Séance n°1 : Pratiques commerciales déloyales

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Institut de Droit Des Affaires Internationales
Faculté de droit de l’Université du Caire
Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Master 1
Droit de la concurrence
Cours de M. Didier FERRIER, professeur émérite de l’Université de Montpellier ;
Travaux dirigés de M. Albin ANDRIEUX.
Séance n°1 : Pratiques commerciales déloyales :
Publicité trompeuse
Document n°1 : Com. 29 novembre 2011, n°10-27402 ;
Document n°2 : Com. 31 octobre 2006, n°04-16042 ;
Document n°3 : CJUE, aff. C-435/11
Document n°4 : article L121-1 du Code de la consommation (version à jour)
Document n°5 : article L121-1 du Code de la consommation (version originelle)
Parasitisme :
Document n°6 : Com. 4 février 2014, n°13-11044.
Lectures recommandées : directive 2005/29/CE ; CJUE affaires jointes C-261/07 et
C-299/07 « Galatea ».
Exercice : Commentaire de l’arrêt Com. 31 octobre 2006 (document n°2).
Document n°1 :
Cour de cassation ; chambre commerciale
Audience publique du mardi 29 novembre 2011
N° de pourvoi: 10-27402
Publié au bulletin ; Cassation partielle
Cass. com.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Kelkoo exploite sur son site Internet "Kelkoo.fr"
un comparateur de prix permettant aux internautes de rechercher des produits et des services
dans les bases de données de sites qui ont conclu avec elle un accord de référencement, sa
rémunération étant fonction du nombre de "clics" enregistrés sur les liens hypertextes de ces
sites ; que la société Concurrence, qui exploite un magasin de vente de produits électroniques
et audiovisuels ainsi qu'un site Internet sur lequel elle présente des produits qui peuvent être
achetés en magasin ou en ligne, a conclu avec elle, le 29 octobre 2003, un accord de
référencement qui a pris fin le 5 février 2004 ; que le président du tribunal de commerce a
rendu une ordonnance enjoignant à la société Concurrence de payer à la société Kelkoo une
certaine somme au titre de factures de "génération de trafic" ; que la société Concurrence, qui
a fait opposition à cette ordonnance, a formé des demandes reconventionnelles de dommagesintérêts et de mesures d'interdiction et d'injonction, en invoquant des pratiques illicites et
trompeuses de la part de la société Kelkoo qui, selon elle, faisait croire aux internautes qu'elle
vendait aux meilleurs prix et faisait paraître des publicités pour ses concurrents, illicites en ce
qu'elles comportaient des prix non mis à jour, des articles indisponibles et des périodes de
validité non définies, tout en l'empêchant de paraître sur son site sauf à participer aux
pratiques dénoncées ;
Attendu que pour enjoindre à la société Kelkoo, sous astreinte, de s'identifier comme site
publicitaire, de mettre à jour en temps réel les prix, en indiquant les périodes de validité des
offres, en indiquant les frais de port et/ou d'enlèvement, en indiquant les conditions de la
garantie des produits, et en mentionnant les caractéristiques principales des produits ou
services offerts, l'arrêt retient que cette société suit une pratique qui doit être qualifiée de
trompeuse au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation et qui
constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l'article L. 120-1 du
même code en omettant de s'identifier comme site publicitaire, de mettre à jour en temps réel
les prix, d'indiquer les périodes de validité des offres, d'indiquer les frais de port et/ou
d'enlèvement, d'indiquer les conditions de la garantie des produits, de mentionner les
caractéristiques principales des produits ou services offerts ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si ces omissions étaient susceptibles d'altérer
de manière substantielle le comportement économique du consommateur, ce que la société
Kelkoo contestait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Kelkoo poursuit une
pratique trompeuse et déloyale au sens des articles L. 121-1 et L. 120-1 du code de la
consommation en omettant de s'identifier comme site publicitaire, de mettre à jour en temps
réel les prix, d'indiquer les périodes de validité des offres, d'indiquer les frais de port et/ou
d'enlèvement, d'indiquer les conditions de la garantie des produits, de mentionner les
caractéristiques principales des produits ou services offerts, et lui enjoint sous astreinte de
mettre fin à ces pratiques en s'identifiant comme site publicitaire et en indiquant les éléments
manquants, l'arrêt rendu le 21 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Concurrence aux dépens ;
Document n°2 :
Cass. com., 31 oct. 2006, n° 04-16.042, F-D, Sté Pix-Eyes c/ Assoc. basco-béarnaise des
opticiens indépendants et a. :
(...) Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 avril 2004), que la société Pix-Eyes exploite un
magasin d'optique à Biarritz sous l'enseigne "Optical Center" ; qu'estimant que cette société se
livrait à leur égard à des actes de concurrence déloyale en distribuant au public des publicités
trompeuses, plusieurs commerçants d'optique implantés dans la même région et l'Association
basco-béarnaise des opticiens indépendants l'ont assignée en référé afin qu'il lui soit interdit
de poursuivre ou de renouveler des actes de publicité contraires aux dispositions de l'arrêté du
2 septembre 1997 et à l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
Attendu que la société Pix-Eyes fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la publicité qu'elle diffusait
ne respectait pas les dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1997 et l'article L. 121-1 du Code
de la consommation et de lui avoir fait interdiction sous astreinte de poursuivre ou de
renouveler de tels actes, alors, selon le moyen :
1°/ que les sociétés appelantes n'avaient jamais prétendu que les publicités diffusées par la
société Pix-Eyes auraient été de nature à induire les consommateurs en erreur en ce qu'elles
n'indiquaient pas de façon suffisamment claire les produits sur lesquels étaient consentis les
rabais annoncés ; qu'en soulevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à présenter leurs
observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
2° / que les rabais sont licites dès lors qu'ils portent sur le « prix de référence », c'est-à-dire
« le prix le plus bas effectivement pratiqué » par l'annonceur ; que le fait que le prix de
référence soit déterminé par l'annonceur lui-même ne permet pas de présumer son caractère
fictif, ce prix de référence étant susceptible d'être vérifié à tout moment par les agents de la
DGCCRF chargés de veiller à la transparence des prix et à la sincérité des rabais ou
promotions proposés au public ; que la cour d'appel qui, pour présumer fictifs les rabais
annoncés par la société Pix-Eyes, retient par un motif abstrait et général que les prix de
référence étant fixés par l'annonceur lui-même, le consommateur se trouverait toujours dans
l'impossibilité de vérifier l'exactitude des prix de référence à partir desquels les déductions lui
sont appliquées, se détermine par un motif impropre à caractériser la publicité mensongère
dont la société Pix-Eyes se serait rendue coupable au cas d'espèce et prive sa décision de base
légale au regard des articles 2 et 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977, ensemble l'article 1382 du
Code civil ;
3° / que la seule poursuite, au-delà de la date initialement prévue, d'une opération de
promotion ne constitue pas, hors le cas d'une vente à prix abusivement bas, une atteinte à la
libre concurrence ; qu'en affirmant que le fait pour la société Pix-Eyes d'avoir réalisé des
rabais de façon continue entre 2001 et 2003 suffisait à caractériser, dans le chef de cette
société, une concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que c'est en statuant sur les demandes et éléments de fait qui étaient
dans le débat que la cour d'appel a constaté que les publicités diffusées par la société Pix-Eyes
n'indiquaient pas de façon claire les produits sur lesquels étaient consentis les rabais
annoncés ;
Attendu, d'autre part, qu'en relevant que les campagnes de publicité effectuées par la société
Pix-Eyes se sont suivies sans discontinuité pendant les années 2001 à 2003 et que les rabais
proposés par ces publicités ont été pratiqués de façon permanente et en déduisant de ces
constatations que la société Pix-Eyes n'était pas en mesure de justifier de la réalité des prix de
référence indiqués dans son établissement au cours des trente derniers jours précédant le début
de la publicité, la cour d'appel a, indépendamment des motifs surabondants justement
critiqués par la deuxième branche, légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, qu'après avoir constaté la violation par la société Pix-Eyes des dispositions de
l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du
consommateur et de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, la cour d'appel a pu
retenir que l'utilisation par cette société d'une publicité manifestement illicite constituait à
l'égard des sociétés exerçant localement la même activité, une concurrence déloyale ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; par ces motifs : rejette le
pourvoi (...)
Document n°3 :
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
19 septembre 2013 (*)
Dans l’affaire C-435/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,
introduite par l’ObersterGerichtshof (Autriche), par décision du 5 juillet 2011, parvenue
à la Cour le 26 août 2011, dans la procédure
CHS Tour Services GmbH
contre
Team4 TravelGmbH,
LA COUR (première chambre),
Arrêt
1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2005/29/CE
du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché
intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE,
98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE)
no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques
commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22).
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CHS Tour Services
GmbH (ci-après «CHS») à Team4 TravelGmbH (ci-après «Team4 Travel») au sujet
d’une brochure publicitaire de cette dernière contenant une information fausse.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3
Les considérants 6 à 8, 11 à 14 ainsi que 17 et 18 de la directive sur les pratiques
commerciales déloyales énoncent ce qui suit:
«(6)
La présente directive a [...] pour objet de rapprocher les législations des États
membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité
déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs
[...] Elle ne couvre ni n’affecte les législations nationales relatives aux pratiques
commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques
de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels; [...]
(7)
La présente directive porte sur les pratiques commerciales qui visent directement
à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits.
[...]
(8)
La présente directive protège expressément les intérêts économiques des
consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur
égard. [...]
[...]
(11)
Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions
nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de
protection des consommateurs. La présente directive établit une interdiction
générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement
économique des consommateurs. [...]
(12)
L’harmonisation augmentera considérablement la sécurité juridique tant pour les
consommateurs que pour les professionnels. Les consommateurs et les
professionnels pourront ainsi s’appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur
des concepts juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des
pratiques commerciales déloyales au sein de l’Union européenne. [...]
(13)
Pour atteindre les objectifs communautaires en éliminant les entraves au marché
intérieur, il est nécessaire de remplacer les clauses générales et principes juridiques
divergents actuellement en vigueur dans les États membres. L’interdiction générale
commune et unique établie par la présente directive couvre donc les pratiques
commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs.
[...] Cette interdiction générale est développée par les règles relatives aux deux
types de pratiques commerciales de loin les plus nombreuses, à savoir les pratiques
commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives.
(14)
Il est souhaitable que les pratiques commerciales trompeuses couvrent les
pratiques, y compris la publicité trompeuse, qui, en induisant le consommateur en
erreur, l’empêchent de faire un choix en connaissance de cause et donc de façon
efficace. [...]
[...]
4
(17)
Afin d’apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d’identifier
les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L’annexe I
contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s’agit des seules pratiques
commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation
au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. [...]
(18)
[...] Conformément au principe de proportionnalité, et en vue de permettre
l’application effective des protections qui en relèvent, la présente directive prend
comme critère d’évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé
et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et
linguistiques, selon l’interprétation donnée par la Cour de justice, [...]»
Aux termes de l’article 1er de ladite directive:
«L’objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché
intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant
les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives
aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des
consommateurs.»
5
L’article 2 de la même directive est libellé comme suit:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
[...]
b)
‘professionnel’: toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques
commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le
cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute
personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel;
c)
‘produit’: tout bien ou service [...];
d)
‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ (ci-après
également dénommées ‘pratiques commerciales’): toute action, omission, conduite,
démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing,
de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la
fourniture d’un produit aux consommateurs;
[...]
h)
‘diligence professionnelle’: le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le
professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur,
conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne
foi dans son domaine d’activité;
[...]»
6
L’article 3 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales dispose:
«1.
La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des
entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant
et après une transaction commerciale portant sur un produit.
2.
7
La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats [...]»
L’article 5 de ladite directive, intitulé «Interdiction des pratiques commerciales
déloyales», est libellé comme suit:
«1.
Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
2.
Une pratique commerciale est déloyale si:
a)
elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,
et
b)
elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement
économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou
auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique
commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.
[...]
4.
En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:
a)
trompeuses au sens des articles 6 et 7,
ou
b)
agressives au sens des articles 8 et 9.
5. L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes
circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être
modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive.»
8
Ainsi qu’il ressort de leur intitulé, les articles 6 et 7 de la directive sur les pratiques
commerciales déloyales définissent respectivement les «actions trompeuses» et les
«omissions trompeuses».
9
L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:
«Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations
fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par
sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le
consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes,
en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans
l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale
qu’il n’aurait pas prise autrement:
a)
l’existence ou la nature du produit;
b)
les caractéristiques principales du produit, telles que sa disponibilité, ses avantages
[...]
[...]»
10
Les articles 8 et 9 de la même directive sont relatifs aux pratiques commerciales agressives
ainsi qu’à l’utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d’une influence injustifiée.
Le droit autrichien
11
La directive sur les pratiques commerciales déloyales a été transposée en Autriche, avec
effet au 12 décembre 2007, par la loi fédérale de 1984 contre la concurrence déloyale
[Bundesgesetzgegen den unlauterenWettbewerb 1984 (BGBl. 448/1984)], dans sa
version modifiée telle qu’applicable au litige au principal (BGBl. I, 79/2007).
Le litige au principal et la question préjudicielle
12
Il ressort de la décision de renvoi que CHS et Team4 Travel sont deux sociétés
autrichiennes qui exploitent à Innsbruck (Autriche) des agences de voyages concurrentes
dans l’organisation ainsi que la vente de cours de ski et de vacances à la neige en Autriche
pour des groupes scolaires en provenance du Royaume-Uni.
13
Dans sa brochure de vente en langue anglaise pour la saison hivernale 2012, Team4
Travel, défenderesse devant la juridiction de renvoi, avait qualifié certains établissements
d’hébergement d’«exclusifs», ce terme signifiant que les hôtels en question se trouvaient
dans une relation contractuelle durable avec Team4 Travel et ne pouvaient pas, aux dates
indiquées, être proposés par un autre voyagiste. Cette mention concernant la réservation
exclusive de quotas de lits au profit de Team4 Travel apparaissait également sur la liste
des tarifs de cette dernière.
14
Pour des périodes précises en 2012, Team4 Travel avait conclu des contrats portant sur
des quotas de lits avec plusieurs établissements d’hébergement. Lors de la conclusion de
ces contrats, la directrice de Team4 Travel s’était assurée auprès de ces établissements
qu’aucune préréservation n’avait été effectuée par d’autres voyagistes. Elle avait en outre
veillé à ce que, compte tenu des capacités disponibles, aucun autre groupe de voyage
organisé ne puisse être accueilli dans les hôtels concernés pendant les périodes
considérées. Lesdits contrats contenaient une clause en vertu de laquelle les quotas de
chambres attribués restaient à l’entière disposition de Team4 Travel et ces établissements
d’hébergement ne pouvaient pas déroger au contrat sans avoir obtenu l’accord écrit de
cette dernière. En outre, pour garantir l’exclusivité au profit de Team4 Travel, cette
dernière et ces hôtels étaient convenus de droits de résiliation et de pénalités
contractuelles.
15
Par la suite, CHS a également fait bloquer des quotas de lits dans les mêmes
établissements d’hébergement et pour les mêmes dates que Team4 Travel. Les hôtels en
question ont donc violé leurs obligations contractuelles à l’égard de Team4 Travel.
16
Au mois de septembre 2010, Team4 Travel, qui ignorait que CHS avait effectué des
préréservations en concurrence avec elle, a diffusé ses brochures de vente et sa liste des
tarifs pour l’hiver 2012.
17
CHS estime que la déclaration d’exclusivité contenue dans ces documents viole
l’interdiction des pratiques commerciales déloyales. En conséquence, elle a demandé au
Landesgericht Innsbruck d’interdire à Team4 Travel, par ordonnance de référé, de
déclarer, dans le cadre de l’exploitation de son agence de voyages, que, à des dates
précises, certains hébergements ne peuvent être réservés que par l’intermédiaire de cette
dernière, cette information étant inexacte, puisque ces mêmes établissements peuvent
également faire l’objet de réservations par l’intermédiaire de CHS.
18
En revanche, Team4 Travel soutient que, d’une part, elle a respecté la diligence
professionnelle exigée lors de l’élaboration de ses brochures et que, d’autre part, jusqu’à
la date d’expédition de celles-ci, elle n’avait pas connaissance des contrats conclus entre
CHS et les hôtels en cause, de telle sorte qu’elle ne se serait rendue coupable d’aucune
pratique commerciale déloyale.
19
Par ordonnance du 30 novembre 2010, le Landesgericht Innsbruck a rejeté la demande
de CHS au motif que l’allégation d’exclusivité contestée par elle était fondée eu égard
aux contrats de préréservation non résiliables conclus auparavant par Team4 Travel.
20
À la suite de l’appel interjeté par CHS devant l’Oberlandesgericht Innsbruck, celui-ci a
confirmé, par ordonnance du 13 janvier 2011, ladite ordonnance du Landesgericht
Innsbruck au motif qu’il n’existait pas de pratique commerciale déloyale puisque Team4
Travel avait respecté les exigences de la diligence professionnelle en garantissant les
possibilités de préréservation exclusive négociées avec les hôtels concernés.
L’Oberlandesgericht Innsbruck a estimé que Team4 Travel pouvait légitimement
s’attendre à ce que ces derniers respectent leurs engagements contractuels.
21
CHS a alors introduit un recours en «Revision» devant l’ObersterGerichtshof.
22
Cette juridiction relève que, selon l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les pratiques
commerciales déloyales, une pratique commerciale est déloyale dès lors que deux
conditions cumulatives sont remplies, à savoir que cette pratique est contraire aux
exigences de la diligence professionnelle [article 5, paragraphe 2, sous a)] et qu’elle altère
ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par
rapport au produit, du consommateur moyen [article 5, paragraphe 2, sous b)].
23
Or, les articles 6, paragraphe 1, et 8 de la même directive ne reprendraient que la seconde
de ces conditions, sans faire explicitement référence à l’exigence énoncée à l’article 5,
paragraphe 2, sous a), de cette directive.
24
Il conviendrait ainsi de se demander si, dans le cas d’une pratique trompeuse ou d’une
pratique agressive visées respectivement aux articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de la directive
sur les pratiques commerciales déloyales, le législateur de l’Union s’est fondé sur
l’hypothèse selon laquelle il y a automatiquement violation de l’obligation de diligence
professionnelle ou si, au contraire, le professionnel est autorisé à établir, au cas par cas,
qu’il n’a pas méconnu son devoir de diligence.
25
Selon la juridiction de renvoi, la logique plaiderait en faveur de cette seconde
interprétation. En effet, si, comme en l’occurrence, une disposition de caractère général
(article 5, paragraphe 2, de ladite directive) fait l’objet de précisions en vertu de règles
particulières (article 6 et suivants de la même directive), sans que ces dernières dérogent
formellement à la première disposition, il ne pourrait pas être considéré que le législateur
a entendu écarter l’un des deux éléments essentiels de la norme générale.
26
C’est dans ces conditions que l’ObersterGerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de
poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 5 de la [directive sur les pratiques commerciales déloyales] doit-il être
interprété en ce sens que, en cas de pratiques trompeuses au sens de l’article 5,
paragraphe 4, de cette directive, il ne saurait y avoir d’examen distinct des critères de
l’article 5, paragraphe 2, sous a), [de cette même directive]?»
Sur la question préjudicielle
27
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 2, sous d), de la directive sur les
pratiques commerciales déloyales définit, en utilisant une formulation particulièrement
large, la notion de «pratiques commerciales» comme «toute action, omission, conduite,
démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la
part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture
d’un produit aux consommateurs» (voir, notamment, arrêts du 23 avril 2009, VTB-VAB
et Galatea, C-261/07 et C-299/07, Rec. p. I-2949, point 49; du 14 janvier 2010, Plus
Warenhandelsgesellschaft, C-304/08, Rec. p. I-217, point 36, ainsi que du 9 novembre
2010, MediaprintZeitungs- undZeitschriftenverlag, C-540/08, Rec. p. I-10909, point 17).
En outre, conformément à l’article 2, sous c), de la même directive, la notion de «produit»
au sens de celle-ci comprend également les services.
28
Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’information en cause au principal, qui a
été fournie par une agence de voyages dans des brochures de vente proposant des cours
de ski et des vacances à la neige pour des groupes scolaires, concerne l’exclusivité que ce
professionnel, en l’occurrence Team4 Travel, prétend détenir aux dates indiquées pour
certains établissements d’hébergement.
29
Une telle information, selon laquelle certains hébergements étaient disponibles
uniquement auprès de Team4 Travel et, dès lors, ne pouvaient pas être réservés par
l’intermédiaire d’un autre professionnel, concerne la disponibilité d’un produit, au sens
de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive sur les pratiques commerciales
déloyales.
30
Dans ces conditions, l’information relative à l’exclusivité dont s’est prévalue Team4
Travel constitue incontestablement une pratique commerciale au sens de l’article 2,
sous d), de ladite directive et elle est, en conséquence, soumise aux prescriptions édictées
par cette dernière.
31
Cela étant précisé, force est de constater que la question posée par l’ObersterGerichtshof
porte sur l’interprétation du seul article 5 de la directive sur les pratiques commerciales
déloyales.
32
Toutefois, dans sa décision de renvoi, cette même juridiction a constaté que l’information
relative à l’exclusivité contenue dans les brochures diffusées par Team4 Travel est
objectivement incorrecte et constitue donc, aux yeux du consommateur moyen, une
pratique commerciale trompeuse telle que visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite
directive.
33
Aussi la juridiction de renvoi s’interroge-t-elle sur le point de savoir si, pour les besoins
de l’application dudit article 6, paragraphe 1, et aux fins de la qualification de la pratique
de Team4 Travel de «trompeuse» au sens de cette disposition, il suffit d’examiner cette
pratique au regard des seuls critères énoncés par cette dernière et qui, d’après les
constatations de ladite juridiction, sont tous réunis en l’espèce ou si, au contraire, il
importe de vérifier en outre si la condition relative à la contrariété de la pratique
commerciale avec les exigences de la diligence professionnelle, telle que prévue à
l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la même directive, est également satisfaite, ce qui ne
serait cependant pas le cas en l’occurrence, au motif que l’agence de voyages concernée
aurait tout fait pour garantir l’exclusivité dont elle se prévaut dans ses brochures de vente.
34
En d’autres termes, la présente demande de décision préjudicielle doit être comprise
comme portant sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive sur les
pratiques commerciales déloyales ainsi que sur la relation éventuelle entre cette
disposition et l’article 5, paragraphe 2, de cette directive. Elle vise en substance à
déterminer si, dans le cas où une pratique commerciale satisfait déjà à tous les critères
énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la directive pour être qualifiée de pratique
trompeuse au sens de cette disposition, la juridiction saisie est néanmoins tenue de vérifier
si une telle pratique est également contraire aux exigences de la diligence professionnelle
au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de cette même directive avant qu’elle puisse
la considérer comme déloyale et, partant, l’interdire sur le fondement du paragraphe 1 de
cet article 5.
35
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de l’article 5 de ladite directive, la Cour
a déjà jugé à plusieurs reprises que cet article, qui prévoit, à son paragraphe 1, le principe
de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales, énonce les éléments pertinents
aux fins de déterminer un tel caractère déloyal (voir arrêts précités VTB-VAB et Galatea,
point 53; Plus Warenhandelsgesellschaft, point 42, ainsi que MediaprintZeitungsundZeitschriftenverlag, point 31).
36
Ainsi, conformément au paragraphe 2 dudit article, une pratique commerciale est déloyale
si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est
susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du
consommateur moyen par rapport au produit (arrêts précités VTB-VAB et Galatea,
point 54; Plus Warenhandelsgesellschaft, point 43, ainsi que MediaprintZeitungsundZeitschriftenverlag, point 32).
37
En outre, l’article 5, paragraphe 4, de la directive sur les pratiques commerciales déloyales
définit deux catégories précises de pratiques commerciales déloyales, à savoir les
«pratiques trompeuses» et les «pratiques agressives» répondant aux critères spécifiés
respectivement aux articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de la même directive (arrêts précités
VTB-VAB et Galatea, point 55; Plus Warenhandelsgesellschaft, point 44, ainsi que
MediaprintZeitungs- undZeitschriftenverlag, point 33).
38
Enfin, la directive sur les pratiques commerciales déloyales établit, à son annexe I, une
liste exhaustive de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l’article 5,
paragraphe 5, de cette directive, sont réputées déloyales «en toutes circonstances». Par
conséquent, ainsi que le précise expressément le considérant 17 de ladite directive, seules
ces pratiques commerciales sont susceptibles d’être considérées comme déloyales sans
faire l’objet d’une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de
la même directive (arrêts précités VTB-VAB et Galatea, point 56; Plus
Warenhandelsgesellschaft,
point
45,
ainsi
que
MediaprintZeitungsundZeitschriftenverlag, point 34).
39
Dans ce contexte, il importe de relever que l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive
qualifie de déloyales les pratiques commerciales dès lors qu’elles s’avèrent trompeuses
ou agressives «au sens», respectivement, des articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de cette
directive, cette expression suggérant que la détermination du caractère trompeur ou
agressif de la pratique concernée ne dépend que de l’appréciation de celle-ci au regard
des seuls critères énoncés à ces derniers articles. Cette interprétation est confortée par la
circonstance que ce paragraphe 4 ne comporte aucune référence aux critères plus
généraux figurant au paragraphe 2 dudit article 5.
40
Au surplus, ledit paragraphe 4 débute par les termes «[e]n particulier» et le considérant 13
de la directive sur les pratiques commerciales déloyales précise à cet égard que
«l’interdiction générale [...] établie par la [...] directive [...] est développée par les règles
relatives aux deux types de pratiques commerciales de loin les plus nombreuses, à savoir
les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives». Il
s’ensuit que la règle de base de cette directive, selon laquelle les pratiques commerciales
déloyales sont interdites, ainsi que le prévoit l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive
est mise en œuvre et concrétisée par des dispositions plus spécifiques aux fins de tenir
dûment compte du risque que représentent pour les consommateurs les deux cas de figure
qui se rencontrent le plus fréquemment, à savoir les pratiques commerciales trompeuses
et les pratiques commerciales agressives.
41
En ce qui concerne les articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de ladite directive, la Cour a déjà
jugé que, en vertu de ces dispositions, les pratiques trompeuses ou agressives sont
interdites lorsque, compte tenu de leurs caractéristiques et du contexte factuel, elles
amènent ou sont susceptibles d’amener le consommateur moyen à prendre une décision
commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement (arrêt VTB-VAB et Galatea, précité,
point 55). La Cour n’a donc fait dépendre l’interdiction de telles pratiques d’aucun autre
critère que ceux énoncés à ces articles.
42
Pour ce qui est, plus particulièrement, de l’article 6, paragraphe 1, de la directive sur les
pratiques commerciales déloyales, en cause dans l’affaire au principal, il y a lieu de
souligner que, conformément au libellé de cette disposition, le caractère trompeur d’une
pratique commerciale dépend uniquement de la circonstance qu’elle est mensongère en
ce qu’elle contient des informations fausses ou que, d’une manière générale, elle est
susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen à propos, notamment, de la nature
ou des caractéristiques principales d’un produit ou d’un service et que, de ce fait, elle est
susceptible d’amener ce consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait
pas prise en l’absence d’une telle pratique. Lorsque ces caractéristiques sont réunies, la
pratique est «réputée» trompeuse et, partant, déloyale en vertu de l’article 5, paragraphe 4,
de cette directive et elle doit être interdite en application du paragraphe 1 de ce même
article.
43
Force est ainsi de constater que les éléments constitutifs d’une pratique commerciale
trompeuse, tels qu’ils figurent à l’article 6, paragraphe 1, de la directive sur les pratiques
commerciales déloyales et ont été rappelés au point précédent, sont conçus
essentiellement dans l’optique du consommateur en tant que destinataire de pratiques
commerciales déloyales (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, VingSverige C-122/10,
Rec. p. I-3903, points 22 et 23) et correspondent en substance à la seconde condition
caractérisant une pratique de cette nature, telle qu’elle est énoncée à l’article 5,
paragraphe 2, sous b), de cette directive. En revanche, il n’est pas fait mention, audit
article 6, paragraphe 1, de la condition, figurant à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de
ladite directive, et relative à la contrariété de la pratique avec les exigences de la diligence
professionnelle, laquelle a trait à la sphère de l’entrepreneur.
44
Aussi la Cour n’a-t-elle fait aucune référence à cette dernière condition lorsque, dans son
arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič (C-453/10, points 40 et 41), elle a examiné
dans quelle mesure une pratique commerciale telle que celle en cause dans l’affaire ayant
donné lieu audit arrêt pouvait être qualifiée de «trompeuse» au titre de l’article 6,
paragraphe 1, de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.
45
Il découle de ce qui précède que, eu égard tant au libellé qu’à la structure des articles 5
et 6, paragraphe 1, de ladite directive ainsi qu’à l’économie générale de cette dernière,
une pratique commerciale doit être considérée comme «trompeuse» au sens de la seconde
de ces dispositions dès lors que les critères y énumérés sont réunis, sans qu’il y ait lieu de
vérifier si la condition relative à la contrariété de cette pratique avec les exigences de la
diligence commerciale, prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de cette directive, est
également remplie.
46
L’interprétation qui précède est la seule qui soit de nature à préserver l’effet utile des
règles particulières prévues aux articles 6 à 9 de la directive sur les pratiques
commerciales déloyales. En effet, si les conditions d’application de ces articles étaient
identiques à celles énoncées à l’article 5, paragraphe 2, de la même directive, lesdits
articles seraient dépourvus de toute portée pratique, alors même qu’ils ont pour but de
protéger le consommateur contre les pratiques commerciales déloyales les plus fréquentes
(voir point 40 du présent arrêt).
47
Ladite interprétation est en outre corroborée par la finalité poursuivie par la directive sur
les pratiques commerciales déloyales, consistant à assurer, conformément au
considérant 23 de celle-ci, un niveau commun élevé de protection des consommateurs en
procédant à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales
déloyales, y compris la publicité déloyale, des entreprises à l’égard des consommateurs
(voir, notamment, arrêt MediaprintZeitungs- undZeitschriftenverlag, précité, point 27),
étant donné que l’interprétation retenue est de nature à faciliter l’application effective de
l’article 6, paragraphe 1, de cette directive dans un sens favorable aux intérêts des
consommateurs destinataires d’une information fausse figurant dans les brochures
publicitaires diffusées par un professionnel.
48
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la
question posée que la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être
interprétée en ce sens que, dans le cas où une pratique commerciale satisfait à tous les
critères énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive pour être qualifiée de
pratique trompeuse à l’égard du consommateur, il n’y a pas lieu de vérifier si une telle
pratique est également contraire aux exigences de la diligence professionnelle au sens de
l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la même directive pour qu’elle puisse valablement
être considérée comme déloyale et, partant, interdite au titre de l’article 5, paragraphe 1,
de ladite directive.
Sur les dépens
49
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé
devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais
exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne
peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005,
relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du
Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et
du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil
(«directive sur les pratiques commerciales déloyales»), doit être interprétée en ce
sens que, dans le cas où une pratique commerciale satisfait à tous les critères énoncés
à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive pour être qualifiée de pratique
trompeuse à l’égard du consommateur, il n’y a pas lieu de vérifier si une telle
pratique est également contraire aux exigences de la diligence professionnelle au
sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la même directive pour qu’elle puisse
valablement être considérée comme déloyale et, partant, interdite au titre de
l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive.
Document n°4 :
Article L121-1 du Code de la consommation : (Modifié par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014
- art. 29)
I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances
suivantes :
1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom
commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à
induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles,
sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication,
les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats
attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et
contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de
vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement
ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou
de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement
identifiable.
II.-Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au
moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou
fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou
lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lorsque celle-ci ne ressort pas
déjà du contexte.
Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a
lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces
limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la
disposition du consommateur par d'autres moyens.
Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au
consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont
considérées comme substantielles les informations suivantes :
1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;
2° L'adresse et l'identité du professionnel ;
3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou
leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ;
4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des
consommateurs, dès lorsqu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le
domaine d'activité professionnelle concerné ;
5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi.
III.-Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels.
Document n°5 :
Article L121-1 du Code de la consommation (version issue de la loi de 1993) :
Est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations,
indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent
sur un ou plusieurs des éléments ci-après ; existence, nature, composition, qualités
substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication,
propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité,
conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou
procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par
l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des
prestataires.
Document n°6 : Com. 4 février 2014, n°13-11044
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 4 février 2014
N° de pourvoi: 13-11044
Non publié au bulletin Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit italien Ferragamo parfums a mis en vente
en France un nouveau parfum dénommé « Signorina » ; qu'estimant que les conditions de
cette mise sur le marché caractérisaient un comportement parasitaire à l'égard de son propre
parfum « Miss Dior », commercialisé depuis de nombreuses années, la société Parfums
Christian Dior a fait assigner la société Ferragamo parfums en référé afin, notamment, qu'il lui
soit interdit de fabriquer, distribuer et commercialiser en France le parfum « Signorina » et
qu'il lui soit enjoint de le retirer du marché ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la société Ferragamo parfums fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance qui
avait ordonné la cessation de la commercialisation et de la promotion du parfum « Signorina »
sur le territoire français, le retrait du marché sur le territoire français de l'ensemble des
produits litigieux et de tout élément portant une reproduction ou référence des produits
litigieux, et qui lui avait enjoint de communiquer à la société Parfums Christian Dior tous
documents de nature à établir la liste des points de vente en France incriminés et de
déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente des produits litigieux, le tout sous astreinte,
alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne saurait dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions
respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Parfums Christian Dior, en cause d'appel,
s'était exclusivement placée sur le terrain du parasitisme, prétendant que « la concurrence
parasitaire peut résulter de l'imitation d'un produit, concurrent ou non, et qu'elle peut être
constituée alors même qu'il n'existe aucun risque de confusion » ; que la société Parfums
Christian Dior avait expressément reconnu que la question du risque de confusion ne se posait
pas et qu'elle se plaignait exclusivement d'une concurrence parasitaire ; qu'en se plaçant sur le
terrain de la concurrence déloyale et en affirmant que « la société Parfums Christian Dior
démontre, au vu des commentaires que la commercialisation du parfum « Signorina » a
suscité auprès de la clientèle de ce type de produit que le risque de confusion est réel », la
cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de
procédure civile ;
2°/ qu'elle avait fait valoir « que la présence d'un nœud sur un parfum n'a rien d'inhabituel,
comme en témoigne le nombre incalculable de parfums sur le marché dotés d'un nœud » ;
qu'elle ajoutait que « le nœud est en effet l'une des tendances phares de ces deux dernières
années, à tel point que cet accessoire se trouve aujourd'hui décliné sur toute sorte d'articles de
prêt-à-porter, de joaillerie ou encore de cosmétologie » ; qu'en retenant l'existence d'une
concurrence déloyale de sa part du fait de la « présence d'un nœud stylisé au niveau du
bouchon » sur le parfum « Signorina », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le
recours à un nœud sur un flacon de parfum n'était pas un procédé banal exclusif de toute
concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1382 et 1383 du code civil ;
3°/ que la reproduction ou l'imitation servile d'un produit n'est constitutive d'un acte de
concurrence déloyale que si le demandeur à l'action prouve que la similitude a pour objet ou
pour effet de créer un risque de confusion entre les productions dans l'esprit du public ; qu'en
l'espèce, la société Ferragamo parfums avait fait valoir que le nœud « Vara » surplombant le
parfum « Signorina » constituait le nœud emblématique de Ferragamo commercialisé depuis
1978 et décliné depuis lors sur ses créations excluant de ce fait la reprise du nœud
radicalement différent figurant sur le parfum « Miss Dior » ; qu'en reprochant pourtant à la
société Ferragamo parfums d'avoir agi fautivement en commercialisant le parfum « Signorina
» en raison de l'utilisation « d'un nœud stylisé au niveau du bouchon », sans préciser en quoi
elle aurait repris les caractéristiques distinctives du nœud figurant sur le parfum « Miss Dior
», quand elle invoquait l'antériorité de la commercialisation et le caractère radicalement
différent du nœud emblématique « Vara », la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, qu'à la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d'un
faisceau de présomptions, le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se
placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou
de sa notoriété, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'après
avoir relevé que le parfum « Signorina » présentait, tant par son emballage que par son flacon
et sa publicité, des ressemblances frappantes, qu'il détaille, avec le parfum « Miss Dior »,
notamment un nœud stylisé au niveau du bouchon, jusqu'alors jamais utilisé pour ses autres
parfums par la société Ferragamo parfums, l'arrêt retient que ces similitudes entraînent, par la
reprise d'éléments caractéristiques fortement évocateurs du parfum « Miss Dior », une
ressemblance d'ensemble avec celui-ci et qu'il a créé la confusion dans l'esprit de la clientèle
précisément visée, à savoir celle des jeunes femmes ; qu'il en déduit qu'est ainsi caractérisée la
démarche de la société Ferragamo parfums de se placer dans le sillage de la société Parfums
Christian Dior et de profiter de son savoir-faire, de sa notoriété et de ses investissements pour
commercialiser son parfum, un tel comportement étant constitutif d'un agissement parasitaire,
qui engendre en conséquence un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;
qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des éléments de la cause, la
cour d'appel, qui ne s'est pas placée sur le terrain de la concurrence déloyale par copie servile,
comme invoqué par les deux premières branches du moyen, et qui pouvait, indépendamment
des écritures des parties, relever, parmi les éléments du débat, les effets du comportement
fautif qu'elle constatait, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 873 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du code civil et le
principe de réparation intégrale ;
Attendu qu'après avoir constaté que la commercialisation et la promotion du parfum «
Signorina » effectuées par la société Ferragamo parfums étaient constitutives de parasitisme,
l'arrêt confirme l'ordonnance qui, sous astreinte, avait interdit à cette société de distribuer,
commercialiser et faire la promotion de ce parfum sur le territoire français, sous quelque
forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, et
avait ordonné le retrait du marché sur le territoire français, aux frais de la société Ferragamo
parfums, de l'ensemble des produits litigieux et de tout document commercial, catalogue,
support promotionnel portant une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceuxci en France ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en prononçant une interdiction générale et sans limiter la mesure
qu'elle prononçait aux produits et publicités revêtus des caractéristiques jugées parasitaires, la
cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'ordonnance qui, sous astreinte,
avait interdit à la société Ferragamo parfums de distribuer, commercialiser et faire la
promotion du parfum « Signorina » sur le territoire français, sous quelque forme, de quelque
manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, et ordonné le retrait du
marché sur le territoire français, aux frais de la société Ferragamo parfums, de l'ensemble des
produits litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel portant
une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceux-ci en France, l'arrêt rendu le 9
octobre 2012
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