Sandrine Lapinsonnière Conférence d’Economie de S. Harnay, FT n°50 Fiche technique n°50 TAXONOMIE DES BIENS COLLECTIFS DEFINITIONS : - Taxonomie (ou taxinomie) : sciences de la classification d’éléments - Bien économique : bien produit par du travail humain et/ou dont la rareté lui confère une valeur d’échange - Bien libre/naturel : bien disponible gratuitement dont la production ne nécessite aucun travail humain (exemple : l’air que l’on respire) - Bien collectif : bien qui peut être consommé par plusieurs personnes à la fois, sans que la consommation de l’une des personnes ne réduise celle de l’autre / bien qui est mis à la disposition de plusieurs individus aussitôt qu’il est mis à la disposition d’un seul d’entre eux. Exemples : défense nationale, sécurité publique, une séance de cinéma, émission de radio … etc… Nota Bene : - bien collectif = service collectif = bien public. - On retrouve également l’appellation : bien à produits multiples : en effet, à une unité de ce bien correspondent plusieurs consommateurs. Les biens collectifs représentent un cas extrême d’externalité positive. - Externalité : lorsque la décision d’un individu modifie directement le niveau de satisfaction d’au moins un autre individu, en dehors du processus d’échange sur le marché. - Externalité positive : amélioration de l’hygiène/du niveau de santé/ de l’éducation → les choix individuels peuvent améliorer la satisfaction du reste de la collectivité. CARACTERISTIQUES : ▫ Non exclusion : la consommation d’un bien collectif par un individu n’empêche pas les autres agents d’utiliser ce bien. Il n’y a donc pas discrimination ▫ Non concurrence : la consommation du bien par un individu ne doit rien retirer à un autre individu. ▫ L’Etat joue un rôle important dans leur production (cf. voir biens collectifs purs) ▫ Le bien collectif est un cas de rendement extrêmement croissant : c’est-à-dire que ces coûts décroissent immédiatement pour devenir nul. Ainsi chaque unité supplémentaire (=la mise du bien à la disposition d’une personne supplémentaire) ne coûte rien. * Il existe plusieurs types de biens collectifs, certains biens possèdent toutes les caractéristiques énoncées ci-dessus, mais d’autres n’en possèdent que quelques unes. Voici une typologie possible : Exclusion est possible Non exclusion Concurrence Biens privés ou économiques Biens communs Non concurrence Biens de club ou biens collectifs impurs ou biens à péage BIENS COLLECTIFS PURS 1 Sandrine Lapinsonnière Conférence d’Economie de S. Harnay, FT n°50 □ Biens collectifs purs : - biens collectifs purs = c’est un bien/service pour lequel aucun agent ne peut exclure les utilisateurs qui ne sont pas prêts à payer. Exemple : un phare : personne ne peut empêcher à des navires de payer pour pouvoir utiliser ce bien. Ainsi : → L’extension de son bénéfice a une personne supplémentaire a un coût marginal nul = lorsque le phare fonctionne, il le fait aussi bien pour ceux qui payent que pour ceux qui ne payent pas : tout le monde peut en bénéficier, donc le coût d’extension du bénéfice du phare à une personne supplémentaire est nul. → L’exclusion (par rapport à ce bien) d’une personne supplémentaire a un coût marginal très élevé = il serait beaucoup trop coûteux de vérifier à chaque fois qu’un navire bénéficie des avantages d’un phare, si ce dernier a effectivement payé pour en bénéficier Par extension, tous les grands services publics comme la défense, la police, la justice sont des services collectifs purs. → Chaque individu sait qu’une fois le bien produit, il pourra en bénéficier ; le service est collectif, donc il servira à tout le monde donc tout autant à ceux qui payent qu’à ceux qui ne payent pas. Par contre, aucun des individus n’a intérêt à déclarer ses préférences. → Ainsi, nous préférons tous vivre dans un pays qui possède une défense nationale. → Imaginons qu’un représentant d’une firme privée produisant pour la défense nationale se rend à votre porte, il va vous vanter son produit et vous incitera à payer pour en bénéficier. Or vous savez que c’est un service collectif pur donc vous avez intérêt à ne pas révéler votre préférence ; ainsi vous direz : « je suis anti-militariste donc je n’ai aucune raison de vous payer ». Votre raisonnement peut se résumer à : « je sais que d’autres vont payer, de plus c’est un bien collectif donc même si je ne paye pas, j’en bénéficierai de toute façon ». - - → C’est le phénomène du passager clandestin qui est à l’œuvre ici : Définition : le passager clandestin (ou free rider) est une personne qui bénéficie d’un bien (collectif) sans avoir à le payer. Ainsi il devient bénéficiaire de ce bien à titre gratuit. On voit bien que la non exclusion (caractéristique des biens collectifs purs) présente certains aspects non négligeables, puisque les personnes ne sont pas obligées de payer pour bénéficier de ces biens. → Par conséquent, aucune entreprise privée n’est disposée à assurer la production de ces biens, puisqu’elle ne réaliserait aucun bénéfice (en effet, personne ne veut payer…) → L’Etat est donc l’acteur qui est le plus à même de produire des biens collectifs. En effet, il possède la force de contrainte légitime donc lui seul peut obliger les citoyens à payer des impôts (qui serviront au financement des services collectifs purs dont la défense nationale.). 2 Sandrine Lapinsonnière Conférence d’Economie de S. Harnay, FT n°50 □ Biens de club/biens collectifs impurs/biens à péage → Les biens de clubs sont des biens collectifs mais ils sont caractérisés par une possibilité d’exclusion → Cela signifie que pour certains biens collectifs, (par exemple, une émission sur une chaîne câblée ou une séance de cinéma)) il est possible d’exclure les agents qui n’ont pas payés pour avoir ces biens (pour l’émission de TV sur une chaîne câblée on peut exclure ceux qui n’ont pas payés le décodeur et pour la séance on peut aussi exclure ceux qui n’auront pas payé leusr tickets). → Pour autant, l’émission et la séance au cinéma restent des biens collectifs dans le sens où la consommation d’une personne n’empêche pas une autre de les consommer également : la concurrence n’a pas lieu d’être. Exemple : dans une salle de cinéma, A ne va pas empêcher B de regarder un film si ce dernier a lui aussi payé sa place. → Ici, il ne peut pas y avoir de comportement de free rider, en effet il est impossible d’avoir accès au bien sans le payer. Exemple : les chaînes câblées : si vous n’avez pas payé le décodeur, ni l’antenne parabolique, ni le distributeur, impossible d’avoir accès et donc de bénéficier du bien. □ Biens collectifs « communs1 » → Les biens communs sont quant à eux caractérisés par la concurrence qui existe entre les agents. → Il n’y a pas d’exclusion possible avec ces biens Exemple : imaginons deux pêcheurs A et B : chacun d’eux se retrouvent en mer pour pêcher. Par ailleurs, on sait que la mer est par nature un bien qui ne peut pas permettre l’exclusion. Si A pêche 20 poissons X1, ces 20 poissons X1 ne seront plus disponibles pour B : il y a donc concurrence entre les deux pêcheurs. → Il n’y pas de comportement de free rider : on est obligé d’agir pour pouvoir se procurer le bien que l’on désire. → Si on ne fait rien pour avoir le bien X1 alors quelqu’un d’autre sera susceptible de se le procurer (étant entendu que nous nous plaçons dans le cadre d’un milieu où l’exclusion n’est pas possible comme la mer), sans que nous en bénéficiions concurrence entre agents économiques → le coût d’exclusion d’une personne supplémentaire est très élevé : Exemple : Les coûts de vérification et de surveillance de tous les navires sur tous les océans du monde seraient trop prohibitifs → on ne peut pas imaginer de payer pour pouvoir aller en mer, de plus la vérification serait beaucoup trop coûteuse. * On peut distinguer une autre typologie des biens collectifs, qui seront classés cette foisci, par rapport à l’échelle où l’on se situe : □ Biens publics locaux Ce sont des biens collectifs dont les avantages sont essentiellement limités aux résidents. Par exemple, on peut citer : la bibliothèque municipale, ou l’éclairage des rues … La prise de décision concernant la production de ces biens se fait au niveau local, c’est-à-dire au niveau des résidents d’une ville, d’un quartier, d’un village … C-D. Echaudemaison (dir.), Dictionnaire d’Economie et de Sciences sociales, 6e édition, Nathan, Paris, 2003. → « article Bien collectif ». 1 3 Sandrine Lapinsonnière Conférence d’Economie de S. Harnay, FT n°50 □ Biens publics nationaux Ces biens collectifs procurent des avantages à tous les citoyens du pays. Par exemple, la sécurité ; ainsi tout le monde peut bénéficier des services de la police et pas seulement ceux qui se trouve à proximité d’un commissariat. □ Biens publics internationaux Ces biens collectifs procurent un avantage pour tous les habitants de la planète, au-delà des frontières nationales. Par exemple, on pourrait citer des biens publics qui lutteraient contre les gaz à effets de serre, ou qui permettraient de sauver la couche d’ozone … Point Histoire : PAUL SAMUELSON développe en 1954-1955 la théorie de biens collectifs. → Voir tout le développement sur les biens collectifs purs, impurs et les biens communs → Il met en évidence le fait que ces types de biens doivent être financés par des fonds publics → Il analyse les biens collectifs comme des échecs du marché concurrentiel OLSON MANCUR dans “The logic of collective action : public goods2 and the theory of group” (Harvard Press university, 1971). → Théorie de la logique d'action collective : Selon Mancur Olson si l'action d'un groupe d'intérêt ou d'un individu réussit, elle bénéficiera à l'ensemble des groupes ou à l'ensemble des individus. Il en résulte que l'action a la nature d'un bien collectif. Dans ces conditions, chaque membre est rationnellement incité à ne pas s'engager dans une action collective, autrement dit à ne pas payer le coût d'une participation à une action du groupe. En conséquence, le groupe reste inactif. Seuls des bénéfices immédiats et restreints au seul groupe peuvent inciter à l'action collective. → Le dilemme du free rider pourrait se poser en ces termes : « pourquoi s’engager dans une action (ou à payer un bien collectif) alors que les autres le feront à ma place ». → Mancur, affirme que c’est l’intérêt égoïste qui est au centre de l’action collective : il a ainsi montré que s’il existe des incitations pour satisfaire les intérêts individuels (=incitations sélectives), alors on pourra faire face au phénomène du passager clandestin. → S’il y a des avantages individuels à retirer du financement d’un bien collectif alors les agents seront beaucoup moins incités à pratiquer le « free riding ». Bibliographie : C.-Danièle Echaudemaison (dir.), Dictionnaire d’Economie et de Sciences Sociales, édition Nathan, 2003. Paul A. Samuelson, William D. Nordhaus, Economie, 16ème édition, éditions Economica, 2000. Joseph E. Stiglitz, Principes d’économie moderne, édition de Boeck, 2000. Jacques Généreux, Economie politique : Microéconomie, collection les Fondamentaux, 3ème édition, éditions Hachette, 2000 Bernard Guerrien, Dictionnaire d’analyse économique, collection Repères, édition La Découverte, 2002. Xavier Greffe, Jérôme Lallement, Michel de Vroey (dir.), Dictionnaire des grandes œuvres économiques, édition Dalloz, 2002. 2 Public goods = biens collectifs en anglais 4