sentiments sont volages et à un lieu, « en place », lorsqu’ils sont affirmés. Mouvement et envolées caractérisent donc la personnalité, comme les actions, de Dom Juan. Sa conception de la séduction s’en ressent. La séduction comme motif !" Dès le début de son argumentation, il présente en effet la fidélité comme une hypocrisie, « La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle », en se moquant ainsi des déclarations qui ne sont que d’intentions. Il affirme de même ne pas se reconnaître dans ce portrait de l’homme fidèle, par une double négation marquant son mépris : « non, non, la constance n'est bonne que pour des ridicules ». Détaillant sa propre conception de l’amour, il en dévoile surtout le principal ressort : l’envie de séduire, la possession en elle-même n’étant que secondaire « à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose ». Cette facette de la séduction qui conçoit la femme à séduire comme un « objet » se retrouve cependant dans sa conception de l’amour. L’inversion des valeurs : !" Ce dernier est en effet vécu à l’inverse des valeurs traditionnellement admises puisque l’amour, la rencontre de l’autre et la poursuite du lien, est plutôt perçu comme une « mort dès sa jeunesse », expression oxymorique que vient redoubler le verbe « ensevelir » puisqu’il rattache ainsi l’amour au champ lexical de l’enfermement. La séduction, la poursuite des désirs de l’autre à accorder aux siens, se voit, à l’inverse, assimilée à une « naissance », cette dernière renvoyant à celle des sentiments et, par extension, à la sensation de renaître. Plus étonnant encore est sa conception de la séduction comme un état imposé par l’autre ou par inclinaison naturelle, conception qui le place sous une volonté autre que la sienne et le dispense de tout jugement. Libertin de goût et de paroles, d’actions et de pensées, Dom Juan apparaît comme celui qui se présente libéré de tous liens. Sa revendication des plaisirs se voit pourtant opposée aux propos de son valet. III. La figure du valet châtiment divin. Son jugement reflète celui de la société bien-pensante dans laquelle évolue Dom Juan. Une parole entravée !" Son discours reste celui d’un valet qui s’exprime devant son maître. Il ne peut donner son avis que parce que Dom Juan l’y autorise, ces dérogations restant l’apanage du maître qui permet et donc maintient son rang. Ses encouragements à poursuivre marquent d’ailleurs leurs limites puisque Sganarelle est rapidement remis à sa place. Il doit donc ruser pour tenter d’imposer son point de vue et il s’agit bien là d’un difficile exercice que les interruptions de Dom Juan, en renforçant le comique, rendent également ridicule. Une dénonciation !" L’avis de Sganarelle est, dans un premier temps, discrédité dans cet échange. Son argumentation se juge en effet défaillante devant l’intelligence du maître, « vos discours m'ont brouillé tout cela », et c’est par l’intermédiaire d’un subterfuge qu’il parvient à s’exprimer, en se lançant dans un discours en direction d’un maître imaginaire. Son monologue pointe toutefois une intéressante remarque quant au pourquoi de cette attitude « certains petits impertinents dans le monde, qui sont libertins, sans savoir pourquoi. ». En s’affranchissant de la peur du maître, Sganarelle gagne un droit d’expression qui permet une réflexion quant aux actions jugées immorales d’un maître. Paroles de sagesse qui peinent à s’affirmer, les réflexions de Sganarelle offrent néanmoins un pendant à l’attitude du maître. IV. Conclusion Cette présentation d’un libertin, libre de ses actions jusqu’à l’outrance, acquiert une valeur autre par le regard du valet dont la parole est pourtant entravée. Mais, si le comique de la scène permet de mettre en valeur Dom Juan en dénonçant l’hypocrisie, la parole de Sganarelle, peu à peu libérée, est néanmoins entendue. Ce dernier apparaît en effet comme une parole de sagesse à l’expression pourtant contrariée. La stabilité des sentiments !" La parole de Sganarelle figure ainsi celle de la stabilité par rapport au mouvement constitué par les incartades de Dom Juan. Ses propos sont ceux de la mesure, du rappel de la constance et de la bienséance. Il apparaît comme le représentant de la morale, comme de la peur du Editeur : MemoPage.com SA © 2006 Auteur : Corinne Godmer Expert : Jacques Ménigoz L’inconstance caractérise cet homme dont la vie entière semble être faite de mouvements. Traversant le pays, évoluant de femmes en femmes et papillonnant avec plusieurs d’entre elles au sein d’une même ville, il apparaît comme la figure même du mouvement. Tourbillonnant d’inconstance, il est présenté par son valet Sganarelle « il se plaît à se promener de liens en liens, et n'aime guère à demeurer en place » par une double structure binaire. La première proposition oppose en effet le verbe « se plaire » à la promenade, entendue comme un lien à l’autre, tandis que la seconde renvoie à l’idée de « ne [pas aimer] » rester fidèle en un lieu, c'est-à-dire à une femme. Même inconstance dans la recherche de l’amour puisque le plaisir réside en la multiplication des conquêtes, dans le « changement », où la séduction se voit envisagée également comme un mouvement. Notons le champ lexical dévolu à la femme et aux sentiments fidèles puisque ceux-ci sont assimilés à une promenade lorsque les Dom Juan, un homme en mouvement !" La première scène de l’acte I nous permet déjà d’entrevoir quelques particularités de Dom Juan, lorsque son valet, Sganarelle, se confie à celui attaché au service d’Elvire, une conquête de Dom Juan, abandonnée. Mais cette scène 2 s’attarde plus encore sur la présentation du libertin, notamment en lui donnant la parole, lui permettant de mettre lui-même en scène ses convictions. II. La représentation du libertin Séducteur impénitent volant de femme en femme, libertin dans ses mœurs comme dans ses déclarations, Dom Juan, figure mythique du théâtre, se voit ici mis en scène par un Molière inspiré par cette part d’humanité. La scène 2 de l’acte I permet cependant une présentation plus fine du personnage. Il serait dès lors intéressant d’étudier comme se noue un personnage de libertin en s’attardant, dans un premier temps, sur la représentation du libertin, puis, dans un second temps, sur la figure du valet. I. Introduction Acte I, scène 2 Dom Juan, Molière