Table Ronde avec Jacques Rancière, Philosophe La Haine de la démocratie, ed La Fabrique 2005 Jacotot ou le Maître ignorant, 1987 Questions : Est-ce le savoir qui émancipe ? Est-ce que le savoir peut être transmis ? Jacques Rancière (JR) : Le savoir ne se transmet pas et il n’est pas sûr qu’il émancipe. Il y a eu une époque où le maître en savait moins que l’esclave car c’était ce dernier qui devait faire. Il n’y a pas de traduction du savoir en un effet d’égalité ou en effet d’émancipation, de libération. De plus un savoir s’inscrit toujours dans une distribution des savoirs. Il est un élément parcellisé, localisé, il est une partie d’un savoir plus grand ; et il se définit comme le moyen de faire telle ou telle chose. Distribution des savoirs veut aussi dire qu’il y a des gens qui savent et d’autres qui ne savent pas, ou plus exactement des gens qui exercent la position de celui qui sait. La question de la transmission se situe à mon avis dans tout cela. Dire qu’un savoir est un objet de transmission, c’est dire qu’il est inscrit dans tout un système où quelqu’un est supposé détenir un savoir, quelqu’un d’autre est supposé ne pas le détenir ; le premier est dans une position de supériorité et le deuxième d’infériorité. Enfin cette transmission s’inscrit dans des institutions. Mais on ne peut pas dire que l’école est l’institution où se transmettent les savoirs car elle-même est une partie d’un certain système (économique, social...). Pour la première question : est-ce que c’est le savoir qui émancipe au sens de « procure une liberté non acquise auparavant » ? Il n’y a aucune évidence à cela. Deuxième question : un savoir suppose un système de distribution des savoirs : on sait bien qu’il y a des savoirs valorisés et d’autres qui ne le sont pas, et pendant très longtemps il y a eu cette idée que le savoir des savoirs est celui des fins (opposé à celui des moyens, celui de ceux qui savent faire les choses). Il y a donc le savoir du souverain, du maître, de celui qui sert à quoi sert le savoir… Il y a un rapport d’inégalité consubstantiel à la distribution des savoirs, une hiérarchie considérable des savoirs. Et puis tout système transmet du savoir donc transmet du même coup une certaine distribution entre savoirs et non savoirs, entre les formes dans lesquelles en quelque sorte le savoir s’adresse au non-savoir et l’École n’est qu’un cas particulier dans cette distribution. Mais je laisse volontairement deux points de côté dans un premier temps : qu’est-ce que transmettre ? Et qu’est-ce que l’égalité des chances ? Questions : Quand vous dites que le savoir n’est pas un objet de transmission, c’est une remise en cause radicale pour nous enseignants. Jacotot 1 au 19ème siècle avait mis ses étudiants en position de déchiffrer leTelemaque par eux-mêmes. Est-ce que cette démarche peut s’appliquer à tout savoir ? JR : On ne pourra jamais vérifier que les choses se sont ainsi passées pour Jacotot et ses étudiants. Il nous renvoie au fait que l’acquisition la mieux réussie pour tout le monde est celle de l’acquisition de la langue maternelle pour laquelle il n’y a aucun professeur et il reprend cette méthode qu’il qualifie de « de hasard » qui consiste en ce que quelqu’un parle devant vous et vous essayez de deviner ce qui se dit. Mais la difficulté de comprendre Jacotot c’est que ce n’est pas une méthode. C’est un éclairage sur ce qui se passe quand quelqu’un acquiert quelque chose qu’il ne maîtrisait pas. Le modèle traditionnel c’est celui du maître qui possède le savoir et le transmet à l’élève qui acquiert ce savoir. Jacotot dissocie les deux choses : on peut être cause de savoir pour quelqu’un sans transmettre un savoir à quelqu’un. En aucun cas il ne s’agit d’une Jacques Rancière est l’auteur d’un ouvrage « Jacotot ou le maître ignorant » récemment réédité en poche, qui évoque l’expérience d’un professeur de littérature française à l’Université de Louvain dont les étudiants parlent hollandais (mais pas lui). Jacques Rancière décrit cette situation dans une interview donnée à Nouveaux Regards, la revue de l’institut de la FSU). 1 « méthode Jacotot » applicable à tous les enseignements. Si vous enseignez la philosophie, la synthèse de ce que vous avez dit sera faite de 20 ou 30 façons. C’est sans doute différent en mathématique où il est difficile à chacun d’en faire « son poème ». Le fantasme pédagogique « ce qui est dans ma tête passe dans la tienne » est fondé sur l’idée qu’il y a identité entre la position du savant et celle du maître. Jacotot dit : elles sont fondamentalement différentes. Savoir une matière n’entraîne nullement une capacité à faire que d’autres personnes entrent en possession de ce que l’on sait soi-même. Jacotot propose de réfléchir au-delà de la situation actuelle, La position classique de la pédagogie consiste à rechercher le moyen par lequel le savoir du maître se rend consommable par l’élève. Ce qui suppose une double maîtrise : celui qui sait doit être aussi celui qui trouve les moyens en question. Jacotot enfonce un coin à cet endroit et dit que rien ne passe d’un cerveau dans un autre. Il y a des mots, il y a des exemples. Il y a une exposition. Mais il va bien falloir qu’une autre intelligence s’en empare et en fasse son acquis. Et pour cela, il faut qu’il y ait une forme d’égalité entre le maître et l’élève. C’est tout le paradoxe de l’explication : si le maître explique à l’élève, et que l’élève ne comprend pas les mots du maître, il n’y aura pas explication. Il faut toujours un minimum d’égalité. Jacotot pose une espèce d’alternative : ou bien on pose une situation inégalitaire « Je sais, tu ne sais pas, et il va falloir se débrouiller pour que tu saches » ou bien on renverse le jeu « Ce que je t’enseigne, tu ne le sauras que sur la base du fait que tu sais comme moi te servir de ta langue et de ton cerveau ». La question se pose donc en terme de rapport entre savoir et distribution du savoir. Pour Jacotot la logique traditionnelle de l’explication est une logique de consécration indéfinie de l’inégalité. « Je sais, je dis que je vais te transmettre ce que je sais, comme cela nous serons égaux »… mais en réalité cela ne fonctionne jamais comme ça, car il y a toujours un savoir de plus du côté du maître, et l’élève apprend de plus qu’il ne saurait pas si le maître ne lui expliquait pas. Ce livre est paru en 1987 à l’époque de la grande agitation républicains contre pédagos/sociologues : l’école ne produit pas de l’égalité, comment va-t-on la produire ? Avec une opposition entre ceux qui disaient puisqu’on part de l’inégalité, il faut prendre en compte les situations réelles de départ, il faut objectiver les inégalités devant le savoir et ceux qui disaient, non, absolument pas, si l’école enseigne, c’est dans la mesure où elle ne se préoccupe pas de prendre en compte ceux qui sont en face du savoir, et qu’elle distribue à tous le même savoir, ce dernier étant supposé être la source même de l’égalité. Avec ce livre j’ai essayé de dire « si on part de l’inégalité on arrivera toujours à l’inégalité ». Si on veut arriver à l’égalité il faut partir de l’égalité, partir de l’idée qu’on n’a pas à faire à un savant et un ignorant mais à deux savants. Si l’élève doit apprendre quelque chose de nouveau, ce sera à partir de ce qu’il sait, à partir du plein de ce qu’il sait et pas du vide. La démarche de Jacotot est en quelque sorte « anti-école », considérant que comme institution elle ne peut que reproduire cette inégalité. Mais si on prend au sérieux son interrogation, elle nous met dans l’embarras et nous pose un certain nombre de problèmes. Questions : pour enseigner il faut donc qu’il y ait égalité au départ mais cela ne s’oppose-t-il pas à la notion de rupture, de saut qualitatif inhérente aux apprentissages ? L’enseignant est-il alors une simple personne ressource ? JR : il ne faut pas penser égalité en terme de niveau. Elle se pose en terme qualitatif : je présuppose que ce que je dis à celui qui est en face de moi est compréhensible par lui car il utilise la même intelligence que moi. C’est vrai que la philosophie de l’école pose les choses en terme de rupture : j’ai des « sauvages » en face de moi, comment leur faire accéder à autre chose ? Elle suppose qu’il y a des types d’intelligence différents. C’est pour cela que Jacotot utilise très souvent un terme comme « deviner » pour parler de ceux qui vont à l’aveuglette, à l’aventure et ceux qui procèdent par raison, par méthode…Jacotot dit, la vraie méthode de l’esprit humain est « la devinette ». Il ne s’agit donc pas de poser les problèmes en terme de niveau. Il y a bien sûr des ruptures au sein des apprentissages, mais ces ruptures ne s’identifient pas au fait qu’il y aurait un type d’intelligence supérieure et un type d’intelligence inférieure. Mais l’idée de Jacotot c’est que le maître ne maîtrise pas les moyens par lesquels réellement l’élève apprend. Quant au maître accompagnateur, au maître ressource, il est encore un maître. Questions : la pédagogie est souvent assimilée à la maïeutique de Socrate. Mais dans le Menon de Platon, Socrate se comporte « comme un maître de manège » et l’esclave qu’il tente d’instruire en l’amenant à s’interroger sur la diagonale du carré, reste ignorant à la fin parce qu’il est privé du moment de conceptualisation. JR : Effectivement, Jacotot dans sa critique de Socrate, montre comment on peut arriver à faire donner une réponse par quelqu’un en l’accompagnant, en l’amenant pas à pas…et c’est pour Jacotot le must de la pédagogie abrutissante : « je guide ta stupidité pas à pas, jusqu’au point où elle va se transformer en illumination ». L’exemple de la diagonale du carré à cet égard est tout à fait éclairant car il est au cœur de la philosophie de Platon, l’irrationnel est la propriété du philosophe, les autres savants butant sur ce concept. Le Télémaque fonctionne donc réellement comme un contre exemple puisque le texte est donné aux étudiants en leur disant : « débrouillezvous avec » autrement dit, les éléments pour comprendre le texte sont dans le texte. Il y a une espèce d’immanence : dans n’importe quel livre, il y a la langue. On n’a pas besoin d’un savoir distribué sur la langue pour entrer dans le livre. La question est toujours la même, celle de la capacité/incapacité. Dans le cas de l’esclave du Menon, il se démontre une capacité qui est le simple revers d’une incapacité : c’est parce que de toute façon il est exclu que l’esclave ne comprenne un jour ce qu’est un nombre irrationnel, que l’on peut faire sur lui la démonstration. Questions : Malgré tout ce que vous venez de dire, il y a transmission ! Et si le savoir ne se transmet pas et ne permet pas l’émancipation, qu’est-ce qui la permet ? JR : Il y a d’abord une simple évidence. On sait bien qu’il n’y a pas « transmission ». Il y a bien deux cerveaux qui travaillent, l’un en face de l’autre. Le livre est là pour matérialiser le fait qu’il y a de toutes façons un abîme entre les deux cervelles. Il aura beau faire, ce qui est dans sa cervelle à lui y restera. On peut certes augmenter les chances d’émancipation mais ce qui émancipe…c’est l’émancipation. Il faut intégrer toute la part d’ignorance qu’il y a dans la transmission. Un bon enseignant, ce serait donc celui qui accepte de s’exposer y compris avec ce qu’il ne sait pas de lui-même. Certes le rapport à la culture des gens est extrêmement marqué par leur capacité à manier la langue, les lettres. Mais toute la question c’est vraiment de déterminer ce qui permet d’acquérir cela. Que retient-on de l’école ? Un certain de nombre de choses qu’on a appris par soi même à travers son parcours scolaire, à l’occasion d’une recherche ou d’un préoccupation particulière qui nous a permis de reconnaître nos propres compétences de chercheurs. Quelle forme d’égalité l’école peut-elle donner ? Donner à chacun la capacité de vérifier qu’il est capable de se construire des savoirs. Questions : Il y a pourtant une dimension mémorisation pour constituer des savoirs. Expliquer dit Jacotot c’est empêcher de comprendre. Peut-on apprendre à marcher à un enfant en essayant de conformer ses gestes à un modèle. Ne dérapons-nous pas souvent dans l’enseignement vers ce type de démarche ? Quelle logique : individuelle ou collective ? JR : pour Jacotot la réponse est claire. Quelle que soit le type de société, elle sera toujours abrutissante et organisée par l’inégalité. Il n’y a que les individus qui peuvent être égaux. Aujourd’hui, on passe par une institution, qui cherche à se reproduire. Pour enseigner on s’adresse à des collectivités. Peut-on constituer un groupe qui soit capable d’échanger, de discuter entre eux, de se redresser, de jouer entre eux des rôles de maître (sans que ce soit celui de maître abrutisseur). Mais il ne s’agit pas d’opposer individu et collectivité, cette dernière étant supposée avoir, par elle-même, une sorte de pouvoir dont l’individu serait privé. La question posée est comment faire pour démembrer et multiplier la position de celui qui instruit les autres. Nous, nous savons qu’on apprend en enseignant, et que les choses que nous savons, c’est parce que nous avons du les enseigner. La question se renverse-t-elle ? Pour pouvoir enseigner, faut-il que nous soyons chercheurs – c'est-à-dire « ignorants » ? L’élève apprend, devient savant, devient chercheur, au fur et à mesure où avance sa capacité à enseigner. D’où l’idée de faire en sorte pour que l’élève puisse bénéficier de cette position d’enseignant et de tout ce qu’on apprend dans cette position. Questions : ce qui est récurrent pour les enseignants c’est comment faire en sorte que l’élève existe comme sujet, retrouve son envie d’apprendre, advienne sujet. Vous dites que le savoir n’est pas émancipateur mais que l’émancipation est un prélude à l’apprentissage. Mais il y a de nombreux obstacles et quand on relit le manuscrit de Marx de 44 décrivant les caractéristiques de l’aliénation, on reconnaît bien nos classes et parfois nos pratiques scolaires. Quel sens a la notation en philosophie ? Quelle est la place faite aux corps (éternellement assis). JR : Les choses sont compliquées. Que veut dire permettre à un sujet de se constituer ? On ne peut pas penser la réponse dans une antinomie du genre est-ce qu’on fait de l’autoritaire ou estce qu’on laisse le sujet faire. On ne peut pas se contenter de dire : si il y a de la contrainte le sujet pourra advenir. Non, un sujet n’advient pas par des procédures que l’on mettra en place pour que cela advienne. C’est toujours le même problème : c’est au sujet de trouver sa voie entre des systèmes de contrainte, d’uniformité et des formes d’émergence individuelle. Le terme d’appropriation est décalé par rapport à ceux de possession/dépossession. Il y a des procédures très complexes d’appropriation dans lesquelles il est important que les gens s’approprient les choses par leurs propres moyens pour éviter qu’ils répondent à la violence (symbolique) du système par d’autres violences. Il ne suffit donc pas d’accompagner pour que tout se passe bien. Les procédures réelles sont extraordinairement plus compliquées : les enfants circulent entre un besoin de rigidité et de non rigidité et on ne peut pas décréter pour chacun le rapport entre le rigide et le non rigide. Quant à la place des corps, assis/debout, la question se dédouble : est-ce qu’on traite l’enfant comme incapable de s’asseoir en reconnaissant qu’il a besoin de bouger. Or un enfant est capable de formes d’attention extraordinairement concentrées. Ce serait donc une forme de mépris de l’enfant que de ne pas attendre cela de lui. Il ne faut pas rigidifier les choses en accordant à l’enfant un environnement qui serait celui demandé. L’enfant est celui qui demande des défis. Un enfant peut être passif dans des méthodes actives – en acceptant de faire ce qu’on lui dit de faire- et inversement on peut être actif en écoutant. Ce n’est pas parce qu’on est assis en face d’un écran, d’une scène ou d’un prof tout en écoutant qu’on est passif : il faut élargir la notion d’activité. L’opposition actif/passif est vaine en pédagogie. Pour ce qui est de la notation notamment en philosophie, on sait que ça ne veut rien dire. Bon, il y a des gens qui sont capables de faire des choses un peu brillantes…ceux-là on les repère. Le reste on ne sait pas, parce que simplement la dissertation répond à l’exercice demandé et puisque l’exercice est convenu, les réponses le sont et on va s’arracher les cheveux pour obtenir une courbe en cloche entre 7 et 11. Questions : si on n’apprend qu’en se construisant un autre savoir que celui qui avait prévu pour nous, ne devrait-on pas valoriser les élèves qui se rebellent contre le savoir qu’on veut leur transmettre, contre ce système, plutôt que de les sanctionner ? Comment valoriser leur démarche ? JR : le concept de rébellion est un concept extrêmement mou. Dans un acte d’opposition qu’estce qui doit être classé au compte de la rébellion, de refus du système ? Par ailleurs ce qu’on appelle savoir est très flou : certains exercices renvoient à des conventions rhétoriques admises, d’autres à des choses fausses…A ce titre la question est moins celle des notes que celle des exercices. Ceux-ci sont souvent admis sans d’autre forme de procès. Est-ce que tout l’édifice est construit pour arriver à un système de notation finale qui consiste à donner une note de compétence qui finalement sera une déclaration d’incompétence ? Question : 13 Gérard JR : on se met dans des positions infernales si on suppose que l’école est faite pour arriver à l’égalité. Je veux dire si on accepte le présupposé : vous avez là tous les éléments pour arriver à l’égalité or ce n’est pas le cas : où est la perte, à qui la faute, où est le crime ? On tombe dans la culpabilisation. L’inégalité ce n’est pas l’école qui la crée, ce n’est pas elle qui la nourrit en premier. C’est tout en système social et il ne faut pas faire tout le temps comme si il suffirait que l’école soit une ligne parfaite de départ qui donnerait à chacun sa chance. Les chances dépendent d’une multiplicité de choses qui se déroulent hors l’école. Il faut penser une mission de l’École qui serait de donner un maximum de chances d’égalité intellectuelle. Parce que l’école peut leur éveiller l’esprit, on n’est pas assuré que la société après cela leur donnera effectivement les possibilités de poste, d’emploi, qui correspondent à cette capacité. On forme des capacités intellectuelles, des capacités à apprendre, à faire … on n’a pas à faire comme si il y avait des équivalences évidentes. Mais encore une fois la question est comment on met à disposition ce qui donne ce maximum de chances. Comment va-t-on faire pour permettre au plus grand nombre de s’approprier des savoirs, des capacités qui permettent un développement intellectuel, humain. Comment va-t-on faire pour que chacun ait la possibilité de mettre en oeuvre sa propre capacité intellectuelle, ce point nodal autour duquel peut s’enclencher un mécanisme propre d’appropriation. Jacotot dit : « il faut apprendre quelque chose et raconter tout le reste ». Cela veut dire que c’est toujours autour de points nodaux que cette capacité se manifeste et ce sont ces points nodaux qui tirent tout le reste. Il y a un apprentissage graduel que l’on organise, et un apprentissage réel qui se fait en dérivation par rapport au premier. On essaye donc de former un individu égal à tous les autres, ce qui veut aussi dire un individu qui reconnaisse l’égalité de tous les autres (car c’est un peu là le problème). C'est-à-dire un individu qui considère qu’il est capable de lire ce qu’un autre a écrit car l’autre est doté d’un cerveau comme le mien. C’est une question d’estime de soi investie dans un travail et aussi une question de principe. L’égalité qui doit être présupposé au départ doit être aussi poussée au maximum pour chacun. On ne forme pas des gens qui vont être ceci ou cela, mais des gens qui vont chercher à tirer un maximum d’eux-mêmes. Questions : alors quels contenus doit-on enseigner ? Quels programmes ? Quels savoirs vont permettre d’atteindre cet objectif ? JR : Quels sont les bons savoirs ? On peut toujours refaire des programmes en rognant tel truc un peu vieillot et en rajoutant un truc qui semble un peu plus neuf. Tant qu’on aura un ensemble, un système de savoirs, supposé distribué partout de la même façon, et renvoyant à une notation supposée globale et universelle, à mon avis le système continuera. La question posée est celle d’une négociation.