Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Hermès-Lavoisier, 2003 Pour moi, quand j'ai désiré apprendre, c'était pour savoir moi-même et non pas pour enseigner : j'ai toujours cru qu'avant d'instruire les autres il fallait commencer par savoir assez pour soi, et de toutes les études que j'ai tâché de faire pendant ma vie au milieu des hommes, il n 'y en a guère d'études que je n’aurais faites de la même manière, seul dans une île de déserte où j'aurais été confiné pour le restant de mes jours. Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire. Préface Positionné à Ultima Thule, traduisez en Norvège, mais élevé et « formé » dans la capitale des Gaules, on a estimé que je pourrais apporter un éclairage externe sur les contributions des chercheurs et acteurs français présentées dans cet ouvrage. Cet éclairage devrait aider le lecteur à situer les contours de cette « école française de l'autoformation et de l'autonomie de l'apprentissage » au sein d'un décor plus vaste. Il ne s'agit donc ni de faire l'apologie des points de vues développés dans ces contributions, ni de prouver leur pertinence à être adoptés ailleurs, ni même de les comparer à d'autres variantes en Europe et Outre-Atlantique. Vue de Scandinavie où l'héritage de Grundtvig qui, au début du dixneuvième siècle, lança la vision de l'université populaire (folkehojskole) en réaction contre « l'école noire », imprègne encore les comportements pédagogiques et la trame sociale (je ne mentionnerai en passant que le concept de selvforvaltning - gestion de soi-même), une telle comparaison aurait été pourtant tentante. 14 Autoformation et enseignement supérieur Je préférerais en guise de préface passer au crible la terminologie consacrée de l'Union européenne en matière de formation et présenter certaines surfaces de contact entre les thèses développées dans Autoformation et enseignement supérieur et la genèse des politiques communautaires de la formation. Un tel exercice, je l'espère, mettra en valeur le potentiel des idées porteuses de cet ouvrage à influer sur le cours des politiques et pratiques européennes. L'hypothèse sous-jacente de cette préface est : a) que la vision de l'autonomie de l'apprenant est apparemment mieux reflétée dans la vision communautaire de la formation que dans les politiques nationales en vigueur , b) que les pressions cruciales sur ces politiques nationales quelque peu inhibées en matière de pédagogie de l'enseignement supérieur proviennent et proviendront avant tout des initiatives européennes et bien sûr des acteurs et utilisateurs à la base ; mais c) qu'une lecture critique des thèmes de l'autonomie dans les visions communautaires s'impose. Il serait fort utile de rappeler d'emblée au lecteur les trois thèmes distincts mais complémentaires du catéchisme communautaire en matière de formation qui s'appliquent à l'enseignement supérieur. Le premier thème se réfère à un programme humaniste qui, on s'en doute, souligne l'importance de la culture (donc de l'héritage culturel, du patrimoine et des acquis artistiques) et la compréhension interculturelle. Un tel horizon humaniste confère aux politiques éducatives de l'Union européenne leur caractère distinctivement européen. Le Traité d'Amsterdam se déclare ainsi « désireux d'approfondir la solidarité entre leurs peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions ». Le second développe un discours social qui insiste sur la nécessité d'augmenter la capacité des citoyens à « intervenir et à participer » (citizen empowerment). Ainsi les ministres de l'éducation et de la culture, réunis les 11 et 12 novembre 2002, conviennent que « l'éducation et la formation sont des instruments indispensables pour promouvoir la capacité d'insertion professionnelle, la cohésion sociale, la citoyenneté active ainsi que l'épanouissement personnel et professionnel »1. Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Hermès-Lavoisier, 2003 Le troisième, ambitionne de favoriser l'accroissement des compétences formelles et réelles qui permettront l'avènement d'une Europe globalement compétitive. Par-delà, on entrevoit que « la transition vers une économie de la connaissance capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale crée de nouveaux défis en matière de développement des ressources humaines »1.Comme on peut s'y attendre, le lien qui unit le registre culturel aux deux autres s'avère être plutôt ténu et 1. 2.461e session du Conseil, Éducation, Jeunesse et Culture. Bruxelles, les 11 et 12 novembre 2002, Press Release, Bruxelles (12/11/2002) - Press : 340 N° 13747/02. Préface 15 souvent peu crédible. Au gré des humeurs et velléités de Bruxelles, il est parfois omis, parfois inclus dans les longues listes de « considérants ». En contraste, les auteurs des mêmes documents font maintes contorsions rhétoriques visant à persuader le public que les thèmes de la cohésion sociale et de la croissance économique sont positivement complémentaires. Afin d'éviter un cloisonnement de ces thématiques, Bruxelles doit renouveler constamment l'énonciation des textes officiels en se réclamant des dynamiques de la « flexibilité » et de la « mobilité » qui, à en croire leurs auteurs, expriment une réalité technico-économique incontournable. Potentiellement conflictuelles, ces deux notions sont présentées simultanément comme socialement et économiquement compatibles et convertibles, alliant espoir et menace, demande et offre, liberté et contrainte, autonomie et hétéronomie. Face aux microruptures, aux glissements sémantiques, à l'émergence de nouvelles sensibilités, les paradigmes de la flexibilité et de la mobilité sont constamment l'objet de multiples remaniements, refontes, recontextualisations, ajustements sémantiques, qui espère-t-on, contribueront à les humaniser et à les réactualiser. L'adaptabilité des individus aux demandes, évolutions et fluctuations du marché doit, dans cette optique, passer obligatoirement par leur « flexibilisation » et leur « mise en mobilité ». La « flexibilité des conditions » de travail doit s'accompagner d'une flexibilité des projets individuels et de l'apparition d'une « culture de la flexibilité ». La vision proposée ne se confine pas dans des considérations purement instrumentales de la «prise en charge de soi» (par exemple: décharge de la responsabilité des institutions qui délèguent la responsabilité de l'échec à l'apprenant), mais voit dans cette plénitude du citoyen apprenant une voie royale permettant de prévenir conflits et tensions sociales. Les notions-clés d'apprentissage tout au long de la vie, d'économie de la connaissance, de cohésion sociale et de croissance économique forment les piliers d'angle de la construction européenne de l'éducation. Pour que ce scénario non conflictuel de convergence entre culture, marché et enseignement puisse être réalisé, des actions communautaires invitent le monde de l'enseignement en général, et celui de l'enseignement supérieur en particulier, à développer de nouveaux modes d'apprentissage, de coopération et de mobilité. A en croire le corpus de textes communautaires, émergera progressivement, pas à pas, projet par projet, par le truchement d'« effets de synergies », ce nouveau citoyen européen passablement cultivé, en parfaite possession de ses moyens d'apprentissage, participant à l'économie des connaissances, épanoui dans un environnement par ailleurs férocement compétitif et fluide, passablement libéré des contraintes sociales, culturelles et ethniques. N'ayant visiblement pas encore atteint cet état de grâce, mais oeuvrant pour atteindre ces objectifs, les ministres de l'éducation et de la culture notent au passage « qu'il faut continuer à coopérer 16 Autoformation et enseignement supérieur davantage en matière d'éducation et de formation professionnelles à tous les niveaux, y compris dans le cadre de l'apprentissage formel et non formel, dans une perspective d'éducation et de formation tout au long de la vie », soulignant la nécessité de liens appropriés entre l'éducation et la formation initiales et continues et à « diffuser les meilleures pratiques ». Quelle aubaine pour l'autoformation ! Un observateur critique ne manquera pas de noter l'absence de perspective critique dans ce scénario. Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Hermès-Lavoisier, 2003 Oubliée donc la « cage de fer de la rationalité » de Max Weber, enterrée l'aliénation des marxistes, honnie l'horreur économique des anti-mondialistes, abrogé l'envers du tableau de Philippe Meirieu. Les grandes perspectives apocalyptiques sont laissées aux philosophes et sociologues. La politique des petits pas positifs qui devraient faire bouger les choses dans la bonne direction remplace l'interventionnisme par le haut. D'où l'intérêt porté aux approches centrées sur l'individu. La politique de l'Union européenne en matière de formation ne se borne pas, comme on pourrait le soupçonner, à en énoncer des principes généraux. Les diverses actions engagées, initiatives annoncées et programmes financés reflètent un désir d'impulser des pratiques concrètes sur le terrain dans un climat d'urgence caractéristique de ce nouvel « objet politique » que constitue la Commission européenne2. Privée de pouvoir d'ingérence dans les politiques et les législatures nationales en matière de formation, la mise en oeuvre des objectifs énoncés ci-dessus force l'Union européenne à agir par le bas en mobilisant divers acteurs du monde de la formation par le truchement d'actions et d'initiatives ciblées. C'est précisément cette logique de mise en oeuvre qui a favorisé une certaine sympathie des eurocrates envers les visions de l'apprentissage autogéré, de l'autonomie de l'apprenant et de la didactique centrée sur l'apprenant dans les politiques et stratégies communautaires. Bon nombre de projets de coopération universitaire acceptés et financés par la Commission européenne se sont réclamés, de loin ou de près, du centrage sur l'apprentissage ou sur l'apprenant. Les initiatives dans le domaine de la FOAD universitaire, diverses expérimentations de campus « virtuels » ou « numériques », et celles plus récentes dans le domaine du e-learning universitaire opèrent d'après une vision canonique de la facilitation de l'apprentissage et de la prise en charge par l'apprenant de son apprentissage. Fidèle à une culture du compromis entre marché, société et culture, les thèmes du corporate training intimement liés à la nouvelle corporate governance cohabitent avec les visions culturelles et sociales de la « culture générale » dans l'argumentaire de Bruxelles. Cette sympathie apparente envers certains aspects de la prise en charge 2. Marc Abélès, En attente d'Europe, Débat avec Jean-Louis Bourlanges, Hachette, Coll. Questions de politique. Paris, 1996. Voir aussi : Marc Abélès et Irène Bellier. « La Commission Européenne : du compromis culturel à la politique culturelle du compromis », Revue Française de Science Politique, n° 46, p. 431-456, 1996. Préface 17 de l'apprenant par soi-même et la mise en priorité de la dynamique de l'apprentissage (learning) est facilitée par l'impact croissant des méthodes qualitatives, par exemple du total quality management (gestion totale de la qualité TQM), de la gestion par objectifs (MBO - management by objectives), et des approches économiques basées sur l'analyse des besoins des utilisateurs/consommateurs (user-centeredness). Elles impliquent cependant une subordination de la dynamique de l'apprentissage centré sur l'apprenant aux logiques organisationnelles et aux méthodes et logistiques, dites de qualité, en vigueur dans le monde de l'entreprise. Les thèmes de l'autonomie de l'apprenant, de l'autoformation et de l'autodidaxie offrent de ce fait un réservoir idéologique aux concepteurs des politiques européennes de l'enseignement supérieur. L'adoption du « lexique » de l'autonomie est facilitée par les multiples points de contact entre les programmes Leonardo et Socrates. Cependant, une telle instrumentalisation de thèmes centraux débattus dans cet ouvrage ne peut se faire sans une réduction drastique de la complexité inhérente aux processus d'autonomisation de l'apprenant dans l'enseignement supérieur. Les nouvelles technologies et diverses variantes du e-learning sont particulièrement propices à fournir le mode opératoire de ces réductions, d'autant plus qu'elles se nourrissent, dans l'optique communautaire, d'une transformation de la demande causée par l'autonomie globale accrue des apprenants. Une lecture comparative des textes communautaires indique cependant que « autonomie accrue de l'apprenant » est souvent synonyme de « liberté de choix du consommateur ». Ainsi, identifiant l'avance des États-Unis dans la commercialisation de l'enseignement supérieur (à distance) et malgré « le dynamisme des universités européennes d'éducation ouverte et à distance », cette avance demeure préoccupante dans un contexte de montée de la compétition dans le domaine de l'offre d'éducation et de formation au niveau Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Hermès-Lavoisier, 2003 international et de l'élaboration d'un modèle de 'franchise'. « L'augmentation des possibilités de choix et l'autonomie accrue des apprenants conduiront à une remise en cause des situations établies »3. En conférant aux NTIC un pouvoir émancipateur et autonomisant, les politiques communautaires espèrent éviter un processus potentiellement douloureux de réorganisation de l'environnement pédagogique de l'enseignement supérieur. En transformant les « situations établies » par le biais de mutations et d'effets de synergies assistés par les NTIC contribueront à élaborer une réponse adéquate à ce qui est présenté comme une réalité incontournable. Ce climat favorable, ancré sur les deux notions de compétitivité et de cohésion sociale, qui s'est précisé au début des années 1980, a permis à Bruxelles de capter divers thèmes issus de courants « autonomistes » plus ou moins apparentés. Très tôt 3. Commission des communautés européennes, Bruxelles. le 27.1.2000, COM(2000) 23 final, Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Penser l'éducation de demain. Promouvoir l'innovation avec les nouvelles technologies. 3.1.2. 18 Autoformation et enseignement supérieur le terrain communautaire devint propice (a) à la réception, formulation et élaboration d'une politique anti-dirigiste de la formation et de l'enseignement et (b) aux pratiques expérimentales sur le terrain. Ceci explique en partie pourquoi certains thèmes de la formation permanente développés par Jacques Delors4 eurent un impact sur les politiques de la formation après son accession au poste de président de la Commission européenne en 1985. Les thèmes porteurs de l'apprentissage autonome étaient déjà présents en partie, ce fut une heureuse conjoncture, dès la parution du rapport sur la formation des adultes un an auparavant. Depuis, l'adoption sélective d'approches « autonomistes » n'a fait que se préciser, ne laissant aucun doute aux États membres quant aux préférences de Bruxelles en matière de pédagogie pour les adultes en général, et plus particulièrement, en matière de pédagogie universitaire. C'est pourquoi, quand le Conseil de l'Éducation, Jeunesse et Culture s'engage, en 2002, à « encourager les innovations dans l'élaboration de pratiques et de matériels pédagogiques », il ne fait que réitérer l'impulsion de Jacques Delors reprise par le commissaire Antonio Ruberti (« allier connaissance et savoir-faire ») en 19935. La vision de la formation tout au long de la vie implique « l'acquisition de compétences permettant d'agir en connaissance de cause », un objectif qui n'est atteignable que par « une approche holistique centrée sur l'apprenant »6 vouée à une « revalorisation de l'apprentissage ». Ne se limitant pas à des généralités, la Commission précise sa position en entérinant tacitement les recommandations des rapports néerlandais et irlandais qui veulent donner « à l'apprenant d'aujourd'hui l'occasion de jouer un rôle actif dans son propre processus d'apprentissage pour trouver le mode d'apprentissage le plus adapté dans le meilleur environnement possible »7. 4. Secrétaire à la formation permanente, en 1969 ; auteur de la loi Delors sur la formation continue, en 1971 - directeur du centre de recherche « Travail et Société » à l'université Paris-Dauphine, de 1974 à 1979. 5. 1994. « Interview with Commissioner A. Ruberti », Le Magazine. N° 1. 1994, « Conversation with J. Delors: Combining Knowledge and know-how » (Allier Connaissance et savoir-faire), Le Magazine. N° 2. 6. Résumé et analyse des contributions des États membres et des pays de l’EEE dans le cadre de la consultation sur le Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, préparé par le Centre européen pour le Développement de la Formation professionnelle (CEDEFOP), novembre 2001, voir sur le site le point 2.4.1, p 25. Adresse URL: http://europa.eu.int/comm/education/1ife/communication/cedefop_fr.pdf 7. Commission européenne, Direction générale de l'Éducation et de la Culture, Direction générale de l'Emploi et des Affaires sociales, Novembre 2001, Document d'appui à la Communication de la Commission, Réaliser un espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie. Résumé et analyse des contributions de la société civile dans le cadre de la consultation sur le Mémorandum. Préparé conjointement par une plate-forme d'organisations représentant la société civile. Préface 19 Autoformation et enseignement supérieur, sous la direction de Brigitte Albéro, Hermès-Lavoisier, 2003 L'exégèse superficielle des textes de l'Union européenne promouvant l'innovation dans les pratiques éducatives révèle une adhésion explicite et répétée, non seulement au principe plutôt flou de la prise en compte de l'apprenant (ce qui est généralement accepté) par les systèmes éducatifs, mais bien plus encore de l'apprenant par lui ou elle-même, une idée potentiellement plus problématique du point de vue des institutions, organisations et législations en vigueur. L'histoire de l'imprégnation des politiques européennes de l'éducation (et des organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe, l'UNESCO, l'OCDE, ou l'Association des Universités européennes) par les thèmes de l'autonomie, du centrage sur l'apprenant (learner-centeredness) et de leur répercussion sur les systèmes nationaux demande encore à être écrite en détail. Entre-temps, on peut avancer l'hypothèse que cette vision n'a pas affecté immédiatement toutes les politiques européennes de l'enseignement, mais qu'elle s'est immiscée par le biais de documents et initiatives touchant à la formation continue et professionnelle avant d'être progressivement, mais encore très partiellement, introduite dans les objectifs touchant à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur. Les possibilités de perte ou de dépréciation, d'adoption erronée ou de récupération pure et simple des fruits de recherches et de multiples expériences8 sont réelles. Les contributions des auteurs participants à cet ouvrage concourront à rétablir certaines distinctions nécessaires entre approches humanistes et sociales de l'autonomie de l'apprenant, entre stratégies centrées sur le potentiel des apprenants à prendre en charge leur apprentissage et diverses stratégies (sans les exclure) visant à encourager l'adaptabilité des individus au marché. Lassé du novlangue, du e-learning, des « nouvelles » technologies, des « nouveaux » savoirs ? Hésitant à poser vos pieds sur cette passerelle qui vous invite à passer de l'obscurité humide de l'academia vers les brumes des formations virtuelles et globalisés ? Lassé des pieux discours déplorant quelque âge d'or révolu de l'érudition ? Observateur paralysé observant l'effritement irréversible de cette pierre de taille que représente le cours magistral ? Adepte des neiges d'antan ou de la nouvelle Jérusalem de l'université globale et connectée, ami du peuple ou ensemenceur des nouvelles élites, techno-optimiste ou techno-pessimiste, peu importe, les articles collectés et édités par Brigitte Albero brossent avec brio et parfois même fougue intellectuelle, mais jamais sans rigueur et acribie, une vaste fresque d'approches, analyses, expériences et rétrospectives sur l'émergence et le développement du concept d'autoformation des adultes en France. Ne se limitant pas à une perspective historicisante, le présent ouvrage offre au lecteur averti un éventail de perspectives pluridisciplinaires, théoriques et pratiques, qui lui permettront de 8. Que celles-ci soient conduites sur le terrain, au sein d'institutions, dans des contextes politiques communautaires, nationaux et locaux, souvent très éloignés des idéaux de l'autonomisation de l'apprenant. 20 Autoformation et enseignement supérieur mieux appréhender la dynamique culturelle, sociale, économique et épistémique qui sous-tend l'émergence, l'adoption et parfois même l'irruption du paradigme de l'autoformation, et son corollaire l'autonomie de l'apprenant, dans le monde de l'enseignement supérieur. Les nostalgiques de la vieille université, tout comme les vaillants promoteurs des campus « virtuels » et « numériques », ont pris conscience à divers niveaux que l'humus idéologique, institutionnel et pédagogique sur lequel croissent les diverses engeances de l'homo academicus est en train de subir de profondes mutations, sans préfiguration évidente dans le passé historique des institutions qui l'ont abrité. Daniel APOLLON Bergen, Norvège, novembre 2002