Pascal Achard Conférence de Yann Albert
Louis Robert
Théories de la croissance endogène
Les théories de la croissance endogène sont un ensemble de modèles, apparus au milieu
des années 1980, qui rendent compte des causes de la croissance, de ce qui permet une
augmentation durable de la production (PIB) et du niveau de vie (PIB/tête) d’un pays. A la
différence des néoclassiques, pour qui la croissance est le fait de facteurs exogènes au modèle
(dont le progrès technique), ces théories expliquent la croissance comme étant le résultat d’une
accumulation des différents types de capital (physique, humain, public…). La croissance
passée permet une augmentation de capital, dont l’utilisation permet une croissance future. La
croissance est un phénomène qui s’auto entretient, qui tire ses origines en lui-même, qui est
endogène.
1. Critique du modèle néoclassique
Les théories de la croissance endogène apparaissent à la fois en opposition et en complément des
théories de la croissance exogène, telles qu’elles sont formulées par Solow.
Le modèle de Solow
Solow suppose la quantité de travail stable à long terme. Dans ce cas, seule une augmentation de
capital peut faire varier la production. Or du fait de la loi des rendements décroissants, la
productivité marginale tend vers zéro. A terme l’économie parvient à un état stationnaire.
La croissance ne peut alors être provoquée que par une augmentation de la quantité de travail,
considéré comme un facteur exogène, et par le progrès technique, perçu comme « une manne
tombée du ciel » donc aussi comme un facteur exogène au modèle.
Nécessité de renouveler l’étude de la croissance
Elaboré dans le cadre de la théorie néoclassique, le modèle de Solow suppose une situation globale
issue de la multiplication de la situation d’un agent unique. Il n’inclut pas les externalités, les effets
gratuits, sans compensation monétaire des actions d’un agent sur la situation des autres; et ne place
pas son étude dans un mouvement dynamique, il ne prend pas en compte les effets d’accumulation
de capital. Les théories de la croissance endogène, dont la première parue fut celle de Paul Romer en
1986 apportent des réponses à ces insuffisances.
2. Une pluralité de modèles de croissance
Il existe plusieurs théories de la croissance endogène, chacune ajoutant un facteur supplémentaire de
croissance.
Les modèles avec endogénéisation du progrès technique.
Pour dépasser le dilemme de Solow, il est nécessaire d’endogénéiser le progrès technique. Il faut
attendre les travaux de Romer (1986, 1990) pour intégrer les théories de recherche-développement
dans le cadre de la croissance économique. Grossman et Helpman (1991), Aghion et Howitt (199é)
ont proposé des modélisations dans lesquelles le progrès technique résulte d’une activité
délibérée de recherche-développement. On y trouve différentes modalités, comme l’élargissement
de la gamme des biens de production ou de consommation ou l’amélioration de la qualité de ces
biens. Aujourd’hui la nouvelle économie de la croissance intègre également les modèles de diffusion
technologique : les pays les moins développés pouvant imiter les plus avancés, le progrès technique
se diffuse.
Les modèles centrés sur le capital humain.
A la suite des travaux de Gary Becker, Lucas (1988) propose deux modèles prenant pour base
l’accumulation de capital humain. Dans le premier, les salariés consacrent une partie de leur temps
de travail à la formation et à l’amélioration de leurs compétences. Ainsi, capital physique et
capital humain sont-ils tous deux accumulés. L’originalité de ce premier modèle est que ce n’est pas
le ratio capital physique/capital humain qui crée la croissance, mais plutôt les quantités initiales de
ces facteurs, qui permettent la création d’externalités au niveau du pays qui dispose de ces facteurs
en plus grande quantité. Dans le deuxième modèle, l’accumulation de capital humain est liée à des
effets d’apprentissage par la pratique, autrement dit c’est l’activité de production elle-même qui
autorise l’enrichissement des compétences et donc la croissance.
Les modèles endogénéisant la démographie.
Pour Braun, le phénomène migratoire n’est que la simple mobilité du facteur travail, sur lequel on
peut agir. Pour Barro et Sala-i-Martin, il existe une relation croissance économique/état sanitaire
d’un pays, ce qui permettrait de ne plus traiter le taux de mortalité comme un facteur exogène.
Croissance endogène et capital public
Pour Barro (1990), lorsque le taux d’imposition croît, le niveau de capital public augmente, donc
l’efficacité du capital privé, et la croissance économique se pérennise. En effet, chacun peut
bénéficier de la même manière des investissements consentis par l’Etat. Mais décourageant
l’initiative privée, le taux d’imposition influence négativement le taux de croissance. D’ou l’idée
qu’il existe un taux d’imposition optimal, donc une taille optimale de l’Etat qui permet de
maximiser la croissance économique.
3. Les implications de ce modèle
Le rôle de l’Etat
Selon ce modèle, les politiques publiques favorisent la croissance de la production. L’accumulation
de capital public via, par exemple, les infrastructures ou la formation induit des externalités
positives, tels que la diminution des coûts de transaction, ce qui facilite les échanges, l’amélioration
de la productivité du travail, qui est mieux formé et qui s’exerce dans des conditions meilleures, et la
diffusion du progrès technique.
Cette analyse du rôle de l’Etat, au milieu des années 1980, décennie durant laquelle l’importance de
la puissance publique dans le fonctionnement de l’économie est critiquée et réduite, insiste sur le
rôle positif des politiques structurelles, et non plus uniquement conjoncturelles, la croissance étant
un phénomène de long terme.
Explications des différences de niveau de développement
Les théories de la croissance endogène permettent d’expliquer l’accroissement de l’écart entre
pays développés et pays en voie de développement. La croissance s’observant sur une période
prolongée, les différences de niveaux de vie initial se retrouvent et s’accentuent au fil des années.
Les théories de la croissance endogène permettent d’étudier la croissance dans les pays développés,
qui s’obtient de nos jours plus par l’amélioration de la qualité et de la productivité des facteurs de
production que par l’augmentation de leur quantité.
Bibliographie
BOISSERELLE, Eric, Les nouvelles approches de la croissance et du cycle, Dunod, 1999, pp.66-89.
JONES, Charles, Théorie de la croissance endogène, De Boeck Université, 2000.
ECHAUDEMAISON, C.-D., Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Nathan
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