Votre argent
« La religion juive traverse une crise qui est peut-être, à Dieu ne plaise, la dernière »
Y. Leibovitz
(1903-1994)
Qu’est-ce qui aujourd’hui encore alimente cette crise ?
Que doit-on faire pour ne pas cautionner cette crise ?
Selon le prof. Leibovitz la professionnalisation de l’étude de la Torah est à l’origine de l’assimilation
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qui décime notre
peuple depuis environ 200 ans.
Il s’appuie, semble-t-il, entre autres nombreuses sources, sur l’opinion du Rambam qui affirme que celui qui reçoit de
l’argent en contrepartie de son étude « profane le nom de Dieu, fait honte à la Torah et prive de tout éclat la religion »
(Hilkh’ot Talmoud Torah 3, 10; voir aussi Avot 4, 5
2
).
Pourtant, tant dans la Torah écrite qu’orale, le soutien de l’étude comme de ceux qui la transmettent revêtent la plus grave
importance. Ainsi lisons-nous :
« Maudit soit celui qui ne soutient pas les paroles de la Torah pour les faire, et
que tout le peuple dise ‘amen’ » (Deut. 27, 26).
A l’inverse, celui qui soutient la Torah est « béni
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» (voir à ce sujet Vayiqra Rabba, 25).
Mais comment faut-il soutenir la Torah ?
Rabbi Yoh’anan dit : « quiconque verse de la marchandise dans la poche d’un
disciple des Sages a le mérite de siéger dans la ‘Yechiva d’en Haut’ » Psah’im 53b
Le Netsiv explique bien qu’il n’est pas dit qu’il faille subvenir aux besoins du disciple des Sages, le
salarier, mais lui fournir de la marchandise. Afin, manifestement, que lui-même la revende et nourrisse sa famille.
La mitsva consiste, semble-t-il à alléger la charge de travail du disciple des Sages afin qu’il puisse mieux étudier et enseigner
davantage (Shéar Israël, chap. 10, 11, 12
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).
Pour un avis différent, d’autres décisionnaires ont permis le fait de percevoir de l’argent en contrepartie de
l’étude. Et c’est ainsi que nombre d’entre nous entretenons les collelim et certaines chivot qui préparent à ces
collelim ; alors que d’autres yéchivot préparent leurs élèves à mener de front étude de la Torah et pratique d’un
métier.
Il est pourtant étonnant que l’on n’explique si peu la position du Rambam, même si son opinion n’est pas
retenue par la majorité des décisionnaires. Habituellement, quand il existe une controverse, on rend compte de
l’opinion des deux interlocuteurs, puis on explique pour quelles raisons on a tranché selon l’une d’entre elles. Or
actuellement, nous fuyons souvent les motivations du Rambam.
*
Nous l’avons dit, selon le prof. Leibovitz la professionnalisation de l’étude de la Torah est à l’origine de l’assimilation qui
décime depuis deux cents ans notre peuple. Pourquoi ? Si l’on reprend les termes du Rambam, le fait de recevoir de l’argent
en contrepartie de l’étude enlève tout éclat à la religion et couvre la Torah de dénigrement. Suffisamment pour fuir la Torah
et s’assimiler. Citons-le : « Or, les enfants d’Israël qui vivaient à leur époque n’étaient ni cruels ni dénués de générosité ; et
1
Entretien avec Agnon rapporté par Leibovitz et retranscrit en français dans Israël et Judaïsme, ma part de vérité, Editions DDB
2
Voir la traduction française du commentaire du Rambam sur cette 5è michna du 4è chapitre du Traité des Pères, aux édition Verdier. Dans
une série d’entretiens sur Pirquei Avot, voir les trois chapitres sur Torah im Derekh’ Erets dans lesquels Y.Leibovitz expose les deux
opinions contraires des tanaïm sur cette question
3
« Baroukh’ » : source de stimulation vers l’abondance
4
Etude sur l’antisémitisme du dernier maître de la plus grande yéchiva. Dans cette étude, le rav semble établir un lien entre l’antisémitisme,
l’organisation de la société juive et le soutien de la torah, soutien qu’il comprend –en citant la guemara- comme aide financière apportée aux
disciples des sages qui travaillent à l’exclusion d’une prise en charge de ces même sages
nous n’avons pas non plus l’exemple d’un seul sage dont le sort était misérable dénigrant les gens e sa génération parce qu’ils
ne l’enrichissaient pas loin d’eux une telle attitude ! Mais ils étaient gens intègres, croyant en la vérité pour elle-même,
croyant en l’Eternel et en la Torah de Moïse notre maître, grâce à laquelle l’homme accède au monde éternel, et ils ne se sont
jamais permis de demander de l’argent aux hommes. Ils voyaient en cela, en effet, une profanation du Nom au yeux du
peuple car les gens auraient alors pensé que la Torah est une profession comme une autre qui sert à nourrir son homme, et
elle en serait devenue méprisable à leurs yeux ; et à celui qui aurait agi ainsi s’appliquait le verset : « Il a méprisé la parole de
l’Eternel » (Nb 15, 11) »
Il est souvent admis que seuls les traditionalistes s’assimilent. Or, la société occidentale étant divisée en deux, il y a deux
façons de s’assimiler ! Voyons comment le financement dévoyé de l’étude de la Torah cause chez l’ensemble du peuple juif,
chez les religieux comme chez les non-religieux, une « profanation du nom de dieu, un dénigrement de la Torah et un retrait
de tout l’éclat de la religion ».
Comment la société occidentale se compose-t-elle par rapport à la religion ? D’un côté, une infimité de théologiens,
ecclésiastiques et moines, avec autour d’eux un groupe plus large de pieux traditionalistes, et de l’autre, la foule, plus ou
moins consciente de partager les mêmes valeurs que les religieux dont elle se moque souvent. La société chrétienne est
composée comme une société païenne : le sorcier et son petit groupe, que l’on voit rarement, pour les « grandes occasions »,
et le reste de la société.
Or depuis que l’on a sorti la Torah des maisons pour qu’elle s’effrite dans des institutions, la société juive s’organise à la
mode occidentale : le collel et certaines yéchivot d’un côté, la communauté consistoriale de l’autre. Deux façons de
s’assimiler. Deux adresses où notre argent encourage l’assimilation. Argent « légalement détourné ». Légalement, puisque
certains décisionnaires l’autorisent, mais détourné si l’on suit l’avis du Rambam.
Nous avons vu que la Torah suggère que nous façonnions différemment nos communauté juives autour de l’étude. Afin que
l’argent offert pour soutenir l’étude de la Torah enraye l’assimilation.
Au contraire des sommes versées pour subvenir aux besoins de ceux qui étudient, l’argent que l’on confie aux disciples des
Sages, pour faciliter leur réussite professionnelle, libère une énergie colossale. Quand des hommes travaillent et vouent leurs
forces à l’étude ils retirent la Torah des institutions et la ramènent dans les familles juives. Ils ne vivent pas dans un
monastère juif, ne s’expriment pas dans une langue de spécialistes, il connaissent le monde et le langage de leur peuple et
peuvent donc, eux, garantir la transmission de la Torah orale, pilier du judaïsme.
Les descendants d’Avraham sont généreux, gomlei h’assadim dit la michna. Les bnei Israël soutiennent souvent de leur
mieux la Torah. C’est un fait avéré de tous ceux qui ont accès aux comptes des diverses associations de soutien à l’étude
juive
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. Nous parlons alors de sommes considérables, d’une puissance de renouveau du judaïsme irrésistible.
Qu’on ne s’y trompe pas : c’est ainsi que le peuple juif a traversé l’Histoire et transmis la Torah. Pendant des siècles. Et
depuis que le modèle juif s’est effacé derrière la structuration non-juive de la société, le peuple juif disparaît.
Il est certes possible que l’entente entre Yissakh’ar et Zevouloun puisse être bénéfique à petite échelle, pour quelques
particuliers, ou seulement pour deux tribus d’Israël, entre membres de la même famille. Mais dans le monde occidental, et de
façon généralisée, officielle, ne mène-t-elle pas à la catastrophe ?
Ce n’est peut-être pas en augmentant, mais en réorientant notre générosité qu’il est entre nos mains de sortir de la crise dont
parlait le professeur Leibovitz. Crise qui touche toutes les familles juives. Et s’il ne s’agit pas d’en sortir, ne se devrait-t-on
pas, au moins, de ne pas cautionner l’hécatombe ?
Avraham Yechayahou
20 tichri 5765, h’ol hamo’ed soucot / 5 oct. 2004
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A ce sujet, citons quelques extraits d’un midrach commenté par Leibovitz.
« La sidra [Peqoudei] commence par les mots : Voici les comptes du sanctuaire / Elé péqoudei hamichcan
Ex 38, 21
(…) A ce sujet, le midrach pose une question que tout homme doit se poser, en particulier ceux qui s’occupent des affaires de la
communauté : « Pourquoi Moïse leur a-t-il dit (à Israël) : « faisons les comptes » ? Dieu lui accordait sa confiance ! Comme le dit le verset :
De toute ma maison, il est le plus fiable
Nb 12, 7
Autrement dit, celui à qui Dieu apporte un témoignage qu’il n’accorde à aucun autre homme que Moïse, un tel homme est-il obligé de
présenter des factures pour tout l’or et l’argent qui ont circulé entre ses mains et rendre compte aux autres du fait qu’il n’a pas porté atteinte
aux diverses sommes et offrandes allouées pour le sanctuaire ? Le midrach répond par l’affirmative à cette question, en conséquence de quoi,
dans la sidra Péqoudei, notre maître Moïse présente un compte rendu détaillé aux bnei Israël. (…)»
+ ‘et laasoot l’hachem
Voir aussi: 2Rois chap.12
Rav Moche Feinstein, chout + Michel Mohneit: le gendre de R.Moché devenu médecin suite à cette étude.
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