Micaël FISCHER Le 12/06/05 L’intelligence économique au service du développement régional Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 1/7 1. Rappel des enjeux économiques de notre région : mondialisation et délocalisation, vieillissement de la population. Ces derniers mois, la Bretagne « économique » est passée des crises touchant le cœur historique de son économie (agriculture et agroalimentaire) à celles touchant les activités développées ces dernières décennies (filière TIC). Un point commun relie toutes ces crises : la mondialisation des échanges. La mondialisation que nous vivons aujourd’hui est nouvelle : elle dépasse le simple cadre des échanges commerciaux et dépasse la vision d’un partage entre les pays riches qui seraient spécialisés sur de la production à valeur ajoutée et les pays pauvres condamnés à être l’atelier de ces pays riches. L’exemple de la Chine et d’autres pays asiatiques (Singapour par exemple) est éloquent. Alors que ces pays se positionnaient sur de l’industrie de main d’œuvre à faible valeur ajoutée (montage de composants, textile…), ils entament une évolution qui les porte vers des métiers à plus haute valeur ajoutée intégrant la conception et la commercialisation. A côté de ces évolutions qui touchent nos facteurs de production, apparaît de plus en plus la question de la dépense des revenus créés. Une filiale de multinationale implantée sur une zone géographique va créer de la valeur ajoutée sur cette zone. Or, du fait de la mondialisation de l’économie, de la liberté de circulation des flux de marchandises et des flux financiers, l’entreprise n’est plus contrainte de dépenser la valeur ajoutée créée sur le territoire de sa création. Ainsi, l’implantation d’entreprises à haute valeur ajoutée n’est pas suffisant pour garantir l’enrichissement d’une zone géographique, il faut créer les conditions pour que les revenus créés soient aussi dépensés, pour qu’il y ai un retour de la valeur ajoutée créée. A coté de cette nouvelle mondialisation, la France et la Bretagne vont avoir à faire face au vieillissement de leur population. La question que pose cette évolution démographique est une question de production de revenus. Comment produire suffisamment de revenus à partager dans un contexte où les actifs concourrant à cette production diminuent et le nombre «d’inactifs » bénéficiant de ces revenus s’accroît. Le premier élément de réponse se situe dans le temps de travail et le taux d’activité : la France a en Europe le taux d’activité chez les jeunes et chez les plus de 50 ans le plus faible. Cette situation est certainement à améliorer. C’est d’abord de la responsabilité des entreprises qui doivent d’ores et déjà se préparer à garder leur personnel plus longtemps tout en imaginant les différentes façons, en lien avec les universités et les instituts de formation, d’intégrer les plus jeunes qui sont aujourd’hui les premiers touchés par le chômage. Mais, cet élément ne répond pas à la question de fond évoquée plus haut : comment produire autant voire plus avec moins d’actifs. Le défi est donc de faire produire plus par chacun des salariés bretons et français. Dans une logique de constitution de pôle de compétences, cela passe notamment par : − l’innovation comme capacité à anticiper et adapter sans cesse ses structures vers plus d’efficacité et de progrès, − la hausse de la productivité du travail des actifs par la formation, la mobilité… La troisième mondialisation après celles du XVème et du XIXème siècle met notre région devant ses faiblesses mais aussi devant ses succès. Il n’était sûrement pas évident d’imaginer il y a une dizaine d’année dans une Bretagne agricole que la préoccupation de nos élus de 2004 serait la crise de la filière TIC. A cette mondialisation, s’ajoute le défi que représente le vieillissement de la population et qui pose la question de la capacité à produire suffisamment de revenus pour tous avec moins de participants à la production de ces revenus. Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 2/7 2. Les réponses : l’échelon européen et l’échelon régional et la mise en œuvre de politique économique innovante - Créer la « Région Stratège » L’objectif est de mettre en place des systèmes économiques et sociaux, qui une fois l’entreprise implantée, la lie sur le long terme au territoire. Que l’on appelle cela des pôles de compétitivité (Datar) ou des « écosystème » de croissance (Blanc), le principe est le même : offrir un environnement institutionnel, technologique, social, économique dans lequel la variable coût du travail devient négligeable et qui lie la pérennité de l’entreprise à sa présence durable sur le territoire. Les échelons politiques:la conception de « La Région Stratège » L’union européenne : la grande majorité des lois votées au parlement sont des transcriptions en droit français de directives européennes conçues au sein du triangle européen : conseil européen, parlement européen, commission européenne. A côté des directives qui cadrent les législations, le budget européen est aujourd’hui un outil de financement au service des régions européennes. Les marges d’intervention économique sont de plus en plus positionnées au niveau européen. En réponse l’échelon local pertinent devient l’échelon régional reconnu par les dernières lois de décentralisation. La région : les récents développements économique réussis sont localisés dans des espaces régionaux. La « silicon valley » grenobloise sur les nanotechnologies et la microinformatique, la « telecom valley » autour de Krista en Suède dans la téléphonie mobile et le haut débit sont autant d’illustrations de la pertinence de l’échelon régionale dans la conception et la mise en œuvre de politiques de développement économique. Le conseil régional est aujourd’hui légitime à la fois par la loi (cf. les dernières lois de décentralisation) mais aussi par les faits économiques. Il assume désormais le « leadership » en matière de développement territorial et donc en matière de politique de filière et de constitution de pôle de compétences. L’innovation et l’anticipation au cœur des démarches mises en œuvre. La constitution de pôles d’excellence en lien avec une politique de filière : la Bretagne est riche de la diversité de ces filières : agricole, industries alimentaires, électronique et télécommunications, automobile. Selon le positionnement économique de chacune de ses filières, les stratégies à mettre en œuvre consisteront à créer des pôles mondiaux, nationaux ou régionaux, leader ou simplement d’appui à d’autres pôles plus avancés. La politique au service direct des entreprises : le saupoudrage par la multiplication des aides semble avoir été la règle. Or, face à une économie à l’environnement mouvant et dans laquelle le « travail à la vitesse de la pensée » (Bill Gates) est la règle, les PME ont souvent besoin d’un accompagnement dans la définition de leur stratégie d’innovation globale intégrant toutes les fonctions de l’entreprise (nouvelle politique européenne de l’innovation) qui peut s’appuyer sur certaines aides mais qui s’appuie d’abord sur de la mise à disposition de compétences et d’informations sur les évolutions de leur marché, technologie, attentes clients… dans une logique d’anticipation. Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 3/7 La création de la stratégie de développement passera par la prise du leadership en matière de développement économique, puis par la capacité à apprécier le potentiel de notre région dans une optique européenne et mondiale et enfin par la mise en œuvre d’une politique de filière et de pôle de compétences au service des entreprises centrées sur des logiques d’innovation et d’anticipation. 3. L’intelligence économique comme outil au service de la « Région Stratège » La définition couramment admise de l’intelligence économique est celle issue du travail du commissariat général au plan inscrite dans le rapport Martre sur l’intelligence économique et la stratégie des entreprises : « L’intelligence économique est l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution et de protection de l’information utile aux acteurs économiques obtenue légalement, en vue de son exploitation […]» L’objectif est de fournir des informations qualifiées, validées afin d’anticiper les évolutions futures et faciliter la prise de décision. L’intelligence économique peut donc être un outil puissant a) au service de l’exécutif régional pour mieux préparer les décisions et mettre au point la stratégie de développement à suivre b) de coordination des structures existantes dans le domaine du développement et de la veille, c) au service de la politique de développement économique et de filières pour bien définir les filières à mettre en avant (savoir-faire, marché, produit) et pour mieux anticiper leurs évolutions, et enfin d) au service des entreprises bretonnes pour leur permettre d’innover à bon escient (cf. Illustration ci-dessous) Illustration : le rôle de l’intelligence économique pour une région : EXECUTIF DE LA REGION Outil d’aide à la décision STRATEGIE Outil de définition et du suivi de l’évolution ACTEURS DU Outil de coordination DEVELOPPEMENT ET DE LA VEILLE FILIERES ET POLES DE COMPETENCES LES PME Outil d’aide à leurs définitions et au suivi et anticipation de leurs évolutions Intégration de l’intelligence économique dans leurs processus d’innovation − A) Au service de l’exécutif régional : Dans la phase de définition de sa stratégie de développement économique comme outil d’irrigation de la réflexion en analyse et information, Au quotidien de la direction du conseil régional, l’intelligence économique pourrait concerner 3 niveaux : 1) benchmarking les différentes stratégies de développement régional mises en place dans les régions européennes, 2) suivi précis de toutes les politiques européennes concernant la politique régionale Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 4/7 (DG Regio, DG Entreprise, 6ème PCRD…) et enfin, 3) définition et suivi d’un plan de veille constitué des grands axes de la politique suivie (conditions de travail, culture…) − B) Coordination des acteurs du développement et la veille : Les acteurs de la veille stratégique (ADIT au sein du conseil régional, ARIST…) ne manquent pas. Ils sont tous des sources d’information importantes. La mission d’un directeur coordinateur de l’intelligence économique sera de les coordonner afin de mettre à disposition de la stratégie suivie ainsi que des filières et des entreprises les informations qu’elles détiennent. − C) Au service du développement économique : Par l’anticipation de l’avenir des filières choisies : il s’agit dans un premier temps de bien définir les pôles de compétences à mettre en place, puis dans un deuxième temps de réaliser une veille permanente sur les évolutions en cours et à venir. L’objectif est l’anticipation des évolutions pour éviter au maximum les crises de type « STM ». Par la réalisation d’un suivi des évolutions macroéconomiques et des grandes évolutions pouvant impacter l’économie régionale : accords OMC, PAC, Par la mise en place d’une véritable politique de maîtrise des réglementations et évolutions européennes (impact de l’élargissement sur l’agriculture, l’industrie, la dérégulation de l’énergie…) : il s’agit d’une priorité qui devrait se traduire assez vite par la nomination d’une personne à temps plein à Bruxelles chargée d’une mission de veille et de lobbying au service exclusif de la région bretagne. − D) Au service des entreprises : Au travers des informations analysées et synthétisées sur les filières et l’évolution macro-économique, mettre en place un système de diffusion à destination des entreprises. Surveiller les évolutions des entreprises majeures de la région bretonne1. Développer des politiques d’accompagnement stratégique au service des PME bretonnes dans lesquelles s’insère l’outil intelligence économique. Sont considérées comme majeures les entreprises dont la disparition ou délocalisation toucherait l’équilibre d’une filière ou d’un bassin d’emplois. 1 Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 5/7 Schéma d’organisation de l’intelligence économique : Veille et lobby Union Européenne Exécutif régional Pool du développement économique Directeur / coordinateur de l’intelligence économique Structures de veille existantes Services de l’Etat et Préfecture (notamment pour les aspects de sécurité économique) Agence de développement économique Structures de développement existantes Hiérarchie Coordination Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 6/7 4. Premières étapes de la mise en place de cette démarche d’intelligence économique : Avant d’aller plus loin, il convient de préciser que la mise en œuvre d’une fonction intelligence économique nécessitera un travail d’audit sur l’existant qui consistera à dresser les différentes compétences méthodologiques et sectorielles actives aujourd’hui au service de la Région Bretagne (ARIST, ADIT, CCI…) A. Nomination d’un responsable ou directeur de l’intelligence économique chargé de coordonner la mise en place et l’animation du système d’intelligence économique proposé. B. Nomination du « lobbyiste » au service de la région auprès des institutions européennes. C. Intégration de l’intelligence économique dans la réflexion sur le choix des filières et pôles de compétences à développer. D. Mise en place de la direction ou coordination de l’intelligence économique au sein de l’agence de développement régional et des modes de coordination avec l’exécutif régional. Ma conviction... Que l’on appelle cela responsable de la veille chez Decathlon, Chief Information Officer chez Dassault ou directeur de l’intelligence économique, la fonction intelligence économique se développe et s’intègre de plus en plus dans le processus stratégique et d’innovation. Elle est, à l’ère de l’économie de la connaissance, un avantage comparatif fort. Une région comme la Région Bretagne aurait tout à gagner à être l’une des premières en France à mettre en place une fonction intelligence économique telle que décrite plus haut. Le temps n’est plus à l’expérimentation et la mise en œuvre d’actions de veille non coordonnées et pas toujours liées à des stratégies de développement régional, le temps est aujourd’hui à la structuration de cette fonction afin d’offrir à la Bretagne un outil puissant au service de l’innovation et de l’emploi. Micaël FISCHER Intelligence économique et développement régional, CONFIDENTIEL 7/7