Nous verrons plus tard les mécanismes qui aboutissent à la création de ces normes. Le terme
de déviant ayant été lancé, il convient maintenant de le définir.
II ) Définition de la déviance :
Tout au long du texte, Becker définit plusieurs fois la déviance. Il en dégage alors différentes
définitions.
Tout d’abord, il parle de définition statisticienne (citation page 28) « est déviant celui qui
s’écarte trop de la moyenne ». Toutefois, cette définition ne peut pas être satisfaisante. En
effet, si ce qui est le plus commun est d’être brun et droitier, les roux gaucher seraient alors
considérés comme déviants, ce qui n’a aucun sens.
Il faut, selon Becker, voir un côté plus médical à la chose, il définit alors la déviance comme,
citation page 29, « quelque chose d’essentiellement pathologique, qui révèle la présence d’un
« mal » ». Le problème de cette définition est de savoir quelle pathologie peut être considérée
comme mal.
Becker propose alors une troisième tentative de définir la déviance, de façon plus
sociologique (citation page 31) « La déviance serait le défaut d’obéissance aux normes du
groupe ». Ici, le problème n’est pas dans la définition elle-même, mais dans la manière de
l’appliquer. En effet, comment choisir objectivement les normes d’un groupe pouvant, rien
que par leur existence, créer la déviance. La société n’est pas un seul groupe, mais bien le
produit de plusieurs groupes vivants chacun avec leurs propres normes. Ce qui peut alors être
considéré comme mauvais pour un groupe ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Becker se
contentera pourtant de cette définition qu’il redéfinira plus tard. Avant cela, il tentera de
comprendre ce qu’est la déviance par rapport aux autres.
III ) La déviance et les réactions des autres :
Pour Becker, la déviance est créée par la société. On ne naît pas déviant, on le devient
(citation page 32-33) :
« Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression
constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant
comme des déviant. De ce point de vue, la déviance n’est pas une qualité de l’acte commis
par une personne, mais plutôt une conséquence de l’application, par les autres, de normes et
de sanctions à un « transgresseur ». Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée
avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette
étiquette. »
Pour illustrer ceci, il cite Malinowski dans son étude des îles Trobriand. Un homme s’est
suicidé en sautant d’un cocotier. Lors de son enterrement, deux villages sont réunis et une
certaine animosité est palpable entre les deux groupes. Plus tard, Malinowski compris ce qu’il
s’était passé. Le suicidé avait eu une relation avec sa propre cousine. Jusque là, pas de
problème pour lui. Mais lorsque l’amoureux auquel la cousine était promise a appris cette
relation, il a voulu se venger. Pour cela, il est allé accuser publiquement le futur suicidé
d’inceste sur sa cousine. Le lendemain, il se suicida en demandant aux membres de son
groupe de le venger. Le problème ici n’est pas le fait qu’il y a eu inceste entre deux membres
d’un même groupe. De l’avis des Trobriandais, cela arrive souvent. Le problème a été
l’accusation publique de l’acte, qui a conduit le jeune à ce suicider. En conclusion, si
personne n’est au courant « officiellement », il n’y aura pas de représailles. Si la révélation est
faite au public, le suicide est la seule solution pour ne pas vivre avec une réputation néfaste et
déshonorante à lui et à son village. La déviance est donc bien la résultante de l’interprétation
de nos actes par les autres membres du groupe d’appartenance.