Francqui-inaugural-court

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Jean-Pierre Devroey
Université libre de Bruxelles
De Georges Duby à Adriaan Verhulst:
minimalisme, révolution, dynamisme de l’économie
médiévale.
Texte français
Binnenlandse Francqui Leerstoel 2005-2006.
Universiteit Gent, 15 maart 2006.
De Georges Duby à Adriaan Verhulst: minimalisme, révolution, dynamisme de
l’économie médiévale.
Binnenlandse Francqui Leerstoel 2005-2006. Universiteit Gent.
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Président de la Fondation Francqui,
Monsieur le Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres,
Chers Collègues, Chers Étudiants, Mesdames, Messieurs,
Derrière son titre général, De Georges Duby à Adriaan Verhulst, minimalisme,
révolution, dynamisme de l’économie médiévale, ma leçon d’aujourd’hui donnera
l’occasion de rencontrer plusieurs maîtres gantois de l’histoire médiévale, d’Henri
Pirenne à François-Louis Ganshof, de Jan Dhondt à Adriaan Verhulst, sans compter
des contemporains comme Erik Thoen et Marc Boone. Je me plais à souligner
combien de telles personnalités incarnent la vigueur de la tradition séculaire des
études d’histoire économique et sociale médiévale à l’Université de Gand et les liens
féconds qui unissent depuis plus d’un siècle les écoles historiques gantoises et
bruxelloises. Hier, nous avions le plaisir d’inaugurer à Bruxelles la Binnenlandse
Francqui-leerstoel confiée à Marc Boone. Il fut précédé à l’ULB, où Henri Pirenne
devait occuper une chaire d’histoire médiévale à la fin de sa vie, par François-Louis
Ganshof, Binnenlandse Francqui-leerstoel en 1953-54, pour des leçons consacrées
aux tonlieux dans la monarchie franque aux temps mérovingiens et carolingiens et
par Adriaan Verhulst lui-même, Binnenlandse Francqui-leerstoel en 1982-83, pour
des leçons consacrées à l’histoire rurale de la Belgique. Mon maître Georges Despy
et lui, étaient liés par des sentiments d’amitié et d’estime réciproques, mais
également et, peut-être surtout, par une conception très proche du métier d’historien,
inscrite dans une tradition positiviste radicale, assise sur les techniques de l’érudition
et le travail au plus près des sources, un certain scepticisme pour les modèles
anthropologiques et même sociologiques et économiques et les visions globalisantes
de l’histoire1. Je dois certainement à ces liens tissés entre les deux hommes d’avoir
fréquemment rencontré Adriaan Verhulst, sur le plan professionnel puis amical, à
1
Despy (1990), Préface. Prevenier, Thoen (1995), The Scholarly Career. Dierkens, Duvosquel (1991),
Georges Despy.
1
partir des années ’80, pour ensuite et progressivement nouer des relations de
proximité et de connivence qui ont inscrit mes propres travaux dans la filiation et le
prolongement de son œuvre scientifique. Après Ganshof et Bonenfant, dans les
années ‘50, après Verhulst et Despy, dans les années ’80, des liens forts continuent
à lier les deux écoles historiques gantoise et bruxelloise au travers de leurs élèves,
Marc Boone et Eric Thoen, Claire Billen et moi-même.
Je m’exprime donc aujourd’hui devant vous, avec une émotion mêlée de tristesse,
mais aussi de fierté et de joie, pour vous présenter une leçon qui est, bien sûr,
spécialement dédiée à la mémoire d’Adri Verhulst. Je remercie très chaleureusement
la Fondation Francqui et l’Université de Gand de m’avoir donné cette occasion de lui
rendre hommage, trois ans et plus après sa disparition en novembre 2002, en traitant
le thème général de recherche « Économie rurale et développement en Europe
médiévale ».
Le grand partage
L’idée d’un « grand partage » entre nature et culture exerce une influence
déterminante sur la structure narrative de l’histoire occidentale en partageant les
groupes humains et leurs civilisations entre « primitifs », définis à la fois par
l’absence des principales caractéristiques des sociétés modernes (État, règle,
marché) et par leur proximité avec l’état de nature, et des civilisés. Cette dichotomie
remonte à l’Antiquité gréco-romaine où elle s’est combinée avec les premières
philosophies de l’histoire. Elle place inévitablement la question de la fin du monde
antique dans la perspective d’une régression générale de l’état de culture à l’état de
nature, de la civilisation à la barbarie, quelles que soient d’ailleurs les questions
posées sur les causes (Gibbon) ou la chronologie (Pirenne) de ce processus. Le
constat de primitivisme et de catastrophisme du Haut Moyen Âge a donc fait très
longtemps la quasi-unanimité des générations, des disciplines historiques et des
différentes historiographies nationales depuis la fin du XVIII e siècle. Ce constat pose
inévitablement la question de la re-naissance de la civilisation occidentale, que celleci soit vécue comme un retour à l’Antique ou comme une naissance de la modernité.
L’économie, qui nous intéresse ici au premier plan, a longtemps occupé une simple
place fonctionnelle dans la mécanique générale de compréhension de la société et
du mouvement social. C’est l’école classique, née des réflexions à propos De la
nature et des causes de la richesse des nations d’Adam Smith (1776), qui a accordé
2
pour la première fois une place prépondérante à la vie économique dans la
compréhension globale de l’humanité. Mais le rapport des Classiques à l’histoire
restait ambigu. L’économie politique est fondée au XIXe siècle comme une science
du temps présent, sans préoccupation historique particulière. L’Allemagne fait alors
figure d’exception intellectuelle, puisque les bases de l’histoire économique y sont
jetées en trois générations d’économistes et d’historiens, de Friedrich List à Wilhelm
Roscher et à Bruno Hildebrand. Ces travaux placent l’économie historique dans une
perspective évolutionniste rendant à l’économie politique les dimensions de l’espace
et du temps. Hildebrand jette définitivement les bases d’une théorie du
développement de l’économie et de la société par étapes (Stufentheorie) dans
laquelle le début du Moyen Âge est caractérisé comme l’époque d’une économie
naturelle ou de subsistance (Naturalwirtschaft, Eigenwirtschaft) dominée par
l’autoconsommation des producteurs et l’idéal de l’autosuffisance.
Jusqu’à la fin de la prépondérance de l’école dite méthodique, l’historiographie
française est restée presque totalement à l’écart des idées défendues par l’économie
historique allemande. Comme l’écrit Charles Seignobos en 1924 dans L’histoire
politique de la France contemporaine, « les phénomènes politiques dominent
l’économie et la société ». Ce primat du politique condamne la vision du Haut Moyen
Âge à la barbarie et au chaos. En 1844, dans ses célèbres Prolégomènes à l’édition
du polyptyque de Saint-Germain-des-Prés, Benjamin Guérard ne reconnaît pas un
seul mérite aux vainqueurs de l’Empire romain d’Occident : « Il n’y eut [à l’époque
mérovingienne] de progrès constant que vers la barbarie (…). Il y avait partout
diversité et inégalité ; et comme nulle part rien n’était réglé, ni contenu, ni définitif, il y
avait lutte et guerre partout ». « Le progrès continu et indéfini de la civilisation »,
s’interroge Guérard en conclusion, ne serait-il pas « un séduisant sophisme ? Au lieu
de passer toujours et constamment du mieux au mieux, la civilisation va souvent du
bien au mal ; tantôt elle avance, tantôt elle recule : c’est un mouvement irrégulier et
perpétuel de va et vient, comme tout ce qui tient à la nature de l’homme, dont la loi
éternelle est de croître et de décliner ».
L’époque carolingienne marque un intermède d’un siècle avant le retour de la société
à la division, à l’anarchie et à la violence. « Des hommes énergiques et ambitieux,
capables de concevoir de grands desseins et de les exécuter (…) succèdent à des
souverains appauvris et sans gloire, dégénérés ou malheureux ». Charlemagne est
3
le fondateur « d’une grande nation » ; il sut « réunir, diriger et maîtriser les forces
particulières et opposées, bâtir des villes (…), créer à tous une communauté d’intérêt
(…) ; il reconstitua l’unité du pouvoir et le gouvernement central ; il recueillit les
restes de la civilisation et les anima d’une vie nouvelle ». L’héritage de Pépin III et de
Charlemagne est galvaudé par ses successeurs en deux générations. « Bientôt
disparurent pour longtemps, la tranquillité publique et la sécurité personnelle,
l’autorité royale, les institutions et les lois. La confusion devint générale, et le droit fut
remis à la force. Fallait-il donc passer par cette anarchie pour arriver à la
Renaissance, et la route qu’y avait tracée Charlemagne n’y conduisait-elle pas d’une
manière plus prompte et plus sûre ? » 2.
Souveraineté de l’État, unité de la Nation, égalité devant la Loi, le programme
politique qui figure à l’agenda du pouvoir carolingien d’après Guérard est résolument
contemporain, dans la France de la monarchie de Juillet, gouvernée par l’historien
François Guizot. Comme l’écrivait Richard Sullivan à propos du Carolingian Age, ces
conceptions, qui traversent toute l’historiographie de l’époque carolingienne jusqu’à
nos jours, sont associées à une vision de l’histoire en mouvement, tendant à
démontrer quand et comment des forces ont transformé une société fragmentée,
désorganisée et anarchique en structures unifiées, en fondements institutionnels et
culturels, en une civilisation holistique3.
Ces représentations font partie intégrante de la mémoire transmise d’une génération
d’historiens à l’autre, durant le XIXe et la moitié du XXe siècle. Dès le début du XIXe
siècle, les éléments principaux d’une grande narration, plaçant la « renaissance »
carolingienne entre deux longues phases de régression, sont en place. « Quand le
mal fut arrivé à son comble mais aussi à son terme », écrit Jacques Flach à propos
du Xe siècle, dans ses Origines de l’ancienne France (1893), « quand les invasions
furent refoulées ou triomphèrent, il s'opéra une nouvelle prise de possession du sol ;
il s'introduisit dans les campagnes un régime nouveau »4. Flach est le premier
historien français à présenter aussi clairement l’hypothèse d’une grande mutation de
l’an Mil, précédée par la misère généralisée et le chaos.
2
Guérard (1844), Polyptyque de l’abbé Irminon, t. 1, pp. 199-205.
3
Sullivan (1989), The Carolingian Age.
4
Flach (1893), Les origines de l’ancienne France, Paris, p. 75.
4
Minimalistes
L’expression ‘minimaliste’ vient sous la plume de Pierre Toubert et d’Adriaan Verhulst
pour désigner l’opinion nouvelle, fondée à partir des années 1960 sur les travaux de
Georges Duby, selon laquelle la période carolingienne aurait été caractérisée,
comme tout le reste du Haut Moyen Âge, par une profonde dépression agricole. Un
des caractères essentiels du monde carolingien aurait été le taux de rentabilité
extrêmement faible du système de production domanial5. Les arguments à l’appui de
cette thèse sont supportés avant tout par des conjectures démographiques sur la
densité très faible du peuplement, à l’exception de quelques régions privilégiées
situées dans le cœur de l’Empire franc, et sur l’absence d’incitation démographique
au décollage. Le système agraire paraît bloqué par des forces économiques et des
contraintes techniques qui ont nom : manque d’intensification, techniques et
pratiques de culture primitives, rendements céréaliers et récoltes misérables.
Dévorée par les prélèvements destinés à maintenir tant bien que mal le capital
humain, à reconstituer le capital d’exploitation et à assurer la consommation de
l’armée, de la cour royale et des seigneurs, la production agricole ne laisse guère de
marge pour approvisionner le marché. L’autoconsommation était la règle et
consumait toute opportunité de développement non-agricole.
Cette vision pessimiste de l’économie des temps carolingiens contraste fortement
avec le ton général de l’historiographie française jusqu’à la fin des années ‘50. Parce
qu’ils considéraient le règne de Charlemagne comme une époque de renaissance,
ces historiens « étaient inconsciemment portés à y supposer dans tous les domaines
un progrès identique »6. Vue comme un tout, la civilisation carolingienne est le lieu
d’une brillante ‘renaissance’ agraire marquée par l’initiative royale. « Avant d’être un
grand conquérant, un grand homme d’État, Charlemagne était un grand propriétaire
foncier et un grand agronome ; c’est le caractère primordial de son personnage »7.
Analysée à la lumière du capitulaire de villis, la seigneurie carolingienne apparaissait
comme une « vaste entreprise, ferme et manufacture tout à la fois »8. Le caractère
5
Toubert (1990), La part du grand domaine, p. 61. Verhulst (2002), The Carolingian Economy, p. 7.
6
Pirenne (1927), Les villes du Moyen Âge, p. 325.
7
Grand, Delatouche (1950), L’agriculture au Moyen Âge, p. 242.
8
Bloch (1968²), Les caractères originaux, 1, p. 77.
5
brillant de la civilisation carolingienne, les succès militaires de Charlemagne seraient
« difficiles à expliquer sans les ressources d’une économie exclusivement
agricole »9. L’agriculture devait avoir été prospère (dans la sphère au moins de la
grande propriété publique et aristocratique) pour justifier l’essor militaire et culturel de
l’empire carolingien. Parmi les historiens d’expression française, Henri Pirenne fait
bien-sûr exception. « Ce qui est vrai de la culture littéraire, de l’état religieux, des
mœurs, des institutions et de la politique ne l’est pas de la circulation et du
commerce (…). L’histoire est forcée de reconnaître que, si brillant qu’il apparaisse
par ailleurs, le siècle de Charlemagne, à le considérer du point de vue économique,
est un siècle de régression » 10.
L’histoire politique domine, même dans des synthèses consacrées exclusivement à
l’économie rurale comme L’agriculture au Moyen Âge publiée par Roger Grand et
Raymond Delatouche en 1950. L’inversion de la conjoncture politique après
l’avènement de Louis le Pieux entraîne l’économie dans une phase profonde de
régression. « Tout compte fait », conclut Grand, « cet effort se soldera, en définitive,
par un déficit car, dès le cours du IXe siècle, les inventaires mentionnent de
nombreuses terres vacantes, mansi absi, non vestiti. C’est que, apaisé le feu de
paille de la renaissance caroline, après la disparition de Charlemagne viennent les
incursions normandes et c’est alors une nouvelle et profonde régression »11. Il faut
attendre la « renaissance du XIe au XIVe siècle » pour que la société européenne,
« épuisée par la décomposition de l’empire carolingien sous l’action des
nationalismes régionaux (…), reprenne alors vigoureusement de ses forces »12.
Avec son contemporain, Jacques Le Goff qui publie en 1965 La civilisation de
l’Occident médiéval, Duby présente la ruralisation, « fait économique, fait
démographique (…), fait social » comme l’élément déterminant qui modèle le visage
de la société médiévale13. Ces idées constituent un tournant épistémologique. Elles
permettent de comprendre pourquoi et comment Georges Duby a renoncé à la vision
9
Latouche (1970²), Les origines de l'économie occidentale, p. 186.
10
Pirenne (1927), Les villes du Moyen Âge, p. 325.
11
Grand, Delatouche (1950), L’agriculture au Moyen Âge, p. 244.
12
Ibidem, p. 245.
13
Le Goff (1964), La civilisation de l’Occident médiéval, pp. 51-53.
6
holistique d’une renaissance carolingienne délivrant ses effets bénéfiques dans tous
les secteurs de la vie culturelle, sociale et économique, pour défendre l’hypothèse
d’une longue et profonde stase de la vie des campagnes jusqu’à la révolution
agricole du IIe millénaire.
Naissance de l’histoire rurale française
Avant d’examiner la thèse défendue par Georges Duby, nous devons remonter trente
ans plus tôt, à la publication des Caractères originaux de l’histoire rurale française.
Comme l’écrit Lucien Febvre dans sa préface de 1952, le livre de Marc Bloch signe
la naissance de l’histoire rurale en France. Auparavant, il s’était trouvé des hommes
connaissant « la technique des champs » pour décrire la vie des campagnes, mais
parmi les historiens français de profession, « la technique agricole était lettre
close (…), leurs paysans ne labouraient que des cartulaires, avec des chartes en
guise d'araires ». Dans son bilan critique de 1952, Febvre souligne trois carences
principales : le désintérêt pour les techniques, l’absence de problématique
économique et celle du comparatisme. Les questions agraires se posent « à tout le
moins, sur le plan européen. » Les Caractères originaux marquent « l’avènement
d’une histoire rurale, qui, mitoyenne entre l’histoire de la technique agricole, du
régime domanial et de l’évolution comparée des peuples européens, va devenir pour
longtemps un des champs d’études les plus féconds du domaine historique – un de
ces lieux de choix où pourront le plus aisément s’entendre pour collaborer les
historiens soucieux de réalités et les géographes curieux d’origines ». Dix ans plus
tard, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval s’inscrit
dans la postérité de l’œuvre de Bloch. Celui-ci avait su esquisser les grandes lignes
d’une géographie historique de la campagne française « en dominant les histoires
provinciales ». Georges Duby regardera « plus loin encore » (France, Angleterre,
Empire) en construisant sur l’historiographie européenne, spécialement anglaise et
allemande, son Essai de synthèse et perspectives de recherche.
Le cadre chronologique purement médiéval choisi par Duby est fortement décalé par
rapport à l’architecture générale des Caractères originaux qui englobent toute
l’histoire de la France rurale jusqu’au XVIIIe siècle. Marc Bloch construit son livre sur
le contraste entre agriculture traditionnelle et révolution agricole moderne. Avant le
XVIIIe siècle, la diversité des régimes agraires s’inscrivait dans l’espace plutôt que
dans la durée. Au-delà des temps historiques, « c’est bien plus haut, jusqu’aux
7
populations anonymes de la préhistoire, créatrice de nos terroirs, qu’il faudrait
remonter » pour comprendre l’histoire des campagnes françaises14. Marc Bloch s’est
expliqué longuement sur la place importante qu’il a donné aux transformations
intervenues dans la vie agraire à partir du XVIII e siècle. L’histoire est avant tout la
science d’un changement. Cependant, l’état lacunaire de la documentation impose
aux études agraires de pratiquer la méthode régressive : « Pour interpréter le passé,
c’est vers le présent ou, du moins, un passé tout voisin du présent qu’il sied, d’abord,
de regarder ». S’il sait jouer du contraste entre tradition et modernité, Bloch prend
ses distances par rapport au concept de révolution agricole forgé par Karl Marx sur la
base du programme de modernisation des campagnes défendu par les Agronomes
et les Classiques à la fin du XVIIIe siècle : la disparition des paysages d’openfield par
l’abolition des servitudes collectives et la promotion de l’individualisme agraire 15. Pour
Marc Bloch, c’est toutefois l’européanisation, puis la mondialisation des échanges au
cours du XIXe siècle qui ont imposé « la condition impérative et parfois gênante de
toute amélioration agricole (…) : la spécialisation rationnelle des sols ». Si l’idée de
révolution agricole peut avoir droit de cité à ses yeux, c’est pour créer un parallèle
terminologique avec la « révolution industrielle » durant laquelle les bouleversements
des techniques et des usages agraires « sont intimement liés dans leur chronologie
et dans leur nature ». « Révolution, sans doute, si l’on entend par ce mot une
mutation profonde. Mais secousse inouïe succédant à des siècles d’immobilité ? Non
certes. Mutation brusque ? Pas d’avantage. Elle s’est étendue sur de longues
années, voire plusieurs siècles ».
Révolution économique ou révolution agricole ?
Pour Marc Bloch qui utilise l’expression en 1939 dans le 1 er tome de la Société
féodale, s’il y eut bien une « révolution économique médiévale », ce bouleversement
coïncide avec l’intense mouvement de peuplement de 1050 à 1250 qui a
« transformé la face de l’Europe ». Ce qui manque avant tout en Occident avant l’an
Mil, ce sont les hommes !
-
Peuplement clairsemé ;
14
Bloch (19682), Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, t. 1, p. 64.
15
Verhulst (1988), Agrarische Revoluties, p. 5.
8
-
Agglomérations séparées par de multiples vides ;
-
Agriculture extensive ;
-
Manque de relations culturelles, commerciales…16.
Bloch fait ici figure de précurseur de théories actuelles du développement
économique en insistant sur l’intensification de la « vie des relations sous toutes ses
formes » comme facteur de développement de l’activité économique. La croissance
démographique est un facteur d’intensification dans tous les domaines : agricole,
avec l’accent mis sur les défrichements ; artisanal, avec les moyens nouveaux que
procure l’intégration de techniques éprouvées, comme le moulin à foulon. « Cette
révolution (…), seuls les phénomènes démographiques l’avaient rendue possible. Si
la population n’avait pas été plus qu’auparavant abondante et la surface cultivée plus
étendue, si, mieux mis en valeur par des bras plus nombreux, soumis, notamment, à
des labours plus souvent répétés, les champs n’étaient devenus capables de plus
épaisses et plus fréquentes moissons, comment eût-on pu rassembler, dans les
villes, tant de tisserands, de teinturiers ou de tondeurs d’étoffe et les nourrir »17.
L’intense mouvement de peuplement de 1050 à 1250 a rapproché les uns des autres
les groupes humains, favorisant, dans leur ascension de nouveaux pouvoirs,
bourgeoisies urbaines, royautés et principautés. L’urbanisation rendue possible par
la croissance démographique a entraîné une véritable révision des valeurs sociales :
l’économie médiévale n’a plus été dominée par le producteur, mais par le
commerçant. L’explication défendue par Marc Bloch est demeurée inachevée avec
sa mort tragique : au-delà du rôle causal attribué au progrès démographique, à
rebours du malthusianisme, il manque la description de cet « intense mouvement du
peuplement » qu’il se proposait en 1939 d’aborder « dans un autre livre ».
La révolution agricole médiévale
Avec Georges Duby, l’explication du changement historique se situe précisément aux
antipodes de l’idée de la population comme cause première de la croissance. Duby a
formulé ses idées dans un premier article publié en 1954 sous le titre La révolution
16
Bloch (1939-1940), La société féodale, 1, pp. 97-111.
17
Bloch (1939-1940), La société féodale, 1, pp. 111-115.
9
agricole médiévale18, mais c’est surtout dans son livre de 1962 qu’il les a
développées de la manière la plus ample. Le « premier essor de l’économie
européenne » est le fruit d’une révolution des techniques et des pratiques agricoles :
élevage du cheval – techniques d’attelage – charrue lourde – assolements réguliers.
« C’est un moment capital de l’histoire des moyens de production »19. La croissance
agraire qui a en a résulté soutint l’augmentation de la population et l’extension des
espaces cultivés. « L’essor de l’Europe médiévale, toutes les manifestations
d’exubérance qui apparaissent dans une vive lumière après l’an mil, la montée
démographique, la renaissance des villes et des échanges, l’affermissement de
l’ordre politique, aussi bien que la floraison culturelle, procèdent incontestablement,
pour reprendre une expression de Fernand Braudel, d’une réussite agricole. Car ce
pays était auparavant exclusivement rural ; les traditions alimentaires y imposaient
de produire avant tout des grains. Tout le progrès fut par conséquent poussé en
avant, sans nul doute, par un accroissement de cette production céréalière »20.
Avant cette première « révolution agricole » médiévale, l’Occident a traversé une
longue et sombre phase de régression généralisée. « En dépit d’une énorme
dépense de main d’œuvre et de l’extension démesurée de l’aire des villages », écrit
Duby à propos des campagnes carolingiennes, « il faut s’imaginer ces ruraux
tenaillés par la faim. Leur seule préoccupation était sans doute de subsister, de tenir
pendant le printemps et le début de l’été, au moment des travaux les plus durs.
Lorsque le peu qui restait des réserves alimentaires après les réquisitions des chefs
commençait à s’épuiser, s’ouvrait alors chaque année le temps des grandes
privations et des nourritures de hasard, où l’on trompait sa faim en dévorant les
herbes du jardin, les baies de la forêt, où les paysans quêtaient un peu de pain à la
porte des riches. Toute l’économie de ce temps paraît bien dominée par la menace
permanente de la disette »21. La thèse minimaliste défendue par Duby s’appuie
implicitement sur les idées exposées par Malthus dans L’essai sur le principe de la
population (1798).
18
Duby (1954), La révolution agricole médiévale.
19
Duby (1973), Guerriers et paysans, p. 221.
20
Duby (1966), Le problème des techniques agricoles, p. 267.
21
Duby (1962), L’économie rurale, 1, p. 87.
10
Savoir technique
bas et stable
Croissance technique
impossible
Sols pauvres
Sous-peuplement
Surpeuplement
Disette
Croissance démographique
impossible
Sols riches
Croissance
démographique
naturellle
Terres riches
Pour Georges Duby, les campagnes occidentales avant l’an Mil se partageaient entre
des « espaces vides, très imparfaitement exploités » et des « îlots surpeuplés où la
croissance biologique stimulée par la prospérité agraire faisait se presser les
hommes aux lisières de la disette (...). La tendance naturelle probable à l'expansion
démographique se heurte au blocage des forces productives (...). Point de
croissance (...) : la stagnation. Une stagnation dont on peut penser qu'elle résulte
pour une grande part du surpeuplement et de la sous-alimentation qu'il provoque
(...). Il semble que la poussée démographique ait alors été bloquée par l'impuissance
des hommes à étendre l'espace agricole, à accroître par-là leur subsistance »22. Pour
que cette longue stase se dénoue, il faut qu'intervienne une profonde mutation.
« C'est », écrit Robert Fossier en 1982, « la rupture (du carcan technique) qui a
donné naissance à l'Europe en permettant un essor de production vivrière qui
deviendra un essor tout court. Et comme cette rupture a été catégorique dans les
trois ‘secteurs’ (de l'économie), le mot révolution ne me paraît pas ici non plus trop
fort »
. Par son analyse d’un monde carolingien bloqué par le seul rapport
23
ressources-population, Duby annonce « la réhabilitation générale de Malthus » par
22
Duby (1962), Économie rurale, 1, p. 69 et suiv. Souligné par nous.
23
Fossier (1982), Enfance de l'Europe, 2, p. 615.
11
Emmanuel Le Roy Ladurie et la Nouvelle histoire. Malthus a su fournir « les
paradigmes essentiels qui permettent de donner forme à l’histoire économique, et
spécialement démographico-rurale, de 1340 à 1720 »24.
L’autoconsommation était la règle et il n’y avait pas d’incitation à l’investissement. La
technique agricole était primitive et les instruments rares et faits de bois. « This kind
of statement », écrit Adriaan Verhulst en 2002, « [was] mostly made without the
thorough support of texts or other evidence »25. Les textes de 1962 ouvrent pourtant
la porte à deux décennies de « catastrophisme » pour l’image de l’économie rurale
du Haut Moyen Âge dans les manuels et les synthèses : L’homme carolingien vit
« au milieu des bois, sur un arrière-plan de faim (Jan Dhondt, 1968) ; il produit peu et
mal : « la production des biens, son exiguïté ; une évidence, la faim, la pénurie
(Renée Doehaerd, 1971). L’Histoire de la France rurale publiée en 1975 partage le
Moyen Âge en deux époques : le Haut Moyen Âge, scandé par des titres de chapitre
sans ambiguïté : « les VIe-VIIe siècles, la nuit barbare » ; « les temps carolingiens, la
croissance impossible », précède « le temps de la croissance » depuis le XIe siècle
jusqu’à 1340 (Guy Fourquin, 1975). En 1982, dans son Enfance de l’Europe, Robert
Fossier pousse le tableau du sous-développement de l’agriculture carolingienne à
son paroxysme26.
Paradoxalement, alors que ces idées se diffusent et se radicalisent, Georges Duby a
progressivement pris ses distances. En 1973, dans Guerriers et Paysans, les
préoccupations de l’historien sont désormais plus larges, étendues aux conditions
écologiques, démographiques, technologiques et aux structures de la société. Il
semble que devant les rudes critiques qui avaient accueilli l’ouvrage de Lynn White
Jr., Medieval Technology and Social Change, Duby ait écarté l’application mécaniste
de l’argument technologique, pour rechercher plus largement dans les conditions
écologiques, démographiques, technologiques et les structures de la société, « les
24
Le Roy Ladurie (1980), Y a-t-il une nouvelle histoire ?, p. 5. Dosse (20052), L’histoire en miettes, pp.
193-199.
25
Verhulst (2002), The Carolingian Economy, p. 7.
26
Doehaerd (19903), Le Haut Moyen Âge occidental, Dhondt (1976), Le haut moyen âge, Fourquin
(1975), Le premier Moyen Âge, Fossier (1982), Enfance de l’Europe.
12
facteurs du développement économique dont l’Europe occidentale fut le lieu entre le
VIIe et la fin du XIIe siècle »27.
Deux réunions internationales marquent un coup d’arrêt aux idées minimalistes.
Invités en 1979 à Spolète à vérifier l’équation « Naissance de l’Europe et Europe
carolingienne », Karl Ferdinand Werner, Pierre Riché et Eugen Ewig accueillent
fraîchement l’exposé de Robert Fossier consacré aux tendances de l’économie.
Leurs répliques relèvent toutefois de la démarche holistique que Richard Sullivan
reprochait aux spécialistes de l’époque carolingienne : « Vous nous laissez »,
s’exclame Werner « en face d’un miracle carolingien, parce tout ce qu’on a fait dans
tant d’autres domaines, on l’aurait réussi sans aucune base économique valable ».
« Je ne peux », poursuit Pierre Riché, « expliquer les grandes réalisations
carolingiennes sans supposer un essor économique »28. Pour sortir de cette impasse,
il faudra attendre encore dix ans et la synthèse réalisée en 1988 à Flaran autour d’un
questionnaire conçu par Charles Higounet peu avant sa mort : La croissance agricole
du Haut Moyen Âge. Chronologie, modalités, géographie. Présidant la table-ronde
finale, Georges Duby y est désormais dans la posture de l’arbitre 29. Revenant en
1991 dans L’histoire continue sur la synthèse de 1960, il en souligne
courageusement les points faibles : « mes suppositions relatives à l’évolution des
rendements, au rôle de l’outillage, à la fonction des jachères se sont vite révélées
mal fondées, et je ne me pardonne pas d’avoir suggéré l’idée qu’une révolution
agricole avait eu lieu en Europe au XIIe siècle »30.
La « ruralisation » de la problématique du développement médiéval de l’Europe
demeure un acquis fondamental de la recherche des années 1960. Elle a ruiné
l’hypothèse centrale d’Henri Pirenne qui attribuait la naissance des villes au XIe
siècle à un seul facteur exogène, la réussite d’une classe de déracinés, les
marchands-entrepreneurs, agissant sur la ville « du dehors et non du dedans », sans
27
Duby (1973), Guerriers et paysans. Lynn White Jr. (1962), Medieval Technology and Social
Change. Sawyer, Hilton (1963), Technical Determinism: The Stirrup and the Plough. Bilan critique,
Rösener (1992), Agrarwirtschaft, Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft, pp. 73-75.
28
Fossier (1981), Les tendances de l’économie, discussion, pp. 275-290.
29
La croissance agricole (1990).
30
Duby (1991), L’histoire continue, p. 97.
13
aucun lien avec l’activité agricole31. « It is nowadays a common assumption », écrit
en 1963 Rodney Hilton, « that there must have been an improvement in the
productivity of agriculture to make possible the population growth, the urbanization
and the commercial expansion of eleventh- to thirteenth-century Europe; this growth
must have had an economic basis (…). Given the agrarian basis of society, the
obvious conclusion is that these elements of the social and political superstructure
were derived from the surplus product of agriculture, surplus, that is, after the
subsistence of the basic producers had been provided »32. Hilton laisse l’alternative
ouverte à propos de l’origine de l’augmentation des surplus disponibles pour une
population non-agricole : un accroissement de la productivité agricole per capita
(Lynn White Jr., Duby) ou une plus grande efficacité dans la manière de dérouter les
surplus des producteurs aux non-producteurs, par exemple par l’augmentation de la
rente et des taxes foncières.
Le dynamisme de l’économie médiévale
La notion de « réalité dynamique » de l’économie et de la société du Haut Moyen
Âge occidental a été introduite par Adriaan Verhulst dans un article publié en 1984 à
propos de L’histoire rurale de la Belgique jusqu’à la fin de l’Ancien Régime 33. Cette
idée est devenue familière à tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des sociétés du
Haut Moyen Âge au travers des états de la recherche établis magistralement par
Adriaan Verhulst en 1983, puis par Yoshiki Morimoto en 1988, en 1994 et en 2002 34.
D’après les conclusions proposées par Verhulst, « le régime domanial (…) est une
réalité dynamique dont les transformations continues du VII e au Xe siècle révèlent
une adaptation constante aux facteurs politiques et économiques, laquelle a eu
comme résultat une grande diversité du régime domanial selon les lieux et le
temps »35. Pour construire ce « modèle évolutif », les historiens ont dû s’affranchir de
l’opinion commune selon laquelle le grand domaine carolingien était un simple
31
Pirenne (1922), Les périodes de l’histoire sociale du capitalisme.
32
Sawyer, Hilton (1963), Technical Determinism, p. 95.
33
Verhulst (1984), L’histoire rurale de la Belgique, p. 435.
34
Verhulst (1983), La diversité du régime domanial entre Loire et Rhin. Morimoto (1988), État et
perspectives des recherches sur les polyptyques carolingiens, Id. (1994), Autour du grand domaine
carolingien, Id. (2003), Aperçu critique des recherches sur l’histoire rurale du Haut Moyen Âge.
35
Verhulst (1984), L’histoire rurale de la Belgique, p. 435.
14
héritage des structures d’exploitation et de la grande propriété foncière et des
rapports sociaux de production de l’Antiquité tardive (latifundia). Dans sa fameuse
leçon lue à Spolète en 1965, Verhulst a développé l’idée que le grand domaine
classique est une création originale des VIIe-VIIIe siècles, due essentiellement à des
initiatives seigneuriales (royauté, église, aristocratie) dans le désir d’augmenter leurs
ressources. Sa genèse et son développement s’inscrivent donc dans l’histoire et la
géographie politique du monde franc ; elles sont inséparables de la progressive
primauté de la royauté austrasienne, puis de l’expansion territoriale des Carolingiens.
Verhulst fait le lien entre ces innovations et les signes de reprise économique et
démographique qui marquent l'éveil du Nord-Ouest de l'Europe. La seigneurie
carolingienne se développe sur fond d'expansion économique et de défrichements 36.
L’originalité de l’approche proposée par Verhulst dès 1965 consiste à s’interroger sur
la raison d’être du système domanial, qu’il relie avec les besoins et les aspirations
des élites du pouvoir et à placer les informations tirées des polyptyques dans leur
contexte local, en insistant sur la nécessité de pratiquer des enquêtes de terrain,
solidement appuyées sur les sources écrites, sur l’archéologie et sur les sciences
physiques comme la pédologie.
La tendance générale de l'économie du Haut Moyen Âge a donné lieu à une
discussion déjà longue entre les historiens. Une vision optimiste a longtemps été
défendue à partir d'indicateurs tirés hors du champ économique, la renaissance
intellectuelle et artistique. Le débat a ensuite porté essentiellement sur l'appréciation
de l'évolution de l'économie commerciale, considérée comme un facteur exogène de
la croissance agricole (Pirenne, Lopez). Des historiens de l’agriculture comme Abel
et Slicher van Bath considèrent que l'urbanisation de l'Europe médiévale a marqué
une césure profonde dans la vie rurale, avec le passage d'une économie domestique
relativement autarcique à celui d'une économie d'échange, régie par la division du
36
Verhulst (1966), La genèse du régime domanial classique en France au Haut Moyen Âge, Cet
article fondateur est prolongé par d’autres contributions importantes : Verhulst (1983), La diversité du
régime domanial entre Loire et Rhin et Id. (1990), Étude comparative du régime domanial classique à
l'est et à l'ouest du Rhin à l'époque carolingienne. Tous ces textes sont republiés dans Verhulst
(1992), Rural and urban aspects of Early Medieval Northwest Europe.
15
travail. Slicher van Bath met l'accent sur l'apparition, au milieu du XII e siècle, d'un
grand commerce et d'une économie de marché pour les produits agricoles37.
La vision pessimiste de l’économie du Haut Moyen Âge occidental comme une
économie contractée et en stagnation a été battue en brèche par des travaux
consacrés aux rapports entre les villes et les campagnes et à l’importance de la
production agricole dans l’évolution de l’économie européenne à partir du VII e siècle.
Dès 1953, Cinzio Violante avait montré qu’en Italie du Nord, le développement des
villes se détachait « sur la toile de fond d'un essor domanial plus ancien »38. En 1968,
Georges Despy a montré comment et dans quelle mesure le dynamisme du monde
rural a pu contribuer à la naissance d'un réseau de marchés locaux et à l'animation
des villes riveraines de la Meuse39. Pierre Toubert a enrichi ce modèle en indiquant
de quelle manière le système domanial a pu canaliser ce dynamisme au profit des
Grands, par la mise en oeuvre d'un principe de centralité étendu à tous les types de
transferts économiques et de contrôle social. En somme, le système domanial, qui
fut considéré jadis comme la meilleure illustration du caractère prioritaire conféré par
les économies primitives à l'autoconsommation, est caractérisé aujourd’hui par ces
historiens comme un des principaux leviers du passage à une économie d'échanges
stimulée notamment par une demande de biens de consommation agricoles suscitée
par les dépenses des élites du pouvoir40.
Des médiévistes comme Devroey ou Toubert reconnaissent un poids très important à
l’initiative et à l’action raisonnée des couches dirigeantes de la société
carolingienne41. Cette idée était déjà très présente depuis 1965 dans les travaux
d’Adriaan Verhulst, mais il l’a combattue dans les conclusions de son ultime livre
publié en 2002 : « L’interférence du roi avec les matières économiques, bien
qu’importante sous les Carolingiens, ne peut pas être appelée sans détour ‘politique
économique‘ ou être attribuée à un ‘semi-dirigisme’ ; car ses interventions
37
Abel (1978), Geschichte der deutschen Landwirtschaft. Slicher van Bath (1963), The Agrarian
History of Europe. Id. (1966), Le climat et les récoltes en haut moyen âge.
38
Violante (1953), La società milanese nell'eta precomunale.
39
Despy (1968), Villes et campagnes aux IXe et Xe siècles : l'exemple du pays mosan ». Devroey,
Zoller (1991), Villes, campagnes, croissance agraire.
40
Toubert (2004), L’Europe dans sa première croissance. De Charlemagne à l’an mil, pp. 18-23.
41
Devroey (1986), Réflexions sur l’économie des premiers temps carolingiens.
16
manquaient d’un plan général et de vues à long terme. Elles étaient souvent
inspirées par des situations concrètes et demeuraient fortuites et pragmatiques (…).
Il serait exagéré de considérer ces efforts comme l’expression de ce qu’on pourrait
appeler une ‘politique agraire’ »42.
Au fond, les objections de Verhulst soulèvent deux questions fondamentales : la
première – la structure de l’offre et de la demande de biens de consommation et de
travail – touche à l’analyse économique classique ; la seconde – les interactions
entre économique et politique – touche à la sociologie dans ses préoccupations
théoriques les plus larges. La définition du système domanial comme idéal-type
contient en elle-même une réponse sur le premier point. Le régime domanial
correspond, comme l’écrit Verhulst, « au désir des grands propriétaires d’augmenter
la production céréalière dans des régions où leur pouvoir était fort, où leur présence
était proche et permanente et où leurs besoins étaient donc grands (…). L’économie,
à l’époque carolingienne, dans le secteur rural comme dans le secteur ‘urbain’, était
largement tributaire du pouvoir politique et ecclésiastique et de ses centres de
gravité. Elle serait donc véritablement une économie carolingienne et pas
simplement une économie des temps carolingiens »43. Dans le débat commencé au
début des années 1920 sur la tendance générale de l’économie carolingienne entre
Pirenne (crise et stagnation) et Dopsch (croissance et dynamisme), Verhulst donne
implicitement raison au second. Il nuance son propos en insistant sur deux
caractères fondamentaux : l’inégalité du développement et la diversité régionale du
monde franc ; le caractère cyclique de l’économie européenne du VII e au XIe siècle.
Mais, il reste fondamentalement « pirennien » (et fidèle aux catégories de l’économie
politique classique) dans sa conviction qu’il faut rechercher les ferments du
développement médiéval dans le secteur de la vie urbaine et des échanges.
De la même manière que la notion d’économie d’échanges constitue un progrès
conceptuel sur les catégories classiques de l’économie politique, Pierre Toubert a
complété son analyse des structures de l’échange en utilisant la notion d’économie
des transferts ou d’économie des relations (Bezugswirtschaft) forgée au début du
42
Verhulst (2002), The Carolingian Economy, pp. 126-131.
43
Verhulst (1983), La diversité du régime domanial, pp. 141-142.
17
XXe siècle par l’économiste allemand Richard Passow44. Le système social animé par
le principe de centralité est fondé sur l’importance des transferts : transferts entre
cultivateurs et propriétaires du sol réglés par la coutume ou le contrat ; transferts de
main-d’œuvre ou de produits agricoles ou manufacturés entre la part des paysans et
la réserve ; transferts interne à la seigneurie ou d’une seigneurie à l’autre où se
résolvait encore pour une bonne part l’activité d’échanges ; transferts publics, enfin,
« découlant d’un système d’institutions qui reposait largement, lui aussi, sur le
transfert de droits utiles par la puissance publique au profit de ceux-là même qui
concentraient d’autre part dans leurs mains la puissance économique ». La
domination médiévale (Herrschaft) est fondée sur un principe d’action réciproque
(une autre manière de parler de « transfert ») imbriquant étroitement et de manière
absolue la concession d’un droit à agir, d’une chose ou d’une dignité avec une
obligation de service.
La question de « l’intensification de la vie des relations sous toutes ses formes »
posée par Marc Bloch en 1939, qui permet d’articuler entre elles des hypothèses
liées à la population (expansion démographique), au peuplement (expansion des
espaces cultivés et densification des implantations humaines), à la structure sociale
et politique (réseaux de domination, transferts de richesse) me paraît une des pistes
les plus intéressantes à suivre aujourd’hui pour relier la croissance agricole du Haut
Moyen Âge au développement urbain médiéval.
Pour répondre aux objections de Verhulst sur le rôle de l’ordre institutionnel dans
l’économie du Haut Moyen Âge, il faut relire les polyptyques du IX e siècle en ayant
un œil sur les relations entre le religieux et le politique. Une part importante des
ressources des grandes institutions ecclésiastiques (produits agricoles et artisanaux,
hommes et moyens de transport) était mobilisée, directement ou indirectement, pour
le service royal. Ces transferts de produits, de services et de main-d’œuvre
participent à ce que nous appelons la « logistique » du pouvoir central carolingien,
c’est-à-dire à l’ensemble des moyens et des méthodes d’organisation mis en œuvre
44
Passow (1919), Die grundherrschaftlichen Wirtschaftsverhältnisse in der Lehre von den
Wirtschaftssystem.
18
pour maintenir et maîtriser l’espace franc et assurer le fonctionnement de la res
publica chrétienne45.
Dans l’analyse macroéconomique (du point de vue de la demande et de l’offre), le
modèle que nous proposons met l’accent sur l’importance de la demande interne,
stimulée par la consommation (et la destruction de biens) par le pouvoir central et
l’aristocratie. Dans ce domaine, les analyses de Jinty Nelson, de Timothy Reuter et
de Karl Leyser sur la guerre comme ressource et dépense sont importantes 46.
Pendant un long siècle de guerres d’agression quasi permanentes (710-820), l’ost
franc est certainement la source la plus considérable des dépenses couvertes par les
prélèvements sur la production agricole, dans le cadre de l’économie de transferts
contrôlée par l’aristocratie. Les richesses tirées de la guerre sont redistribuées par le
roi entre le Trésor, l’Église, les Grands et sa propre suite. Une fraction était absorbée
par les échelons inférieurs de la pyramide aristocratique dans le cadre des transferts
réglés par la relation réciproque entre dons et services. Les dépenses de la guerre
quant à elles pesaient en dernière analyse presque exclusivement sur la
paysannerie, soit directement sur les paysans propriétaires affligés par la charge du
service militaire personnel ou des taxes de remplacement et des amendes, soit
indirectement sur les autres paysans dans le cadre des rapports seigneuriaux.
Il serait naïf de penser que l’augmentation de la demande interne représentée par la
guerre et les autres formes de dépenses aristocratiques à l’époque carolingienne a
eu comme résultat direct de stimuler la production agricole. La question de la
croissance agraire doit être examinée en termes d’évolution de la productivité du
travail rural. Dans une économie de subsistance dominée par les producteurs
agricoles, l’essentiel de ce qui est produit est consommé par le producteur lui-même
et sa famille. Dans un tel système, la production brute annuelle d’un ménage sert
d’une part aux dépenses nécessaires pour replacer la ferme au niveau de production
qu’elle possédait au début de l’année agricole, et d’autre part à dégager un produit
net disponible pour satisfaire la demande familiale. La demande globale a été
stimulée par une poussée démographique, encore modeste entre le VII e et le IXe
45
Devroey (1993), Ad utilitatem monasterii.
46
Nelson (1983), The Church’s Military Service in the Ninth Century. Reuter (1985), Plunder and
Tribute in the Carolingian Empire, Id. (1997), The Recruitement of Armies, Leyser (1993), Early
Medieval Warfare.
19
siècle, mais régulière. Cette pression a pu trouver un exutoire dans un mouvement à
très long terme de reconquête de l’inculte. Sans tomber dans des clichés
misérabilistes, il y avait également une marge considérable d’amélioration de
l’environnement familial et donc d’emploi des surplus agricoles par les paysans pour
une vie meilleure. Ces phénomènes sont repérables dans l’archéologie de l’habitat
rural. Dans la moitié nord de la France, à partir du milieu du VII e siècle, les bâtiments
sont plus nombreux et les techniques de construction plus variées avec la diffusion
des édifices sur solins en pierre et le recul général des édifices simplement excavés.
Il faudra être très attentif dans le futur aux résultats de la paléodémographie pour
vérifier dans quelle mesure il est possible de tabler sur une amélioration relative de la
salubrité des populations humaines en Occident à partir du VII e siècle47.
À côté de ces facteurs endogènes et de ces opportunités de développement
autonome de la paysannerie, il faut également examiner la manière dont l’économie
paysanne s’encastre dans le système social dans son ensemble. Dans les zones de
développement du système domanial, des grands propriétaires investissent dans le
secteur agricole, directement, dans le cadre de stratégies d’autarcie visant à assurer
le quotidien (par exemple, les constructions de moulins pour la farine) et à se
procurer des matières rares (par une politique patrimoniale d’implantation dans les
régions propices), et, indirectement, par la constitution de gisements de travail
spécialisé et leur reproduction sociale (par la transmission héréditaire), assurées en
favorisant l’existence d’exploitations agricoles familiales, bien équipées en
travailleurs expérimentés et en bovins de trait et de travail. Le déploiement du
système de culture attelée lourde repose partiellement sur ces investissements
aristocratiques. Parallèlement, les taux d’intensité du travail ont été augmentés par la
contrainte extérieure qui se manifeste en particulier dans le secteur de la grande
culture céréalière. Même dans le cadre de la grande exploitation seigneuriale, cette
intensification du travail par la corvée n’a pas de portée universelle, comme le montre
bien la diversité des formes domaniales en Italie. Le caractère dynamique et la
plasticité des structures sociales dans les campagnes et les signes d’expansion vont
à l’encontre des clichés historiographiques d’une économie refermée sur elle-même
47
Devroey (2004), Économie rurale et société dans l’Europe franque, t. 1, Fondements matériels,
échanges et lien social, pp. 21, 77. Peytremann (2003), Archéologie de l’habitat rural dans le Nord de
la France, t. 1, pp. 354-359.
20
ou d’un système social figé par les contraintes domaniales. Ces phénomènes doivent
être pensés dans la perspective générale d’une « longue croissance », pluriséculaire,
de l'économie médiévale. C'est avec ce modèle d’espace-temps qu'il faut mesurer
des phénomènes d'intensité et de durée variables : le « carrefour » frison (VIIe-IXe),
la croissance agraire carolingienne entre Seine et Rhin (VII e-IXe), la vitalité de
l'économie monétaire anglaise (VIIe-XIIe), la diversification de l'économie rurale
flamande (Xe-XIIIe), l'industrialisation et la concentration urbaine du textile en Flandre
(XIe-XIIe), la constitution de nouveaux circuits d’échanges reliant le Nord-ouest de
l’Europe
aux mondes
méditerranéens (foires flamandes
et
champenoises,
Gand/Bruges), germaniques et slaves (Cologne) (Xe/XIe-XIIIe). La longue croissance
agricole a démarré dans le Nord-Ouest de l’Europe aux VIIe-VIIIe siècles48. Au-delà
de ces tendances générales, le travail à faire reste considérable, notamment dans le
sens indiqué par François-Louis Ganshof (en 1958) et par Adriaan Verhulst d’une
définition plus précise du rythme et de la localisation des transformations
économiques, en écartant pas l’hypothèse d’une économie traversée par des
fluctuations cycliques relativement rapides49.
Les prochaines leçons de cette chaire Francqui seront consacrées d’abord, dans la
tradition positive de nos écoles historiques gantoise et bruxelloise à relire les sources
qui ont fondé les thèses minimalistes dans les années 1960, en les confrontant aux
apports considérables de la critique des polyptyques, de l’archéologie et des
nouveaux moyens scientifiques d’investigation des milieux anciens et de l’histoire
comparée du sud et du nord de l’Europe. Dans la lignée des recherches impulsées
par Adriaan Verhulst, il faudra ensuite s’interroger sur la raison d’être du système
domanial. J’aimerais donner un éclairage supplémentaire à ce dossier en posant la
question de l’existence et de l’efficacité de la raison pratique dans les méthodes de
gestion mises en œuvre par les élites laïques et ecclésiastiques du pouvoir. Enfin, il
restera à faire le bilan provisoire de la question qui au cœur de l’œuvre historique
d’Adriaan Verhulst : Comment articuler le concept et les réalités de la croissance
agricole avec développement urbain de l’Europe médiévale ?
48
Devroey (1998), Tussen Maas en Schelde. Verhulst (2002), The Carolingian Economy, pp. 132-135.
49
Ganshof (1958), Quelques aspects principaux.
21
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