Lizabeth Cohen, “A Consumers` Republic: The Politics of Mass

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Lizabeth Cohen, “A Consumers' Republic: The Politics of Mass Consumption in Postwar
America”, Alfred A. Knopf, 2003. Chapter 7: “Culture: Segmenting the Mass” p 292-344.
I. Résumé :
D’un point de vue général, ce chapitre traite de la segmentation du marché, éclairant
les techniques et réflexions des publicistes de l’époque, tout en s’attachant aussi aux
conséquences que cela a eu sur la politique des Etats-Unis.
Au début de l’après-guerre, on pouvait observer une uniformisation dans la
consommation, la population achetait les mêmes produits. Ceci semblait être le meilleur
moyen de faire prospéré les Etats-Unis. Cependant, comme le prédit le New York Herald
Tribune en 1945, les choses allaient changer grâce à l’amélioration des recherches concernant
les désirs des consommateurs. De plus, Thomas Hine observa le nouveau comportement des
acheteurs qu’il appela « populuxe », c'est-à-dire le fait d’acquérir une multitude de biens
matériel pour leur côté esthétique et luxueux. Les commerciaux, conscients du changement
chez les consommateurs et craignant la compétition du marché investirent donc dans le
« populuxe » afin de relancer la demande. Se basant sur cette idée, les objets ne sont plus
seulement vus comme utiles mais aussi comme esthétiques. Le marketing rentre alors dans
une nouvelle aire de consommation planifiant l’obsolescence : il s’agit de renouveler sans
cesse le design de l’objet afin de pousser à la surconsommation. Cette nouvelle méthode de
marketing, communément appeler marché de masse, s’adresse surtout à une classe moyenne
de consommateurs. En 1956, Wendell Smith et Martineau conceptualisent la notion de
segmentation du marché qui permet d’éviter la compétition des produits. Il s’agit de définir
des groupes de consommateurs en fonctions de critères comme l’âge ou la classe sociale à qui
l’on va vendre un certain type de produit. L’idée est de créer une homogénéité entre les
consommateurs d’une même unité mais une hétérogénéité entre les groupes. Dans les années
70, le succès de certaines campagnes publicitaires est tel que la segmentation du marché
devient la norme indiscutable du marketing. La segmentation des consommateurs à qui l’on
vend des produits présélectionnés pour leur plaire permet d’augmenter le nombre d’acheteurs
et les profits.
Origine de l’évolution du marché de masse vers la segmentation.
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La peur de voir la demande du consommateur décliner, encourage les commerciaux à
s’éloigner du marché unique. Pour cela, il ne s’agit plus de s’intéresser à qui achète quoi mais
à la raison de ces achats. Dans les années 70, les dimensions psychologiques et
démographiques de l’acheteur sont prises en compte, on parle alors de la dimension
« psychographics ». Le consommateur devient une cible à qui l’on propose des produits
attractifs, symbole d’un certain mode de vie idéalisé. Les commerciaux vendent une idée
plutôt qu’un produit. Par la suite, l’intervention des sciences sociales dans le domaine du
marketing donne des outils encore plus précis aux commerciaux pour leur permettre
d’identifier et de traiter les différents segments des consommateurs.
L’épanouissement du marché permet aussi de satisfaire le souhait des publicitaires et
commerciaux qui veulent accroître la rentabilité de leur profession. Le recours à la télévision,
comme nouveau média de la publicité, permet d’étendre l’influence de la publicité sur la
population. Ce nouveau média révèle une nouvelle dimension stratégique des commerciaux :
installer l’idée de désir chez le consommateur pour créer des besoins qui n’existaient pas
avant. L’existence de la télévision dans la plupart des foyers américains donne plus de
pouvoir aux publicitaires. Mais même ici, on observe une évolution du marché de masse vers
la segmentation. Des études montrant que le public varie en fonction des créneaux horaires,
les responsables des chaînes et les publicitaires s’adaptèrent donc à cette nouvelle
information, programmant les émissions et les publicités en fonctions du public attendu. Mais
les spots TV ne sont pas les seuls moyens utilisés pour étendre la publicité, les programmes
aussi sont sponsorisés par des marques (moyennant une certaine somme d’argent). Cette
segmentation du public audiovisuel s’accroît encore davantage dans les années 70 avec
l’apparition des chaînes câblées. Cependant le marché semble trop segmenté ce qui entraîne le
déclin des réseaux s’occupant des chaînes de télévision.
Ce développement du marché et sa segmentation fut possible grâce à la flexibilité de
la production industrielle qui répondait à la demande du consommateur et à l’innovation. Le
fait que les groupes avaient des idées et des envies différentes offrait de nouvelles
opportunités au domaine publicitaire. D’une manière générale, dans les années 60, la
segmentation du marché était instaurée et dans les années 70 elle permit aux consommateurs
d’affirmer leur indépendance.
L’élaboration des segments du marché.
La segmentation du marché est un moyen de reconnaître les différences culturelles des
Américains et permet aux individus d’affirmer leur identité à travers leur choix en tant que
consommateur. Au début, la division s’axait sur l’appartenance à une classe sociale. D’après
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Martineau, la classe sociale à laquelle une personne appartient influence son mode de vie. Le
choix du consommateur est donc l’affirmation de l’appartenance à une communauté. Au
début de l’après-guerre, les commerciaux se sont donc focalisés sur les différences entre les
classes sociales, prenant pour cible privilégiée la classe ouvrière qui détenait le plus grand
pouvoir d’achat. Vers les années 80, leur stratégie commerciale était davantage centrée sur la
société aisée. Au début de la structuration stratégique du marché segmenté, les commerciaux
prenaient donc en compte les différentes classes sociales.
Par la suite, la stratégie commerciale s’intéressa au rôle des hommes et des femmes
dans l’achat d’un produit. En effet, depuis le début, les commerciaux s’adressaient
majoritairement aux femmes. Dans l’après-guerre leur stratégie changea et la consommation
fut envisagée comme quelque chose réunissant les deux sexes, la publicité devait à présent
convaincre un ménage ou une famille en tant qu’unité, un couple avec un pouvoir d’achat
unique. Cependant, dans les années 50, des études montrèrent que les désirs et les goûts
n’étaient pas les mêmes dans le couple. Les publicités furent donc adaptées pour plaire à celui
qui devait effectuer l’achat.
La prise en compte de l’âge des acheteurs fut aussi l’une des plus importantes données
pour segmenter le marché. Chaque tranche d’âge représentait une étape de la vie où l’individu
avait un comportement d’achat unique. La famille n’était plus une unité homogène, mais un
tout composer de personnes d’âges différents. D’autre part l’augmentation du pouvoir d’achat
individuel augmentait peu à peu et donnait donc plus d’indépendance financière à la
population. L’un des marchés les plus développés, notamment à cause de son nombre, fut
celui des adolescents, où les besoins et les envies étaient transformés en biens consommables.
Le groupe des enfants pris lui aussi de plus en plus d’importance. Développant chez l’enfant,
par le biais des spots publicitaires, un désir de consommation indépendant de celui des
parents. D’autre part, la publicité les préparait aussi à être de futurs consommateurs, leur
inculquant la notion des marques ou encore l’importance d’être bien habillé. A la fin des
années 60 cependant, les commerciaux s’intéressèrent aux seniors, classe d’âge longtemps
ignorée, qui étaient de plus en plus nombreux et dont le pouvoir d’achat ne cessaient
d’augmenter.
Enfin, le marché fut segmenté racialement. Même si les commerciaux avaient
quelques scrupules à s’orienter dans cette direction par peur d’être accuser de discrimination,
cette segmentation fit ses preuves. Les Afro-américains dont le pouvoir d’achat était de plus
en plus important furent pris comme cible par le marché. Les dirigeants Afro-américains se
servirent de la publicité comme moyen de propagande dans la lutte pour les droits civiques.
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Les latinos représentent l’autre segment important de ce marché, leur effectif augmentant
rapidement, des chaînes de télévision furent même créé spécialement pour eux.
La politique du marché segmenté était donc de minimiser les différences à l’intérieur
des segments et de mettre l’accent sur les goûts communs et le comportement de
consommateur. Malgré le fait que cette segmentation renforça les différences sociales, elle
permit aussi à certains groupes souvent déresponsabilisés (féministes, adolescents) de prouver
leur valeur à travers la consommation. Avec du recul, il est évident que le marché s’attaquait
au groupe le plus important de la population, celui qui avait le plus gros pouvoir d’achat à un
moment donné.
Le marché politique : la segmentation de l’électorat.
La segmentation du marché eut des conséquences dans de nombreux domaines, et
particulièrement sur la politique. En effet, on observe une structure similaire entre le
marketing et la politique comme par exemple l’utilisation des medias qui ont un grand
pouvoir d’influence sur les choix individuels. Il s’agit d’une compétition entre plusieurs
marques (ou candidats), où le vainqueur est celui qui a le plus marqué l’esprit du public.
Au XXème siècle, l’électeur est vu comme un consommateur, le candidat et son
programme comme un produit et la campagne électorale est dirigée par les commerciaux et
les publicitaires. D’autre part, les sondages effectués régulièrement permettent de prévoir
l’attitude des électeurs et pas seulement leurs préférences. Cependant, la manipulation
politique n’est pas aussi concluante que dans la publicité. Avant 1960, la politique était déjà
complètement imprégnée par les stratégies du marketing, utilisant l’idée de vendre un
candidat. Mais Kennedy, introduit l’idée de segmentation des électeurs. Se basant sur des
sondages effectués dans chaque état, il les utilisait pour écrire ses discours en fonction des
résultats obtenus et de la population à qui il s’adressait. Suivant cette stratégie, Kennedy et
Johnson se contentèrent de convaincre les états les plus réticents, tandis que Nixon traversait
tous les états pour exposer son programme. En 1964, la stratégie du « direct-mail » se
développa. Il s’agissait d’envoyer un courrier personnel à une personne et qui s’adressait
exclusivement à elle, en prenant en compte certaines données (famille, milieu social, idées
politique), ce qui permettait une publicité plus personnelle que les spots publicitaires.
L’électeur se sentait alors unique. Les messages électoraux étaient donc délivrés à certains
groupes de la population en fonction de leurs dispositions à adhérer aux idées proposées. En
conséquence, la politique dépendait pleinement des sondages pour savoir à qui s’adresser et
comment mener la campagne. Les partis constituaient donc leur programme davantage en
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fonction des sondages, afin de répondre aux diverses attentes de l’électorat, qu’en fonction de
leur idéaux. Les sondages aidaient à construire une image adaptée aux divers publics visés
mais éloignaient les politiciens d’un programme politique indépendant. D’autre part, des
études démontrèrent qu’une campagne ne changeait pas réellement les opinions des gens et
donc les candidats devaient plutôt se baser sur les idées politiques existantes.
II. Critique :
Cet extrait de Lizabeth Cohen est intéressant et agréable à lire. L’auteur ne se contente
pas d’exposer des idées et des faits mais s’appuie sur des documents, des auteurs, des articles
et des sondages qui soutiennent son propos. D’autre part, il y a une distance entre le temps de
l’écriture et l’époque étudiée ce qui permet d’être plus objectif. Elle ne cherche pas à
convaincre mais s’intéresse à l’évolution du marché dans l’après-guerre. Les propos sont
nuancés par les références à différents auteurs, exposant les points de vus qui changent au fil
des années. Le contenu est donc pertinent et instructif, rendant précisément compte de
l’idéologie dominante de l’époque.
Dans son ensemble, l’article est facilement compréhensible et accessible à un public
non spécialisé, le vocabulaire est assez simple, les termes techniques sont clairement
expliqués et les idées principales souvent répétées. Lizabeth Cohen suit un schéma logique,
commençant par une brève introduction où les idées principales sont développées et retraçant
brièvement l’évolution de la consommation. Le développement, divisé en trois parties,
s’attarde tout d’abord sur les origines de la segmentation du marché, puis sur la mise en place
de ce nouveau système avant d’approfondir l’impact que cela a eu sur la politique (ce qui
permet entre autre d’expliquer le titre). Le chapitre est présenté clairement, suivant un ordre
chronologique ou thématique. Le texte est aussi accompagné de photos légendées qui étayent
les arguments et permettent aussi de donner une réalité à des notions abstraites. L’attention du
lecteur est davantage mobilisée et les propos illustrés par des images.
Même si le chapitre est accessible à tous, la troisième partie concernant la politique est
un peu plus complexe à comprendre. Lizabeth Cohen évoque l’impact du marketing sur la
politique et parle des différents candidats à la présidentielle ainsi que des différents partis. Il
est donc préférable d’avoir quelques connaissances de l’histoire américaine afin de
comprendre précisément les nuances et les détails décrits.
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