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Pour repenser la formation des enseignants
Cas des enseignants du FLE au cycle secondaire qualifiant au Maroc
Mina Sadiqui-UMI-ENS-MEKNES
Introduction
Les systèmes de formation et d’éducation sont continuellement réformés et rénovés dans
le but de mieux répondre aux exigences de la société qui évolue de façon constante.
Partout on est de plus en plus conscient qu’il faudrait repenser les finalités de l’école et les
fonctions que devraient assumer l’enseignant.
En fait, réformer l'école c’est certes redéfinir les finalités et les priorités des systèmes
éducatifs, mais c’est aussi revisiter le rôle de l’enseignant, repenser la formation des
enseignants et donc enfin de compte repenser la pratique enseignante.
Ainsi à partir de 1999, au Maroc, le ministère de l’éducation nationale s’est engagé dans la
réforme de son système éducatif, (comme partout dans le monde). Elle est d'ailleurs toujours
en cours.
Une nouvelle conception de l’enseignement/ apprentissage est mise en exergue. Elle est
concrétisée, à notre sens, par l’intégration d’un objet d’enseignement particulier : l’œuvre
intégrale. Un tel choix induit, devrait induire, des changements au niveau des objectifs à
atteindre, des démarches à adopter et surtout au niveau du nouveau rôle à assigner à
l’apprenant et à l’enseignant.
Pourquoi cette nouvelle conception de l’enseignement/apprentissage d’une langue vivante ?
Pourquoi ces changements au niveau des démarches à adopter en classe de langue au lycée?
A quelles besoins de société sont- ils sensés donner des éléments de réponse ?
Nous croyons en effet, qu’il est impératif pour tout enseignant ou futur enseignant , avant
d’adhérer à une réforme, de comprendre pourquoi il devrait adopter de nouvelles pratiques
de classe, et pour quelles raisons serait-il amené à changer ses pratiques.
Nous essayerons donc dans un premier temps d’expliciter certaines raisons de ce changement
des programmes, pourquoi plus exactement " l’œuvre intégrale " comme support principal de
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la classe de français. Puis nous expliciterons comment à travers le choix de cet objet /support
de la classe de français c’est toute la pratique enseignante qui est repensée ,avant de proposer
en dernier lieu quelques repères pour permettre une mise en œuvre de nouvelles pratiques de
classe qui devraient préparer l’apprenant à mieux affronter sa vie professionnelle.
1. Pratiques professionnelles et pratiques de classe
1.1. Le monde du travail, une complexité croissante
Il n’y a pas longtemps de cela, l’école était la seule dispensatrice du savoir. Réussir
l’école était une fin en soi. Le diplôme permettait " automatiquement " l’insertion dans la
vie. Actuellement " les technologies se développent, les cultures s’entrecroisent, les
changements sont permanents "
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.En conséquence le travail et devenu " marqué par une
complexité croissante
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" .Or, et dans tous les textes officiels, la mission de l’école
actuellement, c’est d’abord de préparer et faciliter l’insertion dans le monde professionnel. Il
faudrait qu’elle relève le défi de l’appréhension de cette " complexité » en proposant des
objets d’enseignement spécifiques et des démarches particulières .C’est dans l’espace – classe
que se mettent en place les premiers comportements définitoires de futur professionnel que
nous voulons construire. " Toute situation professionnelle est (devenue) complexe (..) le
nombre d’éléments qu’elle comporte, les relations entre les éléments, sa dynamique, les
ressources cognitives que l’acteur mobilise, sont des composantes de cette complexité ».
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En
conséquence, l’autonomie est devenue un facteur déterminant dans la gestion de toute
situation.
L’école, pour préparer à la gestion de ces pratiques professionnelles, se devait de proposer
des objets d’enseignements complexes, qui cultiverait l’autonomie et de l’enseignant et de
l’enseigné, et nous pensons que c’est bien le cas de l’œuvre intégrale.
1.2. L’œuvre intégrale, le tissu interdépendant
Il y’a complexité « lorsque sont inséparables les éléments différents constituant un tout
et qu’il y a tissu interdépendant, interactif et inter réactif, entre l’objet de connaissance et son
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Collectif, Repenser la formation, p. 61.
2
Idem, p. 43
3
Collectif, Se former pour les situations - problèmes, p.158.
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contexte, les parties et le tout, le tout et les parties, les parties entre elles »
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.Il nous semble
que l’œuvre intégrale correspond parfaitement à cette définition de la complexité.
D’abord en tant qu’objet de lecture, elle est " complexe " de par son volume, c’est plusieurs
pages, souvent plusieurs parties au chapitres qui s’inscrivent dans une interdépendance qu’il
faudrait toujours prendre en considération.
Ensuite en tant que support de lecture, c’est " un discours complexe littéraire «
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. Il entretient
les liens avec plusieurs contextes (biographique, historique et culturel), autant d’éléments
différents et qui doivent constituer un tissu interdépendant .En plus, chaque lecteur entretient
une relation particulière avec œuvre qui reste un " tissu d’espaces blancs, d’interstices à
remplir
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" .
Enfin, en tant que support et objet d’enseignement-apprentissage du français au lycée, il
s’avère logique que son exploitation pédagogique imposerait des problèmes " nombreux et
complexes «
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, puisque en effet, en plus des situations pédagogiques diversifiées que son
exploitation induit, il y a aussi " la diversité et la complexité des compétences qu’elle devrait
mettre en jeu »
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.
2. L’œuvre intégrale, pour repenser la formation et la pratique enseignante
2.1. Diversité des activités d’enseignement -apprentissage
Pour exploiter une œuvre intégrale dans la classe de français il faudrait concevoir,
gérer et évaluer des situations d’apprentissage multiples.
Tout d’abord , le texte officiel
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proposent plusieurs activités ,différentes et par leur nature et
surtout par la diversité des compétences qu’elles mobilisent : activité de lecture (lecture
d’extrait, lecture transversale , groupement de textes), activités de la langue , travail encadré
, activité de production orale et écrite .
Chaque activité, malgré la spécificité des situations d’apprentissage, doit toutefois être
dépendante des autres activités .Sans cela il n’y aurait aucune cohérence ni décloisonnement
dans le dispositif proposé. De même, au niveau des supports des activités de classe et hors de
la classe, ceux de l’œuvre intégrale étudiée comme ceux extrais d’autre œuvres ou même
ceux qui relèvent d’un autre mode d’expression culturelle (peinture, musique, audio), il
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Collectif, Repenser la formation, p. 46.
5
Collectif, l’enseignement du français au collège, p. 152.
6
Umberto Eco, lector in fabula, p 10.
7
Langlade, L’œuvre intégrale, Tome 1
8
Collectif, le projet pédagogique en français, p. 80.
9
MEN, Les orientations pédagogiques générales, 2007.
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devrait y avoir une corrélation, une liaison solide qui recréerait l’image du tissu
interdépendant et donnerait sens aux activités de classe.
2.2. Diversité des modalités de gestion et d’évaluation de la classe
Diverses modalités de gestion sont soulignées dans le texte officiel sans trop de
précisions : travail en classe / travail hors classe individuel, travail collectif, travail de
recherche, travail de synthèse, travail d’évaluation formative, travail d’évaluation sommative
…Toutes ces activités sont à mettre en œuvre à partir d’un seul et unique support. Une large
marge est laissée à l’initiative de l’enseignant qui est ainsi invité, non à morceler les tâches
mais à les tisser de façon à ce qu’il y est fluidité entre les composantes de ces situations
d’enseignement/apprentissage complexes qui deviendraient ainsi fortement significatives pour
l’apprenant, comme pour l’enseignant. Comment procéder ?
3. Quelques repères pour mettre en œuvre de nouvelles pratiques de classe
3.1. De l’activité de l’élève aux contenus de l’apprentissage
Les méthodes pédagogiques sont en étroite relation avec les modes d’organisation du
travail
« La pédagogie par objectif conçoit la formation comme une succession de
tâches à effectuer et de savoir à acquérir, elle ne s’intéresse pas
explicitement aux processus qui permettent de lier ces savoirs, de leur
donner un sens de les mettre en œuvre en tant que système .Elle ne
s’intéresse pas non plus à la construction dialectique qui permet à
l’individu de combiner diverses ressources pour produire la compétence »
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d’où la priorité accordé au savoir comme objectif au lieu d’essayer de le transformer en outil
de compréhension et d’action.
Or, certains praticiens, certains formateurs de praticiens, souvent, et assez spontanément
reproduisent les mêmes situations d’apprentissage qu’ils ont intériorisées durant leur
formation, situations qui reposent sur une pédagogie foncièrement transmissive. Il y’a
10
Collectif, Repenser la formation, p.206.
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plusieurs siècles , Montaigne disait que l’élève n’est pas un vase à remplir mais une
énergie à développer. En effet,
« Ce qui relève de l’éducation nouvelle plus encore que d’être centré sur
l’apprenant, c’est l’être sur l’activité de l’apprenant, dans sa relation à ce
qui l’entoure(…) D’où l’importance de mise en situation permettant de
susciter, mobiliser son activité (.)en vue de mettre l’apprenant en mesure
de saisir les complexités de la vie sociale et économique de notre temps. »
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D’ou l’importance de mise en situation qui amènerait l’élève à s’interroger sur le pourquoi de
l’apprentissage à construire. " On n’apprend bien que ce qui répond aux questions que l’on
se pose " disait Rousseau dans son " Emile «.).On essaye de créer d’abord des situations qui
l’aideraient à l’anticiper, à repérer puis à identifier des indices, pour enfin commencer la
construction d’une signification. « Il serait pertinent de partir des conceptions des élèves (...)
trouver en point d’entrée dans leur système cognitif »
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Il serait indispensable que l’apprenant découvre par lui-même, et par une démarche de
questionnement / recherche un savoir qui lui paraîtra ainsi significatif et qui sera formateur.
Le savoir deviendra ainsi outil pour comprendre et agir, et non simples informations reçues
passivement. "En partant des intérêts de élèves (...) on favorise l’appropriation active et le
transfert des savoirs "
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. On construit cette autonomie dont il a tant besoin dans sa vie
professionnelle.
3.1. Du texte aux contextes
Au lieu donc de lancer
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la séquence sur l’œuvre intégrale par un « discours magistral »,
sous forme d’exposé pris en charge souvent par un ou deux élèves sur la vie de l’auteur, ses
œuvres, son courant littéraire… une sorte de cours « d’histoire littéraire » qui constitue selon
eux, la meilleur façon de favoriser l’accès au sens du texte
Nous nous retrouvons face à une pratique de classe qui ne propose aucune réflexion
rigoureuse sur les sens du savoir à mobiliser ou à construire dans une classe. On agit comme
si les savoirs étaient le premier objectif de toute pratique enseignante, et comme s’il il suffit
de les proposer à l’apprenant, avant l’étude de l’œuvre pour qu’il se « les approprie »et qu’il
devienne lecteur « autonome » !
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Collectif, Se former par les situations-problèmes, p.20.
12
Perrenoud, Dix nouvelles compétences pour enseigner, p.31.
13
Idem, p 28.
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Nous accompagnons régulièrement dans le cadre des stages, et pendant plusieurs semaines, les futurs
enseignants dans des lycées et nous remarquons que la plupart des praticiens lancent leurs séquences de cette
façon.
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