1 ) Le culte du travail
La poésie pour les Parnassiens est un art ; elle réclame l'apprentissage d'une technique et
l'exigence de l'effort. Le poète, souvent comparé à un sculpteur, doit transformer une matière
difficile, le langage, en beauté, grâce à un patient labeur. Ce qui prime, ce n'est donc pas
l'inspiration, mais le travail sur la forme. De fait, les poètes parnassiens ne transigent pas avec
la rime, avec le respect des formes fixes et des règles de la poésie classique. Ils insistent sur le
respect des contraintes. Leur technique elle-même est encore une exagération. Voulant être
impeccables, presque jusqu'à l’excès, ils prennent comme une forme de prédilections le sonnet,
qui exige la perfection.1 Ils sacrifient parfois le fond à la forme et semblent préférer aux autres
qualités la sonorité musicale du vers.
2) La religion du Beau
Profondément déçus dans leurs aspirations révolutionnaires, les Parnassiens ont manifesté
le souci de sortir l'Art de l'arène politique et, plus généralement, des visées sociales que lui
assignait le Romantisme. Leur célébration du Beau trouva dès lors un équivalent acceptable
dans la beauté plastique de la statuaire hellénique, dont la chaste perfection, alliée au gage que
lui donne la durée temporelle, s'oppose aux contingences de l'Histoire. Pour exprimer ce «rêve
de pierre», les images et les symboles deviennent systématiques : cygnes immaculés, statues
impassibles, pics neigeux, saltimbanques amoureux des étoiles. Grâce à la perfection formelle
permise par le travail, ils ont pu s’approcher à l'idéal parnassien : l'irréprochable beauté. Les
poètes parnassiens cherchent l'équilibre des formes. La poésie n'est pas un divertissement, elle
vise à atteindre les sommets de l'art. Elle est ainsi destinée à une élite cultivée, seule susceptible
de la recevoir et de la comprendre.
« L'art, dont la Poésie est l'expression éclatante, intense et complète, est un luxe intellectuel,
accessible à de très rares esprits. », Leconte de Lisle, en 1864
La fréquentation de la beauté crée une aristocratie du goût qui, détournée des réalités triviales
du monde, suppose un mépris du bourgeois et de la société. Indifférent à l'argent, à la politique
et aux progrès scientifiques, le poète parnassien voue un culte à l'art pur, fondé sur l'érudition
et la maîtrise technique.
3) Le refus du lyrisme
Contre l'épanchement lyrique des Romantiques, jugé impudique et ridicule, les Parnassiens
ont cultivé la distance et l'objectivité. «Le thème personnel et ses variations trop répétées ont
épuisé l'attention», note Leconte de Lisle. Ceci conditionne la thématique parnassienne,
volontiers tournée vers l'évocation des civilisations anciennes, les paysages pittoresques, la
méditation philosophique ou scientifique. La poésie parnassienne se veut « impassible » ; elle
rejette les excès de la sensibilité. De là une poésie neutre, distanciée, nourrie du froid héritage
de la mythologie. Les Parnassiens veulent que la poésie filtre lentement dans l’imagination de
l’écrivain, comme l’eau des sources glaciales dans le sol, et qu’elle ne reflète pas la figure du
poète.