J’ai bien essayé de lui faire comprendre ce phénomène qui me perturbe énormément mais
subitement elle a changé de sujet et finalement je suis ressortie de cette consultation plus
mal en point qu'avant.
La psychologue m’a donné un prochain rendez-vous pour la mi-janvier avec le psychiatre.
J’avais rendez-vous à 10h00 du matin, j’ai dû patienter durant vingt minutes avant d'être
reçue. Les éclats de rire qui me parvenaient aux oreilles me faisaient douter qu'il était en
consultation.
Il faut aussi souligner que son côté colonel, imposant me faisait à chaque fois craindre les
entretiens qui se déroulaient avec lui.
Aux environs de 10h25 sa porte s’ouvrit et ce médecin me fit entrer dans son cabinet et
comme je l'avais pressenti il n’y eut aucune personne qui en sortait ce qui signifie qu'il était
en correspondance téléphonique durant cette attente.
D’après les éclats de rire que j’avais entendus il ne s'agissait certainement pas d'une
consultation en urgence avec une patiente. Ensuite, le psy cherchait partout mon dossier.
Aucune idée où il se trouvait, comment pouvait-il être au courant de mon évolution et de
mes problèmes s’il n’avait pas préalablement pris la peine de le consulter. Il est 10H30
lorsque la consultation peut débuter.
Comme je n'allais vraiment pas bien à ce moment-là, j'ai voulu lui expliquer qu'il me
semblait important, qu'à n'importe quel âge, il puisse y avoir une thérapie familiale qui se
mette en place pour permettre à tous les membres de comprendre la réaction de la victime
qui se trouve au fond du trou et fait une tentative de suicide. Lorsque ce déclencheur arrive
et que la famille n'est pas au courant de l'extrême souffrance de la victime elle se retrouve
incrédule et effondrée comme après un cataclysme qui débarque subitement dans leur
existence jusqu'alors protégée de toutes tempêtes.
Au lieu de prendre vraiment le temps de m’écouter afin de me sécuriser, je fus à nouveau
accusée de vouloir délibérément détruire mon époux, mes enfants et tous mes proches. Il
m'exhorta à enterrer définitivement ce passé que je n'arrivais plus à supporter comme un
dictateur voulant écraser ses sujets encombrants. Je me suis sentie si petite, si impuissante,
si vulnérable que j'ai puisé dans mes ultimes forces du désespoir pour lui dire que je ne
parlais pour ainsi dire plus de mon passé depuis assez longtemps et que mes filles
comprenaient très bien ma situation et soutenaient moralement mon combat pour cette
cause. Alors le dictateur s'est empressé de me souligner, puisque tout allait bien dans le
meilleur des mondes, que l'entretien pouvait se terminer illico car il y avait déjà plusieurs
autres patients qui attendaient.
Je suis sortie du cabinet complètement effondrée avec un sentiment de culpabilité envers
tout le monde, j’étais comme une folle qui détruisait la vie de tout mon entourage. Dans ma
tête trottait le leitmotiv asséné à chaque consultation "IL FAUT OUBLIER ; C'EST POUR
VOTRE BIEN".
Comment pouvait-il savoir quel était mon bien puisqu'il n'a jamais essayé de comprendre
que ce passé si douloureux fait partie intégrante de ma vie parce que ce sont mes uniques
souvenirs d'enfance. A moins d'être devenus complètement amnésiques, qu'ils soient bons
ou mauvais n'est-il pas vrai pour tous que les souvenirs d'enfance ne s'effacent jamais.