parties, non plus que dans les mots du texte, que réside l'essence du droit. Il arrive que la
volonté des parties soit muette ou contradictoire. Il arrive qu'en lieu et place de l'intention
commune on ne trouve que des intentions divergentes. Force est alors de chercher
ailleurs.
L'interprète interroge enfin les nécessités sociales. Il s'agit moins, en ce cas,
d'expliquer un texte que de résoudre un conflit d'intérêts, conformément à la justice. Si,
en effet, le texte du contrat est impuissant à révéler l'intention commune, c'est dans
l'examen des réalités et dans les exigences du problème à résoudre que l'interprète
trouvera la solution. Il faut avoir le courage de l'admettre : il ne s'agit plus de la vérité des
résultats – ils sont invérifiables – mais de leur opportunité sociale. En pareille occurrence,
l'interprète s'inspire de facteurs objectifs (la bonne foi, la nature du contrat, les usages,
l'équité et la loi) pour adapter le contrat aux besoins du moment, et dégager ce qui en
résulte pour que justice soit rendue. On objectera qu'alors cette méthode, censée dire la
volonté des parties, ne dit plus que celle de l'interprète. Je le concède. Parce que,
effectivement, il en est ainsi.
Cela dit, il semble que les tribunaux mettent en pratique une méthode nouvelle
d’interprétation. Cette méthode participe elle-même de la philosophie nouvelle qui régit
maintenant le droit des contrats.
Il apparaît en effet que les tribunaux sanctionnent la conduite abusive plus
rigoureusement qu'autrefois. Il apparaît aussi qu'ils appellent désormais les parties à une
collaboration plus étroite dans la poursuite des objectifs communs fixés par le contrat.
Naturellement, le contrat reste un compromis ponctuel entre des intérêts opposés, mais,
de plus en plus, les tribunaux y voient aussi « une convergence d'intérêts communs et
équilibrés ». Le point de vue s'est déplacé.
On sait qu'au terme de l'article 1434 du Code civil du Québec le contrat oblige
ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce
qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi. Cet article, où
Trudel voyait « le principe premier de l'interprétation contractuelle
», était jusqu'à
récemment resté lettre morte ou presque. Les tribunaux l'invoquaient rarement. Il est
maintenant devenu, au dire de Louise Poudrier-Lebel, une règle fondamentale
d'interprétation des contrats
. Ici aussi, le point de vue s'est déplacé.
Il en est de même pour la bonne foi. Trudel y voyait naguère « l'assise des
conventions
», mais les tribunaux n'y faisaient pas référence, ou alors très peu.
Maintenant, de l'avis de Brigitte Lefebvre, la bonne foi est devenue aussi une règle
fondamentale d'interprétation des contrats
. Ici encore, le point de vue s'est déplacé.
G. TRUDEL, Traité de droit civil du Québec, t. VII, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1946, p. 339. Voir
aussi P.-A. CRÉPEAU, « Le contenu obligationnel d'un contrat », (1965) 43 R. du B. can. 1.
L. POUDRIER-LEBEL, « L'interprétation des contrats et la morale judiciaire », (1993) 27 R.J.T. 581.
G. TRUDEL, Traité de droit civil du Québec, t. VII, précité, note 2, p. 338.
B. LEFEBVRE, « Liberté contractuelle et justice contractuelle : le rôle accru de la bonne foi comme norme
de comportement », Développements récents en droit des contrats, Cowansville, Les Éditions Yvon
Blais inc., 2000, p. 49.