nous n’avons pas non plus l’exemple d’un seul sage dont le sort était misérable dénigrant les gens e sa génération parce qu’ils
ne l’enrichissaient pas –loin d’eux une telle attitude ! Mais ils étaient gens intègres, croyant en la vérité pour elle-même,
croyant en l’Eternel et en la Torah de Moïse notre maître, grâce à laquelle l’homme accède au monde éternel, et ils ne se sont
jamais permis de demander de l’argent aux hommes. Ils voyaient en cela, en effet, une profanation du Nom au yeux du
peuple car les gens auraient alors pensé que la Torah est une profession comme une autre qui sert à nourrir son homme, et
elle en serait devenue méprisable à leurs yeux ; et à celui qui aurait agi ainsi s’appliquait le verset : « Il a méprisé la parole de
l’Eternel » (Nb 15, 11) »
Il est souvent admis que seuls les traditionalistes s’assimilent. Or, la société occidentale étant divisée en deux, il y a deux
façons de s’assimiler ! Voyons comment le financement dévoyé de l’étude de la Torah cause chez l’ensemble du peuple juif,
chez les religieux comme chez les non-religieux, une « profanation du nom de dieu, un dénigrement de la Torah et un retrait
de tout l’éclat de la religion ».
Comment la société occidentale se compose-t-elle par rapport à la religion ? D’un côté, une infimité de théologiens,
ecclésiastiques et moines, avec autour d’eux un groupe plus large de pieux traditionalistes, et de l’autre, la foule, plus ou
moins consciente de partager les mêmes valeurs que les religieux dont elle se moque souvent. La société chrétienne est
composée comme une société païenne : le sorcier et son petit groupe, que l’on voit rarement, pour les « grandes occasions »,
et le reste de la société.
Or depuis que l’on a sorti la Torah des maisons pour qu’elle s’effrite dans des institutions, la société juive s’organise à la
mode occidentale : le collel et certaines yéchivot d’un côté, la communauté consistoriale de l’autre. Deux façons de
s’assimiler. Deux adresses où notre argent encourage l’assimilation. Argent « légalement détourné ». Légalement, puisque
certains décisionnaires l’autorisent, mais détourné si l’on suit l’avis du Rambam.
Nous avons vu que la Torah suggère que nous façonnions différemment nos communauté juives autour de l’étude. Afin que
l’argent offert pour soutenir l’étude de la Torah enraye l’assimilation.
Au contraire des sommes versées pour subvenir aux besoins de ceux qui étudient, l’argent que l’on confie aux disciples des
Sages, pour faciliter leur réussite professionnelle, libère une énergie colossale. Quand des hommes travaillent et vouent leurs
forces à l’étude ils retirent la Torah des institutions et la ramènent dans les familles juives. Ils ne vivent pas dans un
monastère juif, ne s’expriment pas dans une langue de spécialistes, il connaissent le monde et le langage de leur peuple et
peuvent donc, eux, garantir la transmission de la Torah orale, pilier du judaïsme.
Les descendants d’Avraham sont généreux, gomlei h’assadim dit la michna. Les bnei Israël soutiennent souvent de leur
mieux la Torah. C’est un fait avéré de tous ceux qui ont accès aux comptes des diverses associations de soutien à l’étude
juive
. Nous parlons alors de sommes considérables, d’une puissance de renouveau du judaïsme irrésistible.
Qu’on ne s’y trompe pas : c’est ainsi que le peuple juif a traversé l’Histoire et transmis la Torah. Pendant des siècles. Et
depuis que le modèle juif s’est effacé derrière la structuration non-juive de la société, le peuple juif disparaît.
Il est certes possible que l’entente entre Yissakh’ar et Zevouloun puisse être bénéfique à petite échelle, pour quelques
particuliers, ou seulement pour deux tribus d’Israël, entre membres de la même famille. Mais dans le monde occidental, et de
façon généralisée, officielle, ne mène-t-elle pas à la catastrophe ?
Ce n’est peut-être pas en augmentant, mais en réorientant notre générosité qu’il est entre nos mains de sortir de la crise dont
parlait le professeur Leibovitz. Crise qui touche toutes les familles juives. Et s’il ne s’agit pas d’en sortir, ne se devrait-t-on
pas, au moins, de ne pas cautionner l’hécatombe ?
Avraham Yechayahou
20 tichri 5765, h’ol hamo’ed soucot / 5 oct. 2004
A ce sujet, citons quelques extraits d’un midrach commenté par Leibovitz.
« La sidra [Peqoudei] commence par les mots : Voici les comptes du sanctuaire / Elé péqoudei hamichcan
Ex 38, 21
(…) A ce sujet, le midrach pose une question que tout homme doit se poser, en particulier ceux qui s’occupent des affaires de la
communauté : « Pourquoi Moïse leur a-t-il dit (à Israël) : « faisons les comptes » ? Dieu lui accordait sa confiance ! Comme le dit le verset :
De toute ma maison, il est le plus fiable
Nb 12, 7
Autrement dit, celui à qui Dieu apporte un témoignage qu’il n’accorde à aucun autre homme que Moïse, un tel homme est-il obligé de
présenter des factures pour tout l’or et l’argent qui ont circulé entre ses mains et rendre compte aux autres du fait qu’il n’a pas porté atteinte
aux diverses sommes et offrandes allouées pour le sanctuaire ? Le midrach répond par l’affirmative à cette question, en conséquence de quoi,
dans la sidra Péqoudei, notre maître Moïse présente un compte rendu détaillé aux bnei Israël. (…)»