
il  existe  une  controverse,  quand  on  veut 
être honnête, on rend compte de l’opinion 
des  deux  interlocuteurs,  puis  on  explique 
pour  quelles  raisons  on  a  tranché  selon 
l’une  d’entre  elles.  Or  actuellement,  nous 
fuyons souvent,  nous  n’examinons  et 
n’approfondissons  pas  les  motivations  du 
Rambam. 
 * 
 
Nous l’avons dit, selon le prof. Leibovitz la 
professionnalisation de l’étude de la Torah 
est à l’origine de l’assimilation qui décime 
depuis  deux  cents  ans  notre  peuple
. 
Pourquoi ?  Si  l’on  reprend  les  termes  du 
Rambam, le fait de recevoir de l’argent en 
contrepartie  de  l’étude  enlève  tout  éclat  à 
la  religion  et  couvre  la  Torah  de 
dénigrement.  Suffisamment  pour  fuir  la 
Torah  et  s’assimiler.  Citons  le  Rambam : 
« Or, les enfants d’Israël qui vivaient à leur 
époque [des tanaïm]  n’étaient  ni  cruels  ni 
dénués de générosité ; et nous n’avons pas 
non plus l’exemple d’un seul sage dont  le 
sort était misérable dénigrant les gens de sa 
génération  parce  qu’ils  ne  l’enrichissaient 
pas –loin d’eux une telle attitude ! Mais ils 
étaient gens  intègres,  croyant en la  vérité 
pour elle-même, croyant en l’Eternel et en 
la  Torah  de  Moïse  notre  maître,  grâce  à 
laquelle l’homme accède au monde éternel, 
et ils ne se sont jamais permis de demander 
de  l’argent  aux  hommes.  Ils  voyaient  en 
cela, en effet, une profanation du Nom au 
yeux du peuple car les gens auraient alors 
pensé  que  la  Torah  est  une  profession 
comme  une  autre  qui  sert  à  nourrir  son 
homme,  et  elle  en  serait  devenue 
méprisable  à  leurs  yeux ;  et  à  celui  qui 
aurait agi ainsi s’appliquait le verset : « Il a 
méprisé  la  parole  de  l’Eternel »  (Nb  15, 
11) 
 
Il y a donc une façon de s’investir dans la 
Torah  et  dans  l’étude  qui  détruit  la Torah 
et  l’étude,  qui  fait  fuir  « les  gens » de la 
 
 Dans  cet  entretien  avec  Agnon,  Leibovitz  n’insiste  pas  sur 
l’influence  de  la  haskala,  de  la  modernité  ou  de  l’esprit  des 
Lumières, ni sur l’émancipation des juifs.  
Torah et de l’étude. En revanche, plusieurs 
dizaines  de  générations  de  juifs  ont  su 
rester  attachées  à  la  Torah  jusqu’au 
sacrifice de leurs vies même si peu d’entre 
eux  étudiaient.  Aujourd’hui  par  contre, 
l’étude  se  répand  mais  le  peuple  juif 
disparaît  en  s’assimilant.  C’est  toute  la 
différence  entre  l’étude  désintéressée  et 
l’étude  intéressée :  l’une  inspire  un  tel 
respect que l’on est prêt à tout donner pour 
elle, l’autre écarte les juifs de l’acceptation 
du joug de la Torah et des mitsvot. Notons 
que  Leibovitz  ne  voit  pas  dans  le 
mouvement  du  retour  à  la  religion  et 
l’ultra-orthodoxie  « la  continuité  de  la 
grande  histoire  du  peuple  juif ».  « Le 
judaïsme du Beith Hamidrach s’est séparé 
du  peuple  juif  il  y  a  environ  deux  cents 
ans
 » dira-t-il par ailleurs. 
 Avraham YECHAYAHOU 
19 Kislev 5765     
  2 déc. 04 
 
 
 Sans  doute  dans  la  façon  d’étudier.  Leibovitz a  developpé  ce 
point dans son cours sur le Messilat Yecharim. La yéchiva et le 
beith hamidrach existent bien évidemment depuis longtemps. Ce 
qui serait  nouveau, outre la  façon  d’étudier  - le developpement 
du pilpoul, serait le fait que les étudiants, les talmidim, ne soient 
plus  accueillis  dans  des  familles  mais  dans  des  internats.  Ce 
point qui reste à justifier ne permettrait-il  pas  d’établir un  lien 
avec  ce  que  Jean-Claude  Milner  relève  dans  sa  critique  des 
penchants criminels  de  l’Europe  démocratique,  à  savoir  que  ce 
que  l’Europe  refuse  dans  le  judaïsme,  c’est  le  rapport 
homme/femme/parents/enfants ?  Ce  refus  là  se  serait  niché  au 
cœur même de l’étude juive contemporaine. Etude « moderne » .