Brevet de Technicien supérieur Commerce international 2ème année

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Brevet de Technicien supérieur Commerce international 1ère année
Economie générale : Une concurrence ni pure ni parfaite
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Les prix pratiqués sur un marché seront à l'avantage des consommateurs si une firme a la possibilité d'entrer et de
sortir de ce marché. Mais les obstacles sont nombreux. D'où deux parades: l'intervention publique, vite abandonnée
aux Etats-Unis, et la concurrence potentielle, une approche développée dans les années 70 par l'école de Chicago.
C'est écrit dans tous les manuels: pour que le marché fonctionne à l'avantage des consommateurs, il faut que la
concurrence qui y gne soit pure et parfaite. C'est-à-dire qu'il y ait un grand nombre d'entreprises produisant le
même bien (ou service), une information complète des consommateurs pour guider rationnellement leurs décisions
d'achat et, enfin, la possibilité pour une firme donnée d'entrer sur un marché (ou d'en sortir) facilement et sans coût
prohibitif.
Cette dernière condition est, à l'évidence, centrale: c'est elle en effet qui permet à de nouveaux producteurs
d'apparaître, dès lors que la profitabilité d'une production donnée se révèle intéressante, ou, à l'inverse, à des
entreprises en place de cesser une production qui se révèle insuffisamment rentable pour se reconvertir dans
d'autres activités. Grâce à cette liberté d'entrer et de sortir, les prix pratiqués attirent ou repoussent les
investissements. Et la production s'adapte aux évolutions de la demande, sans qu'un producteur puisse néficier
sur une longue période d'un surprofit ou, à l'inverse, soit enfermé dans une activité insuffisamment rentable sans
possibilité d'en sortir, de crainte de tout perdre.
Six obstacles à l'entrée d'une firme sur un marché
Il suffit d'observer la réalité pour s'apercevoir que nous sommes bien éloignés de ce monde de concurrence pure et
parfaite. Sans s'attacher à un inventaire exhaustif de ce qui nous en sépare, les obstacles à l'entrée dans une activité
économique donnée sont considérables. Michaël Porter (1) en mentionne six.
- L'existence d'économies d'échelle, c'est-à-dire le fait que, lorsque la production d'une firme augmente, ses coûts
unitaires diminuent: pour être compétitif, le nouvel entrant doit donc parvenir à produire (et à vendre) d'emblée au
moins autant que ses concurrents déjà installés, ce qui est un sérieux pari, ou, à défaut, accepter de vendre à perte
jusqu'à ce qu'il parvienne à produire autant que les autres. Quant à ces derniers, connaissant cette réalité, ils ont
intérêt au contraire à augmenter leur production: leurs coûts unitaires de production se réduisant (économies
d'échelle), ils pourront baisser leurs prix et ainsi empêcher l'apparition de ce nouveau concurrent. Ford, General
Motors ou Renault ont beau faire des profits parfois très élevés, on ne voit pas pour autant apparaître de nouveaux
concurrents: quel nouveau producteur pourrait, d'emblée, parvenir à vendre 2 à 3 millions de véhicules par an,
taille minimale pour que les économies d'échelle permettent de pratiquer des prix de vente analogues aux
producteurs en place?
- Les besoins de capitaux: chacun sait que, pour produire, il faut investir. Mais une part croissante de
l'investissement en question réside dans un lancement publicitaire ou dans la formation du personnel. En cas
d'échec, on peut éventuellement revendre les machines et les ordinateurs achetés pour produire, mais les
investissements commerciaux sont perdus. C'est parce qu'elles le savent que les firmes qui produisent des
détergents font tellement de publicité (laquelle représente fréquemment un quart du coût de production): il n'est
pas très compliqué de fabriquer des détergents, mais le ticket d'entrée sur un marché dominé par une demi-
douzaine de firmes est très coûteux et risqué, puisque, pour parvenir à se faire connaître par les consommateurs, il
faut investir des sommes colossales dans la publicité.
- Les coûts de transfert: il est fréquent qu'une firme soit liée à son (ou ses) fournisseur (s) par des contrats de
longue durée, des contrats d'exclusivité (exemple: les magasins en franchise ou les enseignes affiliées à une centrale
d'achat n'ont pas le choix de leurs fournisseurs) ou tout simplement parce qu'elle détient du matériel qui la
contraint à utiliser un fournisseur déterminé. Ainsi, en louant un photocopieur, l'utilisateur est contraint de faire
appel aux services de telle firme pour l'encre. L'utilisateur d'un micro-ordinateur de type Mac peut être dissuadé
de passer à une solution PC qui le contraindrait à changer tous ses logiciels.
- L'accès aux circuits de distribution: dans un univers la vente en grandes surfaces est le mode principal pour
atteindre le consommateur, un nouveau venu doit parvenir à s'y faire référencer, au moins dans certaines d'entre
elles. A défaut, il doit pouvoir mettre en place un circuit propre de distribution qui renchérira encore le montant de
l'investissement à effectuer et augmentera le risque encouru.
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- La différenciation du produit: les acheteurs sont habitués à une marque déterminée à laquelle ils sont fidèles,
parce qu'ils sont persuadés, à tort ou à raison, qu'elle leur procure un rapport qualité/prix meilleur que tout autre
achat concurrent. Bien entendu, cette fidéli résulte d'une action commerciale souvent longue et coûteuse
(publicité, constance de la qualité, service après-vente, etc.). Pour parvenir à rompre ce lien parfois quasi affectif
"un Ricard, sinon rien", le nouveau venu doit parvenir à convaincre les acheteurs, ou une partie d'entre eux, que
son produit présente au moins d'aussi bonnes caractéristiques: ce qui, là encore, requiert des investissements en
publicité, en notoriété et en qualité très coûteux.
- Les désavantages de coût indépendants de l'échelle de production, enfin. Sous cette nomination fourre-tout,
Michaël Porter range aussi bien l'existence de brevets (qui restreignent l'accès aux technologies performantes ou
aux produits intéressants à produire: le Lycra est produit par Du Pont, et par lui seul, le Tranxène par Roche, etc.)
que celle des réductions de coût dues à l'expérience (un journaliste chevronné peine moins pour écrire un article
qu'un journaliste débutant). Mais il peut s'agir aussi de conséquences de l'action publique (n'importe qui ne peut
pas ouvrir une pharmacie ou s'installer comme taxi), du nombre limité d'emplacements favorables (le nombre
d'agglomérations où il demeure intéressant d'installer un nouvel hypermarché diminue de jour en jour), etc.
La liste est impressionnante: on en déduit qu'en dehors de quelques activités de faible importance (restauration,
brocante, courses...) il faut être particulièrement riche et téméraire pour venir marcher sur les plates-bandes de
concurrents déjà bien installés et connus. Encore ne s'agit-il que des obstacles à l'entrée. D'autres obstacles existent
à la sortie. Les firmes pétrolières installées en mer du Nord, par exemple, ont bravement continué à extraire du
pétrole entre 1985 et 1990, bien que ce soit à perte. L'explication: l'essentiel de leurs coûts était déjà supporté et ces
coûts passés (recherche, forage, matériel d'extraction, formation du personnel, terminal d'expédition...) auraient
engendré un déficit plus lourd si la production avait dû s'arrêter.
Inutile de poursuivre l'énumération: il est clair que, dans une branche donnée, bien rares sont les cas une
activité rentable attire de nouveaux producteurs. Il faut qu'il s'agisse d'une activité nouvelle, les nouveaux
venus n'ont pas à relever tous ces défis, pour qu'ils aient quelque chance de percer. Or, me si le tissu productif
se renouvelle assez rapidement, il est composé très majoritairement d'activités relativement anciennes où des
firmes connues occupent le terrain et il est illusoire de penser que l'on puisse parler de concurrence pure et
parfaite.
Il suffit d'ailleurs de constater le degré de concentration de nombre de branches (industrielles, mais aussi certaines
branches de services: transport aérien, banque, assurance) pour en arriver à la conclusion que, s'il existe
évidemment une forte concurrence entre les firmes, elle n'a pas grand-chose à voir avec la liberté d'aller et de venir
de la concurrence pure et parfaite.
Les parades: l'intervention publique et la concurrence potentielle
Conséquence: le marché n'est pas optimal. Comme c'est gênant, on a trouvé deux parades: l'intervention publique
et la concurrence potentielle. Le premier cas est illustré dès 1890 par le Sherman Act aux Etats-Unis, législation qui
s'est ensuite considérablement enrichie et dont on trouve des répliques en Europe. Il s'agit de veiller à maintenir un
minimum de concurrence et d'interdire les fusions qui risqueraient de donner à certaines entreprises une position
dominante dont elles pourraient abuser. C'est en vertu du Sherman Act que la Standard Oil de John D. Rockfeller
dut être démantelée à la fin du siècle dernier. Aux Etats-Unis mêmes, la division anti trust du ministère de la
Justice élabora une jurisprudence très détaillée dans les années 50: étaient interdits toute fusion dont le résultat
serait de donner à un seul groupe une part de marché supérieure à un pourcentage déterminé ou tout ce qui
pourrait être considéré comme érection de barrières à l'entrée. C'est au nom de cette jurisprudence que IBM fut
suspecté d'abus de position dominante dans les années 60.
Cette solution, pourtant, n'était pas sans poser de problèmes: elle signifiait que, sans pouvoir de tutelle, le marché
n'était pas une instance capable d'autorégulation. Comme les enfants, il avait besoin d'être surveillé, et parfois
puni, et qu'il fallait reconnaître au pouvoir politique une capacité d'intervention préalable en matière économique.
Cela revenait, au fond, à apporter de l'eau au moulin socialiste: le capitalisme engendre des abus et des excès que
l'Etat seul peut empêcher.
Aussi ne faut-il pas s'étonner que le renouveau du courant libéral se traduise dans les années 70 par une nouvelle
approche en matière de concurrence. C'est bien sûr à l'université de Chicago, haut lieu de la pensée libérale, que ce
renouveau vit le jour, sous l'impulsion notamment de Harold Demsetz (2). Si, dans un domaine donné, une seule
firme - en situation de monopole - subsiste, c'est qu'elle s'est montrée plus efficace que les autres: la sanctionner
parce qu'elle demeure seule en lice reviendrait à sanctionner les plus efficaces, un peu comme si, l'homo sapiens
ayant éliminé tous ses concurrents, il fallait le punir d'avoir été plus performant que les autres espèces
hominiennes...
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Et Demsetz va plus loin: les profits plus élevés que alisent les firmes dominantes ne proviennent pas d'un abus
qu'elles commettraient sur le dos des acheteurs, mais, justement, de cette efficacité plus grande qui leur a permis de
triompher de leurs compétiteurs. Si d'autres candidats potentiels ne se présentent pas, c'est bien la preuve qu'ils ne
se jugent pas aussi efficaces que la firme en place.
Pour les libéraux, aucune barrière à l'entrée ne résiste bien longtemps
Pour l'école de Chicago, le seul vrai critère de monopole, le seul risque d'abus, réside dans les barrières à l'entrée.
En effet, en l'absence de ces dernières, dès lors qu'une firme en place réalise des surprofits de monopole, c'est-à-
dire des profits qui ne résultent pas de son efficaci propre, mais de son pouvoir de marché, de l'absence de
concurrents, ces surprofits vont attirer des candidats. S'il existe des barrières à l'entrée, empêchant ces candidats de
se véler, alors la firme en place va effectivement pouvoir vendre ses produits ou ses prestations à un prix
durablement plus élevé que celui justifié par sa seule efficacité. Si la firme en situation de monopole veut le
demeurer, elle n'a donc pas intérêt à pratiquer de surprofits: la concurrence potentielle l'en dissuade.
Et Demsetz d'ajouter perfidement que, dans la plupart des cas, les barrières en question proviennent des pouvoirs
publics eux-mêmes: licences de taxi, concessions de chemin de fer ou de pompes funèbres, autorisations de
dessertes aériennes ou, pour prendre un exemple en France, d'ouverture d'officine pharmaceutique. Même ainsi,
d'ailleurs, le marché finit toujours par trouver des parades et par restaurer la concurrence potentielle: à travers les
dalles de béton que l'Etat s'efforce d'appliquer sur la concurrence, les herbes folles du marché arrivent toujours à
percer. Preuve, s'il en était besoin, qu'aucune barrière à l'entrée ne résiste bien longtemps, que tôt ou tard
l'évolution des techniques et l'inventivité des concurrents potentiels finissent toujours par remettre en cause les
monopoles. Dans ces conditions, une réglementation publique de la concurrence n'a pas de sens. L'Etat n'a pas à se
mêler du marché même lorsque, en apparence, il engendre des monopoles.
Effets et faiblesses de la démonstration de l'école de Chicago
Ce discours a eu des effets, comme l'écrit Hubert Kempf (3): "Quand les économistes de Chicago accédèrent à la maîtrise
de la politique concurrentielle américaine avec l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, le zèle des organes chargés de cette
politique atteignit son nadir historique. " Et c'est le même raisonnement qui permet à Pascal Salin d'écrire, non sans
une pointe de provocation: "Le grand mérite de la libre concurrence est qu'elle conduit à des situations de monopole, c'est-
à-dire de producteur unique" (4). Comprenons: la concurrence potentielle permet de bénéficier des économies
d'échelle (un seul producteur peut se révéler plus efficace que plusieurs) sans que cette situation nuise à l'acheteur,
puisque la crainte de voir des concurrents potentiels s'installer conduit le producteur en situation de monopole à
ne pas abuser de la situation.
La démonstration de l'école de Chicago n'est pourtant pas sans faiblesse: elle repose sur l'idée que, face au marché,
les firmes sont dépourvues de pouvoir, qu'elles ne peuvent ni manipuler l'information ni limiter les entrées
potentielles. Comme l'écrit Hubert Kempf (5): "La capacité des marchés à assurer la régulation des décisions privées n'est
pas remise en cause, l'idée que les agents ont un comportement actif et inventif ne va pas jusqu'à penser qu'ils peuvent agir
pour contrer le processus concurrentiel lui-même ou au moins inventer des modes d'interaction alternatifs." Les partisans du
marché supposent que le surdoué finira par l'emporter sur le fort, mais ils refusent de prendre en compte que le
fort puisse, lui aussi, être surdoué et en profiter pour exploiter le faible.
Denis CLERC
Alternatives Economiques - n°156 - Février 1998
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