Impacts Et Influences Sur Le Processus D`innovation

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Les autres paradigmes organisationnels de la gestion des connaissances :
impacts et influences sur le processus d’innovation
Les Autres Paradigmes Organisationnels
De La Gestion Des Connaissances :
Impacts Et Influences Sur Le Processus D’innovation
Salima Boutelitane
UNI MAIL – Dépt HEC
Genève 4 -SUISSE
Mots clés : Processus d’innovation,
organisationnel, TIC, culture.
gestion
des
connaissances,
apprentissage
La littérature renferme à ce jour plusieurs concepts s’articulant autour et ayant une
influence sur le processus d’innovation. De ce fait l’identification et la compréhension de
ces concepts permettront d’en mesurer les conséquences.
Afin d’approfondir les liens existants entre la gestion des connaissances et le processus
d’innovation, il est important d’assimiler et de comprendre les facteurs en relation avec la
gestion des connaissances pouvant influencer le processus d’innovation.
Ce texte vise à mettre en lumière, à travers la littérature en science de gestion et plus
précisément celle du management de l’innovation, les relations établies entre ces différents
facteurs et leurs influences sur le processus d’innovation.
A partir d’une revue de la littérature, la partie 1 se propose de passer en revue les domaines
influençant le processus d’innovation et ayant un lien avec de la gestion des connaissances.
Ce document se propose de mettre en lumière quatre composants susceptibles d’altérer le
processus d’innovation :
Section 1 : la culture organisationnelle
Section 2 : les Technologies de l’Information et de la Communication (T.I.C.)
Section 3 : l’apprentissage organisationnel
La partie 2 se veut d’être une représentation du modèle théorique reprenant les différents
concepts identifiés dans la littérature.
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1. Concepts organisationnels de la gestion des connaissances pour l’amélioration
du processus d’innovation
Cette section procédera à un examen des différents concepts qui liés à la pensée de la
gestion des connaissances. Il est intéressant d’approfondir cette notion de gestion des
connaissances pour l’amélioration du processus d’innovation, dans une perspective
organisationnelle et de mettre en évidence les liens établis grâce à une revue de la
littérature.
Afin d’étudier les liens entre la gestion des connaissances et le processus d’innovation,
différentes notions liés à la gestion des connaissances sont identifiées afin de proposer un
cadre théorique organisationnel pouvant influencer le processus d’innovation.
1.1. La dimension culturelle pour l’organisation
Durant ces dernières années la culture organisationnelle a pris une certaine ampleur dans
les entreprises. Afin de renforcer leur cohésion sociale pour l’amélioration des
performances et notamment en terme d’innovation, les organisations doivent promouvoir
et instaurer une culture dite « forte ». D’après Martins et Terblanche (2003, P.64) « la
culture organisationnelle semble avoir une influence sur le degré de stimulation de la
créativité et de l’innovation »1. Il semblerait également que les éléments de base de la
culture organisationnelle, à savoir les valeurs partagées, les croyances et les
comportements des individus d’une organisation influencent la créativité et l’innovation
notamment par la socialisation. Le réseau de relations sociales reste une ressource très
importante pour l’individu. En effet, par le biais de la socialisation l’individu crée de
nouvelles aptitudes à échanger, à communiquer et à partager autour d’un sujet.
La culture organisationnelle affecte l’ampleur avec lesquelles les solutions créatives sont
encouragées, supportées et mise en oeuvre. Martins et Terblanche (2003, P.67) explique la
relation entre culture organisationnelle, créativité et l’innovation comme : « Certaines
circonstances environnementales peuvent être associées à la culture organisationnelle
supportant la créativité et l’innovation comme » :
-
l’environnement extérieur (l’économie, la compétitivité…)
-
les valeurs et les croyances des dirigeants (l’échange d’information, le recours aux
questions libres….)
-
la structure organisationnelle (flexibilité, décentralisation…)
Traduction : “Organisational culture appears to have an influence on the degree to which creativity and
innovation are stimulated in an organisation”.
1
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impacts et influences sur le processus d’innovation
-
la technologie, incluant les savoirs individuels et la disponibilité du matériel
(ordinateur, accès internet…)
Brand (1998), note que l’innovation ne peut pas être l’affaire d’une ou de deux personnes,
elle doit permettre à toute l’organisation et tous les départements de s’y impliquer. Il s’agit
de créer une culture organisationnelle forte qui va permettre aux individus de s’engager
pleinement dans cette optique de partage et d’échange d’expériences et de connaissances
qui vont permettre d’améliorer le processus d’innovation. Cette culture de partage va ainsi
faciliter la création de nouvelles connaissances qui devraient contribuer à l’amélioration du
processus d’innovation.
Il est à rappeler que les éléments qui supportent la culture pouvant influencer le processus
d’innovation peuvent être de sources internes ou externes à l’organisation. Cependant,
l’objectif de ce papier est l’identification des éléments internes. Le premier but recherché
est d’améliorer le processus d’innovation organisationnel par le biais d’éléments propres
au sein d’une même structure. Par conséquent, l’approche adoptée est de souligner le fait
que l’amélioration du processus d’innovation est fondée sur l’importance et l’étendue des
connaissances détenues par les individus d’une structure donnée.
Les éléments qui peuvent influencer la culture organisationnelle et qui supportent la
créativité et l’innovation, sont les valeurs tels que la flexibilité, la liberté d’expression, le
soutien, la tolérance des erreurs, l’esprit d’initiative, l’interaction intensive, ou encore la
coopération entre les équipes.
A l’inverse, les valeurs entraînant la gêne du processus d’innovation sont la rigidité, le surcontrôle, la prévision, les ordres (structures hiérarchiques). Toutefois, il est important de
trouver un consensus entre une trop grande liberté et une trop grande rigueur. Ce débat très
controversé des chercheurs (Carrier & Garand 1996 ; Oldham & Cummings, 1996)
pourrait donner lieu à une étude empirique afin de comprendre les mécanismes qui
s’opèrent dans de telles circonstances.
D’après la littérature en management, il existe des mécanismes de soutien à ces tâches de
création d’idées qui aboutiront sur des innovations. L’utilisation des (T.I.C.) Technologies
de l’Information et de la Communication pour le partage et la diffusion de connaissances,
une culture basée sur l’apprentissage et l’échange d’idées sont autant de critères qui
pourraient aider les individus dans l’amélioration du processus d’innovation.
La capacité à produire de nouvelles idées qui pourraient aboutir à une innovation devient
étroitement liée au contexte de l'organisation (sa structure et sa culture). Il faut noter qu’il
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existe un certain nombre d’éléments prépondérants au développement de la culture
organisationnelle. Selon (Harkema and Browaeys 2003), le principe de dialogue et de
l’interaction entre les individus joue un rôle important dans le processus de développement
de la culture organisationnelle. C’est également par le dialogue que les différentes formes
de connaissances se développent et qu’elles se transforment. De la connaissance tacite, elle
devient explicite, c’est que Nonaka appelle le concept de « la socialisation ». Le fait de
dialoguer crée la possibilité que les individus puissent partager leurs idées et d’apprendre
les uns des autres. Il faut néanmoins noter que ce dialogue doit avoir lieu dans une culture
de franchise et d’autorégulation afin de favoriser une culture de création d’idées qui se
concrétiserons par une innovation.
1.2. La dimension temps comme facteur d’innovation
Shattow (1996) explique qu’une organisation doit laisser du temps à ses employés pour
créer et expérimenter ses idées. Aujourd’hui les organisations commencent à prendre
conscience qu’il faut accorder du temps aux employés pour la création d’idées, c’est le cas
de 3M qui laisse environs 15% du temps à ses employés dans l’investigation et
l’expérimentation d’idées nouvelles. En effet, les individus ne doivent pas être
constamment submergés par leurs tâches quotidiennes, il doivent pouvoir avoir du temps
rechercher, tester et mettre en œuvre leurs idées.
1.3. La tolérance des erreurs : une condition essentiel à la création d’idées
Il existe également des comportements qui encouragent les individus dans le processus
d’innovation. La tolérance des erreurs est un élément essentiel de la culture
organisationnelle qui promeut la création d’idée et l’innovation. Certain auteurs (Arad et
al, 1997; Lock & Kirkpatrick, 1995; Samaha, 1996) indiquent que les cultures
organisationnelles qui soutiennent une orientation continue de l’apprentissage doivent
pouvoir encourager la créativité et l’innovation. En se concentrant sur les investigations,
encourageant les membres d’une organisation à communiquer entre eux. En maintenant les
connaissances à jour, grâce à un apprentissage de connaissances créatrices, une culture
d’apprentissage peut être créée et maintenue.
En revanche, une culture dans laquelle une politique de management basée sur le surcontrôle est appliquée gênera en conséquence la création d’idées nouvelles et par
conséquent l’amélioration du processus d’innovation (Judge et al., 1997). La création
d’une atmosphère dans laquelle les erreurs sont acceptées comme la prise d’initiative,
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considérant les erreurs comme des expériences d’apprentissage sont aussi de conditions
favorables à l’amélioration du processus d’innovation.
Pour créer un environnement propice à l’amélioration du processus d’innovation, les
organisations doivent opter pour une approche système ouverte. Les modèles d’interactions
entre les individus, les rôles, les technologies représentent un environnement très
complexe. Sous ces circonstances le processus d’innovation peut être influencé par
diverses variables.
Comme évoqué dans le paragraphe précédent le rôle des technologies de l’information et
de la communication reste complexe. Aussi, le point suivant cherche-t-il à montrer
l’importance de ces dernières pour l’amélioration du processus d’innovation.
2. Les Technologies de l’Information et de la Communication (T.I.C.)
Cette partie a pour objectif d’identifier les rapports entre les Technologies de l’information
et de la Communication (T.I.C.) et le processus d’innovation dans les organisations. Il est
question de démontrer dans quelle mesure ces technologies peuvent soutenir ce processus
d’innovation et pourquoi celles-ci peuvent être considérées comme un enjeu stratégique
pour les organisations.
La majorité des travaux en gestion des connaissances tendent à affirmer que l’utilisation
des T.I.C. comme les intranets, les bases de données, les data mining software ou
groupware, peuvent être une manière efficace de gérer les ressources de la connaissances et
de la création de connaissances (Boisot & al., 1999 ; Scarbrough & al 1999 ; Robertson &
al., 2000 ; Ducau 2002). Ainsi, D’après (Bresnham, 1997 ; Khalil, 1996), les organisations
dans lesquelles l’utilisation des T.I.C. fait partie de la culture pour communiquer et
échanger des idées augmente la chance de créativité et d’innovation.
Par conséquent, il est intéressant de comprendre dans quelles mesures ces outils peuvent
venir en aide à l’amélioration du processus d’innovation et quels sont les avantages pour
les individus qui oeuvrent dans les tâches d’innovation.
Aujourd’hui les T.I.C. peuvent être perçues comme des outils de modélisation. Elles
permettent de construire une représentation de l’objet. Aussi, est-il à rappeler l’importance
de ces outils en terme de mémoire de processus. Elles permettent de garder une
représentation de chemin parcouru mais également de pouvoir revenir en arrière si les
modifications ultérieures ne s’avéraient pas satisfaisantes, tandis que sur un prototype
physique la plupart des modifications sont irréversibles (Ducau, 2002).
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D’après Cormican et O’Sullivan (2003, P7), « les outils peuvent faciliter le processus de
production, de structuration et de partage de la connaissance par l'utilisation de la
technologie de l'information »2. Le développement de l'innovation basée sur la
connaissance exige la capacité de mettre en application les outils techniques et apparentés
(Lengrand and Chatrie, 1999). Les outils techniques réfèrent à l’acquisition et à
l’utilisation des T.I.C. Ces outils techniques ne créent pas d’avantage compétitif car ils sont
aisément disponibles à d’autres concurrents. Cependant, ils permettent d’améliorer une
communication active et rapide, le partage, la diffusion et le stockage des connaissances
organisationnelles. Johannessen et al., (2001) expliquent que le rôle des technologies de
l’information et de la communication est d'augmenter la disponibilité et la vitesse
d'information.
Pour les individus de l’organisation, les T.I.C. peuvent également servir d’outils de soutien
à l’apprentissage et à l’amélioration de la communication et tendront à soutenir les réseaux
de l’entreprise. Ducau (1992), explique que les T.I.C. peuvent être perçues comme des
outils de modélisation (au sens de la modélisation de J.L. Lemoigne, 1990), elles
permettent de faire des représentations d’objets. Ceci est d’autant plus intéressant que
parfois il est beaucoup plus facile et rapide d’expliquer une idée par une image, car cette
dernière à une forte influence sur notre capacité de représentation. Il s’agit de la conception
de Simon (1997), dont l’expression est la suivante : « une image vaut (parfois) 10.000
mots ».
L’utilisation des technologies est également importante car elle permet de représenter et
codifier la connaissance qui peut être mise à disposition sous différentes formes afin que
les individus puissent y accéder, l’utiliser, la transformer… Ainsi l’utilisation des outils de
collaboration et d’apprentissage à distance permettent aux individus d’une même
organisation de collaborer éliminant ainsi barrières structurelles et géographiques qui
pouvaient empêcher jusque là de telles interactions.
Comme cela a été argumenté dans les paragraphes précédents, l’utilisation des T.I.C. peut
faciliter
la
communication
interpersonnelle,
la
collaboration,
la
co-ordination,
l’automatisation des processus mais surtout la création d’une mémoire de groupe, un
élément crucial dans l’amélioration du processus d’innovation. C’est le cas de la société
Traduction : “Tools can facilitate the process of generating, structuring and sharing knowledge through the
use of information technology, P 7.
2
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impacts et influences sur le processus d’innovation
Teisseire3, implantée dans la région grenobloise, cette société spécialisée dans la création
de sirops aux saveurs de fruits s’appuie sur les formules d’arômes du passé pour concevoir
ses futurs produits. Les outils groupware utilisés permettent de stocker des formules qui
ont été développées. Il arrive très régulièrement aux membres de cette organisation de
reprendre leur base de connaissances pour se rappeler des formules passées afin de
concevoir des formules nouvelles. Cette méthode de travail présente de ombreux
avantages. En effet, d’une part cela permet de ne pas avoir à perdre de temps sur des
formules existantes, d’autre part, cela permet de s’appuyer sur une base de départ pour
concevoir des produits novateurs.
Le partage de connaissance est un élément vital et basic pour l’amélioration du processus
d’innovation. Une communication accrue entre les individus augmente la capacité de
production de l’information et de partage des connaissances (Cormican and O’Sullivan
2003). La communication permet de transporter et transmettre des informations entre les
individus. L’objectif de ces outils de communication n’est pas de gérer la connaissance en
elle-même mais de faciliter l’automatisation et l’implémentation des éléments dans le
processus de connaissance.
2.1. Le rôle des technologies de l’information et de la communication (T.I.C) pour
l’innovation
Indépendamment du concept de la gestion des connaissances, c’est par le biais des T.I.C.
qu’une utilisation collective des connaissances peut avoir lieu. En effet, les T.I.C.
permettent de partager, diffuser et surtout stocker des connaissances. Toutes ces
connaissances mises à jour deviennent un véritable moteur pour l’innovation. En effet, il
est postulé que toute innovation se veut être à base de connaissance. De plus, les
technologies permettent d’effectuer un certain nombres de tâches qui ne sauraient être à la
portée d’un être humain ordinaire. En effet, comme évoqué dans les paragraphes ci-dessus
le rôle des outils groupware, les bases de données sont autant d’outils qui permettent aux
individus de progresser de façon pertinente dans leurs tâches d’innovation.
D’après Cormican & O’Sullivan (2003, P.3), ces technologies peuvent avoir un impact
significatif sur les innovations de produits, plus spécifiquement sur :
- l’automatisation des tâches répétitives,
D’après un entretien exploratoire avec Michel Collon, Directeur Générale de la société Teisseire, Grenoble,
Octobre 2004.
3
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- la gestion d’une grande quantité d’information,
- l’exécution des transactions sécurisées,
- le renforcement l’exécution des politiques, des règles ou des méthodologies de
fonctionnement,
- l’augmentation de la productivité des utilisateurs (les individus de l’organisation
deviennent acteurs par l’utilisation des technologies, l’effet de passivité est réduit),
- la réduction des frais d'exploitation
Dans notre contexte, l’objectif de ces outils est d’aider les individus à être dans une
approche participative afin maximiser les ressources et les efforts consacrés dans le
développement des produits nouveaux. En d’autres termes, il ne s’agit pas de centraliser la
connaissance mais de l’appliquer afin de créer des interactions entre les individus qui
devraient améliorer le processus d’innovation. Dans cette même perspective Lundvall
(1997), affirme que l’utilisation des T.I.C. permet l’apprentissage par l’utilisation (learning
by using). Ainsi selon Decau (2002, P.11), « l’apprentissage selon le schéma essai/erreur
ne fonctionne que tant que le feed back est rapide et facile à expliquer ». Nous constatons
que la notion temps est une composante importante dans le processus d’innovation. Il
apparaît donc que l’utilisation des T.I.C. peut avoir une influence notable sur la rapidité de
propagation de l’information au sein d’une organisation.
Ces outils doivent également permettre de stimuler et capturer les idées abstraites et de les
transformer en spécifications concrètes qui aboutiront sur des innovations de produits. Pour
faire face à des évolutions toujours plus rapides de la part des entreprises concurrentes, les
T.I.C. jouent un rôle crucial dans le transfert des connaissances, (par exemple dans le
secteur de l'électronique ou de la pharmacie pour lesquels la connaissance a une
obsolescence très rapide).
Les technologies peuvent être la source d’une création de liens entre les individus et les
groupes d’une organisation qui peuvent être dispersés géographiquement et permettront
ainsi le partage de connaissances.
Même si les technologies ne permettent pas de mettre en œuvre de nouvelles idées, elles
permettent néanmoins d’aider les individus dans les différentes tâches de :
coordination
-
modélisation
-
d’archivage ou de mémoire de groupe
-
communication interpersonnelle
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-
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impacts et influences sur le processus d’innovation
-
diffusion rapide de l’information et de la connaissance
Ces technologies peuvent également aider les individus dans leur processus
d’apprentissage, notamment en terme de diffusion et de stockage de l’information et de
connaissances, thème qui sera développé dans le point suivant.
3. L’apprentissage organisationnel
Beaucoup d’auteurs ont travaillé et démontré le rôle de l’apprentissage dans la
performance des organisations (Lundvall & Johnson, 1992 ; Arrow, 1962 ; Argyris &
Schön, 1978 ; March, 1991). L’apprentissage organisationnel est souvent assimilé à un
processus de réflexion collectif sur les informations, les connaissances et les idées
nouvelles en vue d’une amélioration du processus d’innovation.
L’objectif de cette partie est d’étudier les rapports entre l’apprentissage et l’innovation
organisationnelle : à savoir, comment l’apprentissage peut améliorer le processus
d’innovation organisationnelle. D’après Calantone Roger J. et al. (2002, P. 515),
« l’orientation apprentissage est vue comme un antécédent pour les organisations
innovantes, qui en retour influence leurs performances »4. Tanguy (2000, P.15), affirme
que « la firme est apprenante, elle est un lieu de création de connaissances et non
uniquement un lieu de traitement d’informations stockables et transférables facilement ».
Par l’apprentissage, les entreprises améliorent les habilités, les compétences et l’ingéniosité
de leur force de travail (Lundvall 1997 ; Rogers 1983 ; Dosi 1988). Elles arrivent ainsi à
renforcer leur potentiel de production et d’innovation.
Calantone Roger J. et al. (2002) identifient plusieurs composants de l’orientation
apprentissage dont :
- l’engagement des individus à l’apprentissage
- la vision partagée des individus
- la largeur d'esprit des individus
- le partage intra-organisationnel de la connaissance
La concrétisation de la conception d’une innovation est souvent plus ou moins liée à la
répartition des ressources de l’organisation. Selon Harkema and Browaeys (2003, P.5),
« l’indicateur le plus approprié dans la mesure de l’innovation, devrait refléter l’efficience
et l’efficacité de la connaissance dans la création, le partage et la transformation.
Traduction : « Learning orientation is proposed to be an important antecedent of firm innovativeness,
which in turn influences firm performance”.
4
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L’innovation devient alors un processus d’apprentissage continu, de la recherche et de
l’exploitation »5.
Pour Little et Ruggles (1997), l’innovation est pour 90% la conduite de l’apprentissage et
la connaissance ; l’innovation entière est une série d’apprentissage. Comme abordé dans la
problématique, certaines formes d’apprentissage ont davantage d’impact que d’autres sur
les activités d’innovation.
Les relations liant l’apprentissage à l’innovation mettent en relief différentes formes
d’apprentissage dont les principales ont trait à l’apprentissage par la pratique, à
l’apprentissage par l’utilisation, l’apprentissage l’interaction, et plus récemment
l’apprentissage par la R&D (Ingham & Mothe, 2000).
Les formes d’apprentissage les plus répandues sont les suivantes :

Learning by doing (apprentissage par la pratique) : cette
apprentissage se traduit par une amélioration des performances des
travailleurs et une augmentation de la productivité (Villavicencio,
2000).

Learning by using (l’apprentissage par l’utilisation des TIC) : il
s’agit des développements technologiques qui se produisent au
cours de l’utilisation (Villavicencio, 2000).

Organizational learning (l’apprentissage organisationnel) : cette
notion réfère à la manière d’acquérir un savoir technique à partir
des routines de travail comme la façon dont certain espace sociotechniques engendrent les innovations (Tanguy, 1996).
Rosenberg (1982) tente pour sa part d’attirer l’attention sur l’importance de l’apprentissage
par l’utilisation des technologies avancées (learning by using advanced technologies). Il
soutient que les travailleurs améliorent leurs habilités à innover en se débarrassant des
comportements passifs de « spectateurs » et en s’impliquant directement dans la
manipulation des technologie de pointe. Selon Rosenberg, cette forme d’apprentissage
facilite le transfert et l’appropriation des nouvelles technologies et accélère, en
conséquence, le processus d’innovation dans les entreprises. Lundvall (1998), quant à lui
soutient que les économies apprenantes sont principalement des économies qui s’accordent
une place privilégiée à l’apprentissage par interaction. Ainsi, il faudrait privilégier les deux
Traduction : “The most relevant performance indicator to measure innovation by, should reflect the
efficiency and effectiveness in creating, sharing and transforming knowledge. Innovation then becomes an
ongoing process of learning, searching, and exploring…” P5.
5
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formes d’apprentissage par la pratique et par l’interaction. En effet, l’interaction permet
entre autre d’obtenir la réaction d’autrui sur la question donnée, l’élément inexistant
lorsque l’individu est face à un outil. Cependant, les technologies ont également leurs
avantages comme une précision irréprochable concernant la mémoire, la construction
d’une représentation visuelle ou encore la diffusion d l’information quasi-instantanément.
Toute cette argumentation permet de considérer l’apprentissage comme un processus
interactif, multiforme, exigeant une action collective visant à améliorer le processus
d’innovation dans lequel les organisations opèrent. Tanguy (2000), explique qu’il ne suffit
pas qu’un individu ait appris pour que la compétence de la firme s’en trouve améliorée.
Selon cet auteur si le résultat de l’apprentissage individuel ne se traduit pas ensuite par une
amélioration ou une modification des conduites, c'est-à-dire s’il n’est pas intégré dans la
mémoire organisationnelle de l’entreprise, dans ses règles de fonctionnement formelles ou
informelles (routines), l’individu aura appris mais cet apprentissage restera un potentiel
non exploité. Pour cette raison il est important de parler d’apprentissage organisationnel
pour désigner un processus qui malgré, des analogies évidentes avec le processus
d’apprentissage individuel, intègre une dimension collective.
Les sous-éléments qui constituent l’apprentissage organisationnel sont autant de critères
qui vont venir en aide au processus d’innovation. Par conséquent, les composants de
l’apprentissage organisationnel que sont la discussion, le partage, la communication
(l’interdépendance et l’échange des acteurs), la construction d’un langage commun, les
liens de confiance entre les individus et le feedback sont autant de critères à mettre en
œuvre afin d’améliorer le processus d’innovation. Le rôle de l’apprentissage
organisationnel influencera directement la création de connaissances et par conséquent
l’innovation, si celle si est implémentée. Cependant, il faut consigner le fait que
l’apprentissage organisationnel dépend des systèmes de valeurs, des coutumes,… en
d’autres termes de la culture organisationnelle. D’après une étude de Tanguy (2000, P.19),
l’ensemble des recherches sur le domaine montre que « l’innovation ne résulte pas d’un
processus unidirectionnel et unidimensionnel et qu’elle peut trouver son origine à
l’intérieur de l’entreprise comme dans les espaces construits par l’interaction de celleci ». Elle montre également la nécessité de coordination entre les différents secteurs
d’activités de l’organisation. En effet, « Si dans certaines firmes l’activité d’innovation se
développe principalement dans le laboratoire R&D, dans de nombreux cas elle nécessite
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la coordination de l’ensemble des activités de la firmes (la production, l’entretien, le
marketing, etc.) » (Tanguy, 2000, P.19).
Les différentes théories de l’apprentissage restent floues, aucune recherche empirique ne
permet à ce jour de dire quelle forme d’apprentissage est la plus pertinente pour les
activités d’innovation. Aussi dans une perspective de ce travail il serait intéressant de
tester les différentes formes d’apprentissage afin de comprendre lesquelles sont les plus
performantes pour l’amélioration du processus d’innovation.
Conclusion
L'examen de la littérature a montré une relation évidente entre les différents courants de
pensées identifiés te la gestion des connaissances pour l’amélioration du processus
d'innovation, à savoir : la culture, l’apprentissage ou encore les T.I.C. (Technologies de
l’Information et de la Communication).
Ces domaines peuvent venir en aide aux organisations dans l’amélioration de leur
processus d’innovation et ainsi être plus performantes. Il faut se rendre à l’évidence que la
connaissance doit être considérée comme un « actif clé » qu’il ne s’agit plus tellement de
détenir et de protéger mais qu’il faut engager dans des processus de collaboration
collective organisationnelle. Il faudrait instaurer et promouvoir une culture basée sur le
partage et la collaboration organisationnelle. Les individus doivent comprendre qu’ils ne
sont pas en rivalité avec leurs collègues de travail
mais en compétition avec les
concurrents qui agissent sur le même secteur d’activité.
Dans la littérature étudiée, les auteurs identifient les liens avec les différents domaines
influençant le processus d’innovation, cependant aucun texte à ce jour ne permet
d’apporter un éclairage panoramique sur la contribution de chacun. Aussi ce document
cherche-t-il à apporter une contribution quant à la compréhension de l’amélioration du
processus d’innovation grâce à des concepts intra-organisationnels. Dès lors, la bonne
compréhension de la gestion des connaissances et des domaines qui l’entourent devrait
permettre aux organisations d’améliorer leur processus d’innovation et ainsi être plus
performantes en terme d’innovation.
Avant de mettre en place un guide d’entretien sur l’échantillon et les techniques de recueil
de données pour l’identification des connaissances cruciales pour l’innovation, une phase
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Les autres paradigmes organisationnels de la gestion des connaissances :
impacts et influences sur le processus d’innovation
exploratoire est mise en œuvre afin de valider les fondements de la partie théorique. A
savoir s’il n’existe pas d’autres facteurs pouvant influencer le processus d’innovation non
recensé par la théorie.
Les organisations sélectionnées sont principalement celles ayant adoptée une stratégie de
différenciation par l’innovation. Les critères de sélections sont les suivants :
-
Les organisations qui traitent les innovations produit plutôt que les
services,
-
Les entreprises qui ont une volonté d’innovation (l’innovation fait partie
de la stratégie ; 3M, Tesseire, Logitech, P&G, LEM…)
-
Les grandes entreprises : 200 personnes ou plus,
-
Les entreprises qui utilisent les T.I.C. et qui ont une vision de gestion
des connaissances
Pour cette phase de recherche exploratoire, les efforts ont principalement été concentrés
sur les secteurs d’activités où l’innovation est un critère de survie pour les organisations, à
savoir le domaine pharmaceutique, les I.T. l’industrie électronique, la mode ou encore les
produits cosmétiques et bancaires.
Les personnes interviewées sont principalement les responsables de projets d’innovation,
les managers et les équipes travaillant sur l’innovation dans un premier temps. Dans une
deuxième phase, qui consiste en la rédaction d’une étude de cas, l’intérêt sera également
porté sur d’autres fonctions de l’organisation (les services R&D, marketing, ventes ou
encore production). Cette étape a pour objectif de comprendre les perspectives multiples
du processus de création de connaissances organisationnelles pour l’amélioration du
processus d’innovation.
Bibliographie
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creative Behaviour, Vol.31, N°1, pp.42-58.
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Boisot, M., Griffiths, D. (1999), Possession is nine tenths of the law: Managing a firm’s
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