Le ligament croisé antérieur

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RUPTURE DU LIGAMENT CROISE
ANTERIEUR
Dr COSTES Stéphane
1
PLAN
1. introduction
2. anatomie et biomécanique
3. mécanisme lésionnel
4. histoire naturelle d’une rupture du LCA
5. examen clinique
a.
b.
c.
d.
e.
signes de laxité antérieure
signes de laxité postérieure
signes de laxité postéro-externe
signes de laxité latérale
examen des ménisques
6. imagerie
a. radiographies
b. clichés dynamiques
c. IRM
7. classification des laxités antérieures
a.
b.
c.
d.
e.
f.
laxité antérieure isolée complète
laxité antérieure isolée incomplète
laxité antérieure évoluée
laxité antéro-externe
laxité antérieure avec pré-arthose
arthrose sur laxité antérieure
8. principes du traitement
a. traitement fonctionnel
b. traitement orthopédique
c. traitement chirurgical
1) INTRODUCTION
La lésion du ligament croisé antérieur (LCA) du genou est une pathologie extrêmement
fréquente. On dénombre en France environ 50 000 ruptures par an.
Cette pathologie banale et éminemment chirurgicale est un motif fréquent de consultation.
2) ANATOMIE ET BIOMECANIQUE
Le ligament croisé antérieur (LCA) constitue avec le ligament croisé postérieur (LCP) le
pivot central du genou. Ce ligament est intra-articulaire et extra-synovial.
L’insertion fémorale du LCA se fait sur la face axiale du condyle latéral en arrière de
l’intersection entre la ligne du toit de l’échancrure et la corticale métaphysaire postérieure.
2
L’insertion tibiale est plus large, en éventail et recouvre la surface pré-spinale en
continuité de surface avec l’épine tibiale médiale et le plateau tibial médial.
Figure 1 : anatomie du genou
Figure 2 : les 2 faisceaux du LCA
Le LCA est formé de 2 faisceaux plus ou moins distincts anatomiquement.
Le faisceau antéro-médial constitue la partie supérieure de l’insertion fémorale, la
partie antérieure du ligament et la partie antérieure de l’insertion tibiale. C’est le plus long, le
plus isométrique et le plus exposé aux traumatismes. Il est tendu en flexion du genou et
contrôle la laxité antérieure.
Le faisceau postéro-latéral est tendu en extension, contrôle la rotation interne et peut
être préservé dans les ruptures partielles du LCA.
La stabilité du genou est également assurée par les structures périphériques en
particulier au niveau du compartiment externe où la congruence articulaire est faible et le
déplacement du condyle externe est important.
La stabilisation antéro-latérale est assurée par la capsule articulaire et surtout le tractus
ilio-tibial (ou fibres de Kaplan).
La stabilisation postéro-latérale est assurée par le point d’angle postéro-externe
(PAPE) et par le faisceau postéro-latéral du LCA.
En extension, le genou est parfaitement stable car le condyle externe repose sur le
versant antérieur de la convexité du plateau tibial externe et la tension de tous les ligaments
(LCA, LCP, ligaments latéraux) interdit toute rotation interne.
En flexion, le LCA se détend légèrement car son insertion fémorale est située
légèrement en arrière de l’axe de flexion extension du genou. Il existe physiologiquement un
léger tiroir antérieur en flexion. Il en est de même pour la laxité externe. Par contre il n’existe
jamais de laxité interne ou de tiroir postérieur.
En cas de rupture du LCA, dans les premiers degrés de flexion, une rotation interne
associée à l’action sub-luxante du quadriceps, peut provoquer une sub-luxation antérieure du
3
plateau tibial externe. C’est le ressaut rotatoire, proche de l’extension, le condyle externe
reposant alors sur la convexité postérieure du plateau tibial externe.
Mais, à 40° de flexion, le biceps fémoral et le tenseur du fascia lata deviennent alors
rotateurs externes et fléchisseurs, rappelant le plateau tibial externe en arrière, et réduisant le
déplacement.
C’est le symptôme ressenti par le patient sous la forme d’une instabilité et d’une douleur,
chaque fois que son genou est surpris en rotation interne, proche de l’extension.
3) MECANISME LESIONNEL
La lésion du LCA est le plus souvent due (85% des cas) à un traumatisme sportif (sport en
pivot contact ou pivot sans contact) mais peut être secondaire à un accident domestique, un
accident du travail ou un accident de la voie publique.
Le craquement au moment de l’accident est un signe de gravité, de même que
l’hémarthrose contrairement à la douleur.
On distinguera des mécanismes provoquant des lésions isolées du LCA et des mécanismes
plus fréquents associant lésion du LCA et lésions des formations périphériques.
A. Mécanismes provoquant des lésions isolées du LCA
Elles sont dues à des contraintes de translation pure postéro-antérieure du tibia par rapport
au fémur. Ce peut être :
 Hyper-extension violente non appuyée
C’est le cas d’un shoot dans le vide qui associe une translation antérieure du tibia par
la contraction violente du quadriceps et la mise en tension du LCA par la partie antérieure de
l’échancrure qui crée un véritable « chevalet » lésant le LCA.
Figures 3 : mécanisme en hyper-extension
4
 Contrainte postéro-antérieure du tibia
Elle peut secondaire à un traumatisme sportif (placage au rugby, tacle au football, arrivée
d’un télésiège avec impact postérieur du siège) ou un accident de la voie publique.
B. Mécanismes provoquant des lésions du LCA et des formations périphériques
 Accident en flexion-valgus-rotation externe
C’est un mécanisme très fréquent en traumatologie sportive (tacle chez le footballeur
en train de faire une passe, chute à ski). Ce mouvement lèse en premier les éléments
périphériques (LLI, PAPI, ménisque interne) puis le LCA.
Figure 4 : mécanisme en flexion-valgus-rotation externe
Figure 5 : aspect clinique
 Accident en flexion-varus-rotation interne
Il peut se voir par exemple lors d’un placage au rugby, une réception de saut sur le
pied d’un autre joueur ou une chute de moto. Il lèse en premier les formations antéro-externes
puis le LCA.
Figures 6 : mécanisme en flexion-varus-rotation interne
5
Figure 7 : lésion complète du LCA associée à une lésion des formations antéro-externes (fibres de Kaplan)
4) HISTOIRE NATURELLE D’UNE RUPTURE COMPLETE DU LCA
Les forces appliquées au niveau du genou, au cours de la phase monopodale de la marche,
sont décomposées dans le plan sagittal en deux composantes : une force de compression
verticale et une force de cisaillement tendant à translater le tibia en avant.
Le principal frein à la force de cisaillement est le LCA. C’est un stabilisateur passif qui
limite la translation tibiale antérieure.
Après une rupture du LCA, on observe une augmentation de la translation tibiale
antérieure et de ce fait un déplacement des forces de compression à la partie postérieure des
plateaux tibiaux [1]. Cette translation s’accompagne avec le temps, ou lors d’accident
d’instabilité de lésions méniscales internes postérieures, de lésions ostéochondrales du
condyle interne et d’une distension progressive du PAPI aboutissant à une double instabilité, à
la fois antéro-externe et postéro-interne.
Cette laxité globale va entrainer dans des délais variables une lésion de la corne
postérieure du ménisque interne qui était la cale limitant le tiroir antérieur. Lambin [16]
retrouve 30% de lésions du ménisque interne et 7% de lésions du ménisque externe 2 ans
après l’entorse initiale. Celles-ci atteignent 60% pour le ménisque interne et 15% pour le
ménisque externe à 10 ans. La rupture de la corne postérieure du ménisque interne marque un
tournant évolutif dans l’histoire naturelle des laxités antérieures chroniques. Après le LCA, le
ménisque interne, deuxième frein à la translation tibiale antérieure lésé, autorise une
translation non seulement en extension mais aussi en flexion avec un tiroir antérieur à 90° de
flexion positif. Dans ce cas, une méniscectomie isolée va encore aggraver la laxité.
De même, le revêtement cartilagineux évolue habituellement vers une destruction du fait
de mouvements anormaux qui vont mettre en contact brutalement les surfaces articulaires. Par
ailleurs, la translation tibiale antérieure en appui monopodal génère et concentre les
contraintes à la partie postérieure du plateau tibial interne et entraîne des lésions
cartilagineuses fémoro-tibiales internes. Cette évolution inéluctable vers l’arthrose, qui peut
être très invalidante, touche à la fois l’articulation fémoro-patellaire (hyperpression interne) et
l’articulation fémoro-tibiale interne.
Elle est très clairement favorisée par une méniscectomie isolée sans reconstruction du
LCA. Dejour [9] rapporte 100% d’arthrose 27 ans après la méniscectomie. Malgré tout, cette
6
arthrose n’est que très lentement évolutive et symptomatique. Il estime que dans 75% des cas,
elle ne pose de réels problèmes que 35 ans après le traumatisme initial. Les arthroses précoces
survenant avant 10 ans après l’accident initial sont le plus souvent dues aux échecs et aux
insuffisances du traitement chirurgical.
En conclusion, une rupture du LCA va entrainer, dans des délais variables, une lésion
du ménisque interne et une arthrose précoce [1-9]. Cette histoire naturelle explique en partie
l’évolution actuelle vers un élargissement des indications chirurgicales de stabilisation du
genou par ligamentoplastie et de chirurgie conservatrice des ménisques par suture méniscale.
A
B
Figure 8 : lésions méniscales (A : aspect à l’IRM, B : vues arthroscopiques)
Figure 9 : arthrose sur laxité antérieure chronique
5) EXAMEN CLINIQUE
7
L’examen clinique du genou est toujours bilatéral et comparatif.
A. Les signes de laxité antérieure

Le test de Lachman
L’examen est effectué sur un genou déverrouillé à 20° de flexion. Le talon repose sur
la table d’examen. L’examinateur empaume le tibia, le pouce étant placé sur la tubérosité
tibiale antérieure. L’autre main maintient la cuisse au-dessus de la rotule. La main tibiale
imprime subitement une translation tibiale antérieure.
Si cette translation s’arrête brutalement, on parle de Lachman arrêt dur et l’examen est
alors normal. Dans le cas contraire l’arrêt est mou. Le Lachman arrêt mou est
pathognomonique d’une rupture du LCA. Parfois l’arrêt est dur, mais le jeu articulaire est
asymétrique. On parle alors d’arrêt dur retardé qui peut traduire une cicatrisation en nourrice
du LCA sur le LCP ou une ligamentoplastie distendue.
Figure 10 : test de Lachman

Le ressaut
Le ressaut est un signe sémiologique de rupture du LCA du à une subite sub-luxation
antérieure et rotatoire interne du plateau tibial externe lorsque le genou est proche de
l’extension, avec réduction par un phénomène de rappel quand le genou revient à 30 ou 40°
de flexion.
De nombreuses techniques ont été décrites pour la recherche de ce ressaut condylien
externe. Nous utilisons le test du « pivot shift » de Mac Intosh [12] décrit par ce dernier après
une phrase révélatrice d’un de ses patients joueur de hockey lui ayant dit : « when I pivote my
knee shifts ». Le patient est en décubitus dorsal, l’examinateur du coté du membre à
examiner. D’une main, il saisit le pied en imprimant une légère rotation (interne puis externe).
L’autre main applique une contrainte en valgus forcé sur la face externe de l’extrémité
supérieure de la jambe. A 30° de flexion, on assiste à une réduction de la sub-luxation
antérieure du plateau tibial externe avec un ressaut caractéristique que le patient reconnaît.
Ce ressaut peut être qualifié d’ébauché (ou bâtard), de franc ou d’explosif. Un ressaut
explosif en rotation interne et rotation externe sera en faveur d’une laxité antérieure chronique
évoluée.
8
Figure 11 : ressaut ou pivot shift de Mac Intosh

Le tiroir antérieur à 90° de flexion ou tiroir antérieur direct
Sa positivité traduit, outre la rupture du LCA, la présence de lésions associées
méniscales ou capsulo-ligamentaires postéro-internes. Elles peuvent être contemporaines de
l’accident ou survenir progressivement, par sollicitation excessive et permanente des freins
secondaires dans les laxités antérieures chroniques évoluées.
Il est donc négatif dans la lésion fraîche isolée du LCA.
L’examinateur s’assoit sur le pied du patient, le genou à 90° de flexion. Les deux
mains impriment une translation antérieure, les 2 pouces étant placés sur la TTA pour
quantifier le déplacement en mm.
B. Les signes de laxité postérieure
L’inspection est dans ce cas très importante. Le patient est placé en décubitus dorsal,
les 2 genoux fléchis à 90°, pieds reposant sur la table d’examen. On observe, du coté lésé, un
avalement de la tubérosité tibiale antérieure, le patient présentant un tiroir postérieur
spontané.
Le tiroir postérieur direct se recherche dans la même position que le tiroir antérieur
direct. Dans ce cas, on observe un recul des plateaux tibiaux signant une rupture du ligament
croisé postérieur. Il faut faire attention de ne pas confondre la réduction d’un tiroir postérieur
avec un tiroir antérieur, d’où l’importance de l’inspection préalable.
9
Figure 12 : avalement de la TTA
Figure 13 : tiroir postérieur
C. Les signes de laxité postéro-externe
Ils traduisent une lésion du point d’angle postéro-externe (PAPE). Il est formé par le
chef latéral du muscle gastrocnémien, la coque condylienne postéro-latérale, la corne
postérieure du ménisque latéral, le muscle poplité, le ligament poplitéo-fibulaire, le ligament
fabello-fibulaire, le ligament poplité arqué et le tractus ilio-tibial.
Le PAPE contrôle la rotation externe du genou. Son atteinte est rarement isolée (1,6%
des cas) et, le plus souvent, elle est associée à une lésion du pivot central (faisceau postérieur
du LCA ou LCP) [8]. Elle peut être secondaire à un mécanisme en hyper-rotation externe,
genou en extension ou aux mécanismes habituellement rencontrés dans les ruptures du LCA
lorsque ces mécanismes sont extrêmes.
Cette entité anatomique et fonctionnelle est mal connue et difficile à mettre en
évidence par les examens complémentaires. L’examen clinique a dans ce cas une importance
capitale.
La méconnaissance d’une lésion du PAPE associée à une lésion du LCA sera source
d’échec de la ligamentoplastie [8].

Hypermobilité externe
Décrite par Bousquet [2], elle traduit un déplacement important du plateau tibial
externe en arrière et en avant. Sujet est en décubitus dorsal, genou à 60° de flexion, rotation
libre, on exerce une pression postérieure sur le plateau tibial externe. Il apparaît une hyperrotation externe du pied par translation postérieure et rotation externe du tibia. Elle peut être
ou non associée à une lésion du LCA.
10
Figure 14 : hypermobilité externe

Test de récurvatum-rotation externe de Hughston [13]
L’examinateur, placé en bout de table, saisit les 2 gros orteils du patient. Du coté lésé,
il apparaît un récurvatum et un varus. Ce test témoigne d’une laxité postéro-externe mais il
n’est présent que s’il existe une rupture associée du LCA.
Figure 15 : test de Hughston
D. Les signes de laxité latérale
11
Ils sont recherchés en extension et à 30° de flexion et témoignent de la lésion des
ligaments latéraux. On imprime alternativement un mouvement de varus et de valgus forcé.
Toute laxité interne en extension est pathologique. Une légère laxité externe est physiologique
mais son caractère asymétrique est pathologique.
Figure 16 : testing de la laxité latérale
E. L’examen des ménisques
A l’inspection, on recherchera toujours un déficit d’extension (flessum) irréductible
témoin d’une lésion méniscale en anse de sceau.
On réalisera une palpation des 2 interlignes articulaires d’arrière en avant qui entrainera
une douleur aigue, en général au niveau de la corne postérieure, si le ménisque est lésé.
Le « Grinding test » se réalise en décubitus ventral. On applique une compression
verticale à 90° de flexion (mise en compression des cornes postérieures des ménisques) et on
y associe une rotation interne puis une rotation externe. Une douleur réveillée en rotation
externe signe une lésion de la corne postérieure du ménisque interne et inversement pour le
ménisque externe.
Figure 17 : palpation de l’interligne
Figure 18 : Grinding test
12
6) IMAGERIE
A. Radiographies simples
Elles sont systématiques au stade aigu comme au stade chronique.

Au stade aigu, on recherchera :
o Un épanchement articulaire
o Une fracture de Segond, visible sur le cliché de face,
rare mais
pathognomonique de la rupture du LCA, correspondant à une avulsion osseuse
de l’insertion tibiale de la capsule latérale.
o Une avulsion de la surface pré-spinale et de l’épine tibiale antérieure
témoignant d’une lésion au niveau de l’insertion tibiale du LCA. Cette lésion
est fréquente chez l’enfant et l’adolescent, rare chez l’adulte.
o Une avulsion osseuse du plateau tibial médial [5] pouvant correspondre à une
avulsion du tendon direct du semi-membraneux très évocatrice d’une rupture
du LCA.
Fig. 19 : épanchement articulaire
Fig. 21 : avulsion du plateau tibial médial
Fig. 20 : fracture de Segond
Fig. 22 : fracture de l’épine tibiale antérieure
13

Au stade de laxité chronique, on recherche surtout sur l’incidence en schuss :
o Des remaniements arthrosiques notamment après 40 ans ou si la laxité est
ancienne. L’atteinte chondrale est préférentiellement localisée en arrière du
plateau tibial médial et en avant sur le condyle médial. Cette évolution est très
fréquente après 5 ans d’évolution naturelle [14] voir constante après 10 ans.
o Une fracture pseudarthrosée des épines tibiales
o Une ossification para-condylienne médiale de Pelligrini-Stieda témoignant
d’une lésion ancienne du LLI et du LCA par un mécanisme en flexion-valgusrotation externe.
Fig 22 : lésion de Pelligrini-Stieda

Fig 23 : arthrose sur laxité chronique
Après une ligamentoplastie, les clichés simples permettent d’analyser le
positionnement des tunnels osseux. Un défaut de positionnement peut être à l’origine
d’un défaut de contrôle de la laxité ou de conflit chronique qui peuvent aboutir à une
rupture spontanée du greffon.
o Le tunnel fémoral est normalement positionné à l’intersection du toit de
l’échancrure et de la corticale postérieure du fémur. Le problème le plus
fréquent est un positionnement trop antérieur, source de laxité en extension et
de tension en flexion. La plastie est alors inefficace et ne remplit pas le cahier
des charges.
o Le tunnel tibial a une orientation parallèle à la ligne de Blumensaat et son
orifice articulaire s’inscrit dans le deuxième quart antérieur du plateau tibial
[25]. Une localisation top antérieure peut conduire à un conflit entre le greffon
et le toit de l’échancrure, résultant secondairement dans un déficit de
l’extension (flessum) et une rupture spontanée du transplant. Une localisation
trop postérieure conduit à une inefficacité de la plastie avec laxité résiduelle en
extension.
o Les malpositions des tunnels fémoral et tibial peuvent bien entendu être
combinées.
14
Figure 24 : positionnement idéal des tunnels osseux
Fig 25 : tunnel fémoral antérieur
Fig 26 : tunnel tibial antérieur et issue de vis fémorale
B. Les clichés dynamiques
L’amplitude de la laxité antérieure est difficile à quantifier avec précision
manuellement. Des méthodes de mesures radiologiques de cette laxité ont été développées
[18-19] et permettent de réaliser une mesure objective de la laxité antérieure et de laisser un
document radiographique. Ils sont réalisés dans le cadre du bilan pré-opératoire et peuvent
être répétés en post-opératoire pour s’assurer de la correction de la laxité. Ils sont au mieux
réalisés par un appareillage spécifique (Telos).
La mesure radiologique est toujours réalisée sur les 2 genoux et permet de définir la
translation tibiale antérieure constitutionnelle mesurée sur le genou sain, la translation tibiale
antérieure pathologique mesurée sur le genou lésé et la laxité différentielle, différence entre
les 2 genoux [10].
Un tiroir antérieur différentiel supérieur ou égal à 4 mm est hautement significatif
d’une rupture du LCA. L’importance de la laxité objectivée oriente le diagnostic lésionnel
15
vers le type de rupture du LCA, le caractère aigu ou chronique de la lésion et l’association
avec des lésions périphériques.
Les laxités différentielles faibles (4 à 7 mm) sont en faveur d’une rupture ou d’une
cicatrisation partielle.
Dans les laxités différentielles moyennes (8 à10 mm), la rupture du LCA est complète.
Pour les laxités différentielles supérieures à 10 mm, la rupture du LCA est souvent
ancienne et associée à une atteinte des structures périphériques.
Figure 27: clichés dynamiques en tiroir antérieur
C. IRM
Cet examen est le plus souvent réalisé après le diagnostic d’entorse grave du LCA dans
les jours ou les semaines qui suivent l’accident. Dans le cadre des instabilités chroniques, elle
est réalisée après le bilan radiographique en charge. La sensibilité de cet examen est de 100%
[24].

LCA normal
Il est rectiligne, continu, de contours nets avec des insertions fémorale et tibiale en
situation normale. Il est parallèle à la ligne de Blumensaat (toit de l’échancrure) et forme un
angle de 55° avec le plan des plateaux tibiaux.
Figure 28 : LCA normal
16

A la phase aigue
Le ligament présente un hypersignal en T2 focal ou plus souvent diffus témoignant de la
suffusion hémorragique et de l’œdème post-traumatique. Le ligament est déstructuré.
Souvent, aucune structure en hyposignal n’est visible. Parfois, le ligament reste visible mais
apparaît désinséré du fémur avec un trajet horizontalisé (angle < 45°).
Les contusions osseuses associées sont extrêmement fréquentes (79% pour Panisset
[23], 94% des cas pour Vellet [27]) ce qui confirme pour nous la nette prévalence des
mécanismes lésionnels intéressant le LCA et les formations périphériques en particulier le
mécanisme en flexion-valgus-rotation externe. Les contusions osseuses ont d’ailleurs une
valeur prédictive de rupture du LCA [3-15]. Ces lésions siègent préférentiellement sur le
compartiment latéral avec une atteinte postérieure du plateau tibial latéral et antérieure du
condyle latéral par impaction lors de l’accident. Elles sont objectivées par un hyposignal en
T1 et un hypersignal en T2.
Figure 29: lésion récente du LCA et contusion osseuse

A la phase chronique
L’aspect de la cicatrisation ligamentaire en IRM est différent en fonction du type de la
lésion initiale. Il existe une résorption progressive des lésions hémorragiques et oedémateuses
laissant place à un ligament hypertrophique ou le plus souvent atrophique avec parfois une
résorption ligamentaire plus ou moins complète.
Si la lésion initiale était une désinsertion fémorale, l’évolution peut se faire vers une
cicatrisation en nourrice du LCA sur le LCP. En cas de rupture partielle, le ligament peut être
continu mais grêle ou simplement détendu avec un aspect en hamac dans le plan sagittal.
Les contusions osseuses sont plus rares mais peuvent survenir à minima après un accident
d’instabilité.
17
Figure 30 : LCA atrophique (IRM et vue arthroscopique)
Figure 31 : LCA en nourrice sur le LCP (IRM et vue arthroscopique)
7) CLASSIFICATION DES LAXITES ANTERIEURES
A. Laxité antérieure isolée complète
Le test de Lachman et le ressaut sont positifs, le tiroir antérieur est absent. La
translation tibiale antérieure différentielle varie de 4 à 10 mm.
B. Laxité antérieure isolée incomplète
Elles constituent 10 à 28% des lésions fraiches du LCA [1]. Le diagnostic clinique est
parfois difficile : la laxité est souvent peu importante, le Lachman montre un arrêt dur parfois
retardé et le ressaut n’est pas franc mais batard. La cicatrisation en nourrice du LCA sur le
LCP donnera le même tableau clinique. Ce type de laxité est bien supporté, d’autant plus qu’il
existe souvent une diminution de l’activité sportive. Cependant l’évolution vers la rupture
totale est fréquente (38% pour Noyes [22]).
18
C. Laxité antérieure évoluée (lésion chronique)
L’arrêt est mou au test de Lachman, le ressaut est positif et le tiroir antérieur est
présent genou fléchi à 90°. La laxité différentielle au Telos est souvent supérieure à 10 mm.
Sur le plan anatomique, il existe des lésions méniscales et capsulo-ligamentaires internes qui
sont le plus souvent secondaires à de multiples accidents d’instabilité.
D. Laxité antéro-externe
C’est l’association d’une rupture du LCA et d’une lésion du PAPE. La laxité est mixte.
Elle se caractérise par l’existence d’un Lachman arrêt mou, d’un ressaut net et de l’absence de
tiroir antérieur en flexion. On note une augmentation de la rotation externe, une hypermobilité
externe et un recurvatum test de Hughston positif.
Contrairement aux lésions postéro-internes, la lésion postéro-externe est le plus
souvent contemporaine de l’accident initial. L’évolution clinique est toujours défavorable
avec une instabilité invalidante.
E. Laxité antérieure avec pré-arthrose
Les lésions chondrales secondaires prédominent sur la partie postérieure du plateau
tibial interne et la partie antérieure et axiale du condyle interne. Elles sont présentent dans 2/3
des cas après 5 ans d’évolution et pratiquement constantes à 10 ans. L’instabilité reste au
premier plan mais le bilan radiographique met en évidence des signes d’arthrose débutante.
F. Arthrose su laxité antérieure
L’apparition de l’arthrose est quasi inéluctable au cours de l’évolution naturelle de la
rupture du LCA. L’arthrose passe alors au premier plan entrainant douleurs et épanchement
pouvant masquer l’instabilité.
Tableau 1: classification des laxités antérieures
19
8) PRINCIPES DU TRAITEMENT
Le traitement peut être fonctionnel, orthopédique ou chirurgical.
A. Traitement fonctionnel
Le traitement fonctionnel a pour objectif d’éviter les accidents d’instabilité malgré la
laxité antérieure sous-jacente, non seulement grâce au renforcement des ischio-jambiers,
susceptibles de contrôler les rotations, mais aussi grâce à l’amélioration des facultés
proprioceptives des éléments péri-articulaires. Il a une place à part entière dans la stratégie
thérapeutique des lésions du LCA en particulier dans les laxités chroniques chez des patients
ne souhaitant pas d’intervention de stabilisation.
La rééducation est alors immédiate avec une phase initiale basée sur l’antalgie et une
phase secondaire basée sur le renforcement musculaire et le travail proprioceptif.
B. Traitement orthopédique
Le principe de ce traitement est de neutraliser la translation tibiale antérieure résultante
de la rupture du LCA et de l’action du quadriceps. Il s’adresse exclusivement aux lésions
récentes du LCA. On utilise une orthèse thermo-moulée sur mesure neutralisant par contre
pression le tiroir antérieur. Cet appareillage est laissé en place pendant 6 semaines. Le bilan
complémentaire comprend une IRM initiale et une IRM de contrôle à 3 mois permettant de
vérifier la cicatrisation. Ce traitement nous donne des résultats satisfaisants avec 68% de bons
et très bons résultats [26].
Il nous parait particulièrement indiqué chez l’enfant ou l’adolescent (avant la fin de la
croissance) et chez les patients sédentaires ou sportifs occasionnels d’âge mur.
Figure 31 : orthèse thérapeutique
20
Figure 32 : IRM initiale et IRM de contrôle à 3 mois montrant la cicatrisation du LCA
C. Traitement chirurgical
La ligamentoplastie utilise une autogreffe avec une nette prédominance des transplants de
tendon rotulien (technique de Kenneth Jones) et de tendons de la patte d’oie (technique
DIDT).
Elle est dans la majorité des cas pratiquée sous arthroscopie, cette technique peu invasive
permettant de traiter les éventuelles lésions associées (lésions méniscales), d’accélérer la
récupération et de réduire la rançon cicatricielle.
Elle peut faire appel à des techniques de plasties intra-articulaires isolées ou des
techniques mixtes de plasties intra et extra-articulaires qui réalisent un véritable cadrage du
compartiment externe du genou afin de limiter les mouvements de rotation interne et de
mieux contrôler le ressaut. Cette dernière technique a notre préférence [7].
Quelle que soit la technique utilisée, les suites opératoires sont marquées par une
mobilisation immédiate et une rééducation intensive de 3 mois au minimum.
Le traitement chirurgical est indiqué chez le sujet jeune et sportif présentant une instabilité
invalidante pour ses activités sportives ou professionnelles. Il conviendra d’être beaucoup
plus prudent et de privilégier les traitements non chirurgicaux chez les enfants et les patients
sédentaires présentant une instabilité modérée.
21
Figure 33: plastie mixte
Figure 34: plastie intra-articulaire
Figure 35: IRM préopératoire et contrôle à 5 mois (technique personnelle)
22
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