Introduction :
Pour mieux comprendre notre outil de travail, commençons tout d’abord par présenter
l’auteur, Jérôme Seymour Bruner, né en 1915. C’est un psychologue américain dont le travail
porte en particulier sur la psychologie de l’éducation. Il est l’auteur de nombreux ouvrages,
notamment de « Le développement de l’enfant, Savoir faire, Savoir dire » en 1981 dont est
issu notre article, « La conscience, la parole et « la zone proximale » » qui sont des réflexions
sur la théorie de Lev Vygotsky notamment « Pensée et langage » de 1934 dont il s’est inspiré
puis nourri tout comme par la suite avec Jean Piaget.
L’article reprend la théorie développementale de Bruner qui se définit très rapidement
comme un auteur adhérant au modèle socioconstructiviste ( la relation à l’autre comme
moteur de développement cognitif) développé par Vygotsky en parallèle au constructivisme
introduit entre autre par Piaget dès 1923 en réaction au béhaviorisme, dont les principes de
bases ont été établis en 1913 par Watson puis par la suite par Skinner, qui d’après lui limitait
trop l’apprentissage à l’association stimulus-réponse. Burner compare ces courants de pensées
à travers l’acquisition du langage.
La théorie de V est fortement ancrée dans l’acquisition du langage comme médiateur
de la pensée. La collaboration est pour lui le mécanisme principal du développement. Ainsi le
thème majeur de la théorie de V. c’est que l’interaction sociale joue un rôle fondamental dans
le processus de développement.
Bruner, un des promoteurs de la théorie de V. dont il se réclame, accorde un rôle
essentiel au langage et conçoit le développement comme un processus de collaboration entre
l’enfant et l’adulte. Grâce aux échanges sociaux, l’enfant incorpore des pratiques de
métacognition, telle que la conscience, qui lui permettent d’acquérir un contrôle sur son
activité intellectuelle.
De ce fait, nous verrons dans un premier temps les relations qu’entretiennent
conscience et développement selon Bruner, puis nous analyserons le rôle de la parole toujours
d’après lui, enfin nous montrerons le rôle de l’adulte tel que Bruner le conçoit.
I. Conscience et développement
Bruner considère la prise de conscience sur l’activité comme un « outils particulier ».
1. Les propriétés de la conscience dans le développement
Selon Bruner,
- « la conscience présuppose les relations et les systèmes de signes qui sont à la base du
monde social ». Etre conscient c’est être social. Pour développer la conscience chez
l’enfant, il doit participer dans des interactions avec les autres. La conscience de son
activité nécessite d’interagir avec autrui.
- « la systématicité de la conscience » : La conscience permet d’extraire des relations
entre des évènements. Puis d’autres évènements pourront être interprétés grâce à ces
fameuses relations. Chaque évènement est analysé comme un signe ou un indice,
organisés en systèmes. L’assimilation de ces relations entre certains évènements va
permettre d’interpréter et de comprendre d’autres évènements.
- « l’instrumentalité de la conscience » : la conscience est considérée comme un outil,
régie par un code social à savoir la pratique d’une culture. Cette culture constitue une
clé d’interprétation du comportement.
2. Nécessité de la prise de conscience pour soi et pour autrui
Pour Vygotsky, il apparaît capital que l’enfant prenne de la distance vis-à-vis de son activité
afin de pouvoir la maîtriser. Cette mise à distance s’effectue lorsque l’enfant prend conscience
justement de cette activité (qu’elle soie sociale, cognitive ou motrice).
Il ajoute que cette prise de conscience n’est possible qu’à condition qu’il maîtrise assez son
activité (savoir-faire ?) afin de pouvoir se la représenter.
Pour Bruner, l’adulte intervient systématiquement dans l’apprentissage des enfants pour les
assister. Cependant les enfants doivent aussi s’aider entre eux, et cela, en prenant conscience
de leur activité respective. Cette prise de conscience s’effectue notamment par le biais du
langage.
Vygotsky affirme que l’enfant est sous la dépendance / influencé par la conscience d’autrui
jusqu’au moment où il sera capable de se représenter ses propres actions grâce à un système
de signes ( en l’occurrence le langage).
II. La parole : outil de constitution de la pensée et des relations sociales
1. Théories sur l’acquisition de la parole
Les théories relatives au développement du langage peuvent être situées entre deux pôles
opposés :
- Innéisme
- empirisme
Selon la conception de l’innéisme, tout est là d’avance à la naissance. Par exemple, la
conception innée du langage selon Noam Chomsky. Pour ce linguiste, l’homme dispose de
manière innée, sans apprentissage, « d’une grammaire universelle » ou « structure
linguistique profonde » sous la forme d’un « Dispositif d’Acquisition du Langage » (LAD).
Le langage a une structure grammaticale.
La conception empiriste attribue l’acquisition du langage aux seules influences et
déterminations du milieu qui imprimeraient directement sa marque sur l’enfant. L’action du
milieu s’imposerait à l’enfant sur la base de conduites d’associations, d’imitations et de
renforcements.
Bruner explique que l’approche empirique de l’acquisition du langage a longtemps prévalu.
Depuis sa première formulation par St Augustin jusqu’au behaviorisme de Skinner avant
d’être rejeté par Chomsky.
- Bruner rejette à la fois ces deux pôles. Il s’engage dans une troisième voie : le
fonctionnalisme.
En effet, il conteste d’une part l’approche traditionnellement structurale du langage, qui
considère le langage comme un code, des règles de productions d’énoncés grammaticaux et
de compréhensions. Cette approche donnait la priorité aux questions de syntaxes et négligeait
les fonctions et la manière dont le langage était utilisé. Alors que le caractère fonctionnel du
langage est essentiel pour lui. Les utilisations du langage sont très importantes pour
comprendre comment il est acquis et comment il est utilisé au début. Il accepte l’existence de
caractéristiques innées chez l’homme, lui permettant le décodage du langage à partir de ses
utilisations. Ainsi, pour lui, le langage est un moyen systématique de communication avec
autrui. Il existe une seule façon d’apprendre l’usage du langage, à savoir, l’utiliser pour
communiquer. Les interactions sont au centre de la construction du langage.
Bruner introduit sa thèse selon laquelle l’enfant ne peut accéder au « Dispositif d’Acquisition
du Langage » (LAD) de Chomsky qu’à condition de bénéficier de l’aide d’un adulte. Cet
adulte entre en relation avec l’enfant dans le cadre d’interactions, de routines. Bruner parle de
LASS (système se support à l’acquisition du langage) pour désigner ces interactions,
principalement des scénarios que nous étudierons plus précisément plus loin. Ce système
structure les interactions enfant/adulte et leur volonté de communiquer. Avec le LASS,
l’enfant apprend les conventions d’usage du langage avant le langage lui-même. C’est
l’interaction entre le LAD et le LASS qui va rendre possible l’entrée de l’enfant dans la
communauté linguistique.
2. La plurifonctionnalité de la parole
Parole : relation entre moyens et buts.
Bruner attribue deux fonctions à la parole :
- Une fonction de communication : c’est un outil sémiotique pour servir la relation entre
les individus. Le langage est un moyen de communication avec autrui, un support pour
les interactions. Pour Bruner, la communication implique une intention de
communiquer.
- Une fonction de représentation : la parole est un outil de la pensée intérieure. Pour
Bruner, le langage ou parole (ne fait pas de distinction nette entre les deux termes),
intervient dans la constitution de la pensée à condition qu’il fournisse à l’enfant certain
processus (notamment une prise de conscience) permettant de transformer la pensée en
systèmes de signes.
D’autre part, des signes identiques participent à des fonctions différentes. En effet, ils peuvent
servir pour communiquer et pour représenter. Ces signes sont plurifonctionnels. A l’opposé,
différents signes peuvent servir à la même fonction. Bruner prend l’exemple des différentes
façons d’effectuer un acte de parole dans un contexte particulier d’énonciation.
3. Trois emplois de la parole qui participent à la prise de conscience
Bruner distingue trois modes d’emplois de la parole :
- Les modes déictiques : Utiliser les signes linguistiques en relation avec le contexte non
linguistique de l’énoncé. C'est-à-dire, ces signes linguistiques sont mis en relation
avec les interlocuteurs ou des objets présents et s’inscrivent dans le contexte général
de l’énonciation.
- Les modes intralinguistiques : « Les signes linguistiques sont utilisés en relation avec
le contexte linguistique de l’énoncé ».
Ces deux types d’utilisations constituent la base pragmatique du langage.
- Le mode métapragmatique : on utilise les signes linguistiques pour évoquer justement
l’usage de ces signes. Cela correspond à une réflexion plus ou moins consciente que
l’on fait du langage. Cette réflexion se manifeste dans les choix linguistiques
(grammaticaux, lexicaux, organisation de l’information…) et des choix que l’on
rejette. Ex : « il ne faut pas dire je veux mais je voudrais ».
La maîtrise de ces trois modes d’emploi de la parole permet à l’enfant de prendre de la
distance par rapport à ses actes (linguistique ou non). Bruner appelle ce recul la « réflexion ».
Elle constitue un des aspects de la conscience. De ce fait, la maîtrise des modes pragmatiques
et métapragmatique de la parole est un outil capital dans la mesure où il permet la prise de
conscience, la communication et les relations sociales.
III. La médiation de l’adulte
Dans cet article, Bruner met en évidence le rôle capital de l’adulte dans le développement de
l’enfant. Il démontre cette idée en décrivant 3 concepts spécifiques dans lesquels la médiation de
l’adulte joue un rôle essentiel dans les processus d’apprentissages.
1. La ZPD de Vygotsky
La zone proximale de développement (ZPD) est un concept issu du travail de Lev Vygotsky
sur le développement précoce de l’enfant, et concernait initialement les enfants handicapés
mentaux.
La zone proximale de développement est, je cite « la distance entre le niveau de
développement actuel, tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout les
problèmes seul et le niveau de développement potentiel, tel qu’on peut le déterminer à travers
la façon dont l’enfant résout les problèmes lorsqu’il est assisté d’un adulte ou collabore avec
d’autres enfants plus avancés ».
C’est la distance entre ce que l’enfant peut effectuer ou apprendre seul et ce qu’il peut
apprendre uniquement avec l’aide d’un plus expert.
L’intérêt de ce concept est d’orienter le travail du pédagogue non pas uniquement en fonction
du passé, en tenant compte des fonctions arrivées à maturité, mais aussi et davantage en
fonction de l’avenir, en déclenchant le développement proche par des apprentissages adaptés.
« Ce que l’enfant est en mesure de faire aujourd’hui à l’aide des adultes, il pourra l’accomplir
seul demain » Autre intérêt : considérer que les différences entre élèves ne portent pas
nécessairement sur des acquis mais peuvent tenir à leur marge de progression.
Ainsi, l’adulte a bien une fonction, il n’a pas qu’à attendre que l’enfant construise par lui-
même, en toute autonomie, ses savoirs, de par une maturation psychologique plus ou moins
naturelle
La fécondité de cette notion, centrale chez Vygotsky, semble reposer sur plusieurs
préoccupations dans ce domaine : quel étayage l’adulte doit-il mettre en place pour favoriser
le « voyage » dans cette zone proximale ?
2. L’ étayage
Dans la lignée des travaux de Vygotsky sur la ZPD, Bruner apporte le concept d’étayage.
Observant, en situation de laboratoire, comment des mères aident leur enfant à réaliser des
puzzles, BRUNER conclut que l'interaction de tutelle comporte un processus d'étayage qui
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