De l`apprentissage technologique à l`innovation organisationnelle

De l’apprentissage technologique à l’innovation
organisationnelle de grandes entreprises :
proposition d’un cadre d’analyse.
Résumé
L’apprentissage des outils technologiques par les organisations est l’objet de
nombreuses critiques. Des pratiques contradictoires au sein des groupes internationaux ne
favorisent pas la cohérence décisionnelle en la matière. Il faut donc se demander si
l’apprentissage des outils technologiques favorise l’innovation organisationnelle ? Quel
processus organisationnel permet l’apprentissage technologique ? Ces questions s’inscrivent
dans la perspective de la pratique sociale qui se développe en système d’information. Une
démarche inductive, Grounded Theory, est appliquée aux entretiens réalisés. Un cadre
d’analyse identifie trois logiques organisationnelles fondées sur une diversité d’apprentissage
technologique. L’apprentissage des outils technologiques dépend davantage de l’expérience
des acteurs que du contexte organisationnel.
Mots clés: apprentissage technologique, innovation organisationnelle, cohérence, alignement
stratégique, Grounded Theory.
Abstract
The technological training is strongly criticised. Contradictory practices within the
international groups do not support decisional coherence on the matter. It thus should be
wondered whether the training of the technological tools supports the organisational
innovation? Which organisational process allows the technological training? These questions
fall under the prospect for the social practice which emerges in information system. An
inductive step led according to general principles of Grounded Theory is applied to the talks
carried out. Our step identifies three organisational logics founded on a technological
diversity of training. A framework of analysis helps to understand that the strategy of training
of the technological tools is strongly dependent on the experiment of the actors connected to
the organisational context.
Key-words: training, tools technological, organisational strategy, coherence, strategic
alignment. Grounded Theory.
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Les outils technologiques sont au centre des préoccupations de la recherche en
sciences de gestion car ils remettent en cause les processus organisationnels qui font
progresser les pratiques gestionnaires (Gilbert, 1998). Dès lors que l’environnement
technologique pousse l’entreprise à transformer ses propres outils, à en adopter de nouveaux,
toute décision les concernant devient difficile à imaginer, la modélisation approximative. Tout
comportement d’apprentissage lors de l’adoption de l’outil modifie les relations de
l’entreprise avec son environnement.
L’innovation organisationnelle est une interrogation récurrente dans la recherche en
système d’information. Si l’on admet que l’apprentissage est déterminant pour l’organisation
(Moisdon, 1997), aucune entreprise ne peut se passer d’évaluer sa performance, de mesurer sa
rentabilité. Selon le niveau d’analyse retenu, les études menées aboutissent à des résultats
souvent contradictoires. C’est généralement suffisant pour vérifier l’atteinte d’objectifs
(efficacité) parce que les outils sont doublement construits (construction délibérée et
appropriation) et que les indicateurs sont propres à chaque organisation, compte tenu de leur
schéma organisationnel et des objectifs stratégiques adoptés (Reix, 2005). Mais c’est
insuffisant pour établir une forte cohérence organisationnelle résultant d’un compromis
managérial entre des contributions théoriques et des perspectives pratiques (Limayem et al.
1997).
Dans la mesure l’innovation de l’organisation ne permet pas d’emblée la
transformation d’une contribution technologique en un apprentissage organisationnel, il est
nécessaire d’établir le lien entre les relations technologiques, sociales et organisationnelles
(DeSanctis, Poole, 1994), seul moyen de déterminer si l’innovation organisationnelle dépend
largement ou non des conditions d’utilisation des technologies par les acteurs (Orlikowski,
2000). L’environnement organisationnel peut être lui-même structurant sous l’influence des
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interactions qu’il entretient avec les acteurs (Orlikowski, 1992). Même si dans tous les cas,
l’apprentissage technologique structure l’organisation, il faut également prendre en compte les
effets des pratiques professionnelles sur la gestion des connaissances. Les entreprises qui
investissent dans les ressources technologiques réorganisent des processus de management,
qui dépendent autant de la flexibilité d’intégration que de l’impact organisationnel, en
cohérence avec la stratégie internationale (Reix, 2004).
Sur toutes ces questions, des affirmations contradictoires ont été avancées par des
chercheurs, des consultants ou des managers. Bien que le rôle des technologies apparaisse
généralement déterminant, il est toujours difficile d’en évaluer l’effet : « les mêmes outils
conduisent à des résultats extrêmement variables selon les contextes d’utilisation » (Gilbert,
2002). Aussi, ne faut-il pas céder à la description normative du changement, mais retenir une
approche non fonctionnaliste (Simon, 1947) susceptible de prendre en compte les nouvelles
perspectives d’apprentissage, sans minimiser l’organisation. Dès lors que les salariés
apprennent collectivement lors de situations réelles, dont le sens s’inscrit dans un contexte
d’utilisation (Barley, 1986), l’innovation organisationnelle dans l’étude de l’apprentissage
technologique est devenue une perspective récurrente de la recherche en système
d’informations.
Il convient de se demander si l’apprentissage des outils technologiques encourage de
nouvelles logiques organisationnelles ou si, au contraire, les outils favorisent le
fonctionnement collectif de l’usage technologique ? Pour répondre à cette question, plutôt que
de partir des formes particulières de technologies, nous examinerons les interactions qui
émergent lors de l’apprentissage technologique. Cette approche n’est pas toujours évidente
dès lors que les variables de contexte ont une valeur explicative dans les effets
d’apprentissage. On retiendra donc une méthode inspirée de la réalité sociale, la théorie
enracinée de la Grounded Theory (Glaser, Strauss, 1967), pour appréhender de quelle manière
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le contexte organisationnel affecte l’utilisation de l’outil et dans quelle mesure un outil
d’apprentissage caractérise une organisation. Lobjet de cette recherche consiste donc à
identifier les logiques organisationnelles permettant l’apprentissage technologique. La
contribution théorique repose sur une réflexion sur l’innovation organisationnelle, qui dépend
autant de la flexibilité d’intégration que de l’impact organisationnel dans une perspective de
stratégie internationale.
Le caractère multidimensionnel de l’apprentissage technologique est l’objet de
nombreux débats (1). Les contributions technologiques établissent une interaction avec les
pratiques sociales, ouvrant ainsi d’autres perspectives que les recherches causales (2). Une
série d’entretiens menée auprès de plusieurs entreprises internationales, selon une
méthodologie inductive permet de repèrer les composantes majeures des dimensions
organisationnelles (3). Puis, une typologie organisationnelle fondée sur les dimensions de
l’apprentissage technologique aboutit à l’élaboration d’un cadre d’analyse heuristique (4). In
fine, au-delà de l’approche sociale de l’apprentissage technologique, les formes
organisationnelles sont discutées au regard de futures pistes de recherches (5).
1- Débats
Les mutations de l’environnement concurrentiel modifient sensiblement les stratégies
d’apprentissage des entreprises internationales, qui ne peuvent se dispenser d’apprécier les
coûts induits par le moindre changement technologique, au risque d’apparaître moins
performantes. Valorisées par les consultants, les nouvelles technologies de l’information et de
la communication créent une pression considérable sur les organisations, qui cherchent à
obtenir par elles un avantage concurrentiel. Ne pas investir dans la technologie du moment
fait craindre de perdre des marchés, pousse souvent à imiter le comportement dominant de son
secteur d’activité.
5
Les entreprises internationales ont pris conscience de la nature stratégique de leurs
actifs immatériels (Bounfour, 1998 ; Cadiou, 1999). Elles ont modifié leurs comportements de
gestion au point de valoriser exclusivement le recours intensif aux technologies. L’analyse des
résultats obtenus a très vite montré qu’une forte implication de l’équipe dirigeante et des
salariés permettait de dépasser les critiques, les relevés d’insuffisances. Les processus
d’apprentissage sont apparus autant liés à l’organisation qu’aux pratiques technologiques
(Boudreau, Robey, 2005). D’une certaine manière, l’outil dépend de la motivation de chaque
salarié, de ses connaissances, de son expérimentation qui « transcende l’apprentissage
organisationnel » (Reix, 2005). Bien sûr, il ne peut s’agir de miser sur le tout technologique,
de se conformer aux pratiques des organisations concurrentes en raison du caractère
stratégique couramment attribué aux connaissances. L’aspect humain est aussi fondamental
que l’usage technologique. L’appréciation des coûts humains pour partager les connaissances
dépend largement du niveau de formation et permet de se singulariser bien davantage des
entreprises concurrentes que par l’innovation technologique.
Dès lors qu’un mode d’apprentissage s’appuie sur les ressources technologiques, il est
nécessaire lors de la mise à disposition des outils que les salariés puissent maîtriser les
fonctionnalités. On a pu en déduire que le temps d’apprentissage évoluait selon les limites
d’un « propre espace-temps subjectif, dont la dilatation dépendrait de son niveau de tolérance
à l’incertitude (….) La distance subjective entre ses éléments constitutifs (idées,
connaissances, opinions, objets, produits) serait de fait restreint, en raison d’un fort besoin de
sécurité, de familiarité et une aversion de la nouveauté [porteuse] de changement,
d’ambiguïté, de complexité » (Urien, 2001). Mais, en réalité, chaque salarié se fait une
représentation spécifique de son espace de travail. L’apprentissage organisationnel est fondé
sur les connaissances difficiles à copier car pour parvenir à créer de la valeur les compétences
clés ne doivent pas être imitables (Charreaux, 1998). Les ressources dans un environnement
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