usage. Aussi, notre contribution révèle que l’apprentissage est de moins en moins simplement lié aux technologies présentes dans l’organisation. Chaque outil est porteur aujourd’hui d’une perspective sociale sans parvenir à dissiper toutes les incertitudes qui dépendent largement des capacités des entreprises à mettre en commun leurs connaissances selon des modalités différentes de réception des outils. 22 RÉFÉRENCES. Argyris, C., Schön, D. 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