Les farces de Molière sont comme les « petits » films de Chaplin : on y trouve toutes les
pépites qui font le charme des grandes œuvres. A preuve « la folie Sganarelle » que propose
Claude Buchvald à La Tempête, à partir de trois pièces où l’on retrouve l’éternel Sganarelle,
personnage que Molière, le plus souvent, interprétait lui-même : « L’Amour médecin », « Le
mariage forcé », et « La jalousie du barbouillé ».
A première vue, l’intrigue est des plus banales. Dans la première pièce, Sganarelle se refuse à
marier sa fille. Dans la seconde, c’est lui qui ne veut plus convoler en justes noces. Dans la
troisième, il y est contraint à l’insu de son plein gré, au terme d’un piège cousu main.
Grâce au savoir-faire de Claude Buchevald, qui officie tout en délicatesse, ce triptyque
drôlissime débouche sur un pur moment de grâce. On peut y apprécier quelques unes des
idées forces de Molière, qui n’avait pas son pareil pour retourner les conventions de l’époque
grâce à un art consommé de la dérision.
Ainsi fustige-t-il la langue de bois des pseudo savants de la science, plantant le décor du «
Malade imaginaire » et de ces Diafoirius qui étaient à la médecine de son époque ce que les
adeptes de la pensée unique sont aujourd’hui à l’économie. Ecouter ces esprits bornés, sûrs
d’eux et dominateurs, asséner leurs pseudo vérités, ne peut pas ne pas faire penser à ces
donneurs de leçons d’un autre acabit que sont les technocrates pérorant à tout va.
De même, Molière se moque jusqu’à plus soif des conventions, de l’hypocrisie, de
l’enfermement des femmes dans un rôle de potiche, le tout avec une verve et une langue
confinant à la magie. Voilà un spectacle accessible à tous, servi par des comédiens
d’exception, à commencer par Claude Merlin, plus vrai que nature en Sganarelle.
* « La folie Sganarelle », d’après « L’amour médecin », « Le mariage forcé », et « La jalousie
du barbouillé », de Molière, mise en scène Claude Buchvald. Théâtre de la Tempête,
Cartoucherie, 75012 Paris (01 43 28 36 36) jusqu’au 11 décembre, puis en tournée (Dourdan,
Tarbes, Marseille, Sète, Béziers).
Dimanche 27 Novembre 2011
Jack Dion