IV. Draft Trade Report

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E CONOMIE ET
S ÉCURITÉ
AV 187
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Original anglais
As se mb lée pa r le men ta ire d e l’O TAN
LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DU
11 SEPTEMBRE 2001 ET LA DIMENSION
ECONOMIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE
TERRORISME
PROJET DE RAPPORT GENERAL
PAUL HELMINGER (LUXEMBOURG)
RAPPORTEUR GENERAL*
Secrétariat international
*
23 septembre 2002
Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission de l’économie et
de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur.
Les documents de l'Assemblée sont disponibles sur son site web, http://www.nato-pa.int
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TABLE DES MATIERES
Page
I.
INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
II.
EFFETS MACRO-ECONOMIQUES ............................................................................ 1
III.
RÉPONSES MACRO-ÉCONOMIQUES ...................................................................... 6
IV.
PROTEGER L’INFRASTRUCTURE ECONOMIQUE .................................................. 7
V.
FINANCEMENT DU TERRORISME ........................................................................... 8
VI.
AIDE AU DEVELOPPEMENT.......................................................................................... 14
VII. LE ROLE DE L'UNION EUROPEENNE .................................................................... 16
VIII. CONCLUSIONS ................................................................................................................ 17
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I.
1
INTRODUCTION
1.
Il va sans dire qu’il existe une corrélation fondamentale entre la vitalité inhérente à un pays,
sa capacité à générer des richesses et son aptitude à se défendre. Ces liens complexes sont
cependant parfois sous-évalués, mais généralement pas par les parlementaires, auxquels il échoit,
en fin de compte, de replacer les considérations de sécurité nationale dans le plus large contexte
du bien-être de la nation. C’est également l’une des tâches centrales de cette Commission
2.
Les attaques du 11 septembre contre New York et Washington marquent toutefois un
profond changement et montrent concrètement à nos sociétés l’interaction complexe entre la
sécurité nationale et les événements qui surviennent au niveau de l’économie mondiale. Ces
attaques soulèvent un grand nombre de questions liées à la dimension économique de la sécurité :
vulnérabilité de l’économie mondiale à des actions terroristes dévastatrices, nécessité de mieux
protéger les économies nationales face à ces attaques, lutte contre le financement du terrorisme et
recours à des outils économiques pour contrer le terrorisme. Les actes horribles commis par
al Qa'ida attire également l’attention sur la problématique du terrorisme privatisé et le type de
réseaux financiers spécifiques sur lesquels s’appuient les terroristes pour mener à bien leur
sinistre tâche. Ce rapport examine toutes ces questions
II.
EFFETS MACRO-ECONOMIQUES
3.
Les attaques contre Washington et New York sont survenues à un moment particulièrement
délicat. L’économie américaine était déjà au bord de l’essoufflement. Après avoir connu une forte
augmentation, les marchés des actions étaient orientés à la baisse et les analystes redoutaient, à
raison, de voir l’éclatement de cette bulle entraîner la chute des autres marchés. Aujourd’hui, il est
manifeste que les Etats-Unis sont entrés en récession dès mars 2001 et que, au moment des
attaques, l’économie américaine avait déjà derrière elle 11 mois de baisse de production
(Brian Westbury, “The Economic Costs of Terrorism”, International Information Programs
Electronic Journal, septembre 2002). Ce ralentissement pourrait aussi s'expliquer par l’impact
différé des hausses du prix de l’énergie de l’année précédente. Le 11 septembre, des signes de
ralentissement très net étaient évidents au niveau d’autres indicateurs. Au moment des attaques,
la croissance économique américaine était tombée à 1,2 % sur une base annuelle et l’on redoutait
déjà un déclin de l’économie après des années de très forte croissance. Ce mouvement s’est
cependant accéléré - bien que brièvement - après le 11 septembre. Au total, le PIB américain a
chuté de 1,3 % au 3ème trimestre 2001, mais il est reparti à la hausse (+1,8 %) au quatrième
trimestre avant d’enregistrer un bond de 5,8 % au premier trimestre 2002. La croissance
européenne s’était elle aussi ralentie fortement au cours des mois qui ont précédé les attaques, un
mouvement qui s’est encore amplifié au lendemain du 11 septembre. Mais elle s’était redressée en
fin d’année. En d’autres termes, si les attaques du 11 septembre ont effectivement eu des
conséquences non négligeables, ce sont des tendances plus globales au niveau de l’économie
mondiale qui expliquent le ralentissement général au cours de l’année écoulée.
4.
Il est virtuellement impossible d’établir avec précision le coût des attaques du 11 septembre
contre New York et Washington. Nous savons à présent que l’organisation terroriste al Qa'ida n’a
probablement pas dépensé plus de 500 000 dollars pour commettre ce crime, tandis que les
dommages infligés se chiffrent certainement en milliards de dollars. Les dommages les plus
évidents et les plus facilement calculables ont concerné l’infrastructure du district financier de la
ville de New York et les indemnisations sans précédent réclamées aux assurances, qui pourraient
se situer entre 50 et 60 milliards de dollars. Le Bureau américain d’analyse économique estime les
dommages occasionnés à l’infrastructure new-yorkaise et le coût de la perte des quatre avions
impliqués dans les attaques à 15,5 milliards de dollars, un chiffre très important pour les
compagnies d’assurances concernées, mais qui ne représente que 0,2 % du PIB américain pour
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l’année 2001 (OECD Economic Outlook, vol. 2001/2, n° 70, décembre 2001). Les opérations de
sauvetage et de nettoyage ont coûté la bagatelle de 11 milliards de dollars alors que le prix en vies
humaines de ces attaques est aujourd’hui estimé à un peu moins de 3000 morts et disparus
(Etude OCDE: the Economic Consequences of Terrorism, OECD Economic Outlook, n° 71, 2002).
Il n’est pas surprenant que le mois de septembre ait été marqué par une chute spectaculaire des
ventes au détail, des commandes de biens de consommation durables et par une nette
augmentation des demandes d’emplois.
5.
L’estimation des dommages devient bien sûr plus difficile encore si l’on commence à prendre
en compte des coûts indirects, dont certains peuvent avoir un effet à long terme. Ces coûts
comprennent par exemple la baisse brutale, sinon temporaire, des cours des actions l’automne
dernier, la forte chute des réservations de places d’avion, les mesures et équipements de sécurité
supplémentaires coûteux dans les aéroports et aux frontières, l’augmentation des primes
d’assurance pour la couverture des risques liés aux actes de terrorisme et les nouvelles mesures
de sécurité adoptées par le secteur privé, la hausse soudaine des dépenses de défense, la
campagne en Afghanistan et les coûts de l’extension éventuelle à l’Irak de la guerre contre le
terrorisme.
6.
Les compagnies aériennes et d’assurance ont subi de lourdes pertes et sont confrontées à
de nouvelles contraintes de coûts qui risquent de perdurer. Les assurances contre les actes
terroristes ont augmenté de manière sans doute définitive. Les demandes de dédommagement
adressées aux assureurs suite aux attaques avoisinent les 60 milliards de dollars et les coûts de
réassurance dont beaucoup sont supportés par des compagnies européennes, représentent près
des deux tiers de ce total (“Premium Rates”, The Economist, 9 février 2002.) Il est clair que les
assureurs européens ont été aussi touchés par cette catastrophe que leurs homologues
américains. D’autre part, de nombreux biens détruits par les attaques étaient assurés en dehors
des Etats-Unis, ce qui pourrait entraîner un afflux net de capitaux vers les Etats-Unis d’environ
11 milliards de dollars, soit 0,1 % du PIB.
7.
Comme nous l’avons précédemment laissé entendre, les attaques du 11 septembre
entraîneront inévitablement une augmentation des taux d’assurances professionnelles à long
terme. Cette industrie a créé une échelle des primes qui accroît le coût des affaires à mesure que
les compagnies sont proches des centres du pouvoir politique et de la puissance financière. Cela
constituera un coût supplémentaire permanent directement issu des attentats, qui entraînera une
augmentation des coûts de production et des prix à la consommation. Si la plupart des analystes
considèrent que l’industrie en général pourra supporter ce coût, le secteur du transport aérien est,
quant à lui, confronté à un dilemme beaucoup plus grave. Les responsables des compagnies
d’assurances estiment désormais qu’il n’est tout simplement pas rentable de couvrir les
compagnies aériennes contre les accidents liés à des actes terroristes. L’industrie a commencé à
retirer la couverture terrorisme et guerre après le 11 septembre en raison des coûts et risques.
Les quelques compagnies d’assurance qui ont réaffirmé une couverture du risque de guerre
quelques semaines après les attentats l’ont fait à des conditions prohibitives et en proposant des
niveaux de couverture inadéquats (passant de 1 milliard et 2 milliards de dollars par avion avant
les attaques à un maximum de 50 millions de dollars). De nombreux réassureurs qui couvrent le
risque associé à la couverture d’assurance ont également renoncé à couvrir le risque terroriste ou
ont augmenté leurs primes dans des proportions prohibitives. Sous la pression des compagnies
aériennes, les gouvernements des Etats-Unis et des pays membres de l’UE sont convenus de
jouer provisoirement le rôle d’assureurs ultimes pour les risques terroristes et de guerre encourus
par les compagnies aériennes. A court terme, les gouvernements ont étendu leurs programmes de
garantie d’urgence. Malgré l’opposition de certains groupes aux Etats-Unis contre cette couverture
fédérale des compagnies aériennes, le département du Transport des Etats-Unis a continué à
émettre des extensions provisoires, de 30 à 60 jours en moyenne, pour le financement des cas
d’urgence par le gouvernement. La Commission européenne a étendu la couverture d’assurance
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d’urgence des compagnies aériennes jusqu’à fin octobre 2002. Parallèlement, les gouvernements
souhaitent réduire rapidement leur rôle dans ce scénario pour se retirer finalement du marché de
l’assurance, où une intervention prolongée des autorités publiques risquerait finalement de
provoquer des distorsions et d’étouffer des opportunités pouvant intéresser le secteur privé. A
moyen terme, les gouvernements des Etats-Unis et des pays membres de l’UE soutiennent des
plans de développement de programmes d’assurance mutuelle avec garantie des autorités
publiques.
8.
Aux Etats-Unis, un groupe de rétention du risque, connu sous le nom de Equitime, sera
financé par les compagnies aériennes et ré-assuré par le gouvernement, par le biais de
l’administration fédérale de l'aviation des Etats-Unis (US Federal Aviation Administration - FAA).
On appelle groupe de rétention du risque une compagnie d’assurance détenue et financée par ses
propres membres et constituée, particulièrement, lorsque des assurances commerciales standard
n'ont pu être négociées. Equitime a pour but d’offrir aux compagnies aériennes transportant des
passagers et/ou du fret la possibilité de souscrire une assurance contre le risque de guerre à des
conditions raisonnables (selon les estimations, les primes coûteront environ la moitié de ce que les
compagnies aériennes paient actuellement). Equitime couvrirait les premiers 300 millions de
dollars pour les charges liées au risque de guerre, y compris les actes terroristes, alors que la FAA
apporterait la couverture additionnelle à concurrence de 2 milliards de dollars maximum (un niveau
correspondant à celui qui était pratiqué avant septembre 2001 par les compagnies d’assurance
commerciales). Le gouvernement devrait jouer ce rôle pendant deux ans, le temps de laisser
s’accroître l’excédent au sein d’Equitime et de ramener sur le marché les compagnies d’assurance
privées.
9.
Les gouvernements européens envisagent de créer un fonds d’assurance mutuel, Eurotime,
selon les mêmes principes qu’Equitime. Les compagnies aériennes, les aéroports et d’autres
acteurs industriels souscriraient à ce fonds, les gouvernements garantissant le risque
excédentaire. Un membre de l’Association des compagnies aériennes européennes (AEA) a prédit
qu’Eurotime demanderait le support du gouvernement en matière de réassurance pendant 3 ans,
jusqu’à ce que le fonds parvienne à des niveaux appropriés.
10. Les compagnies aériennes se réjouissent de la future création d’un fonds d’assurance
mutuel global, regroupant Equitime et Eurotime. Mais à long terme, les gouvernements ont bien
l’intention de se retirer totalement du marché de l’assurance. En Europe, certaines compagnies
commerciales comme AIG et Allianz (Allemagne) ont déjà rétabli une couverture privée pour les
compagnies aériennes, y compris pour les risques liés aux actes terroristes. Les analystes
reconnaissent que rien de particulier n’empêche d’intégrer les attaques terroristes dans le modèle
de gestion des risques et que, d’ici quelques années, l’industrie de l’assurance aura procédé aux
ajustements nécessaires. D’ici là, une intervention limitée des gouvernements paraît à la fois
justifiée et nécessaire.
11. Il n’en demeure pas moins que la hausse des primes d’assurance, la baisse des réservations
enregistrée par les compagnies aériennes (davantage aux Etats-Unis qu’en Europe) et le poids
des nouvelles exigences liées à la sécurité ont des effets désastreux sur l’industrie des voyages en
avion. L’effondrement brutal de la demande n’a pas tardé à entraîner le dépôt de bilan de plusieurs
sociétés européennes affaiblies tandis que des centaines de milliers d’employés de compagnies
aériennes et apparentées ont brutalement perdu leur emploi, tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
L’industrie de l’aviation civile dépend fortement d’un afflux régulier d’argent frais et la chute
dramatique des ventes de billets a induit un soudain revers de fortune pour les grandes
compagnies qui offrent un éventail complet de services. Swissair a ainsi plongé dans une crise
profonde qui a fini par nécessiter une aide d ‘urgence de l’Etat suisse, tandis que la compagnie
belge Sabena a simplement disparu.
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12. Le transport transfrontalier de marchandises pourrait rencontrer certaines difficultés lui aussi
et s’avérer plus coûteux depuis le 11 septembre 2001. Le gouvernement américain a introduit
récemment un système de contrôle des conteneurs et négocie actuellement avec plusieurs ports
européens y compris Le Havre et Rotterdam. Les Etats-Unis veulent créer une voie expresse
pour les conteneurs inspectés dans des ports commerciaux non américains. Les commissaires
européens Pascal Lamy, Loyola de Palacio et Frits Bolkestein avancent que ces mesures sapent
les efforts de l'UE visant à simplifier les procédures douanières, portent préjudice aux petits ports
qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre le programme américain et déplacent en réalité la
souveraineté douanière de l'UE vers les Etats-Unis. La Commission souhaite que les Etats-Unis
traitent directement du problème avec l'UE plutôt que de négocier séparément avec chaque port.
(Bulletin Quotidien Europe, N° 8257, 18 juillet 2002.) L'OCDE s'est également déclarée inquiète
face à ce genre de mesures car elles ajoutent inévitablement un coût aux échanges commerciaux
et peuvent avoir un effet similaire à celui d'un régime tarifaire. Comme le commerce est très
sensible aux moindres évolutions des coûts, la multiplication des exigences en matière de sécurité
pourrait miner en fin de compte les échanges internationaux (“OECD Study: the Economic
Consequences of Terrorism”, OECD Economic Outlook, n° 71, 2002).
13. La plupart des grandes sociétés vont devoir reconsidérer leurs propres stratégies de
sécurité, ce qui a également commencé à entraîner des coûts non prévus aux bilans des sociétés.
Ces coûts couvrent des postes allant des nouveaux gardiens de sécurité et détecteurs de métal
aux efforts visant à mettre en place des systèmes parallèles dans des réseaux cruciaux et à
envisager des stratégies alternatives d’implantation de sites. Les entreprises sont d’autre part
susceptibles de devoir maintenir à l’avenir des stocks plus importants pour se prémunir contre
toute rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales. Ces types de mesures auront, en fin
de compte, le même effet que de nouveaux impôts ; elles pèseront sûrement sur la croissance
économique à long terme, mais d’une manière très difficile à mesurer actuellement.
14. Les attaques ont également des implications importantes pour la géographie "des affaires",
c’est-à-dire la concentration urbaine de biens financiers et commerciaux vitaux et même
l’architecture des constructions abritant des industries sensibles. Les centres financiers fortement
concentrés constituent sans aucun doute des cibles tentantes pour les terroristes décidés à infliger
le plus de dommages possibles étant donné leurs moyens militaires limités. La décentralisation de
ces centres sera coûteuse à court terme. En dépit des progrès phénoménaux de la technologie de
l’information et des télécommunications, cette décentralisation entraînera certaines pertes
permanentes associées aux économies d’échelle antérieures et à tous les avantages que les
banques, sociétés de courtage et compagnies d’assurances retirent de leur proximité immédiate.
Plusieurs firmes financières new-yorkaises se sont d’ores et déjà définitivement installées en
dehors de Manhattan. En fin de compte, tout cela vient également alourdir la note résultant des
attaques du 11 septembre.
15. Les infrastructures des fournisseurs d’énergie, des sociétés de l’information et des
compagnies de télécommunications sont également susceptibles d’être confrontées à de
nouveaux coûts, car elles fonctionnent dans des domaines qui constituent autant de cibles
infrastructurelles potentielles et sont désormais contraintes de redoubler leurs efforts en matière de
sécurité pour assurer leur défense, de prévoir des systèmes parallèles et de s’assurer contre
l’éventualité d’une attaque. Des responsables américains ont fait savoir que, selon eux, il
appartenait à l'industrie de prendre ces mesures, notamment en raison du fait que les budgets
publics sont insuffisants pour soutenir des dispositions aussi vastes. Le fait que des entreprises
aient pu activer les plans d'urgence existants, permettant par exemple à des sociétés d'envergure
mondiale de permuter les échanges d'une place financière à l'autre, vers des centres comme
Londres ou Zurich et de rouvrir des bureaux ailleurs que dans la zone ground zero démontre en
réalité que le marché offrait déjà intrinsèquement un certain degré de flexibilité et de sécurité qui
a entravé le but des terroristes, à savoir la paralysie du système. Comme nous l'avons déjà
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évoqué plus haut, l'industrie de l'assurance aussi est confrontée à de nouvelles dépenses
importantes, notamment pour la couverture des risques liés aux actes de terrorisme. Il appartient
à l'industrie de concevoir de nouveaux modèles de risque qui tiennent compte de la menace
terroriste et des coûts éventuels de futurs attentats – une tâche éminemment complexe qui
demandera un certain temps avant d'être menée à terme.
16. Déjà certains signes apparaissent, notamment aux Etats-Unis, selon lesquels les dépenses
du gouvernement pourraient subir un réaménagement radical pour tenir compte de menaces
naissantes. Le plus évident d'entre eux n'est autre que la hausse spectaculaire des dépenses de
défense décidée par les Etats-Unis. En 2002, le budget de la défense américain atteignait
379 milliards de dollars, soit plus de deux fois celui de l'Europe. (Gopal Ratnam, “How Europe can
close the gap”, Defence News, 5-11 août, 2002) La progression des dépenses de défense
européenne reste à la traîne en partie parce que l'Europe n'a pas subi les attaques physiques du
11 septembre et en partie parce que la position américaine quant au rôle et à la finalité de la
puissance militaire semble diverger à plusieurs égards et de manière fondamentale de celle de ses
partenaires européens. (Robert Kagan, “Power and Weakness", Policy Review, n° 113.) En 2002,
les dépenses de défense de l'Europe ont augmenté en général, mais dans une proportion infime
par rapport aux récents bonds spectaculaires du budget de la défense des Etats-Unis, (“Europe’s
evolving strategic role”, IISS Strategic Survey, 2001-2002, p.135.) Il n'en demeure pas moins que
le dividende de paix de l'après-Guerre froide est épuisé en Europe, sinon à cause de la menace
terroriste, du moins à cause de l'engagement pris par les gouvernements européens de construire
une identité de défense européenne plus cohérente. Il est plus que probable que les budgets
européens de la défense évoluent à la hausse et la plupart des gouvernements vont d'ailleurs
dans cette direction. Cela accentuera la pression sur les budgets nationaux, qui souffrent pourtant
déjà des exigences liées au Pacte de stabilité monétaire, des promesses faites par plusieurs
gouvernements de réduire la pression fiscale et, depuis peu, des coûts de nettoyage et de
reconstruction entraînés par les récentes inondations en Europe centrale (soit plusieurs milliards
d'euros). Des responsables allemands, tchèques et slovaques ont en réalité laissé entendre il y a
peu de temps qu'une partie des budgets de la défense pourrait être réaffectée à des dépenses
publiques pour le financement des réparations infrastructurelles. (Judy Dempsey “Defence takes
second place as clean-up battle absorbs funds”, 29 août 2002.)
17. Une chose est sûre : la réduction des dépenses de défense ne court-circuitera plus l'état de
grâce de la rectitude fiscale. L'augmentation des dépenses de défense risque de nuire aux
économies nationales à long terme, en détournant les investissements de budgets publics plus
productifs. Selon le FMI, certains des coûts que doit supporter l'économie américaine suite aux
attaques du 11 septembre ont été partiellement compensés par une hausse de 33 milliards de
dollars du budget de la défense et d'autres projets de dépenses qui soutiendront la composante
"demande publique" du PIB. A long terme cependant, ces nouvelles dépenses gouvernementales
pourraient s'avérer préjudiciables aux déficits budgétaire et de la balance des paiements,
provoquant une hausse des taux d'intérêts et une contraction des investissements privés. Tel
pourrait être le prix à payer pour une sécurité accrue.
18. Alors que les dépenses de défense restent un sujet délicat, force nous est d'envisager aussi
l'éventualité d'un conflit en Irak. L'administration Bush a fait du changement de régime un leitmotiv
de sa politique étrangère de l'après 11 septembre et certains indices autorisent à penser qu'une
attaque contre l'Irak se prépare. Les coûts d'une telle campagne doivent probablement être
interprétés comme une autre conséquence économique des attaques terroristes de l'automne
dernier, même si beaucoup en Europe s'interrogent quant à la corrélation faite par l'administration
Bush. Il n'est toutefois pas inutile de rappeler que la guerre du Golfe a coûté 61,1 milliards de
dollars, dont 48,3 milliards de dollars ont été pris en charge par les partenaires de la coalition.
Cette campagne a contribué à faire passer le prix du pétrole de 15 à 40 dollars le baril, ce qui n'a
pas manqué de précipiter une récession économique prolongée (Patrick E. Tyler,
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Richard Stevenson, “Profound Effect on U.S. Economy Seen in a War on Iraq”, New York Times,
30 juillet 2002.) Une guerre en Irak impliquerait donc des coûts importants pour les Etats-Unis et
pour l'Europe. La répartition de cette charge dépendra en partie de la participation européenne.
Enfin, il serait absurde de négliger les avantages économiques potentiels à long terme d'un effort
réussi visant à augmenter l'alimentation des marchés internationaux en pétrole irakien.
III.
RÉPONSES MACRO-ÉCONOMIQUES
19. Des deux côtés de l’Atlantique, les banques centrales ont immédiatement reconnu les graves
dangers économiques entraînés par les attaques du 11 septembre. Elles y ont répondu avec une
remarquable rapidité et un degré élevé de coordination. Elles ont été confrontées à des problèmes
immédiats de liquidités résultant de la panique et des dommages causés à l’infrastructure
financière et commerciale new-yorkaise. Les banques centrales du monde ont répondu à ce défi
en injectant de l’argent dans le système et en assurant ainsi la disponibilité de fonds pour que
s’effectuent des opérations économiques essentielles. La Réserve fédérale américaine (FED) des
Etats-Unis par exemple a réduit ses taux d’intérêts à trois reprises au cours des semaines qui ont
suivi le 11 septembre, alors qu’elle avait déjà procédé à huit réductions au cours des huit mois
ayant précédé septembre 2001. Entre-temps, les redondances systémiques des réseaux
financiers ont contribué à réorienter l’acheminement des transactions financières et commerciales
mondiales – ce qui a été facilité par la fermeture sans précédent de quatre jours de la bourse de
New York afin de donner aux banques le temps nécessaire pour procéder à ces ajustements.
20. Des opérations d’expansion monétaire aux Etats-Unis, en Europe et au Japon ont fourni un
stimulus relativement rapide aux économies en difficulté. Les liquidités supplémentaires injectées
dans les économies occidentales dans les jours qui ont suivi les attaques ont modifié les attentes
d’acteurs économiques essentiels et permis au système financier de fonctionner sans retrait de
capitaux motivés par la panique. L’absence d’inflation, renforcée par la faiblesse des prix
pétroliers, a en outre fait diminuer le risque de voir l’expansion monétaire favoriser une spirale
inflationniste. Dès le mois de novembre 2001, la Réserve fédérale américaine avait réduit son
taux directeur de 450 points de base (150 points après les attaques) et la Banque centrale
européenne de 100 points (OECD Economic Outlook, vol. 2001/2, n° 70, décembre 2001). La
célérité de réaction de la Réserve fédérale et de la BCE s’est avérée déterminante pour contenir le
choc immédiat entraîné par les attaques du 11 septembre. Les marchés ont, en général, été
rassurés et, en quelques mois seulement, les bourses, ébranlées non seulement par les attaques
mais aussi par l’éclatement de la bulle technologique et la multiplication des revues à la baisse des
bénéfices des entreprises, avaient retrouvé les niveaux atteints au début du mois de septembre.
Ces marchés ont, bien sûr, subi une seconde onde de choc, liée quant à elle à des tendances plus
larges dans le cycle économique.
21. L’impact des attaques du 11 septembre en Europe a été moins apparent qu’aux Etats-Unis.
Pourtant, en raison de sa myriade de liens financiers et commerciaux avec les Etats-Unis, l’Europe
ne peut échapper aux conséquences économiques de tout choc soudain et précipité pour
l’économie américaine. Les événements qui ont fait suite au 11 septembre n’ont fait que renforcer
la constatation de l’interdépendance entre les deux économies.
22. Les changements apportés à la politique fiscale et à la politique de dépenses publiques
exigent normalement beaucoup plus de temps que des ajustements de taux d’intérêt ou de surplus
monétaire pour stimuler la croissance d’une économie affaiblie. Un changement de politique fiscale
peut en outre entraîner plus de distorsions et avoir un impact plus localisé en fonction de la forme
qu’elle adopte. Les dépenses publiques n’ont qu’un effet différé sur le PIB et de vastes initiatives
de dépenses publiques modifient invariablement les prix relatifs. En Europe, plusieurs grands
pays rencontraient en outre déjà des difficultés pour respecter des objectifs budgétaires serrés, ne
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laissant aucune place à des stimulants fiscaux massifs. De telles contraintes n’existaient
cependant pas aux Etats-Unis.
23. Le congrès américain a voté d’importants financements d’urgence qui non seulement ont
contribué à apporter un soulagement immédiat, mais ont aussi servi de catalyseur à la croissance
à court terme du PIB. Les parlementaires ont adopté un ensemble de mesures d’urgence de
40 milliards de dollars destinées à stimuler l’économie, incluant des ensembles d’aides pour la ville
de New York, l’indemnisation des familles des victimes et l’accroissement des dépenses militaires
et de sécurité. Le congrès a également voté l’attribution d’une aide supplémentaire de 15 milliards
de dollars à l’industrie des transports aériens durement touchée, dont 5 milliards de dollars sous la
forme d’apport direct d’argent et 10 milliards de dollars sous la forme de garanties d’emprunts.
24. L’un des problèmes inhérents en cas d’ouverture du robinet fiscal en raison d’une urgence
nationale est que toutes les industries se découvrent soudainement un besoin d’aides et de
concessions particulières. Si le gouvernement cède aux revendications, les subventions,
réductions fiscales et autres concessions qui en résultent peuvent fortement fausser l’économie
nationale avec des effets à long terme sur la productivité. Qui plus est, une fois accordée, une
subvention est difficile à retirer et présente le désavantage supplémentaire de supplanter des
formes plus productives de dépenses publiques, en matière d’enseignement ou de développement
d’infrastructures par exemple. Qui plus est, il existe un risque que de telles subventions favorisent
un degré de tension internationale, parce que les partenaires commerciaux tendent à considérer
que ces concessions ne font que conférer des avantages injustes aux sociétés nationales. Et c’est
précisément ce que considèrent les Européens à la suite des subventions massives que le
gouvernement américain a accordé aux compagnies aériennes.
IV.
PROTEGER L’INFRASTRUCTURE ECONOMIQUE
25. La technologie même, qui accélère si rapidement le rythme du changement économique,
accroît la productivité et développe considérablement la capacité de communication, constitue
également un talon d’Achille potentiel en matière de sécurité. La société occidentale est de plus
en plus intégrée, et s’appuie sur des chaînes d’approvisionnement et de communication mondiale
qui, bien que hautement efficaces, sont potentiellement vulnérables aux attaques de groupes
même de petite taille décidés à provoquer des dégâts. La technologie du cryptage, si importante
pour fournir un environnement sécurisé au commerce électronique, est désormais largement
disponible et peut servir à des utilisations destructrices. Comme Thomas Homer Dixon l’a
récemment fait remarquer : "un ordinateur portable peut aujourd’hui être comparé à la puissance
informatique dont disposait la totalité du département de la Défense américain dans les années
1960". (Thomas Homer-Dixon, "The Rise of Complex Terrorism", Foreign Policy,
janvier/février 2002, pp.52-62) L’Etat a tout simplement perdu son monopole en matière
d’informatique rapide, ce qui confère aux organisations terroristes un atout potentiel dont elles
n’avaient jamais disposé précédemment. Les progrès technologiques offrent aux terroristes un
accès potentiel aux armes de destruction massive et à des systèmes de communication
hautement sophistiqués, tout en leur permettant de détourner d’autres technologies non militaires
à des fins malveillantes. Le degré élevé d’interdépendance économique technologique offre à tout
groupe terroriste un large éventail de cibles nouvelles et vitales dont beaucoup ne sont pas
défendues. La destruction de certains de ces actifs aurait des conséquences économiques et
humaines catastrophiques. Le défi pour les terroristes consiste à identifier quelles sont les cibles
qui, en cas de destruction, seraient les plus dommageables à la société qu’ils ont l’intention de
frapper. Le défi pour nos sociétés consiste, pour sa part, à identifier et à défendre ces mêmes
cibles potentielles.
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26. On considère souvent que les terroristes qui ont lancé les attaques sur New York n’auraient
pu choisir meilleure cible. Les tours avaient manifestement une énorme valeur humaine,
économique et, par extension, symbolique. La réaction mondiale à ces attaques a d’ailleurs été
une incrédulité et une consternation plus que généralisées. Face au rapide redressement de
l’économie américaine, il apparaît néanmoins que les dommages infligés, du moins en termes
économiques et stratégiques, se sont avérés gérables. Si le World Trade Center constituait un
important symbole du capitalisme américain et abritait une multitude de sociétés importantes et de
personnes de talent, il ne constituait toutefois pas, en soi, un nœud de communication ou financier
indispensable au niveau national ou international. Les systèmes économiques nationaux et
mondiaux n’ont pas été affectés par la disparition tragique du World Trade Center. Cela apparaît
comme une bien maigre consolation à l’horreur du 11 septembre, mais soulève néanmoins un
point très important. Les gouvernements et les acteurs privés doivent identifier le genre de cibles
potentielles qui, si elles étaient détruites, pourraient déclencher une réaction en chaîne
catastrophique dans toute la société et mettre en place des redondances systémiques pour
empêcher un tel scénario de se réaliser.
27. Les attaques ont en fait suscité un regain d’intérêt pour l’ensemble du concept de
redondance systémique, en d’autres termes la mesure suivant laquelle les nœuds en matière de
transport, de communication, d’énergie et de finance peuvent être remplacés en cas d’attaque. La
question s’avère particulièrement importante en raison de la confiance accrue que l’économie
mondiale place dans ces réseaux pour la fourniture de marchandises, d’informations et d’énergie.
Des centres financiers et d’affaires fortement concentrés comme le quartier de Wall Street à
Manhattan apparaissent aujourd’hui plus vulnérables que jamais, mais il se pourrait que le
véritable défi réside non seulement dans la protection de ces centres, mais également dans la
défense du réseau de nœuds moins visibles - mais tout aussi essentiels - sur lesquels s’appuie
désormais les économies occidentales. Nous pensons, notamment, aux serveurs Internet, aux
systèmes de commutation téléphonique, aux réseaux électriques, aux usines chimiques, aux
câbles de fibre optique, aux sous-stations électriques et aux chaînes de distribution d’eau et
d’aliments.
28.
Les acteurs économiques et les dirigeants politiques reconnaissent d’ailleurs désormais que
les économies nationales ne sont pas à l’abri des menaces terroristes. Si les progrès
technologiques ont généré une énorme richesse, ils rendent également plus facile pour des
individus de provoquer des destructions catastrophiques. Les moyens pour ce faire ne sont plus à
la portée des seuls Etats et, si des cibles soigneusement choisies telles que des générateurs
électriques ou des systèmes de relais sont touchées, les dommages économiques pourraient être
massifs. Si l’on envisage la possibilité d’une attaque contre une centrale atomique, les
conséquences probables seraient alors manifestement colossales. Les sociétés occidentales
doivent donc impérativement évaluer l’éventualité de ce genre d’attaques, identifier les cibles
potentielles, trouver des moyens de protéger ces nœuds essentiels et veiller à disposer de
redondances systémiques pour qu’une attaque ne puisse pas immobiliser un réseau crucial. Cela
représentera une entreprise hautement complexe et potentiellement très onéreuse.
V.
FINANCEMENT DU TERRORISME
29. L’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz, a récemment fait
remarquer que "le monde sans frontières au sein duquel circulent les marchandises et les services
est également un monde sans frontières au sein duquel d’autres choses moins positives peuvent
circuler" ("Globalisation’s Last Hurrah?", Foreign Policy, janvier/ février 2002). De nombreux outils
utilisés par la communauté du monde des affaires pour internationaliser ses opérations sont
librement disponibles pour les terroristes et les criminels, qui commencent à les utiliser à des fins
mortelles et coûteuses pour notre société. Il est fréquent que les organisations terroristes
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développent leur infrastructure à une certaine distance de l’endroit d’où elles procèdent à leurs
attaques. Les cellules dispersées qui les composent ont besoin de fonds pour survivre et mener
leurs opérations. Ces cellules s’autofinancent parfois, mais elles dépendent souvent de transferts
monétaires. On sait ainsi qu’al Qa'ida a fait transiter des fonds par exemple par des banques de
41 pays, qui pour beaucoup passent pour respecter des réglementations bancaires rigoureuses
Les rapports établis par les services de renseignement européens et américains laissent entendre
que même aujourd’hui, al Qa'ida expédie d’énormes quantités d’or du Pakistan vers le Soudan via
les Emirats arabes unis et l’Iran. Ils indiquent également que Khartoum est devenue une plaque
tournante pour les opérations financières d’al Qa'ida . (Douglas Farah, “Al Qaeda gold moved to
Sudan”, Washington Post, 3 septembre 2002.)
30. Bien qu’Oussama ben Laden se soit servi des banques pour déployer les activités
d’al Qa'ida, l’organisation a également récolté des fonds auprès de donateurs et a procédé à des
opérations d’autofinancement par le biais d’activités licites et illégales. Pour ne prendre qu’un
exemple parmi beaucoup d’autres, plusieurs organisations terroristes moudjahidines ont eu pignon
sur rue en Bosnie, après les accords de paix de Dayton. D’après des sources proches des
services de renseignements, certaines œuvres de bienfaisance prétendaient récolter des fonds
pour ce pays assiégé, alors qu’en réalité, elles canalisaient des fonds vers des groupes
fondamentalistes radicaux (Kurt Eichenwald, "How Bin Laden used money to privatise terrorism",
International Herald Tribune, 11 décembre 2001). Des preuves permettent en outre de penser que
les agents financiers de ben Laden ont également misé à court terme sur des actions de
compagnies aériennes et d’assurances, pour réaliser des profits de plusieurs millions de dollars
lorsque ces valeurs se sont effondrées après les attaques. L’extorsion est une autre source de
revenus et al Qa'ida exige des versements d’hommes d’affaires du Moyen-Orient qui, s’ils ne
s’exécutent pas, sont menacés de voir leurs entreprises détruites. La contrebande d’opium via
l’Asie centrale a également permis d’injecter des millions de dollars dans les coffres d’al Qa'ida de
même que d’autres activités criminelles. (Jonathan M. Winer et Trifin J. Roule, “Fighting Terrorist
Finance,” Survival, vol. 44, n°. 3, août 2002.)
31. Il apparaît désormais que des institutions situées dans les Emirats arabes unis, le centre
financier le plus développé et le moins réglementé de la région du Golfe, ont joué un rôle essentiel
pour faire parvenir des fonds à ceux qui ont planifié et effectué les attaques du 11 septembre.
Depuis lors, un moyen de transfert de fonds traditionnel reposant sur la confiance fait l’objet de
nombreuses discussions. Il s’agit du système de transactions "hawala", qui permet aux clients de
transférer des fonds entre pays sans laisser la moindre trace de leurs opérations. Opérant au
départ de la Somalie et des Emirats arabes unis, les al Barakaat hawala ont apparemment
contribué à faire parvenir des fonds à ceux qui ont exécuté les attaques contre New York et
Washington. Ce réseau spécifique qui opérait également aux Etats-Unis a été fermé. Al Qa'ida
avait auparavant utilisé la Dubai Islamic Bank et des sociétés locales de transfert hawala pour
financer les attentats à la bombe contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie.
Des organisations criminelles russes impliquées dans le trafic de drogue ont utilisé beaucoup de
ces institutions pour blanchir et transférer de l’argent. (John Willman, "Trail of terrorist dollars that
span the world", Financial Times, 29 novembre 2001) Le système hawala n’est pas illégal en soit,
et il peut apporter une aide considérable aux immigrants qui désirent faire parvenir des fonds à
leurs familles. Il est clair cependant que ce système devrait être mieux régulé. Jusqu’aux attaques
du 11 septembre cependant, les Etats-Unis n’étaient pas parvenus à obtenir le soutien des Emirats
arabes unis pour s’attaquer à ces réseaux financiers terroristes. Les responsables des Emirats
collaborent désormais plus étroitement avec les Américains, en particulier sur des moyens de
mieux contrôler les Hawala. La tâche n’est pas aisée, car certains hawala ne sont que de petits
propriétaires d’épicerie utilisant un simple téléphone mobile pour procéder à leurs transactions
occultes.
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32. Ces problèmes reflètent une interrogation plus large quant à la collaboration pleine et entière
de certains Etats du Moyen-Orient en vue d’introduire une plus grande transparence dans le
système financier, et notamment dans le dépistage des fonds d’al Qa'ida – et cela en dépit des
promesses officielles faites. Aucun lien n’a cependant été trouvé à ce jour avec les comptes
bancaires associés à des projets de financement d’actes terroristes gelés par les autorités
saoudiennes et aucune condamnation n’a été prononcée pour des délits financiers dans les
Emirats arables unis. Cela peut paraître étrange. Le même problème se présente en Asie centrale,
où l’on constate de graves lacunes au niveau des réglementations financières et des systèmes de
mise en application de la loi et du droit. (Jonathan M. Winer et Trifin J. Roule, “Fighting Terrorist
Finance,” Survival, vol. 44, n° 3, août 2002.)
33. Ceux qui ont préparé le 11 septembre ont également eu recours au système bancaire
international ayant pignon sur rue pour transférer des ressources "sous les écrans de la couverture
radar" des législateurs. Al Qa'ida a en partie financé les attaques par le biais de transferts
électroniques de fonds depuis Dubaï, fonds qui ont été prélevés de manière anonyme dans des
distributeurs automatiques de billets situés en Floride et dans le Maine. On ignore toujours qui,
exactement, a expédié ces fonds. Al Qa'ida a aussi eu recours à d’autres méthodes novatrices
pour transférer anonymement de l’argent par delà les frontières et a même utilisé le marché
diamantaire d’Anvers pour mener des opérations de trafic d’armes et de blanchiment d’argent
(Jonathan M. Winer, "How to clean up dirty money", Financial Times, 23-24 mars 2002).
34. Les méthodes d’al Qa'ida ont extraordinairement stimulé le mouvement en faveur de la
révision de l’actuelle réglementation des pratiques bancaires, tant au niveau national
qu’international. Il est de plus en plus évident que le système financier international offre un outil
essentiel non seulement aux terroristes, mais également aux trafiquants de drogue, aux politiciens
corrompus, à l'évasion fiscale et aux trafiquants d’armes.
35. Une chose est d’ores et déjà claire. Même dans l’environnement de régulations actuel, il est
très difficile de retrouver la trace des transactions illégales et de geler rapidement les avoirs. Cela
confère un énorme avantage aux terroristes et à ceux qui blanchissent de l’argent. Dans une étude
de 1999, le FMI signale que les avoirs offshore globaux, dont il est presque impossible de
découvrir les propriétaires, se sont accrus de 6 % par an au milieu des années 1990 pour atteindre
environ 4 800 milliards de dollars. Ce même rapport fait remarquer qu’une réglementation
fragmentée et l’absence de transparence ont augmenté les possibilités de procéder à toutes sortes
d’opérations illégales (Jonathan M. Winer, "Illicit Finance and Global Conflict, Programme for
International Co-operation and Conflict Resolution", rapport de la Fafo). Le contrôle des opérations
financières illégales est entravé par le manque de coopération entre les législateurs nationaux et
les responsables sectoriels, de grandes différences entre les législations, le respect erratique des
règles de "connaissance du client" et de diligence et la prolifération des entreprises et des sociétés
financières offshore dont la seule vocation consiste à transférer des fonds dont l’origine est
illégale. Comme beaucoup de ces sociétés opèrent dans des petits pays relativement peu
développés, il est difficile, même pour les autorités locales, de mettre de l’ordre dans ces centres
financiers. Une fois de plus, le problème ne se limite pas à ces centres offshore et au
Moyen-Orient; il existe de longues listes de grandes banques occidentales en Europe et aux EtatsUnis impliquées, dans certains cas sciemment, dans le transfert illégal de capitaux.
36. Généralement, on peut considérer qu’un grand nombre des mesures nécessaires
préconisées pour faire obstacle au blanchiment d’argent et aux opérations financières criminelles
représenteraient des mesures anti-terroristes tout aussi efficaces. Les terroristes utilisent
cependant souvent de petites quantités d’argent, obtenues légalement - deux caractéristiques qui
compliquent considérablement le dépistage de leurs transactions financières (Commentaires de
Christina Schnicke au forum de l’OCDE, Paris, 2002). Les Nations unies, l’Union européenne, le
Conseil de l’Europe, l’Organisation des Etats américains, l’OCDE, le Groupe d'action financière
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(GAFI), le FMI et la Banque mondiale oeuvrent tous à la promotion d’une plus grande
transparence financière et à la mise en œuvre de mesures destinées à édifier de nouvelles
défenses contre le blanchiment d’argent.
37. Dans les jours qui ont suivi les attaques, le gouvernement américain a gelé les actifs d’un
certain nombre d’organisations opérant aux Etats-Unis et suspectées de redistribuer aux
terroristes des fonds collectés à des fins caritatives et pour d’autres causes légitimes. Les
responsables de l’administration américaine ont également demandé avec succès aux alliés des
Etats-Unis de faire de même. Mais il ne s’agissait-là que du commencement d’un examen de plus
en plus minutieux des points de vulnérabilité du système financier international à la pénétration
criminelle.
38. Lors de la réunion d'octobre 2001, les dirigeants du G7 ont établi un Plan d’action pour le
combat contre le financement du terrorisme et défini des priorités claires pour cette lutte :
application vigoureuse de sanctions internationales, dont le gel des avoirs des terroristes,
développement et mise en œuvre rapides de normes internationales, accroissement du partage
des informations entre pays et renforcement des efforts des superviseurs financiers pour contrer
l’utilisation pernicieuse du secteur financier par les terroristes. Les gouvernements membres ont
également décidé de favoriser des Unités du renseignement financier pour faciliter le partage des
informations sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ces agences sont
chargées de recevoir, d’analyser et de diffuser des informations financières relatives aux recettes
suspectes d’opérations criminelles. Elles ont été créées pour lutter contre le blanchiment d’argent
et se sont réunies pour la première fois en 1995 au Palais d’Egmont à Bruxelles afin de comparer
les tendances en matière de blanchiment d’argent et les stratégies de mise en application de la loi.
Désormais connues sous le nom de Groupe d’Egmont, ces unités se réunissent chaque année
pour identifier les moyens de coopérer en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, surtout
dans des domaines tels que l’échange d’information, la formation et le partage de compétence.
39. A la mi-février, plus de 200 pays et juridictions ont fait part de leur soutien au programme du
G7 et 150 pays et juridictions ont donné l’ordre de geler les avoirs des terroristes. Plus de
115 millions de dollars ont été gelés dans le monde entier (Jonathan M. Winer et Trifin J. Roule,
“Fighting Terrorist Finance”, Survival. vol. 44, n° 3, août 2002.)
40. Il y a cependant eu des problèmes. Selon un récent rapport des Nations unies, depuis
janvier, seuls 10 millions de dollars de fonds terroristes ont été gelés. Al Qa'ida continue de puiser
dans l’héritage d’Ousama ben Laden, et de profiter d’œuvres caritatives, d’investissements, de
dons privés (pour environ 16 millions de dollars par an) et d’activités illégales liées au trafic de
drogue et à la fraude. Al Qa'ida est soupçonné d’avoir des comptes bancaires au nom
d’intermédiaires non identifiés à Dubaï, Hong Kong, Londres, en Malaisie et à Vienne. Il continue
de transférer des actifs via les hawalas et le commerce de métaux et de pierres précieuses. Les
Nations unies mettent en garde et préconisent un contrôle et des examens renforcés. L’un des
problèmes réside dans le fait que de nombreux individus fortunés ayant des liens avec ben Laden
n’ont pas été repris sur la liste des terroristes soupçonnés, établie par les Nations unies, ce qui
rend difficile le gel d’actifs suspects. Les critères élevés de preuve légale dans certains pays
européens compliquent l’élaboration d’une politique cohérente entre les Etats de l’UE et au-delà
des frontières de l’UE. Plusieurs gouvernements européens ont également indiqué que le gel des
actifs empêche les suspects de satisfaire leurs besoins élémentaires de la vie courante.
L’administration Bush a récemment réagi à cette allégation en proposant une résolution du Conseil
de sécurité qui autoriserait les partisans soupçonnés d’organisations terroristes à retirer des fonds
pour répondre à leurs besoins vitaux. Les Nations unies prétendent également que les Etats-Unis
et d’autres gouvernements ne fournissent pas toutes les informations à propos des membres
soupçonnés d’al Qa'ida ce qui ne permet pas de parvenir aisément à un consensus quant aux
listes ”. (Colum Lynch, “War on Al Qaeda Funds Stalled”, Washington Post, 29 août 2002.)
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41. Les Nations unies ont commencé à s’attaquer au problème bien avant les attentats de
l’automne dernier. Le 9 décembre 1999, les Nations unies ont adopté à l’unanimité la Convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme, qui assimile à un délit la levée de
fonds à des fins terroristes et le financement d’opérations terroristes. En date du 11 septembre
cependant, seuls quatre pays avaient ratifié cette convention. Le Royaume-Uni était le seul pays
de l’OTAN sur les quatre (les autres étant le Botswana, le Sri Lanka et l’Ouzbékistan). Au cours
de leur réunion d’octobre 2001, les ministres des Finances du G7 promettaient cependant de
ratifier cette convention. Après les attaques, les Nations unies adoptèrent la résolution 1373 qui
oblige tous les gouvernements des Etats membres des Nations unies à considérer comme délit
l’usage ou la collecte de fonds à des fins terroristes, geler les fonds de ceux qui sont impliqués
dans la planification d’attaques terroristes, coopérer aux enquêtes internationales et refuser
d’accueillir ceux qui exécutent, planifient ou cautionnent des actes de terrorisme. (communiqué de
presse de l’assistant du secrétaire au Trésor en charge de l'application, Jimmy Gurule,
31 mai 2002.) Les gouvernements membres doivent également soumettre des rapports d’état
d’avancement, afin de tenir les Nations unies informées de leurs efforts pour faire appliquer la
résolution. La résolution 1390 des Nations unies oblige tous les Etats membres à bloquer les
avoirs des Talibans, d’Ousama ben Laden, de l’organisation al Qa'ida et de tous ceux qui y sont
associés. Les noms de ceux dont les actifs sont bloqués sont communiqués à la Commission des
sanctions des Nations unies qui a 48 heures pour soulever d’éventuelles objections. En l’absence
d’objection, les noms concernés sont placés sur la liste du Conseil de sécurité des Nations unies
et tous les Etats sont tenus de geler ces actifs et d’empêcher qu’ils ne soient mis à disposition.
42. L’Union européenne a, quant à elle, émis l’année dernière une seconde Directive sur le
blanchiment d’argent, qui étend les règles à l’identification du client, à la tenue de registres et à la
déclaration de transactions suspectes réalisées par des comptables, des auditeurs et réviseurs,
des notaires, des agents immobiliers, des propriétaires de casinos ou des sociétés de transport de
fonds. L’UE a également constitué une unité anti-terroriste au sein d’Europol et instauré des
contacts plus étoffés entre cette unité et les Etats non membres de l’UE, y compris les Etats-Unis.
43. La loi Patriot adoptée par les Etats Unis en octobre 2001 renforçait les règles applicables à la
“connaissance du client”. Le gouvernement des Etats-Unis interdisait à ses banques d’avoir des
contacts avec des “banques écrans” - qui se résument bien souvent à une simple adresse
électronique. La loi oblige toutes les institutions financières, y compris les fonds de couverture et
les institutions de crédit commercial, à élaborer des programmes stricts et complets de lutte contre
le blanchiment d’argent. Elle introduit de nouvelles exigences en matière d’identification des clients
et impose un examen attentif de nombreuses transactions autrefois soumises à des
réglementations plus légères. Pour le département du Trésor, il s’est cependant avéré très difficile
de parvenir à un code uniforme en six mois de temps, comme le prévoyait le projet de loi. Mais il
est un fait que la loi Patriot introduit un changement quasi-révolutionnaire dans les exigences de
déclaration de toute une série d’entreprises américaines, et d’autres pays sont soumis à de fortes
pressions pour adopter des mesures et standards similaires afin de pouvoir faire des affaires en
toute transparence avec des partenaires américains.
44. Le Groupe d'action financière (GAFI), établi par le G7 en 1989 pour procéder à l’évaluation
de la transparence des centres financiers internationaux, a eu recours à la stratégie de la liste
noire pour encourager les centres offshore à améliorer leur transparence en publiant des listes des
centres qui ne répondent pas aux normes minimales. L’OCDE utilise une stratégie similaire pour
combattre la concurrence fiscale déloyale des centres financiers internationaux offrant aux nonrésidents des services financiers non-réglementés qui ne sont pas disponibles pour les citoyens
locaux – services qui constituent un véritable aimant pour les activités financières illicites. Au
cours de ces dernières années, le GAFI, qui a son siège au secrétariat parisien de l’OCDE, a
également élaboré un code de conduite, basé sur huit recommandations adoptées lors d'une
réunion extraordinaire à Washington en octobre 2001 pour rendre beaucoup plus difficile le
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blanchiment d’argent par le biais du système bancaire mondial. Ce code prévoit la criminalisation
des opérations de blanchiment d’argent, l’identification obligatoire de tous les clients, des
obligations de déclaration pour les transactions suspectes, un contrôle et une supervision
adéquates des institutions financières, ainsi que des efforts visant à promouvoir la coopération
internationale et la mise en oeuvre des résolutions applicables des Nations unies
(http:www.oecd.org/fatf).
45. Le système d’évaluation mutuelle du GAFI a fortement encouragé les autorités des pays
membres à apporter une plus grande transparence au sein de leurs systèmes bancaires. La liste
des pays et territoires non coopérant du GAFI a produit des effets positifs en stimulant la mise en
conformité demandée. Plusieurs pays et territoires restent sur cette "liste noire" et l'utilisation de
celle-ci” impose finalement une pression non négligeable sur les centres financiers douteux afin
qu’ils corrigent leurs habitudes. (André Rouvière,” Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme,” rapport au Sénat français, n° 355, 2000-2001.) Mais une série de
pays, dont certain du Moyen-Orient qui ne figurent pas sur la liste, ont toutefois rencontré des
problèmes dans l’application des recommandations. Le GAFI pourrait demander aux pays
membres d’appliquer des sanctions contre les pays repris sur la liste noire, mais il ne l’a pas fait
jusqu’à présent – préférant collaborer avec les pays qui doivent encore satisfaire aux normes
imposées. (Jonathan M. Winer et Trifin J. Roule, “Fighting Terrorist Finance,” Survival. vol. 44,
n° 3, août 2002.)
46. Le GAFI a également publié un questionnaire d’auto-évaluation concernant le respect des
huit recommandations à l’intention des membres et des non-membres du GAFI et analyse les
réponses lors de réunions d’examen. En général, les pays et territoires figurant sur la liste du GAFI
collaborent avec ce dernier pour améliorer leurs systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent.
Les gouvernements membres ont promis d’apporter une aide aux pays non membres afin de les
aider à se mettre en conformité avec les recommandations spéciales du GAFI.
47. Le Fonds monétaire international a, pour sa part, récemment étendu sa mission au-delà de
son Programme volontaire d’évaluation du secteur financier et un programme séparé pour
l’évaluation des centres financiers offshore. Ses travaux de lutte contre le blanchiment d’argent
comportent désormais des cadres légaux et institutionnels ; ils permettent d’entreprendre des
évaluations onshore, d’aider les pays membres à détecter les failles dans leurs systèmes légaux et
fournissent une assistance technique pour permettre aux membres de mettre en œuvre les
normes internationales agrées. Les évaluations du FMI font aujourd’hui appel aux critères énoncés
dans les 40 principes du GAFI régissant l’administration adéquate des centres financiers.
Parallèlement, le Fonds refuse d’accéder aux requêtes lui demandant d’assumer des fonctions
coercitives, faisant valoir que cela irait bien au-delà de son mandat et de ses compétences
naturelles (Enquête du FMI, 26 novembre 2001). La Commission financière du FMI n’en appelle
pas moins ses membres à mettre sur pied des unités de renseignements financiers destinées à
enquêter sur les déclarations de transactions suspectes, à surveiller les fonds suspectés
d’appartenir à des terroristes et à élaborer des moyens de partage des informations. Le FMI doit
fournir un rapport sur l’état d’avancement de ses efforts lors de sa réunion annuelle de 2002. Les
évaluations du FMI constituent une sorte de "feuille de route" permettant de combler des lacunes
de systèmes que des criminels et des terroristes parviennent à exploiter. En association avec le
Canada, la Banque mondiale et le FMI, le Royaume-Uni a par exemple fondé le centre
d’assistance technique régional des Caraïbes (CARTAC) à Barbade, afin de renforcer le secteur
financier de la région. Au printemps 2002, la Banque mondiale, le FMI, le Royaume-Uni, le Canada
et la Suisse ont lancé l’initiative FIRST - Financial Sector Reform and Strengthening - d’une valeur
de 45 millions de dollars pour aider les pays à bas et moyens revenus à mettre en place une
capacité et à développer des politiques à court et à moyen terme.
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48. Un inconvénient sérieux réside dans le fait que tous ces programmes se concentrent sur des
efforts nationaux plutôt que sur les normes et pratiques des différentes banques et firmes
financières pour lutter contre le blanchiment d’argent. Même si les onze plus importantes banques
mondiales ont élaboré les "Principes Wolfsberg" établissant des normes de "connaissance du
client" et des normes de diligence adéquate, il n’existe pas d’effort généralisé en vue d’octroyer
une certification aux institutions appliquant les meilleures pratiques au niveau mondial. C’est ainsi,
par exemple, que les gouvernements éprouvent énormément de difficultés à exercer un contrôle
total sur les filiales étrangères des banques nationales. Il s’agit-là d’un domaine au sein duquel les
institutions financières internationales pourraient apporter leur aide en octroyant des certifications.
Avant même les attaques du 11 septembre, une sous-commission d’enquête du Sénat américain
en était arrivée à la conclusion que la faiblesse des contrôles exercés sur les correspondants
bancaires générait une passerelle permettant à des banques étrangères peu scrupuleuses de
blanchir de l’argent comptant (John Willman, "Cleaning up", Financial Times, 21 septembre 2001).
Toutefois l’industrie bancaire américaine et ses défenseurs au Congrès ont bloqué initialement les
efforts visant à octroyer au secrétaire au Trésor le pouvoir d’empêcher l’accès des marchés
financiers américains aux pays étrangers et aux banques s’ils ne coopèrent pas aux enquêtes sur
le blanchiment d’argent (Time Weiner, David Cay Johnston, "Bin Laden’s Money Trail is littered
with U.S. investigators mistakes", International Herald Tribune, 21 septembre 2001). Les points de
vue américains sur cette question ont toutefois considérablement évolué depuis le 11 septembre.
49. On propose actuellement que les Nations unies prennent la tête d’une initiative en vue de
l’imposition mondiale aux banques et à leurs filiales de réglementations relatives à la
"connaissance du client" et à d’autres politiques de lutte contre le blanchiment d’argent. Ces
réglementations iraient de pair avec des évaluations de conformité rendues publiques. Les
banques déclarées ‘conformes’ seraient autorisées à traiter des fonds octroyés par des
organisations internationales telles que la Banque mondiale ou le FMI et les gouvernements
nationaux. Bien que cette initiative ne s’attaquerait pas directement au problème des banques non
impliquées dans la gestion d’argent public, elle commencerait à établir des distinctions plus nettes
entre les banques qui coopèrent ou non et pourrait encourager le secteur privé à récompenser les
banques figurant sur la "liste blanche" (Jonathan Winer, "Illicit finance and global conflicts,
Programme for International Co-operation and Conflict Resolution", rapport 380 de la Fafo,
http://www.fafo.no/pub/rapp)
VI.
AIDE AU DEVELOPPEMENT
50. L’aide au développement représente un autre aspect économique de la réponse occidentale
aux attaques. Il serait manifestement erroné de considérer que l’aide internationale au
développement constitue à peine plus qu’un outil de lutte contre le terrorisme. Cela diminuerait son
rôle intrinsèque comme moyen d’aider les pays en développement à parvenir à des niveaux de
prospérité et de stabilité politique plus élevés. L’octroi d’une aide au développement constitue, en
fait, à la fois un acte de solidarité et d’intérêt personnel. Le développement économique et politique
est en outre naturellement susceptible de contribuer à remédier à certaines des conditions qui
permettent à certains groupes terroristes de se positionner habilement pour en tirer profit.
51. La politique de développement suscite également depuis peu certaines frictions
transatlantiques. Certains cercles politiques et économiques américains considèrent que l’aide au
développement n’est pratiquement qu’une source de corruption et de distorsion des marchés, qui
crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Ce point de vue connaît un succès relativement
important aux Etats-Unis, dont les fonds octroyés à l’assistance ont effectivement diminué assez
fortement depuis quelques années. Jeffrey Sachs a récemment fait remarquer que, “l’aide
américaine représente 0,1 % du PIB, un reliquat dérisoire de ce qui représentait auparavant un
tiers du niveau européen.” ("What’s good for the poor is good for America,” The Economist,
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12 juillet 2001.) Les gouvernements européens octroient un pourcentage plus important de leur
PIB à l’aide au développement et se montrent parfois critiques face au faible niveau de la
contribution américaine dans ce domaine. Ils font également valoir que les fonds octroyés à
l’assistance deviennent plus efficaces, car les institutions donatrices concentrent de plus en plus
leurs efforts sur les apports tangibles et, en particulier, sur des programmes de création de
marchés et d’institutions d’Etat. Depuis quelques mois en outre, les Européens font part d’une
certaine frustration face à une proposition américaine qui voudrait que la moitié de l’aide accordée
par la Banque mondiale aux pays les plus pauvres adopte la forme de subventions plutôt que de
prêts à faible taux d’intérêt. Les Européens redoutent qu’une telle mesure assèche les réserves
de la banque et que ces réserves ne soient plus réapprovisionnées par la suite
(Michael M. Phillips, "U.S. Treasury Chief vigorously defends foreign aid policy", Wall Street
Journal, 22-24 février 2002). L’administration réfute cette interprétation et répond que de nombreux
prêts de la Banque mondiale ne seront, de toute façon, jamais remboursés, de sorte que tout
concept même de "prêt" devrait être abandonné. Des différences philosophiques sous-jacentes
sont manifestement en jeu ici et il est important de mener un dialogue pour surmonter certaines de
ces tensions.
52. Lors de la conférence des Nations unies sur l’aide au développement qui s’est tenue à
Monterrey, les Etats-Unis ont cependant surpris certains délégués en annonçant un accroissement
de 5 milliards de dollars de leur financement annuel en faveur des pays en développement. La
conférence visait un possible consensus international naissant à propos du commerce, de l’aide,
des investissements, de la dette et de la gouvernance, les pays développés comme les pays en
développement reconnaissant leurs responsabilités mutuelles dans la lutte contre la pauvreté. En
dépit de l’augmentation du niveau de l’aide décidée par le président Bush, les Etats-Unis
continuent à se ranger parmi les derniers pays donateurs en pourcentage du PIB, mais un certain
nombre d’observateurs européens considèrent néanmoins cette initiative comme très positive
(Alan Beattie, "US wakes from 20-year slumber in development field", Financial Times,
25 mars 2002). A Monterrey, le président Bush a insisté sur le fait que de nouvelles approches
sont nécessaires pour veiller à ce que les fonds octroyés à titre d’aide soient correctement utilisés.
Les Européens considèrent que la stratégie du développement évolue depuis quelques années et
que de nombreuses organisations donatrices telles que la Banque mondiale et les banques
régionales de développement ont tiré un certain nombre de leçons importantes après analyse a
posteriori des projets. Mais la nécessité d’une aide et d’un engagement actif se fait de plus en plus
pressante. Les événements d’Afghanistan ont été particulièrement riches en enseignements à cet
égard. Le fait que l’Occident ait négligé ce pays après le retrait des troupes soviétiques a créé un
vide que les Talibans et al Qa'ida ont fini par combler. Les décideurs reconnaissent à présent que
l’aide au développement doit constituer un pilier essentiel de la stratégie européenne et américaine
non seulement en Asie centrale mais aussi dans les pays où une pauvreté abjecte peut aller de
pair avec l’absence d’une autorité gouvernementale centrale et une idéologie empoisonnée en
quête de déstabilisation.
53. Certains, dans le monde en développement, redoutent que, bien que potentiellement très
positive, la volonté américaine et européenne de conditionner l’octroi d’une aide à des réformes
économiques ne serve en vérité à créer un instrument de l’Occident visant à exiger l’ouverture des
marchés sans accès réciproques. Cette perception ne ferait qu’engendrer un ressentiment plus
profond. D’autre part, l’ouverture des marchés aux produits pour lesquels le monde en
développement est le plus concurrentiel, dont les produits agricoles et textiles, constituerait un réel
progrès de la stratégie du développement et démontrerait que les pays occidentaux ont l’intention
d’édifier un véritable partenariat économique avec les pays en développement. Cela devrait
constituer l’un des thèmes centraux du cycle de négociations commerciales à Doha.
54. Enfin, il y a eu récemment d’importants désaccords transatlantiques relatifs aux stratégies
commerciales avec des pays associés au soutien au terrorisme. L’UE par exemple a signé
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récemment un accord commercial et de coopération avec l’Iran. Alors que l’Administration
américaine y voit un Etat–parrain du terrorisme, les gouvernements européens y trouvent une
société en pleine évolution politique, avec des implications potentiellement positives. Pour l’UE, le
commerce est un moyen d’engager des forces positives dans la société iranienne, une vue qui
reflète la même logique que celle invoquée par les Etats-Unis à l’égard d’autres régimes dans le
monde, y compris la Chine. Cette divergence laisse entendre que les Alliés occidentaux doivent
approfondir le dialogue entre eux quant à la manière d’engager des pays comme l’Iran.
VII. LE ROLE DE L'UNION EUROPEENNE
55. Alors que l'Union européenne commence à peine à développer ses fonctions de sécurité et
de défense, ses compétences amplement développées en matière de politique économique et ses
fonctions diplomatiques et judiciaires en pleine expansion en font un acteur clé dans la campagne
anti-terroriste. Les attaques de l'automne dernier ont clairement incité l'Union à assumer un rôle
majeur dans la lutte contre le terrorisme. Mais le défi à relever est de taille. Les gouvernements
européens, plus peut-être que leurs homologues américains, ne voient pas dans le terrorisme une
menace de nature essentiellement "militaire". L'UE préconise une stratégie élargie, incluant le
renseignement, la police ainsi que des approches diplomatique et économique – autant de
domaines où elle possède des compétences extrêmement affirmées. Cela ne veut pas dire que les
gouvernements européens ne reconnaissent pas l'important défi militaire auxquels ils sont
confrontés, mais l'identité de défense de l'Union n'en est qu'à ses premiers balbutiements, et les
gouvernements membres luttent toujours pour développer une capacité leur permettant d'assumer
les tâches dites de Petersberg.
56. Dans le sillage des attentats du 11 septembre, les ministres des Affaires étrangères sont
convenus de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité pour l'Union et de coordonner les
réactions des différents pays membres de l'UE. Les dirigeants européens ont ensuite adopté une
définition commune du terrorisme et gelé les actifs de groupes terroristes ou de ceux soupçonnés
de financer le terrorisme. A ce stade, plusieurs nations de l'UE devaient encore définir le
terrorisme en termes juridiques et adopter une série de lois anti-terroristes. Les gouvernements de
l'UE ont par ailleurs approfondi la coopération entre leurs instances judiciaires et leurs polices
respectives et décidé d'un mandat d'arrêt commun devant accélérer les demandes d'extradition.
Aujourd'hui, ce plan ne doit plus être approuvé que par l'Italie, dont le gouvernement prétend
rencontrer certains problèmes constitutionnels par rapport au projet à approuver. (“EU Crisis
Response Capabilities: An Update", ICG Report, 29 avril 2002.)
57. Le Conseil des ministres a lui aussi allongé la liste des transactions couvertes par sa
directive sur le blanchiment d'argent. Les propriétaires de casinos, les notaires, les comptables, les
auditeurs et réviseurs, les agents immobiliers et les sociétés de transport de fonds seront
désormais contraints d'identifier les clients, d'adopter des normes plus strictes en matière de
conservation et tenue des livres et registres et de rendre compte de transactions douteuses.
(http://europa.eu.int/comm/externalrelations) Le Conseil s'est par ailleurs engagé à prendre des
mesures punitives contre les Etats qui refuseraient d'adhérer aux normes internationales ou de
lutter contre le blanchiment d'argent. En décembre 2001, les ministres ont créé Eurojust pour
coordonner les enquêtes transfrontalières portant sur des délits tels que le terrorisme et le
blanchiment d'argent, tandis qu'Europol a récemment ouvert un bureau à Washington, DC pour
faciliter la coopération avec les Etats-Unis. Les gouvernements de l'UE ont également mis sur pied
des unités de renseignement financier telles que préconisées par le GAFI, pour rechercher,
analyser et partager l'information sur des opérations de blanchiment d'argent et de financement
potentiel d'actions terroristes.
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58. Il convient de noter enfin que l'UE ne joue aucun rôle militaire direct en Afghanistan. Pourtant
13 pays membres participent à l'ISAF (International Security Assistance Force), et quelques
armées européennes supportent en réalité activement la campagne américaine contre les Talibans
et al Qa'ida. D'autre part, l'Union joue un rôle majeur dans la mise en place du dispositif (financier)
de reconstruction de l'Afghanistan. Son engagement à concurrence de 2,3 milliards de dollars
représente le don le plus important à l'Afghanistan.
VIII. CONCLUSIONS
59. Lors de la formulation d’une réponse à long terme à la menace terroriste, il est essentiel de
veiller à ce que les remèdes – renforcement des contrôles aux frontières, augmentation des
dépenses de sécurité, limitation des déplacements, contrôle des activités commerciales, etc. – ne
soient pas exagérément pesants au point de mettre en danger la prospérité économique. Si nos
sociétés devaient édifier des remparts tels qu’ils saperaient la création de nouvelles richesses, les
terroristes auraient alors remporté une importante bataille. Les sociétés occidentales sont, par
définition, ouvertes. Renoncer d’une manière ou d’une autre à cette ouverture au nom de la
sécurité reviendrait à concéder la victoire sans combattre. De nouvelles mesures de sécurité et
une plus grande vigilance sont certainement essentielles. Mais ces politiques doivent aller de pair
avec le respect des valeurs fondamentales que constituent la liberté, ainsi que des marchés
libéraux et le libre-échange. Il convient donc de parvenir à un équilibre entre une vigilance accrue
et la poursuite de la culture de l’ouverture
60. Le maintien de l’ouverture et de la liberté commerciales est essentiel pour parvenir à une
reprise économique après le 11 septembre. Cela est d’autant plus vrai que des exigences de
sécurité renforcée imposent de nouvelles charges au système commercial international. Ces
charges s’apparentent à une taxe de sécurité, mais une taxation supplémentaire des échanges
sous la forme d’un protectionnisme nous conduirait droit au désastre. Le maintien de l’ouverture
des relations commerciales n’est pas seulement un élément essentiel de la solidarité ; c’est l’une
des bases de la prospérité. Des régimes d’échanges commerciaux ouverts constituent aussi, sans
doute, le meilleur moyen de promouvoir la croissance économique dans la majeure partie du
monde et ce développement doit, à son tour, aider à combattre les conditions qui érodent l’autorité
d’un Etat et aliènent les citoyens au point qu’une large frange de la population en vient à
considérer un acte terroriste comme action légitime.
61. Il est essentiel que les pays de l’OTAN réexaminent la vulnérabilité de leurs infrastructures
cruciales aux attaques terroristes et qu’ils mettent en place, en cas de nécessité, des systèmes
parallèles plus importants et des systèmes d’urgence. Cette vulnérabilité soulève toutefois des
questions à long terme plus importantes encore qui ne peuvent être ignorées. Pour prendre un
exemple, l’infrastructure de l’énergie est fortement susceptible d’être la cible d’attaques terroristes.
Cela exige non seulement des efforts supplémentaires de création de systèmes structurels
parallèles, mais aussi la nécessité, pour nos gouvernements, de reconnaître que nous devons
développer des sources d’énergie alternatives et promouvoir la conservation de l’énergie. Si les
énergies renouvelables et la conservation de l’énergie sont souvent considérées comme un moyen
de réduire les gaz à effet de serre, il convient également de considérer qu’elles constituent un
moyen d’accroître la sécurité nationale. Dans la mesure où l’énergie solaire et éolienne réduit
notre dépendance par rapport à des régions instables du monde, elle accroît également notre
sécurité. Une étude récente estime que le coût pour l’Occident des patrouilles dans la région du
Golfe depuis 1990 atteint 100 milliards de dollars, soit l’équivalent d’un supplément de quatorze
dollars par baril de pétrole au cours de cette période ("The Terrorist crisis, A new Energy Strategy",
Rusi Newsbrief, vol. 21, n° 12, décembre 2001). Alors que les prix du pétrole repartent à la
hausse, la nécessité d’encourager la production d’énergies alternatives et une plus large
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conservation de l’énergie est plus que jamais d’actualité et devrait être perçue comme un élément
s’inscrivant dans une stratégie globale de sécurité.
62. La politique d’aide économique doit être reconnue comme un autre fondement de la stratégie
de sécurité, même si ses mérites transcendent manifestement cette seule dimension. Le nombre
de gens qui vivent dans la pauvreté s’accroît presque inexorablement et il ne fait guère de doute
que la pauvreté et l’accroissement du fossé entre les quelques pays riches et les nombreux pays
pauvres engendrent les conditions d’une grave instabilité politique susceptible de nourrir
l’extrémisme. La progression de la pauvreté dans certaines parties du monde en développement
affaiblit les Etats et, dans certains cas, conduit à l’effondrement de l’autorité souveraine, laissant la
porte ouverte aux organisations internationales criminelles et terroristes. Les pays occidentaux
doivent s’efforcer de combler cet abominable fossé de la richesse faute de quoi ils risquent d’être
confrontés à de graves conséquences économiques, sécuritaires et morales. Il est essentiel
d’apporter une aide et de soutenir les investissements et politiques conduisant à un
développement économique durable.
63. Dans une certaine mesure, le gouvernement américain montre un regain d’intérêt pour cette
logique et sa récente annonce d’une augmentation de 5 milliards de dollars de son aide au
développement doit être saluée comme une première étape positive. Le prochain défi consistera à
assurer une plus grande coordination entre les programmes d’aide mis sur pied par les Etats-Unis,
l’Union européenne et la communauté internationale dans son ensemble. Il est également
essentiel que l’Occident se consacre à la reconstruction de l’Afghanistan. Abandonné à lui-même
après le retrait de l’Armée rouge soviétique, ce pays s’est mué en véritable aimant pour les
terroristes et en fournisseur mondial d’opium. Un cycle aussi tragique ne peut se répéter et
implique que l’Occident apporte un soutien résolu et continu au gouvernement afghan et à son
peuple.
64. Une plus grande coopération internationale est essentielle pour s’attaquer au blanchiment
d’argent et, par extension, au financement du terrorisme. Le travail du Groupe d'action financière
s’avère particulièrement utile au niveau de l’établissement de normes pour les législateurs
nationaux et demeurera la clef de voûte de cet effort. Beaucoup reste à faire pour imposer le
principe de la "connaissance du client" et les règles de diligence adéquate à toutes les banques
qui opèrent au niveau international. Cela exige une plus grande collaboration non seulement avec
les législateurs nationaux mais aussi avec les banques elles-mêmes. Il pourrait d’ailleurs être utile
de reconnaître publiquement non seulement des pays qui ne respectent pas entièrement les
normes agrées, mais également des institutions impliquées dans le blanchiment d’argent. Cela
associerait les principes de l’autorégulation universelle du secteur privé à la stratégie de
l’établissement de normes et de la publication de listes à laquelle ont recours l’OCDE et le GAFI.
Certains suggèrent également que les organisations internationales et les gouvernements ne
fassent des affaires qu’avec les institutions financières dont la probité est reconnue. Un degré
accru d'harmonisation juridique dans le domaine de la législation bancaire contribuerait à
promouvoir une réglementation internationale plus forte, tandis qu'un dialogue entre banquiers et
régulateurs permettrait de déterminer quelles règles sont les plus efficaces pour traquer les
terroristes. Enfin, les Etats qui refusent de suivre les recommandations du GAFI doivent se voir
offrir des stimulants pour appliquer en fin de compte ces recommandations. Tout type de soutien
devrait être octroyé aux Etats qui sont sincèrement disposés à s'aligner sur les normes
internationales, tandis que des sanctions strictes seront, en fin de compte, nécessaires pour
pénaliser ceux qui ne le font pas. Un pas important dans cette direction a été franchi l'année
dernière, les juridictions de nombreux pays – des îles anglo-normandes au Lichtenstein - ayant
décidé d'adopter des contrôles plus stricts. Mais beaucoup de progrès reste à faire en la matière,
notamment dans la région du Golfe. Les réglementations applicables aux marchés des actions
doivent être resserrées pour éviter toute transaction abusive de financiers terroristes sur ces
marchés. Il serait également utile de mettre en exergue les efforts déployés par certaines banques
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pour mettre en oeuvre les règles strictes de "connaissance du client" et protéger leurs opérations
internationales contre toute tentative d'exploitation à des fins terroristes.
65. Selon un récent rapport des Nations unies, il est également nécessaire d'appliquer des
contrôles plus stricts aux hawalas ainsi qu'aux organismes caritatifs religieux, dont plusieurs sont
soupçonnés de financer al Qa'ida, et d'envisager de supprimer certaines normes qui compliquent
manifestement la saisie d'actifs particuliers de terroristes présumés. Parallèlement, nos
gouvernements devraient renforcer leurs systèmes conventionnels pour des clients (généralement
des travailleurs émigrés) qui refusent souvent de payer des droits considérables sur les modiques
sommes qu'ils envoient régulièrement à leurs familles.
66. Pour conserver sa pertinence en tant qu'élément fondateur de la sécurité de ses membres,
l'OTAN doit à présent développer et affiner ses capacités anti-terroristes. Elle ne pourra le faire
sans prendre en compte les dimensions économiques de la menace. L'OTAN elle-même ne peut
jouer un rôle opérationnel dans des domaines tels que le blanchiment d'argent, ou la saisie d'actifs
mais il est essentiel qu'elle mette en place les capacités requises pour surveiller les
développements en la matière, des développements qui constituent, en un certain sens, la clé des
"budgets de défense" de groupes terroristes. (“NATO’s Economic Dimension after Rome and
Prague”, commentaires de Patrick Hardouin à la Commission de l'économie et de la sécurité de
l'AP-OTAN, 24 mai 2002.) L'Alliance ne peut ignorer non plus les activités financières d'acteurs
sub-étatiques y compris des terroristes impliqués dans la prolifération des armements. La
surveillance active de tout développement dans ces domaines devrait devenir un élément central
des évaluations de la menace auxquelles procède l'OTAN.
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