Dom Juan. L’exposition
Introduction
La pierre de touche (le détail ou l’on voit la qualité d’une chose) d’une bonne pièce de théâtre
est souvent son exposition. Le passage obligé doit réussir et réunir de nombreuses qualités.
On résume généralement à 3 attentes du public : que la scène soit informative, vivante et
concise. Il faut donc ne scène rapide, naturelle et complète.
La scène dite du tabac procure à la pièce Dom Juan de Molière, une exposition à la fois
originale et enlevée (rythmé). En effet les développements comiques de Sganarelle sur les
vertus du tabac et sur la figure diabolisée de son maitre Dom Juan apporte à la fois du
divertissement et des informations fondamentales. La figure de Gusman complète le dispositif
de cette 1e scène en permettant un dialogue animé et en informant le spectateur sur le
personnage de Dom Elvire et la dimension de libertin de Dom Juan.
Peut-on qualifier l’exposition de Dom Juan d’originale ?
Réponse
Représentant central du courant classique, Molière ne cherche pas à tout crier mais il a
suffisamment d’être inventif pour chercher de nouvelles formules à un exercice aussi
canonique (encadré par les règles). C’est pourquoi l’attaque sur le tabac peut surprendre et
paraitre quelque part hors sujet et le portrait de Dom Juan, avec ses outrances, brouiller
l’information.
Nous verrons donc le respect des règles et des fonctions de cet explosif de comédie puis les
éléments les plus surprenants et originaux dus au génie de Molière
I) Les éléments classiques de l’exposition
1) Les informations sur l’intrigue
Cette scène nous apprend qu’elle est la tension de ce début de pièce avec un début
inmédias res : Dom Juan a abandonné une femme séduite Elvire et celle-ci vient lui demander
des comptes comme l’annonce son valet Gusman. La crise amoureuse est annoncée dès la 1ère
tirade : «Cher Gusman, Don Elvire ta maîtresse… s’est mise en campagne après nous »
(hyperbole comique dans la métaphore de la guerre). Sganarelle annonce même des éléments
futurs de l’intrigue « j’ai peur qu’elle ne soit mal payé de son amour », cette prédiction à une
valeur structurante de l’intrigue « une fonctionne de régie ». De son coté Gusman démontre
une inquiétude légitime. Il ne joue pas sur le même registre que Sganarelle : face à la
bouffonnerie et au style burlesque de Sganarelle. Gusman représente sa maîtresse et tient un
discours plus soutenu : « dis-moi, je te pris Sganarelle…mauvaise augure ». L’information est
biaisée car Sganarelle ne dit pas tout. Son discours est plein de sous entendus : « je connais à
peu près le train des choses », il prend des paris presque certains. Il se réfère à son
« expérience » qui revoie au libertinage de Dom Juan. L’information culmine avec le portrait
de Dom Juan par Sganarelle qui nous livre à la fois des traits bien dessiné mais sans doute
déformé par les accumulations comiques et les références disparates un enragé, un chien.. »
2) Le caractère naturel et vivant.
Une des nécessités de l’exposition théâtrale est de montrer que l’action à déjà
commencé. C’est pourquoi il faut créer un rythme, un enchainement de répliques, une tension
entre les personnages qui permettent de captiver d’entrée le spectateur. Ici, la fantaisie de
Sganarelle sait revenir au sujet assez vite « mais c’est assez de cette matière » On constate que
par la suite l’échange s’accélère sous la pression des questions de Gusman : 3 questions puis
une seule Sganarelle s’oblige à ne pas répondre et à détourner en excusant un peu son maître
« ce qu’il est jeune encore et qu’il n’a pas le courage ». Puis l’effort du mensonge lui paraît
trop lourd et Sganarelle vide son sac sur son maître qu’il noircit. UN portrait délirant, la scène
s’ouvre et se clôt sur une tirade de Sganarelle pour montrer l’importance de ce personnage
comique au discours burlesque et parodique. La situation d’un valet qui en interroge un autre
permet naturellement de livrer les informations nécessaires au spectateur. Gusman et
Sganarelle se partagent le rôle de rappeler la situation passée tandis que Sganarelle lance des
pistes pour l’avenir
3) Une exposition comique
Une des règle de l’exposition est de donner le ton ; ici le registre comique. Une exposition
doit remplir une 3e fonction âpres informer et lancer l’action de façon naturelle qui est de
poser le ton comique. Cette tâche est particulièrement bien assume par le valet Sganarelle qui
se lance dans des improvisations bouffonnes. Ainsi, « l’attaque » sur le tabac surprend car elle
parait détachée de l’action ; elle constitue une digression fantasque par rapport au mythe de
Don Juan. Les raisonnements philosophiques du valet qui cite « Aristote et toute la
philosophie » sont de type parodique. Son éloge du tabac se présente comme une série de
paradoxes hédonistes, invitant au plaisir (de fumer), qui rend aimable et qui détend. Mais la
fantaisie rejoints le sens profond de l’œuvre puisque Sganarelle ressemble un peu ici a son
maître en associant comme lui la vertu et les plaisirs « tant il est vrai que le tabac inspire des
sentiments d’honneur et de vertu à tous ceux qui en prenne ». Le comique se poursuit par le
jeu un peu pervers de Sganarelle avec Gusman, d’une part il cherche d’abord à détourner les
questions à parler par allusion et d’autre part il prend un malin plaisir à l’inquiéter par le
portrait diabolique de son maître. On a une double stratégie, d’abord un effet d’atténuation
lorsqu’il dit « ce qu’il est jeune encre Dom Juan », puis ensuite un jeu d’hyperbole, caricature.
Le comique habituelle qui est donc la démesure, l’accumulation, les métaphores comme « un
enrager, un chien, un diable », l’dynatron. Le comique provient aussi du caractère de
Sganarelle, tantôt ventar, tantôt poltron « la crainte en moi fais l’office du zèle ». L’exposition
de Dom Juan réussi les objectifs classiques 1) informer en présentant l’action et les
personnages principaux, Ici Sganarelle, 2) ensuite entrainer le spectateur dans l’action grâce a
une première scène rapide, enjouée, enfin poser le type de comique de l’œuvre : parodique,
caricaturale et burlesque (mélange de style sérieux et de styles comiques)
II) Les originalités de cette exposition
1) Une digression initiale (discours qui sort du sujet principale)
Le spectateur connaissant le mythe déjà installe de Dom Juan par la pièce espagnole de Tirco
de Molina, le spectateur s’attend à entrer dans le vif du sujet : Le libertinage, la tromperie
amoureuse, les femmes délaissé, les ruses du débauché. L’éloge du tabac fait comme un écran
de fumé par rapport au thème principal. C’est une charmante broderie, un effet d’attente voulu
par Molière mais en même temps, le morceau est moins gratuit qu’il n’y parait car c’est toute
la philosophie du plaisir qui est annoncé dans un reflet déformant du valet par rapport a son
maitre. Chaque fois que Sganarelle raisonne, argumente, sa maladresse réjouie l’auditeur. Par
exemple sa formule « qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre » elle est d’un excès
comique. Sganarelle ne possède pas l’art de la Maxime (ou du dicton). De même, sa peinture
des effets bénéfique du tabac associe maladroitement le matériel et le spirituel (moral) « Non
seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu.
Les enchainements logiques sont trop rapides et un peu chaotique. On reste pour le moins
sceptiques à de telle déclarations
2) Un portrait original
Au lieu de présenter Dom Juan de manière précise et exacte, Molière opte pour la
déformation comique de la caricature. Le personnage principal, Dom Juan, se dessine en
creux, Dom Juan en devinant à travers les propos un peu délirant de son valet, sa vraie
personnalité. Le spectateur est donc confronté à une sorte de jeu : réduire les hyperboles de
Sganarelle à une mesure humaines pour ramener Dom Juan du stade mythique, imaginaire,
surnaturel, fantastique à un stade humain au niveau du réel. Son portait est une peinture de
l’imaginaire de son valet et permet de présenter d’emblée la dimension mythique du
personnage avant de voir son visage humain. En ce sens, Dom Juan est donc une pièce sur le
mythe de Dom Juan. La perception du personnage ce perd dans un mystère que résume
l’oxymore : « Grand seigneur, méchant homme » où les deux premiers mots font l’éloge du
personnage et la deuxième le blâme. Où est la vérité de Dom Juan dans tout cela ?
Conclusion
En conclusion, l’exposition de Dom Juan réussit la double gag(e)ure de respecter d’une part
les trois fonctions traditionnels et classique d’une exposition (informer, capter l’attention et
poser la tonalité) et aussi de proposer deux originalités majeures : une digression des le début
et un portrait très déformé. Il reprend aussi la technique habituelle de commencer par des
valets mais la présence du maître est envahissante dans les discours et dans l’imaginaire. Dom
Juan un type originale de rapport maitre/valet ou ce dernier a une certaine liberté de ton face à
son maitre et lui sert plus de compagnon que de subalterne. Sganarelle occupe une place
ambigüe entre le serviteur et l’homme de compagnie ou presque une sorte d’ami presque une
figure amicale
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