parnasse

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LA POESIE FORMALISTE :
L'ART POUR L'ART ET LE PARNASSE CONTEMPORAIN
Contre cette uniformisation triomphale que l'Ecole contribue à ancrer dans les consciences,
une part importante des artistes se trouve tout à fait isolée, et pour la première fois sans la fonction de
représenter ou d'éclairer la classe dominante et ses aspirations. Leur solitude même les entraîne à
chercher une définition de l'Art pour l'Art (caractéristique du mouvement parnassien). Contre le
conformisme, contre l'engagement politique et même contre le réalisme qui soumet l'art au social,
l'Art pour l'Art défend l'idée d'une aristocratie de l'esprit : on n'écrit plus que pour ses égaux, le
groupe producteur devient son propre consommateur priviligié. L'artiste se replie sur son milieu et
sa solitude, faute d'accepter une place dans un monde jugé répugnant. Des dessinateurs comme Henri
Monnier ou Daumier, un écrivain comme Flaubert, excellent dans les caricatures des bourgeois. Un
grand nombre de thèmes romantiques se trouvent conservés (goût pour l'irrationnel, l'archaïsme, la
violence esthétisée, le mythicisme, l'échec), aggravés par une philosophie pessimiste (influence du
philosophe allemand Schopenhauer). Mais les principes créateurs sont différents : on affirme la valeur
des techniques d'écriture contraignantes ; l'auteur est créateur non par son inspiration, mais par
son art d'utilisation du langage, qui crée alors un objet autonome original. C'est, dans l'art littéraire,
une révolution. Le monde artiste glisse alors progressivement vers la marginalité.
L'école dite des Parnassiens représente en littérature un premier aboutissement de ce
mouvement. Elle marque les années 1850-1870. Le premier volume du Parnassien contemporain (1866)
rassemble notamment des textes de Théophile Gautier, Banville, Leconte de Lisle, Coppée, SullyPrudhomme, Baudelaire, Verlaine et Mallarmé. Mais cette école finira par constituer à son tour une
forme de l'art officiel.
" Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l'extase,
Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase..."
Théodore de Banville
De "l'art pour l'art " au Parnasse :
De l'"art pour l'art" au Parnasse la continuité se fait dans un même primat accordé à la forme
sur toute idée de message ou de confidence, et dans le même souci de travailler cette forme jusqu'à
sa perfection canonique.
Le mouvement se nourrit cependant de l'apport de tout le courant de pensée positiviste,
comme le montrent les déclarations d'intention et les oeuvre de Leconte de Lisle. Ce fils de planteur
créole a d'abord aimé, lui aussi, le romantisme engagé de 1830, vers lequel le poussait son
enthousiasme pour les thèses de Fourier ou Lamennais. Mais juin 1848, en sonnant le glas de ses
espérances politiques et humanistes, fait de lui un "abstentionniste" de l'histoire. Là où d'autres,
comme Hugo ou Michelet, trouvent matière à mobiliser leurs convictions et leur génie, l'auteur des
Poèmes antiques et des Poèmes barbares trouve refuge dans l'approche "scientifique" d'une histoire morte
ou "dépaysé" : les civilisations anciennes, l'exotisme tropical, etc. Au service d'une volonté de
"réconcilier l'Art et la Science" , il met effectivement les ressources de disciplines nouvelles que le
positivisme triomphant est en train de consacrer : l'histoire, l'archéologie, la linguistique notamment.
Le credo parnassien :
Si l'on voit bien le risque de glissement constant d'une poésie documentée vers une poésie
"documentaire" ou naïvement érudite - risque qui menaça nombre de poètes du groupe constitué dès
1866 autour de la revue Le Parnasse contemporain -, on ne peut toutefois généraliser cette obsession
scientifique et cette menace. La disparate est en effet de mise dans ce regroupement de grands
(Leconte de Lisle, Banville, Heredia) et de moins grands poètes (Coppée, Mendès, Sully Prudhomme,
etc.), auxquels il faut adjoindre les collaborations occasionnelles de "modernes", comme Baudelaire,
Verlaine ou Mallarmé.
Cela dit, quatre convictions majeures regroupent autour de leurs chefs de file les poètes de la
génération "formaliste", quatres convictions qui peuvent être formulées comme autant de griefs à
l'endroit d'un romantisme dont beaucoup ont pourtant gardé une évidente nostalgie :
* contre les excès du Moi, le recours à l'impersonnalité
* contre la contingence et l'artificiel, une mystique de la beauté
* contre la "facilité" et les licences, le culte du travail
* contre les "vanités" de l'engagement, la prudence, la distance ou la "hauteur".
L'Art pour l'Art est un synonyme de Parnasse. Les premières revendications se font dès 1830
notamment chez Théophile Gautier dans sa préface de Poésie. L'art devient dès lors une religion avec
un véritable culte pour la poésie. C'est en fait une bataille idéologique contre les romantiques. L'art est
une valeur, l'art a sa vérité en soi contrairement à ce que pensent les romantiques. Les Parnassiens sont
un groupement d'amitiés. Cette réaction anti-romantique démarre avec la découverte de Les Orientales
de Hugo. C'est une oeuvre charnière avec un genre pittoresque au sens plastique du terme. Hugo n'est
jamais allé en Orient : il se représente un orient fabuleux, il crée un orientalisme avec l'imagerie, le
paysage fabuleux. Il montre qu'une nouvelle littérature peut naître. Sa poésie est pittoresque et montre
bien le sensualisme d'Hugo, c'est une poésie qui parle aux sens. La poésie est alors un moyen de parer
le monde en lui rendant se couleurs.
En 1842, le texte de Jérôme Paturot, A la recherche...social, est un texte satirique sur l'époque.
C'est un courant matérialisme de la poésie plastique et visible (prise direct avec le réel). C'est une
poésie qui veut se faire expressive. Le poète ne cherche plus à recopier la nature des sentiments mais
écrire de façon à rivaliser avec la nature. L'Art doit être plus vrai que la nature. L'art devient un
talisman qui réunit un grand nombre de poètes classés par la poésie du genre de Lamartine. La
littérature se donne comme programme de rivaliser avec l'art plastique : il faut faire des oeuvres qui
soient équivalente à ce que l'on voit dans les expos.
1860 : Les recueils du Parnasse
Gautier écrit Daniel Jovard (Les Jeunes France qui sont romans goguenards). Gautier est un poète
qui s'exerce à trouver la rime riche.
L'art pour l'art se développe à partir d'une réaction idéologique contre un groupe politique,
contre une tendance de l'art utile = les utilitaires comme Fourier et Saint Simon (Le producteur) qui
parlent d'une utopie sociale. Saint Simon parle d'une doctrine qui proclamme la fonction sociale de
l'art : l'art est utile. Le génie des beaux-arts serait un guide. La littérature serait un flambeau par lequel
on mène les peuples vers un idéal.
Théophile Gautier écrit dans la préface de Melle de Maupin (1834) : "Il n'y a de vraiment beau
que ce qui ne peut servir à rien. Tout ce qui est utile est laid."
En 1856, dans le journal Artiste, Gautier reprend le programme de Melle de Maupin et dit :
"Nous croyons à l'autonomie de l'art " ; " L'art n'est pas pour nous le moyen mais le but" ; " Une belle
forme est une belle idée car qu'est-ce-que serait une forme qui n'exprimerait rien ?"
Le but est d'abord de donner à la beauté une prédominance dans les soucis de l'artiste (cf.
Gautier, p82, texte macabre). "Je préfère le tableau à l'objet qu'il représente" ó désormais, tout sera
dna la gageure de s'exprimer. C'est une position esthétisante à la limite aux antipodes de l'art classique
et de l'art romantique. Au XX siècle, Jacobson appelera cela "l'autolitisme de l'art verbale".
Théophile Gautier, "Emaux et Camées" (1852), p 364
Après avoir été, pendant les années 1830, l'un des plus fidèles militants du romantisme, T.
Gautier évolua au tournant du siècle. Cette évolution se fit dans le sens d'une réaction contre les
engagements ou les épanchements d'un mouvement romantique qui se portait de plus en plus mal.
Devenu le chef de file de "l'école de l'Art", Gautier prône, contre les enthousiasmes et les licences de la
génération précédente, le retour à un Art fondé sur les concepts d'autonomie et de travail.
Accordant le primat à la forme sur le message, à la technique sur l'inspiration, Théophile
Gautier introduisait par là à toute une poétique plasticienne et technicienne qui allait rencontrer les
exigences et ambitions du courant réaliste, ou même positiviste, de l'époque.
C'est un véritable manifeste de l'art pour l'art c'est à dire que c'est un texte à l'appui de la
théorie parnassienne qui pense que l'art difficile est supérieur. (cf. premier verset) A partir du
deuxième verset, il y a un substitut de ce que doit être la poésie. La pureté de l'art viendrait de la lutte
avec le matériau rebelle :
"Peintre, fuis l'aquarelle" : il préfére la peinture émaillé à cause du soin que le travail de l'émail
suppose ó l'art est une activité patiente.
"Les dieux eux-mêmes meurent" : avec ce vers, Gautier veut nous dire que seul les oeuvres
restent. C'est une idée subversive qui reprendra Nietzsche en disant "Dieu est mort". Il veut montrer la
décadence du règne de la spiritualité : parce que les dieux sont morts, les oeuvres deviennent l'objet
d'un culte.
Gautier reprend la formule latine de Horace : "Exegi momementum aure perennius" ("J'ai
construit, érigé un monument plus durable que l'airain") :
"Les dieux eux-mêmes se meurent
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains."
Les écrivains des années 1860 vont à la faveur de l'éditeur A Lemerre - qui est l'éditeur des
Parnassiens - vont publié trois oeuvres :
Le Parnasse contemporain, recueil de vers nouveaux
- premier volume : parution 1866
- deuxième volume : écrit en 69 et parut en 1871
- troisième volume : parution 1876
Lemerre avait sur ses volumes une petite vignette avec un laboureur, plus tard déshabillé à
l'antique puis en dessous, "fac et spera" ó fais quelque chose et espères la postérité. Un des ennemi est
Musset, enfant doué des romantiques. L'art pour l'art est une reformulation du beau à l'antique. La
civilisation devient matérialiste et semble tuer l'esprit. L'art se tourne alors vers le passé. L'antiquité est
un modèle à suivre car un modèle de difficulté du travail. C'est une nouvelle renaissance de la poésie.
Baudelaire défend le sonnet car c'est une forme par laquelle on peut voir tout l'univers "Parce
que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus intense. Tout va bien au sonnet : la bouffonnerie, la
galanterie, la passion, la rêverie, la méditation philosophique. Il y a, là, la beauté du métal et du
minéral bien travaillés. Avez-vous observé qu'un morceau de ciel, aperçu par un soupirail ou entre
deux cheminées, deux roches ou par une arcade, donnait une idée plus profonde de l'infini que le grand
panorama vu d'en haut d'une montagne ?". Toutes les formes difficiles comme le triolet (règles
extrêmement fixés) sont les formes exploitées d'où les termes suivant qui les définient : formiste,
styliste, impassible. Il s'agit de réprimer son émotion sauf si elle est esthétique. Faire une oeuvre
signifie que l'on réprime sa propre sensibilité. Les tendances sont l'érudition, le pittoresque, une
certaine solennité, la conception du poème comme une architecture (cf. le sonnet).
Comment parle t-on de la poésie à l'époque ? Petit traité de la poésie française de Banville, 1872:
Banville dit que la poésie, c'est la rime, c'est le jeux des voyelles, des coupes, c'est la composition ó
condition formelle du poème
Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Préface, 1852 :
La Préface du premier des recueils poétiques de Leconte de Lisle, ses Poèmes antiques, énonce
clairement l'une des ambitions essentielles que le poète partage avec ses contemporains de la
génération réaliste : réconcilier l'art et la science.
Concrètement, dans le livre, cette réconciliation prend l'allure d'une mise de poésie et de ses
moyens au service de la "restauration" de civilisations perdues (grecque et hindoue principalement)
que les progrès de l'histoire et surtout de l'archéologie rendent de nouveau accessibles. Appuyé sur
une documentation livresque impressionnante et fort de ses talents de traducteur, Leconte de Lisle se
livre ainsi à l'exploration et à l'expression poétique de "tout ce qui constitue la raison d'être, de croire, de
penser, d'agir, des races anciennes".
Mais on pourra préférer à nombre de "poèmes-musées", aussi parfaits soient-ils dans leur
exécution, la réussite la plus authentique, plus personnelle, de certains des derniers poèmes du recueil,
comme le célèbre "Midi", où s'exprime (et c'est rare chez ce pessimiste-né) une sorte de sérénité
contemplative devant la nature dans sa plénitude mystérieuse.
"Midi", p 369
C'est un travail de l'alexandrin dans la majesté et dans l'assouplissement jusqu'à épouser la
vision.
v.15 "Une ondulation majestueuse et lente"
v.21 " Homme, si, le coeur plein de joie ou d'amertume"
Baudelaire, qui fréquenta un moment le groupe du Parnasse contemporain, avant de prendre
ses distances par rapport à cette esthétique plasticienne, conserva une admiration durable pour la
maîtrise de l'expression chez Leconte de Lisle, dont il saluait en ces termes le talent dans un article
publié en août 1861 dans la Revue fantaisiste : " Leconte de Lisle possède le gouvernement de son idée ;
mais ce ne serait presque rien s'il ne possédait aussi le maniement de son outil. Sa langue est toujours
noble, décidée, forte, sans notes criardes, sans fausses pudeurs; son vocabulaire, très étendu; ses
accouplements de mots sont toujours distingués et cadrent nettement avec la nature de son esprit. Il
joue du rythme avec ampleur et certitude, et son instrument a le ton doux mais large et profond dans
l'alto. Ses rimes, exactes sans trop de coquetterie, remplissent la condition de beauté voulue et
répondent régulièrement à cet amour contradictoire et mystérieux de l'esprit humain pour la suprise et
la symétrie." Baudelaire admire Leconte de Lisle pour sa science de la poésie. Cette idéologie
marquera même les plus grands, c'est une doctrine avec crédo durable.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares (1862), "Le rêve du jaguar", p 370 :
Pour Leconte de Lisle, est "barbare" tout ce qui ne relève pas de la civilisation grecque et de sa
tradition polythéiste. Les Poèmes barbares, son deuxième recueil, constamment enrichi de 1862 à 1878,
s'ouvrent ainsi, par-delà l'Inde, à l'évocation des civilisations du Pacifique et, en deça de la Grèce, à
celles de l'Europe en ses siècles maudits des croisades espagnoles et du catholicisme médiéval, violent
et inquisiteur. Sombre vision que celle d'un poète repérant partout, après la mort des dieux antiques,
l'intolérance et la barbarie des cultures monothéistes, l'Islam et la Chrétienté !
Mais là encore, on pourra préférer à nombre de poèmes "épaissis" par une érudition
philosophique ou théologique encombrante, les "croquis" d'un exotisme superbe, qui ce grand poète
animalier nous donne à plusieurs reprises : "les Eléphants", "le Sommeil du condor" , "La Panthère
noire" ou le très suggestif "Rêve du jaguar". Les figures de ce bestiaire splendide, dominé par les
grands carnassiers, sont les vraies métaphores du pessimisme et de l'angoisse d'un écrivain hanté par
la violence de la "jungle" humaine.
On voit beaucoup de couleurs, dans ce paysage où l'on a le sentiment d'une floraison, d'une
luxuriance : c'est un poème qui travaille la rime riche.
Théodore de Banville, Les Stalactites (1846), p 366
Comme Gautier, Théodore de Banville, vient du romantisme, dont il fréquente sous la
Monarchie de Juillet les milieux bohèmes ou fantaisistes. Ennemi de ce qu'il nommait chez certains de
ses contemporains un "faux lyrisme", l'auteur des oeuvres les plus consistantes du siècle (Princesses,
Odes funambulesques) ne peut être réduit à l'image de "rimailleur" dans laquelle ses détracteurs,
souvent jaloux de son succès, l'enfermèrent.
La technique, notamment celle des mètres et des rimes, ne lui paraît indispensable qu'en tant
qu'"épreuve" même de l'art. S'il est indéniable qu'il a souvent cédé à la gratuité de l'exercice
rythmique, et trop compliqué les jeux de la rime ou de la strophe, on ne peut lui contester une aisance
et même une virtuosité naturelles pour aboutir à ce que Baudelaire saluait chez lui : "la certitude dans
l'expression lyrique".
Il donna le meilleur de lui-même dans ses Odes et Odelettes, où on le voit, "funambule" du
langage, se livrer, avec bonheur souvent, aux pirouettes de la rime sur la "corde roide" du vers.
Sculpture pour laquelle il faut du naturel et du temps : l'art doit être difficile et lent. L'oeuvre
est un long travail de préparation. Il prend comme exemple la sculpture. C'est une procession qui va
montre le but du sculpteur.
1842 : Les cariatides
1862 : Anétisme
José Maria de Heredia , Les Trophées (1893), p 375 :
José Maria de Heredia (1842-1905) fut sans doute le plus fidèle disciple de Leconte de Lisle, le
plus sûr gardien de la doctrine formaliste et parnassienne. En 1893, il publia un recueil de 118 sonnets
auxquels il travaillait de puis un quart de siècle et qui fit l'unanimité dans la communauté poétique :
Les Trophées.
"Midi" : moment où le soleil est au zénith en écrasant tout. La nature apparaît dans une
splendeur nu et sauvage.
"Vitrail" : "Aujourd'hui, les seigneurs auprès des châtelaines". C'est un tombeau surmonté de la
sculpture du défunt. Opposition passé et vivant avec aujourd'hui et la mort. Cette vision fantastique
est une leçon à tirer.
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