RUPTURE DU LIGAMENT CROISE ANTERIEUR Dr COSTES Stéphane 1 PLAN 1. introduction 2. anatomie et biomécanique 3. mécanisme lésionnel 4. histoire naturelle d’une rupture du LCA 5. examen clinique a. b. c. d. e. signes de laxité antérieure signes de laxité postérieure signes de laxité postéro-externe signes de laxité latérale examen des ménisques 6. imagerie a. radiographies b. clichés dynamiques c. IRM 7. classification des laxités antérieures a. b. c. d. e. f. laxité antérieure isolée complète laxité antérieure isolée incomplète laxité antérieure évoluée laxité antéro-externe laxité antérieure avec pré-arthose arthrose sur laxité antérieure 8. principes du traitement a. traitement fonctionnel b. traitement orthopédique c. traitement chirurgical 1) INTRODUCTION La lésion du ligament croisé antérieur (LCA) du genou est une pathologie extrêmement fréquente. On dénombre en France environ 50 000 ruptures par an. Cette pathologie banale et éminemment chirurgicale est un motif fréquent de consultation. 2) ANATOMIE ET BIOMECANIQUE Le ligament croisé antérieur (LCA) constitue avec le ligament croisé postérieur (LCP) le pivot central du genou. Ce ligament est intra-articulaire et extra-synovial. L’insertion fémorale du LCA se fait sur la face axiale du condyle latéral en arrière de l’intersection entre la ligne du toit de l’échancrure et la corticale métaphysaire postérieure. 2 L’insertion tibiale est plus large, en éventail et recouvre la surface pré-spinale en continuité de surface avec l’épine tibiale médiale et le plateau tibial médial. Figure 1 : anatomie du genou Figure 2 : les 2 faisceaux du LCA Le LCA est formé de 2 faisceaux plus ou moins distincts anatomiquement. Le faisceau antéro-médial constitue la partie supérieure de l’insertion fémorale, la partie antérieure du ligament et la partie antérieure de l’insertion tibiale. C’est le plus long, le plus isométrique et le plus exposé aux traumatismes. Il est tendu en flexion du genou et contrôle la laxité antérieure. Le faisceau postéro-latéral est tendu en extension, contrôle la rotation interne et peut être préservé dans les ruptures partielles du LCA. La stabilité du genou est également assurée par les structures périphériques en particulier au niveau du compartiment externe où la congruence articulaire est faible et le déplacement du condyle externe est important. La stabilisation antéro-latérale est assurée par la capsule articulaire et surtout le tractus ilio-tibial (ou fibres de Kaplan). La stabilisation postéro-latérale est assurée par le point d’angle postéro-externe (PAPE) et par le faisceau postéro-latéral du LCA. En extension, le genou est parfaitement stable car le condyle externe repose sur le versant antérieur de la convexité du plateau tibial externe et la tension de tous les ligaments (LCA, LCP, ligaments latéraux) interdit toute rotation interne. En flexion, le LCA se détend légèrement car son insertion fémorale est située légèrement en arrière de l’axe de flexion extension du genou. Il existe physiologiquement un léger tiroir antérieur en flexion. Il en est de même pour la laxité externe. Par contre il n’existe jamais de laxité interne ou de tiroir postérieur. En cas de rupture du LCA, dans les premiers degrés de flexion, une rotation interne associée à l’action sub-luxante du quadriceps, peut provoquer une sub-luxation antérieure du 3 plateau tibial externe. C’est le ressaut rotatoire, proche de l’extension, le condyle externe reposant alors sur la convexité postérieure du plateau tibial externe. Mais, à 40° de flexion, le biceps fémoral et le tenseur du fascia lata deviennent alors rotateurs externes et fléchisseurs, rappelant le plateau tibial externe en arrière, et réduisant le déplacement. C’est le symptôme ressenti par le patient sous la forme d’une instabilité et d’une douleur, chaque fois que son genou est surpris en rotation interne, proche de l’extension. 3) MECANISME LESIONNEL La lésion du LCA est le plus souvent due (85% des cas) à un traumatisme sportif (sport en pivot contact ou pivot sans contact) mais peut être secondaire à un accident domestique, un accident du travail ou un accident de la voie publique. Le craquement au moment de l’accident est un signe de gravité, de même que l’hémarthrose contrairement à la douleur. On distinguera des mécanismes provoquant des lésions isolées du LCA et des mécanismes plus fréquents associant lésion du LCA et lésions des formations périphériques. A. Mécanismes provoquant des lésions isolées du LCA Elles sont dues à des contraintes de translation pure postéro-antérieure du tibia par rapport au fémur. Ce peut être : Hyper-extension violente non appuyée C’est le cas d’un shoot dans le vide qui associe une translation antérieure du tibia par la contraction violente du quadriceps et la mise en tension du LCA par la partie antérieure de l’échancrure qui crée un véritable « chevalet » lésant le LCA. Figures 3 : mécanisme en hyper-extension 4 Contrainte postéro-antérieure du tibia Elle peut secondaire à un traumatisme sportif (placage au rugby, tacle au football, arrivée d’un télésiège avec impact postérieur du siège) ou un accident de la voie publique. B. Mécanismes provoquant des lésions du LCA et des formations périphériques Accident en flexion-valgus-rotation externe C’est un mécanisme très fréquent en traumatologie sportive (tacle chez le footballeur en train de faire une passe, chute à ski). Ce mouvement lèse en premier les éléments périphériques (LLI, PAPI, ménisque interne) puis le LCA. Figure 4 : mécanisme en flexion-valgus-rotation externe Figure 5 : aspect clinique Accident en flexion-varus-rotation interne Il peut se voir par exemple lors d’un placage au rugby, une réception de saut sur le pied d’un autre joueur ou une chute de moto. Il lèse en premier les formations antéro-externes puis le LCA. Figures 6 : mécanisme en flexion-varus-rotation interne 5 Figure 7 : lésion complète du LCA associée à une lésion des formations antéro-externes (fibres de Kaplan) 4) HISTOIRE NATURELLE D’UNE RUPTURE COMPLETE DU LCA Les forces appliquées au niveau du genou, au cours de la phase monopodale de la marche, sont décomposées dans le plan sagittal en deux composantes : une force de compression verticale et une force de cisaillement tendant à translater le tibia en avant. Le principal frein à la force de cisaillement est le LCA. C’est un stabilisateur passif qui limite la translation tibiale antérieure. Après une rupture du LCA, on observe une augmentation de la translation tibiale antérieure et de ce fait un déplacement des forces de compression à la partie postérieure des plateaux tibiaux [1]. Cette translation s’accompagne avec le temps, ou lors d’accident d’instabilité de lésions méniscales internes postérieures, de lésions ostéochondrales du condyle interne et d’une distension progressive du PAPI aboutissant à une double instabilité, à la fois antéro-externe et postéro-interne. Cette laxité globale va entrainer dans des délais variables une lésion de la corne postérieure du ménisque interne qui était la cale limitant le tiroir antérieur. Lambin [16] retrouve 30% de lésions du ménisque interne et 7% de lésions du ménisque externe 2 ans après l’entorse initiale. Celles-ci atteignent 60% pour le ménisque interne et 15% pour le ménisque externe à 10 ans. La rupture de la corne postérieure du ménisque interne marque un tournant évolutif dans l’histoire naturelle des laxités antérieures chroniques. Après le LCA, le ménisque interne, deuxième frein à la translation tibiale antérieure lésé, autorise une translation non seulement en extension mais aussi en flexion avec un tiroir antérieur à 90° de flexion positif. Dans ce cas, une méniscectomie isolée va encore aggraver la laxité. De même, le revêtement cartilagineux évolue habituellement vers une destruction du fait de mouvements anormaux qui vont mettre en contact brutalement les surfaces articulaires. Par ailleurs, la translation tibiale antérieure en appui monopodal génère et concentre les contraintes à la partie postérieure du plateau tibial interne et entraîne des lésions cartilagineuses fémoro-tibiales internes. Cette évolution inéluctable vers l’arthrose, qui peut être très invalidante, touche à la fois l’articulation fémoro-patellaire (hyperpression interne) et l’articulation fémoro-tibiale interne. Elle est très clairement favorisée par une méniscectomie isolée sans reconstruction du LCA. Dejour [9] rapporte 100% d’arthrose 27 ans après la méniscectomie. Malgré tout, cette 6 arthrose n’est que très lentement évolutive et symptomatique. Il estime que dans 75% des cas, elle ne pose de réels problèmes que 35 ans après le traumatisme initial. Les arthroses précoces survenant avant 10 ans après l’accident initial sont le plus souvent dues aux échecs et aux insuffisances du traitement chirurgical. En conclusion, une rupture du LCA va entrainer, dans des délais variables, une lésion du ménisque interne et une arthrose précoce [1-9]. Cette histoire naturelle explique en partie l’évolution actuelle vers un élargissement des indications chirurgicales de stabilisation du genou par ligamentoplastie et de chirurgie conservatrice des ménisques par suture méniscale. A B Figure 8 : lésions méniscales (A : aspect à l’IRM, B : vues arthroscopiques) Figure 9 : arthrose sur laxité antérieure chronique 5) EXAMEN CLINIQUE 7 L’examen clinique du genou est toujours bilatéral et comparatif. A. Les signes de laxité antérieure Le test de Lachman L’examen est effectué sur un genou déverrouillé à 20° de flexion. Le talon repose sur la table d’examen. L’examinateur empaume le tibia, le pouce étant placé sur la tubérosité tibiale antérieure. L’autre main maintient la cuisse au-dessus de la rotule. La main tibiale imprime subitement une translation tibiale antérieure. Si cette translation s’arrête brutalement, on parle de Lachman arrêt dur et l’examen est alors normal. Dans le cas contraire l’arrêt est mou. Le Lachman arrêt mou est pathognomonique d’une rupture du LCA. Parfois l’arrêt est dur, mais le jeu articulaire est asymétrique. On parle alors d’arrêt dur retardé qui peut traduire une cicatrisation en nourrice du LCA sur le LCP ou une ligamentoplastie distendue. Figure 10 : test de Lachman Le ressaut Le ressaut est un signe sémiologique de rupture du LCA du à une subite sub-luxation antérieure et rotatoire interne du plateau tibial externe lorsque le genou est proche de l’extension, avec réduction par un phénomène de rappel quand le genou revient à 30 ou 40° de flexion. De nombreuses techniques ont été décrites pour la recherche de ce ressaut condylien externe. Nous utilisons le test du « pivot shift » de Mac Intosh [12] décrit par ce dernier après une phrase révélatrice d’un de ses patients joueur de hockey lui ayant dit : « when I pivote my knee shifts ». Le patient est en décubitus dorsal, l’examinateur du coté du membre à examiner. D’une main, il saisit le pied en imprimant une légère rotation (interne puis externe). L’autre main applique une contrainte en valgus forcé sur la face externe de l’extrémité supérieure de la jambe. A 30° de flexion, on assiste à une réduction de la sub-luxation antérieure du plateau tibial externe avec un ressaut caractéristique que le patient reconnaît. Ce ressaut peut être qualifié d’ébauché (ou bâtard), de franc ou d’explosif. Un ressaut explosif en rotation interne et rotation externe sera en faveur d’une laxité antérieure chronique évoluée. 8 Figure 11 : ressaut ou pivot shift de Mac Intosh Le tiroir antérieur à 90° de flexion ou tiroir antérieur direct Sa positivité traduit, outre la rupture du LCA, la présence de lésions associées méniscales ou capsulo-ligamentaires postéro-internes. Elles peuvent être contemporaines de l’accident ou survenir progressivement, par sollicitation excessive et permanente des freins secondaires dans les laxités antérieures chroniques évoluées. Il est donc négatif dans la lésion fraîche isolée du LCA. L’examinateur s’assoit sur le pied du patient, le genou à 90° de flexion. Les deux mains impriment une translation antérieure, les 2 pouces étant placés sur la TTA pour quantifier le déplacement en mm. B. Les signes de laxité postérieure L’inspection est dans ce cas très importante. Le patient est placé en décubitus dorsal, les 2 genoux fléchis à 90°, pieds reposant sur la table d’examen. On observe, du coté lésé, un avalement de la tubérosité tibiale antérieure, le patient présentant un tiroir postérieur spontané. Le tiroir postérieur direct se recherche dans la même position que le tiroir antérieur direct. Dans ce cas, on observe un recul des plateaux tibiaux signant une rupture du ligament croisé postérieur. Il faut faire attention de ne pas confondre la réduction d’un tiroir postérieur avec un tiroir antérieur, d’où l’importance de l’inspection préalable. 9 Figure 12 : avalement de la TTA Figure 13 : tiroir postérieur C. Les signes de laxité postéro-externe Ils traduisent une lésion du point d’angle postéro-externe (PAPE). Il est formé par le chef latéral du muscle gastrocnémien, la coque condylienne postéro-latérale, la corne postérieure du ménisque latéral, le muscle poplité, le ligament poplitéo-fibulaire, le ligament fabello-fibulaire, le ligament poplité arqué et le tractus ilio-tibial. Le PAPE contrôle la rotation externe du genou. Son atteinte est rarement isolée (1,6% des cas) et, le plus souvent, elle est associée à une lésion du pivot central (faisceau postérieur du LCA ou LCP) [8]. Elle peut être secondaire à un mécanisme en hyper-rotation externe, genou en extension ou aux mécanismes habituellement rencontrés dans les ruptures du LCA lorsque ces mécanismes sont extrêmes. Cette entité anatomique et fonctionnelle est mal connue et difficile à mettre en évidence par les examens complémentaires. L’examen clinique a dans ce cas une importance capitale. La méconnaissance d’une lésion du PAPE associée à une lésion du LCA sera source d’échec de la ligamentoplastie [8]. Hypermobilité externe Décrite par Bousquet [2], elle traduit un déplacement important du plateau tibial externe en arrière et en avant. Sujet est en décubitus dorsal, genou à 60° de flexion, rotation libre, on exerce une pression postérieure sur le plateau tibial externe. Il apparaît une hyperrotation externe du pied par translation postérieure et rotation externe du tibia. Elle peut être ou non associée à une lésion du LCA. 10 Figure 14 : hypermobilité externe Test de récurvatum-rotation externe de Hughston [13] L’examinateur, placé en bout de table, saisit les 2 gros orteils du patient. Du coté lésé, il apparaît un récurvatum et un varus. Ce test témoigne d’une laxité postéro-externe mais il n’est présent que s’il existe une rupture associée du LCA. Figure 15 : test de Hughston D. Les signes de laxité latérale 11 Ils sont recherchés en extension et à 30° de flexion et témoignent de la lésion des ligaments latéraux. On imprime alternativement un mouvement de varus et de valgus forcé. Toute laxité interne en extension est pathologique. Une légère laxité externe est physiologique mais son caractère asymétrique est pathologique. Figure 16 : testing de la laxité latérale E. L’examen des ménisques A l’inspection, on recherchera toujours un déficit d’extension (flessum) irréductible témoin d’une lésion méniscale en anse de sceau. On réalisera une palpation des 2 interlignes articulaires d’arrière en avant qui entrainera une douleur aigue, en général au niveau de la corne postérieure, si le ménisque est lésé. Le « Grinding test » se réalise en décubitus ventral. On applique une compression verticale à 90° de flexion (mise en compression des cornes postérieures des ménisques) et on y associe une rotation interne puis une rotation externe. Une douleur réveillée en rotation externe signe une lésion de la corne postérieure du ménisque interne et inversement pour le ménisque externe. Figure 17 : palpation de l’interligne Figure 18 : Grinding test 12 6) IMAGERIE A. Radiographies simples Elles sont systématiques au stade aigu comme au stade chronique. Au stade aigu, on recherchera : o Un épanchement articulaire o Une fracture de Segond, visible sur le cliché de face, rare mais pathognomonique de la rupture du LCA, correspondant à une avulsion osseuse de l’insertion tibiale de la capsule latérale. o Une avulsion de la surface pré-spinale et de l’épine tibiale antérieure témoignant d’une lésion au niveau de l’insertion tibiale du LCA. Cette lésion est fréquente chez l’enfant et l’adolescent, rare chez l’adulte. o Une avulsion osseuse du plateau tibial médial [5] pouvant correspondre à une avulsion du tendon direct du semi-membraneux très évocatrice d’une rupture du LCA. Fig. 19 : épanchement articulaire Fig. 21 : avulsion du plateau tibial médial Fig. 20 : fracture de Segond Fig. 22 : fracture de l’épine tibiale antérieure 13 Au stade de laxité chronique, on recherche surtout sur l’incidence en schuss : o Des remaniements arthrosiques notamment après 40 ans ou si la laxité est ancienne. L’atteinte chondrale est préférentiellement localisée en arrière du plateau tibial médial et en avant sur le condyle médial. Cette évolution est très fréquente après 5 ans d’évolution naturelle [14] voir constante après 10 ans. o Une fracture pseudarthrosée des épines tibiales o Une ossification para-condylienne médiale de Pelligrini-Stieda témoignant d’une lésion ancienne du LLI et du LCA par un mécanisme en flexion-valgusrotation externe. Fig 22 : lésion de Pelligrini-Stieda Fig 23 : arthrose sur laxité chronique Après une ligamentoplastie, les clichés simples permettent d’analyser le positionnement des tunnels osseux. Un défaut de positionnement peut être à l’origine d’un défaut de contrôle de la laxité ou de conflit chronique qui peuvent aboutir à une rupture spontanée du greffon. o Le tunnel fémoral est normalement positionné à l’intersection du toit de l’échancrure et de la corticale postérieure du fémur. Le problème le plus fréquent est un positionnement trop antérieur, source de laxité en extension et de tension en flexion. La plastie est alors inefficace et ne remplit pas le cahier des charges. o Le tunnel tibial a une orientation parallèle à la ligne de Blumensaat et son orifice articulaire s’inscrit dans le deuxième quart antérieur du plateau tibial [25]. Une localisation top antérieure peut conduire à un conflit entre le greffon et le toit de l’échancrure, résultant secondairement dans un déficit de l’extension (flessum) et une rupture spontanée du transplant. Une localisation trop postérieure conduit à une inefficacité de la plastie avec laxité résiduelle en extension. o Les malpositions des tunnels fémoral et tibial peuvent bien entendu être combinées. 14 Figure 24 : positionnement idéal des tunnels osseux Fig 25 : tunnel fémoral antérieur Fig 26 : tunnel tibial antérieur et issue de vis fémorale B. Les clichés dynamiques L’amplitude de la laxité antérieure est difficile à quantifier avec précision manuellement. Des méthodes de mesures radiologiques de cette laxité ont été développées [18-19] et permettent de réaliser une mesure objective de la laxité antérieure et de laisser un document radiographique. Ils sont réalisés dans le cadre du bilan pré-opératoire et peuvent être répétés en post-opératoire pour s’assurer de la correction de la laxité. Ils sont au mieux réalisés par un appareillage spécifique (Telos). La mesure radiologique est toujours réalisée sur les 2 genoux et permet de définir la translation tibiale antérieure constitutionnelle mesurée sur le genou sain, la translation tibiale antérieure pathologique mesurée sur le genou lésé et la laxité différentielle, différence entre les 2 genoux [10]. Un tiroir antérieur différentiel supérieur ou égal à 4 mm est hautement significatif d’une rupture du LCA. L’importance de la laxité objectivée oriente le diagnostic lésionnel 15 vers le type de rupture du LCA, le caractère aigu ou chronique de la lésion et l’association avec des lésions périphériques. Les laxités différentielles faibles (4 à 7 mm) sont en faveur d’une rupture ou d’une cicatrisation partielle. Dans les laxités différentielles moyennes (8 à10 mm), la rupture du LCA est complète. Pour les laxités différentielles supérieures à 10 mm, la rupture du LCA est souvent ancienne et associée à une atteinte des structures périphériques. Figure 27: clichés dynamiques en tiroir antérieur C. IRM Cet examen est le plus souvent réalisé après le diagnostic d’entorse grave du LCA dans les jours ou les semaines qui suivent l’accident. Dans le cadre des instabilités chroniques, elle est réalisée après le bilan radiographique en charge. La sensibilité de cet examen est de 100% [24]. LCA normal Il est rectiligne, continu, de contours nets avec des insertions fémorale et tibiale en situation normale. Il est parallèle à la ligne de Blumensaat (toit de l’échancrure) et forme un angle de 55° avec le plan des plateaux tibiaux. Figure 28 : LCA normal 16 A la phase aigue Le ligament présente un hypersignal en T2 focal ou plus souvent diffus témoignant de la suffusion hémorragique et de l’œdème post-traumatique. Le ligament est déstructuré. Souvent, aucune structure en hyposignal n’est visible. Parfois, le ligament reste visible mais apparaît désinséré du fémur avec un trajet horizontalisé (angle < 45°). Les contusions osseuses associées sont extrêmement fréquentes (79% pour Panisset [23], 94% des cas pour Vellet [27]) ce qui confirme pour nous la nette prévalence des mécanismes lésionnels intéressant le LCA et les formations périphériques en particulier le mécanisme en flexion-valgus-rotation externe. Les contusions osseuses ont d’ailleurs une valeur prédictive de rupture du LCA [3-15]. Ces lésions siègent préférentiellement sur le compartiment latéral avec une atteinte postérieure du plateau tibial latéral et antérieure du condyle latéral par impaction lors de l’accident. Elles sont objectivées par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2. Figure 29: lésion récente du LCA et contusion osseuse A la phase chronique L’aspect de la cicatrisation ligamentaire en IRM est différent en fonction du type de la lésion initiale. Il existe une résorption progressive des lésions hémorragiques et oedémateuses laissant place à un ligament hypertrophique ou le plus souvent atrophique avec parfois une résorption ligamentaire plus ou moins complète. Si la lésion initiale était une désinsertion fémorale, l’évolution peut se faire vers une cicatrisation en nourrice du LCA sur le LCP. En cas de rupture partielle, le ligament peut être continu mais grêle ou simplement détendu avec un aspect en hamac dans le plan sagittal. Les contusions osseuses sont plus rares mais peuvent survenir à minima après un accident d’instabilité. 17 Figure 30 : LCA atrophique (IRM et vue arthroscopique) Figure 31 : LCA en nourrice sur le LCP (IRM et vue arthroscopique) 7) CLASSIFICATION DES LAXITES ANTERIEURES A. Laxité antérieure isolée complète Le test de Lachman et le ressaut sont positifs, le tiroir antérieur est absent. La translation tibiale antérieure différentielle varie de 4 à 10 mm. B. Laxité antérieure isolée incomplète Elles constituent 10 à 28% des lésions fraiches du LCA [1]. Le diagnostic clinique est parfois difficile : la laxité est souvent peu importante, le Lachman montre un arrêt dur parfois retardé et le ressaut n’est pas franc mais batard. La cicatrisation en nourrice du LCA sur le LCP donnera le même tableau clinique. Ce type de laxité est bien supporté, d’autant plus qu’il existe souvent une diminution de l’activité sportive. Cependant l’évolution vers la rupture totale est fréquente (38% pour Noyes [22]). 18 C. Laxité antérieure évoluée (lésion chronique) L’arrêt est mou au test de Lachman, le ressaut est positif et le tiroir antérieur est présent genou fléchi à 90°. La laxité différentielle au Telos est souvent supérieure à 10 mm. Sur le plan anatomique, il existe des lésions méniscales et capsulo-ligamentaires internes qui sont le plus souvent secondaires à de multiples accidents d’instabilité. D. Laxité antéro-externe C’est l’association d’une rupture du LCA et d’une lésion du PAPE. La laxité est mixte. Elle se caractérise par l’existence d’un Lachman arrêt mou, d’un ressaut net et de l’absence de tiroir antérieur en flexion. On note une augmentation de la rotation externe, une hypermobilité externe et un recurvatum test de Hughston positif. Contrairement aux lésions postéro-internes, la lésion postéro-externe est le plus souvent contemporaine de l’accident initial. L’évolution clinique est toujours défavorable avec une instabilité invalidante. E. Laxité antérieure avec pré-arthrose Les lésions chondrales secondaires prédominent sur la partie postérieure du plateau tibial interne et la partie antérieure et axiale du condyle interne. Elles sont présentent dans 2/3 des cas après 5 ans d’évolution et pratiquement constantes à 10 ans. L’instabilité reste au premier plan mais le bilan radiographique met en évidence des signes d’arthrose débutante. F. Arthrose su laxité antérieure L’apparition de l’arthrose est quasi inéluctable au cours de l’évolution naturelle de la rupture du LCA. L’arthrose passe alors au premier plan entrainant douleurs et épanchement pouvant masquer l’instabilité. Tableau 1: classification des laxités antérieures 19 8) PRINCIPES DU TRAITEMENT Le traitement peut être fonctionnel, orthopédique ou chirurgical. A. Traitement fonctionnel Le traitement fonctionnel a pour objectif d’éviter les accidents d’instabilité malgré la laxité antérieure sous-jacente, non seulement grâce au renforcement des ischio-jambiers, susceptibles de contrôler les rotations, mais aussi grâce à l’amélioration des facultés proprioceptives des éléments péri-articulaires. Il a une place à part entière dans la stratégie thérapeutique des lésions du LCA en particulier dans les laxités chroniques chez des patients ne souhaitant pas d’intervention de stabilisation. La rééducation est alors immédiate avec une phase initiale basée sur l’antalgie et une phase secondaire basée sur le renforcement musculaire et le travail proprioceptif. B. Traitement orthopédique Le principe de ce traitement est de neutraliser la translation tibiale antérieure résultante de la rupture du LCA et de l’action du quadriceps. Il s’adresse exclusivement aux lésions récentes du LCA. On utilise une orthèse thermo-moulée sur mesure neutralisant par contre pression le tiroir antérieur. Cet appareillage est laissé en place pendant 6 semaines. Le bilan complémentaire comprend une IRM initiale et une IRM de contrôle à 3 mois permettant de vérifier la cicatrisation. Ce traitement nous donne des résultats satisfaisants avec 68% de bons et très bons résultats [26]. Il nous parait particulièrement indiqué chez l’enfant ou l’adolescent (avant la fin de la croissance) et chez les patients sédentaires ou sportifs occasionnels d’âge mur. Figure 31 : orthèse thérapeutique 20 Figure 32 : IRM initiale et IRM de contrôle à 3 mois montrant la cicatrisation du LCA C. Traitement chirurgical La ligamentoplastie utilise une autogreffe avec une nette prédominance des transplants de tendon rotulien (technique de Kenneth Jones) et de tendons de la patte d’oie (technique DIDT). Elle est dans la majorité des cas pratiquée sous arthroscopie, cette technique peu invasive permettant de traiter les éventuelles lésions associées (lésions méniscales), d’accélérer la récupération et de réduire la rançon cicatricielle. Elle peut faire appel à des techniques de plasties intra-articulaires isolées ou des techniques mixtes de plasties intra et extra-articulaires qui réalisent un véritable cadrage du compartiment externe du genou afin de limiter les mouvements de rotation interne et de mieux contrôler le ressaut. Cette dernière technique a notre préférence [7]. Quelle que soit la technique utilisée, les suites opératoires sont marquées par une mobilisation immédiate et une rééducation intensive de 3 mois au minimum. Le traitement chirurgical est indiqué chez le sujet jeune et sportif présentant une instabilité invalidante pour ses activités sportives ou professionnelles. Il conviendra d’être beaucoup plus prudent et de privilégier les traitements non chirurgicaux chez les enfants et les patients sédentaires présentant une instabilité modérée. 21 Figure 33: plastie mixte Figure 34: plastie intra-articulaire Figure 35: IRM préopératoire et contrôle à 5 mois (technique personnelle) 22