Inspiration et tradition orale dans la lecture de la Torah à la fin

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Colloque du mercredi 5 novembre, à 17 h. 15
BFSH 2 (Anthropole), salle 5033
Inspiration et tradition orale dans la lecture de la Torah à la fin du
second Temple et au début du mouvement rabbinique
Günter Stemberger
Université de Vienne
La tradition chrétienne maintient l’inspiration de la Bible; elle est la parole de Dieu
transmise par l’auteur inspiré: «Car toute l'Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour
enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à la volonté de
Dieu» (pasa grafē theopneustos: 2 Tim 3,15). En principe, c’est aussi la conception
juive, mais avec une grande différence. Dès la fin du second Temple on accepte l’idée
que les livres prophétiques (y compris les Psaumes) sont des textes inspirés. On
accepte aussi l’inspiration des hagiographes, quoique avec quelques restrictions: «Le
Cantique des Cantiques rend les mains impures parce qu’il fut dit dans l’esprit saint.
Qohélet, par contre, ne rend pas les mains impures parce qu’il ne provient que de la
sagesse de Salomon» (Tosefta Yadayim 2,14). Les rabbins citent souvent des textes des
Prophètes ou des ketouvim au moyen de la formule: «L’esprit saint a dit par Isaïe
(Salomon, David etc.)». Mais on ne trouve nulle part un énoncé équivalent pour la
Torah. Moïse est, bien sûr, un prophète inspiré, mais son inspiration se limite à sa
fonction de guide du peuple juif ou à la prescience de certains détails, mais elle ne
concerne pas la Torah, qui est donnée au peuple d’Israël directement par Dieu – au
moins en ce qui regarde le décalogue. On discute sur le rôle précis de Moïse dans la
revélation de la Torah (a-t-il fidèlement transcrit les paroles de Dieu ou était-il libre dans
la formulation du contenu?), mais sans parler de son inspiration. L’existence de
recensions différentes du texte de la Torah (et encore plus, des autres livres bibliques) ne
pose pas de problème tant qu’on rencontre le texte surtout comme texte non lu, mais
proclamé, comme parole vivante. Cela change avec la fixation du texte jusque dans ses
moindres détails au début de l’ère rabbinique: dès lors, le texte revélé n’est plus que le
continuum des consonnes de la Bible; toute lecture à haute voix est déjà interprétation,
participe à la Torah she-be‘al peh, la tradition orale.
L’inspiration devient importante dans la rééecriture des livres de la Torah dans le
quatrième livre d’Esdras et surtout dans l’interprétation de la Bible. Daniel et plus tard le
Maître de Justice à Qumran réclament d’être des interprètes inspirés des livres saints.
C’est pareil dans le judaïsme rabbinique où les rabbins prétendent qu’après la fin de la
prophétie, l’esprit saint est passé à eux; ils sont les interprètes privilégiés de la Torah qui
n’est plus aux cieux mais qui leur a été transmise. Leur interprétation est une revélation
continue; elle aussi a été revélée au Sinaï ensemble avec les treize règles d’interprétation
attribuées à R. Ishmaël. Puisque partout où la communauté d’Israël se rassemble, la
Shekhinah est avec eux, la liturgie synagogale est le lieu privilégié où la lecture de la
Torah et son interprétation est une nouvelle proclamation de la parole de Dieu, inspirée
et inspirante.
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