avoir de troubles organiques sous-jacents que, même si on est convaincu de l’utilité de ce que
pourra apporter un psychiatre, on sache maintenir le lien avec le patient. Autrement, l’envoi
chez le psychiatre risque d’être vécu comme un abandon, et une confrontation quelque peu
sauvage du patient à ses difficultés personnelles. Le fait qu’il y ait un maintien d’une double
prise en charge permet à beaucoup de patients de sauver la face. Personnellement, je n’ai
aucune réserve à l’égard de la possibilité que divers spécialistes soient des prescripteurs de
psychotropes. L’important est que ce ne soit pas une simple solution de facilité. Si un
rhumatologue prescrit sans engager une relation d’échange verbal, avec son patient qui intègre
le vécu de ce dernier et les caractéristiques de son environnement socio-affectif, mieux vaut
cliver la prise en charge entre un psychiatre ou un psychologue, d’une part, et un
rhumatologue d’autre part, qui s’en tiendra à une relation essentiellement technique. Je pense
toutefois que de tels rhumatologues sont de plus en plus rares. On peut aussi très bien
imaginer que le psychiatre intervienne en tant qu’expert ponctuel. Par exemple, si le
rhumatologue doute de la nécessité de mettre en route un antidépresseur chez un patient qui
n’est pas bien émotionnellement, le psychiatre peut être consulté une fois en passant pour
donner un avis. Cet avis spécialisé ponctuel va conforter le rhumatologue dans ce qu’il
pressentait et lui permettre ensuite de prendre en charge lui-même tout seul le patient.
Synoviale : Comment faut-il présenter la composante psychique de la douleur au patient
pour qu’il accepte de la prendre en compte ?
Dr S. Consoli : Il ne faut pas tomber dans des oppositions réductrices entre le corps et l’esprit
mais il est utile de présenter les choses dans un certain ordre. Dire par exemple d’abord au
patient que toute maladie physique comporte un retentissement émotionnel. C’est la relation
de causalité la plus acceptable pour le patient. Puis, lui expliquer que parfois on peut tomber
plus facilement malade ou souffrir davantage d’une maladie qui est déjà présente en raison
des difficultés de la vie. Il est en effet préférable de ne pas présenter les choses dans l'ordre
l’inverse. Ensuite, on peut préciser, ce qui correspond à une réalité clinique très fréquente :
“voilà, à un moment, les deux peuvent coexister”.
Par ailleurs, si le patient perçoit que le rhumatologue fait personnellement confiance à un
psychiatre, il lui sera plus facile de faire la démarche d'une consultation auprès d’un tel
spécialiste pour sa douleur.
Synoviale : Faut-il commencer par traiter les patients souffrant des troubles
somatoformes avec des médicaments psychotropes ?
Dr S. Consoli : Dans un certain nombre de cas, il faut quand même commencer par des
médicaments. Pour beaucoup de patients, c’est un signe de reconnaissance de l’authenticité de
ce qu’ils ressentent. Si le médecin me donne un médicament, c’est qu’il prend au sérieux ma
maladie. Et puis, tout simplement, l’expérience prouve qu’en psychothérapie ou dans une
relation psychothérapique, on arrive plus facilement à penser et à parler de soi de manière
constructive lorsque l’on n’est pas trop déprimé ou angoissé. Donc, la prescription d'un
médicament psychotrope peut être un premier temps pour favoriser l’engagement dans une
relation psychothérapique, soit avec un spécialiste soit avec le rhumatologue ou un médecin
généraliste.
Synoviale : Y a-t-il des doses de psychotropes recommandées pour ces patients ?
Dr S. Consoli : Le problème est que les antidépresseurs ont des effets secondaires et que les
plus efficaces sur la douleur sont ceux qui ont le plus d'effets secondaires. On s’adapte au cas
par cas pour trouver la dose appropriée.
Une erreur de stratégie est de vouloir être trop prudent. Parfois, il vaut mieux passer le cap des
effets secondaires en ayant informé le patient. Si on utilise des doses infra-cliniques, elles ne