LA DYSLEXIE EXPLIQUEE AUX PARENTS Qu’est-ce que la dyslexie ? Définition Le rapport de l’Inserm de 2007 consacré aux troubles des apprentissages retient comme définition de la dyslexie : « Trouble spécifique de l’apprentissage dont les origines sont neurobiologiques. Elle est caractérisée par des difficultés dans la reconnaissance exacte et/ou fluente des mots ainsi que par une orthographe des mots et des capacités de décodage limitées. Ces difficultés résultent typiquement d’un déficit de la composante phonologique du langage qui est souvent inattendu par rapport aux autres capacités cognitives de l’enfant et de l’enseignement dispensé en classe. Les conséquences secondaires peuvent inclure des problèmes dans la compréhension de la lecture. Cela peut entraîner une expérience réduite dans la lecture qui pourrait empêcher la croissance du vocabulaire de l’enfant et de ses connaissances générales. » En clair les enfants présentent des difficultés d’apprentissage du langage parlé et du langage écrit malgré une intelligence normale et malgré des conditions normales d’éducation. Il s’agit d’un problème courant qui toucherait 3-4 garçons pour une fille sur 5 à 10% de la population. Les formes sévères concernent 3% à 4% des enfants (1 élève par classe). Pathogénie Génétique Bien que l’origine soit inconnue une cause génétique est très probable vu le nombre de familles de dyslexiques mais aucun chromosome n’est encore clairement mis en cause. Anatomie du cerveau Les études anatomiques des cerveaux de dyslexiques qui montrent des anomalies sont nombreuses. Ces anomalies portent surtout sur le cerveau gauche mais aussi sur le corps calleux et le cervelet. Hypothèses pathogéniques Il n’existe aucune cause sociale ni psychologique et plusieurs théories sont proposées par les chercheurs. La pathogénie, relevant de plusieurs théories, reste indéterminée car elles ne répondant pas à la question : l’altération cognitive précède t’elle les anomalies anatomiques ou est-ce l’inverse ? Théorie phonologique Elle pose le principe que la dyslexie touche les sons du langage comme si l’enfant était incapable de découper les mots entendus en sons (appelés aussi phonèmes) donc de manipuler ces sons, de les stocker et de les retranscrire en unités graphiques correspondantes (appelés graphèmes). Si tous les chercheurs s’accordent pour trouver une altération de la conscience phonologique chez le dyslexique il n’y a pas de consensus pour savoir s’il s’agit de la cause de la dyslexie ou sa conséquence. Théorie magno-cellulaire Il y aurait une altération anatomique et fonctionnelle du système magno-cellulaire. Les magno-cellules étant des cellules nerveuses à conduction lente que l’on retrouve principalement dans les voies visuelles et auditives mais également dans les systèmes moteur et proprioceptif. Ceci permettrait de comprendre pourquoi les enfants dyslexiques présentent souvent d’autres troubles. Théorie cérébelleuse Le cervelet est le chef d’orchestre des toutes les afférences sensitives et sensorielles notamment visuelles, auditives et proprioceptives permettant ainsi une véritable automatisation du traitement de toutes ces informations. Tout ce passerait comme si l’enfant était capable seulement d’un déchiffrage lent (comme chez l’apprenti lecteur) mais pas d’une lecture automatisée (comme chez le lecteur expert). Cette théorie est séduisante car elle montre le lien nécessaire entre tous les systèmes sensoriels dans les tâches d’apprentissage et explique pourquoi un enfant dyslexique à tant de mal à apprendre dès lors que les taches sont multiples, automatisées, motrices ou à fort contenu cognitif. Comment s’apercevoir que mon enfant est dyslexique ? (signes cliniques) Comme il est difficile au début de faire la différence entre un simple retard de lecture et une véritable dyslexie les textes officiels définissent la dyslexie comme un retard de lecture de 18 mois mais cela impose que le diagnostic ne soit pas fait avant 8-9 ans alors que les difficultés commencent déjà dès l’école maternelle. De nombreuses études ont montré que des signes précoces de dyslexie existent comme par exemple un retard de langage, un vocabulaire pauvre avec des phrases courtes de 18 à 24 mois, à partir de 2 ans des difficultés dans la désignation des objets et la mise en place des intonations adaptées dans la parole. A l’école maternelle L’apprentissage de la lecture n’est pas encore à l’ordre du jour mais un certain nombre d’activités y préparent l’enfant. L’enfant futur dyslexique sera en retard dans presque toutes ces activités : - Langage parlé, vocabulaire, syntaxe, prononciation - Jeux de mots, comptines - Mémorisation de suites d’éléments sans logique apparente (alphabet) - Représentation spatiale (dessus, dessous, devant, derrière) - Activités motrices (lancer de balle, laçage des chaussures) Ce retard s’il est confirmé par l’enseignant et touche plusieurs de ces activités doit provoquer une consultation chez une orthophoniste et une psychologue scolaire. A l’école primaire C’est l’apprentissage de la lecture qui est de toute évidence plus lent et plus difficile que pour les autres enfants de la classe : - Lecture lente, laborieuse - Absence d’arrêt aux ponctuations - Confusion entre le b/d ou p/b - Inversion, suppression de lettres, omission de la fin de mots - Remplacement de certains mots lus par des synonymes - Plus grande difficultés à lire à voie haute. Mais les travaux écrits sont également perturbés : - Fautes d’orthographes inlassablement répétées - Mauvaise utilisation de l’espace de la page - Incapacité à concevoir des textes avec des phrases longues Les résultats scolaires ne sont pas à la hauteur de l’intelligence de l’enfant ni des efforts qu’il déploie car s’ajoutent aux troubles du langage écrit : - Une mémoire déficiente surtout en ce qui concerne les dates, les poésies, les tables de multiplication - Une dégradation des résultats à l’écrit par rapport à l’oral surtout en ce qui concerne le raisonnement mathématique - Une désorganisation de l’espace de travail qui s’observe par l’absence de capacité à ranger ses affaires de manière pratique (livres non classés dans l’ordre), pas de latéralisation droite/gauche, nord/sud …apprentissage difficile du clavier d’ordinateur En bref un enfant que l’enseignant percevra d’abord comme intelligent mais rêveur puis motivé mais brouillon pour finir par paresseux voire carrément cancre ! Dans les grandes classes et à l’âge adulte Tout ce qui touche à la lecture et quel qu’en soit le support (livre, brochure, plan, dictionnaire, écran informatique …) sera difficile pour le dyslexique. Les résultats scolaires ne seront au rendez-vous que si le corps enseignant et la famille auront pris la mesure de son handicap et mis en place des mesures adaptées. En contre partie les dyslexiques pourront exceller et même dépasser leurs congénères normo-lecteurs dans des domaines variés nécessitant une grande volonté, une adresse manuelle, des capacités artistiques ou un don pour diriger une équipe. Comment peut-on aider un enfant dyslexique ? Rôle des parents dans la prévention de la dyslexie Ces conseils sont inspirés du livret « objectif langage » réalisé par le Syndicat des Orthophonistes de côte d’Or. Baigner le de mots dès la naissance Un bébé ne parle pas encore mais il compte sur vous pour lui apprendre. N’oubliez pas que le langage écrit s’apprend après le langage parlé. Racontez lui tout ce qui se passe (ce que vous faites, ce qui l’entoure, les personnes qui l’approchent) avec des mots simples mais justes, énoncés calmement, chaleureusement, pourquoi pas en riant…Ne remplacez pas votre propre discours par celui d’un média (télévision, radio, chaîne Hi-fi). Faîtes de la communication de plaisir Dès que votre enfant commence à communiquer avec vous montrez lui que la communication est un plaisir et surtout que tout est langage : les rires, les pleurs, les mimiques d’expression, les regards mais aussi les attitudes et les gestes. Favorisez toujours le dialogue soit en tête à tête mais aussi quand toute la famille est réunie pendant le repas. Faîtes de ce moment un espace de dialogue où chacun peut raconter (ne dites plus : on ne parle pas à table !), au besoin en organisant les échanges entre les grands et les plus petits. Enrichissez son vocabulaire et sa syntaxe Parlez-lui normalement avec des mots simples en phrases courtes mais correctement construites. Expliquez-lui les mots qu’il ne comprend pas. Corrigez ses fautes de prononciation et de syntaxe avec patience mais justesse. Aidez le à mettre en mots ses sentiments, que ce soit pour une joie, une tristesse ou une colère. Aidez vous du geste Les comptines, les histoires que l’on lit le soir avant de coucher le petit enfant sont propices à des situations mimées. Le corps fait partie intégrale de la communication et cela bien avant le langage parlé. Le geste favorise l’intégration sensorielle ainsi que la mémoire notamment chronologique. N’oubliez pas les livres Les livres sont à découvrir dès que l’enfant peut les saisir : en tissu ou plastique dès 5 mois puis en carton. Ils doivent être de petite taille au début, colorés et pourquoi pas sonores. N’hésitez pas à lui confier des magazines qu’il pourra toucher, manipuler, déchirer. Racontez lui ce que le livre contient. Laissez le colorier s’il l’envie lui en prend. Plus tard lisez lui les histoires, même si les enfants vous réclame la même histoire pour la centième fois. Il est important aussi que l’enfant vous voit ainsi que ses frères et sœurs lire. Au moindre doute, consultez un spécialiste Les deux sens les plus sollicités dans l’apprentissage du langage restent la vision et l’audition. Un trouble de la vision comme l’hypermétropie peut très bien être compensé par un enfant au prix d’un effort qui le découragera de lire. Les otites ne sont pas toutes aigues et douloureuses, une otite chronique au cours d’une rhinopharyngite abaisse le seuil de l’audition. En cas de doute montrez votre enfant à un ORL et un Ophtalmologiste. Si votre enfant présente un retard de langage, un bégaiement parlez en à votre médecin qui vous proposera de l’adresser à un orthophoniste. La rééducation orthophonique est d’autant plus efficace qu’elle est commencée tôt. L’accompagnement d’un enfant dyslexique L’enfant dyslexique n’est pas un paresseux, bien au contraire mais il fatigue vite, manque de concentration, a une faible mémoire de travail, se sent dévalorisé par rapport à ses camarades voire ses frères et sœurs. Un certain nombre de conseils les aident à gérer ces difficultés : - utiliser une autorité bienveillante mais ferme, - enlever du bureau de l’enfant tous les gadgets distracteurs inutiles pour le travail immédiat. S’assurer qu’il est bien assis, en face de son cahier ou de son livre et qu’il utilise un pupitre, - veiller à ce que le lieu de travail soit isolé des bruits ajoutés (télévision, radio, lecteur MP3) - contrôler la bonne organisation de l’agenda (cahier de textes) et lui rappeler les notions d’espace-temps. L’aider à étaler ses leçons sur la semaine. - corriger avec les lui toutes les fautes d’orthographe en particulier celles de copie, - oraliser ses leçons en les lui lisant et en les lui faisant répéter - favoriser les activités extra scolaires sources de satisfaction pour l’enfant et de dépenses physiques. Rôle des enseignants dans la prévention de la dyslexie Connaître les voies de la lecture Pour aider un enfant en difficulté dans cet apprentissage il est utile de savoir l’origine de l’écriture et de comprendre comment le mécanisme d’apprentissage se met en place. Stanislas DEHAENE dans « les neurones de la lecture » détaille ce processus et on pourrait en retenir quelques points : - l’écriture est née du besoin de communiquer et d’enseigner son semblable, il s’est agit de coder des idées abstraites, les premières ayant été les nombres vers 8000 ans avant notre ère. - les écritures ont d’abord été pictographiques comme l’écriture hiéroglyphique et se sont appuyées sur ce que le corps humain peut percevoir (les stimuli sensoriels) ou exprimer mais elles étaient trop complexes pour être connues de l’ensemble du peuple et donc réservées à une élite. - L’écriture alphabétique est née vers 1700 ans avant notre ère de la nécessité de simplifier les écritures pictographiques pour permettre sa diffusion au plus grand nombre mais aussi pour pouvoir exprimer plus d’idées abstraites. - Les lettres de l’alphabet qui codent pour des sons ont été choisies pour que leur forme soit proche d’un objet qui rappelle ce son. Par exemple notre « a » provient du mot sémitique »’aleph « qui signifiait le bœuf et qui a donc été représenté par une tête de bœuf stylisée « » avant de devenir par la suite l’alpha » α »des grecs. - Il a été montré que les neurones de la lecture proviennent du recyclage de neurones de reconnaissance de formes. - 3 grandes étapes pour apprendre à lire ont été individualisées : o d’abord une étape picturale vers l’âge de 5 ans où l’enfant pourra être capable de « lire » quelques mots simplement en reconnaissant sa forme, en particulier pour de grandes marques célèbres par la publicité. Il pourra aussi apprendre facilement le nom des lettres et reconnaître leur forme mais sans pouvoir les associer à leur son. o puis une étape phonologique, pendant laquelle il va prendre conscience de la correspondance entre les lettres et les sons que l’on appelle les phonèmes. o Enfin une étape orthographique dite aussi lexicale pendant laquelle l’enfant devient en quelque sorte expert parce qu’il va classer directement de mots entiers en mémoire (on dit aussi adresser). Pendant un temps l’enfant devra faire appel à la voie phonologique chaque fois qu’il verra un mot nouveau pour lui et petit à petit la voie lexicale deviendra largement majoritaire La prévention de la dyslexie en classe Le titre de ce sous chapitre est un peu provocateur car la dyslexie est un déficit inéluctable cependant il faudrait savoir ne pas l’aggraver par des méthodes d’apprentissage inadaptées. L’apprentissage de la lecture est du domaine des enseignants et les parents ont aussi un rôle à jouer. Le propos ici n’est pas d’apprendre leur métier aux enseignants et encore moins de se substituer aux textes officiels mais plutôt de proposer quelques pistes qui peuvent répondre à des questions posées en présence d’un enfant qui bute sur l’apprentissage de la lecture. L’étape charnière de la lecture c’est le décodage des graphèmes en phonèmes. C’est donc là que l’effort doit se porter et plus personne ne croit que la méthode dite « globale » qui fait appel à la voie lexicale exclusivement ne doit être enseignée en premier lieu. La logique est bien sûr d’utiliser à fond les capacités cognitives de l’enfant et de respecter l’ordre d’acquisition des différents stades pictographique, phonétique puis lexical. Dès la maternelle et en particulier la grande section se met en place une stimulation de la conscience phonologique de l’enfant par l’enseignant en faisant appel à la voie sensorielle et à l’encodage. Il met en place une progression réfléchie de l’apprentissage avec un préalable : - Habileté de l’enfant à l’écoute, à discriminer et identifier des sons et des bruits - Habileté dans le traitement séquentiel, à classer dans l’ordre les images d’un récit - Connaissance des lettres de l’alphabet par leur nom mais aussi par leur forme (abécédaire tactile, traçage des lettres au doigt dans l’espace) - Travail de mémoire et de sens du rythme par l’apprentissage de comptines et les exercices musicaux Puis l’apprentissage lui-même fera appel à la stimulation sensorielle en procédant par analogie Exemple : un phonème est comme un personnage qui produit le son concerné (comme Monsieur « O » est tout rond et fait « Oh » …); une lettre peut être associée à un objet ou une personne (comme le « b » est un bébé …) Et à l’encodage, nécessaire acquisition, la lettre est un son, les sons sont des lettres …qui s’appuie bien sûr sur l’épellation phonétique. L’accompagnement d’un enfant dyslexique par l’enseignant Selon les statistiques un enseignant a de fortes de chance d’avoir 2 ou 3 enfants dyslexiques dans sa classe. S’il est désireux d’adapter son enseignement pour favoriser l’apprentissage de ces enfants là nous lui recommandons l’excellent chapitre de Madeleine QUERCIA à ce sujet dans « Traitement proprioceptif et dyslexie ». Voici néanmoins quelques conseils de bon sens : - le cadre de la classe doit rester le plus intangible possible pour favoriser le repérage dans l’espace, sans objets distracteurs mais avec des panneaux favorisant la mémoire. - L’enfant en difficultés doit être placé en face du tableau, au 2 ou 3ème rang à côté d’un élève calme et organisé. - L’enseignant structure le travail dans le temps en préférant l’agenda au cahier de texte, il favorise l’oral chaque fois que possible sinon il veille à ce que ses présentations écrites soient hiérarchisées, aérées et d’une écriture irréprochable. - Il fait en sorte que l’ensemble de la classe soit au courant de l’existence de ces élèves dyslexiques et qu’elle participe à les aider - L’enfant dyslexique doit être valorisé car la plupart du temps il n’est pas sot, il est courageux et à de véritables dons artistiques et manuels. - Les grandes difficultés concernent surtout o La lecture, se rappeler que le dyslexique panique à l’idée même de lire à voie haute o L’apprentissage des leçons est perturbée par la nécessité de lire ces leçons mais aussi par un défaut de mémoire immédiate. Cette difficulté peut se contourner en lui lisant ses leçons (enseignant, parent, camarade …) o La copie, toujours désastreuse, ne présente aucun intérêt pédagogique pour lui, il est tout simplement incapable de « photographier » un texte et donc de le restituer. Pourquoi ne pas mettre à sa disposition cet outil moderne qui s’appelle la photocopie ? o Les dictées sont aussi des bêtes noires qu’il faut tacher d’apprivoiser en aménageant ces leçons d’orthographe : dictées à trous, objectifs isolés par thème grammaticaux, correction orale faite par l’élève lui-même ou un camarade o L’apprentissage des langues étrangères sera d’autant plus difficile que le dyslexique sera orienté vers une langue très irrégulière comme l’anglais. Il préfèrera une langue régulière comme l’allemand et sera vraiment à l’aise avec des langues dite transparentes comme l’italien ou l’espagnol. CONCLUSION Il faut retenir que la dyslexie est un trouble d’apprentissage de la lecture, qui semble inéluctable puisqu’accompagné de signes cérébraux et qui retentit forcément sur les performances scolaires générales de l’enfant. Cependant de nombreux moyens existent pour aider les enfants qui en sont atteints, ils passent tous par une prise de conscience collective du problème demandant la coopération de la famille et des enseignants pour adapter leur vie de tout les jours à ce qui est officiellement considéré comme un handicap.