ESH ECE2 Camille Vernet 2016-2017
Nicolas Danglade
Module 4
Partie 2. Les politiques économiques
Chapitre 1. Allocation des ressources et réglementation des marchés
« Bénéficiez des vertus du marché requiert souvent de s’écarter du laissez-faire »
Jean Tirole Economie du bien commun 2016, p.56
Problématique traitée directement par le cours : faut-il opposer allocation des ressources par le marché et
intervention économique de l’Etat ?
1. Les trois grands domaines de l’intervention économique de l’Etat : la typologie de
R.Musgrave
Document 1 : il n’existe pas d’économie de marché « pure »
Penser la politique économique exige au préalable de s’interroger sur les justifications de l’intervention publique
en économie de marché. Si l’Etat apparaît de prime abord comme étranger à la régulation des échanges marchands
quand existe un mécanisme de prix équilibrant l’offre et la demande, la théorie économique reconnaît dans
plusieurs domaines la nécessité de l’intervention étatique, en raison des imperfections du marché. (…)
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.7
Document 2
La prévalence, l’universalité des marchés comme modes privilégiés de régulation et d’allocation des ressources
est incontestable. Les marchés sont partout, ils débordent les frontières. (…) Et pourtant, les Etats sont toujours là,
même s’ils s’adaptent, changent de nature, de responsabilités, et tendent à coopérer au sein d’ensembles plus
vastes, de zones de libre-échange, unions monétaires ou unions politiques.
Si les marchés sont partout, ils ne sont pas tout. Une bonne partie des liens économiques entre les individus ou les
collectivités humaines se fait hors du marché (…). De surcroît les Etats restent évidemment maîtres du pouvoir
législatif : à ce titre, ils affectent les conditions de fonctionnement des marchés et de réalisation des transactions.
Ces différentes modalités d’action de la puissance publique font qu’il n’existe pas d’économie de marché pure, ce
sont des économies de marché où l’intervention de la puissance publique est multiple, constante et systématique.
Cela pose un problème de fond quant à la régulation de ces économies de marché mixtes. Dans le cas (fictif)
d’une économie de marché pure, la régulation des décisions individuelles se fait par les prix, les marchés ayant
justement pour fonction de permettre que se fixe un système de prix équilibrant l’offre et la demande agrégées sur
tous les marchés. Dans le cas (tout aussi fictif) d’une économie sans aucun marché, la régulation des décisions
individuelles se fait par le biais de décisions politiques, sans référence aucune à des prix. Dans une économie
mixte, la difficulté est de concilier ces deux modalités de coordination. Un système de prix de biens marchands se
détermine sur les marchés, mais les décisions publiques sont prises de façon politique (…). Il n’est pas de façon
univoque de régler les inévitables conflits engendrés par ces deux logiques, marchande et politique, alors même
qu’elles doivent fonctionner simultanément et conjointement.
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.7
Document 3 : le fonctionnement de l’économie de marché
Décisions par le marché : préférences
collectives exprimées par la variation
des prix - régulation marchande
Décisions par la puissance publique : préférences
collectives exprimées par le vote /choix politiques
régulation politique
Décidées de la manière(s) dont les
ressources économiques vont être utilisées
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Document 4 : les trois objectifs de l’intervention économique de l’Etat selon R.Musgrave
A la suite de Richard Musgrave (1959), on distingue usuellement trois fonctions essentielles de la politique
budgétaire et, plus largement, de la politique économique :
- l’allocation des ressources (c’est-à-dire leur affectation aux différents usages possibles). Entrent dans
cette catégorie les interventions publiques qui visent à affecter la quantité ou la qualité des facteurs de production
disponibles dans l’économie ou à modifier leur répartition sectorielle ou régionale et, d’une manière générale, les
politiques visant à fournir les biens publics : investissement en R&D, éducation, protection de l’environnement,
- la stabilisation macroéconomique face à des chocs exogènes qui éloignent l’économie de l’équilibre
(prix stables et plein emploi des facteurs de production), c’est-à-dire la réduction des écarts par rapport à cet
équilibre. C’est le rôle que les économistes keynésiens attribuent usuellement aux politiques budgétaires et
monétaires ;
- la redistribution entre agents ou entre régions, c’est-à-dire la modification de la répartition des
revenus. C’est ce que visent les politiques de taxation progressive et les transferts sociaux.
La redistribution a clairement un objectif différent de l’allocation ou de la stabilisation, puisqu’elle vise à un
certain objectif de distribution du revenu à l’intérieur d’une société.
Mais allocation et stabilisation semblent avoir des objectifs voisins. La distinction entre elles renvoie à la
différence entre tendance de l’activité à long terme et fluctuations de court terme autour de cette tendance : les
politiques d’allocation visent à accroître le niveau maximal de production atteignable sans inflation (la croissance
potentielle) ; les politiques de stabilisation visent à minimiser l’écart entre la production effective et son niveau
potentiel, ce que l’on appelle l’écart de production (output gap).
Source : Agnès Bénassy-Quéré, B.Coeuré, Pierre Jacquet & Jean Pisani-Ferry, « Politique économique », De
Boeck, seconde édition, 2009, p.32
Document 5 : « l’horlogerie des règles » (Thesmar et Landier)
En soi, la centralité de la question publique dans l’orchestration de l’économie ne doit pas étonner. Elle n’est pas
nouvelle. Les gestes les plus simples de notre vie quotidienne, du steak que nous mettons dans notre assiette à la
vitesse à laquelle nous roulons, sont finalement encadrés. Nous baignons dans l’intervention publique, et le plus
souvent, c’est à notre grand soulagement. Car l’absence de règles, ou la lenteur à les formuler peut tuer. En 1847,
le chirurgien hongrois, Ignac Semmelweis, couvrait qu’on pouvait considérablement limiter les infections des
malades hospitalisés en forçant les médecins à se laver les mains avant toute opération. Sa découverte,
statistiquement irréfutable, heurtait les croyances de l’époque. Il faudra plus de 20 ans pour que se généralise une
pratique qui aurait pu sauver des milliers de vies.
Comment choisir des systèmes de règles qui servent au mieux l’intérêt général ? Cette interrogation est
essentielle. (…) Ce livre commence donc par une visite guidée de « l’horlogerie des règles ». Il s’agira de
comprendre la raison d’être des règles que la puissance publique doit imposer au marché. (…) La doctrine de
l’horlogerie évite de dicter des lois à l’aveuglette ; elle donne une grille au débat citoyen, elle permet de sortir du
symbolique et des antagonismes rhétoriques entre ceux qui « croient à l’Etat » et ceux qui « croient au marché ».
Ces deux pôles ne peuvent pas être dissociés. Ils sont le recto et le verso d’une même idée, celle de l’échange
efficace : ceux qui croient au marché croient aussi à l’Etat.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 10-12
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2. L’allocation des ressources dans le cadre du marché : les conditions pour que l’allocation
marchande soit optimale
2.1 La métaphore de la main invisible
Document 6 : la métaphore de la main invisible
De façon générale, les économistes estiment (…) que les marchés concurrentiels (c’est-à-dire les marchés retenus
dans notre modèle concurrentiel de base) permettent une utilisation globalement efficace des ressources rares de la
société. Cette confiance dans les marchés remonte à l’œuvre maîtresse d’Adam Smith, publiée en 1776 et intitulé
« La Richesse des nations ». Selon A.Smith, les travailleurs et les producteurs sont les principaux responsables du
succès de l’économie, et cela parce qu’ils ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à leurs familles : « l’homme a
presque continuellement besoin de l’aide de ses semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule
bienveillance. Il sera plus certain de réussir s’il peut faire appel à leur intérêt personnel afin qu’ils agissent en sa
faveur et s’il peut leur montrer qu’il est de leur propre avantage de faire ce qu’il leur demande … ce n’est pas de
la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien de
l’attention qu’ils portent à leurs propres intérêts nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de
leurs avantages ». En bref, A.Smith soutient que les individus qui poursuivent leur intérêt personnel sont ceux qui
contribuent le plus à la promotion de l’intérêt public.
Son idée est que les individus travaillent plus et mieux en faveur de l’activité économique globale de la société
quand les efforts qu’ils fournissent leur sont également profitables. Il s’est servi de la métaphore de la main
invisible pour expliquer comment l’intérêt personnel conduit au bien-être social : « l’homme recherche seulement
son propre avantage et, dans ce domaine comme dans les autres, il est conduit par une main invisible à
promouvoir des buts qui sont étrangers à ses intentions En poursuivant son propre intérêt, il sert souvent
mieux les desseins de la société que lorsqu’il essaie intentionnellement de le faire ».
Cette idée joue un rôle très important dans les sciences sociales. Elle n’est pas du tout évidente. Il ne suffit pas
que les individus travaillent dur pour qu’une économie soit gérée efficacement. Comment ces individus savent-ils
ce qu’il faut produire ? Par quel mécanisme la poursuite non coordonnée par chacun de son intérêt personne peut-
elle aboutir à des résultats efficaces ? L’un des acquis les plus important de la théorie économique moderne a été
dans quel sens et sous quelles conditions on peut dire que le marché est efficace.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
2.2 La maximisation du surplus collectif à l’équilibre de concurrence pure et parfaite
Document 7 : l’équilibre de marché et la maximisation du surplus collectif
Sur les marchés concurrentiels, les entreprises et les consommateurs sont nombreux. Chacun n’est responsable
que d’une part infime des transactions de l’ensemble du marché. Pour un ménage ou une entreprise, les prix sont
donc des données. Les entreprises, en maximisant leur profit, produisent en un point tel que leur coût marginal est
égal au prix du marché. Les ménages, en faisant des choix rationnels, achètent jusqu’au point leur disposition
marginale à payer est égale au prix de marché. (…) Quand le marché est à l’équilibre, les entreprises peuvent
vendre la quantité qui maximise leur profit compte tenu du prix de marché. De leur côté, les ménages sont en
mesure d’acheter la quantité qui maximise leur utilité compte tenu du prix de marché. (…) Au prix d’équilibre, le
surplus social (somme des surplus des consommateurs et des producteurs) est maximisé sur un marché
concurrentiel. Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200-202
Document 8 : équilibre et surplus collectif
Il faut attendre les travaux des o-classiques, en particulier la théorie de l’équilibre général formulée par Léon
Walras dans Éléments d'économie politique pure ou théorie de la richesse sociale (1874), pour qu’une
« formalisation » de la « main invisible » soit établie. Sous réserve du respect des hypothèses de la concurrence
pure et parfaite (atomicité des agents, fluidité du marché, homogénéité des produits, mobilité parfaite des facteurs
de production et transparence de l’information), le fonctionnement du marché permet d’obtenir le plus grand
surplus collectif possible, c’est-à-dire le plus grand bien-être collectif.
Sur le marché des biens et services, l’offre émane des producteurs et la demande des consommateurs.
Les producteurs cherchent à maximiser leur profit sous contrainte de leurs coûts de production. Par conséquent, ils
produisent jusqu’à ce que le coût marginal soit égal à la recette marginale (c’est-à-dire le prix en CPP) ; dit
autrement tant que le prix que rapporte une unité supplémentaire vendue est supérieure à son coût. L’offre
alimente le marché tant que la production est rentable (c’est-à-dire qu’elle augmente le profit).
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Les consommateurs cherchent à maximiser leur utilité totale (leur satisfaction totale) sous contrainte de leur
budget. Les consommateurs consomment donc jusqu’à ce que leur utilité marginale soit égale au prix du marché,
c’est-à-dire tant qu’ils considèrent que l’utilité retirée de la consommation d’une unité supplémentaire est
supérieure à la désutilité liée à la perte de revenu. La demande répond à l’offre sur le marché tant la satisfaction
marginale des consommateurs augmente.
Pour déterminer le surplus collectif, il faut alors partir du prix de marché, qui est fournit en CPP par le creusement
des droites d’offre et de demande : P* dans notre schéma.
Le surplus du consommateur correspond à l’écart entre le prix payé à l’équilibre de marché (P*) et le prix
maximal que les agents demandeurs étaient prêts à payer. Par exemple pour une quantité inférieure à la quantité
d’équilibre, on observe sur le graphique que chaque quantité demandée par le consommateur l’est à un prix
supérieur au prix qui sera celui de l’échange. Les consommateurs réalisent donc un gain que l’on peut mesurer par
l’aire de la surface C sur le graphique : le triangle situé au dessous de la droit de demande et au dessus du prix
d’équilibre.
Le surplus du producteur désigne la différence entre le prix reçu à l’équilibre et le prix minimum que les agents
offreurs avaient envisagé. Les producteurs font donc un gain égal à l’air de la surface P du graphique pour la vente
d’un volume de biens qu’ils étaient prêts à payer moins cher. Ce triangle correspond à la surface située au dessus
de la droite d’offre et au dessous du prix d’équilibre.
Le surplus total = surplus du producteur + surplus du consommateur. Il représente le gain à l’échange réalisé à
l’équilibre en CPP par l’ensemble des agents présents sur le marché.
Document 9 : l’équilibre général en CPP
A l’équilibre de marché, la quantité de biens demandée par les consommateurs est égale à la quantité offerte par
les entreprises. Les marchés du travail et du capital atteignent l’équilibre selon un processus similaire. Sur le
marché du travail, l’offre et la demande de travail s’égalisent pour un niveau de salaire d’équilibre. A l’équilibre,
l’offre de travail des ménages est égale à la demande de travail des entreprises. Sur le marché du capital,
l’équilibre est obtenu par des ajustements du taux d’intérêt. A l’équilibre, l’offre de travail des ménages est égale
à la demande de travail des entreprises. Sur le marché du capital, l’équilibre est obtenu par des ajustements du
taux d’intérêt. A l’équilibre, le montant de l’épargne offerte par les ménages est égal au montant des emprunts des
entreprises. Quand les trois marchés sont à l’équilibre, les grandes questions de base « que produit-on ? Comment
produire ? Et pour qui produire ? » sont résolues par l’interaction des ménages et des entreprises sur le marché.
Quand tous les principaux marchés d’une économie ont atteint leur équilibre de cette façon, les économistes
disent que l’économie est à l’équilibre général.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
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2.3 L’optimum de Pareto
Document 10 : l’optimum au sens de Pareto
L’argument selon lequel les marchés concurrentiels assurent l’efficacité au sens de Pareto peut être reformulé de
façon simple comme suit : une réallocation des ressources ne peut être avantageuse que pour ceux qui l’acceptent
de leur plein gré. A l’équilibre concurrentiel, les individus ont déjà procédé d’eux-mêmes aux échanges qu’ils
comptaient effectuer : étant donné les prix en vigueur, personne ne souhaite produire ni demander plus ou moins.
L’efficacité au sens de Pareto ne veut pas dire qu’il n’existe aucun moyen d’améliorer le sort d’une ou de
plusieurs personnes. Il est en effet toujours possible de retirer des ressources aux uns pour les donner aux autres,
et d’améliorer ainsi le bien être de ces derniers. Mais cela se fait au détriment des premiers.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
Document 11 : de l’équilibre partiel à l’équilibre général
Document 12 : le premier théorème de l’économie du bien être
La formalisation mathématique de la « main invisible » se poursuit avec les travaux de Kenneth Arrow et de
Gérard Debreu (Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy, 1954). A la suite d’une démonstration
mathématique, ils proposent un théorème du bien-être qui s’énonce de la façon suivante : tout équilibre général
en concurrence pure et parfaite est un optimum de Pareto.
Sur un marché
Offre
Demande
Calculs des offreurs et des demandeurs qui
optimisent leurs choix en fonction de leurs
contraintes
Equilibre de marché =
situation où les surplus des offreurs et les
surplus des demandeurs sont les plus élevés
possible (il n’est pas possible d’augmenter le
surplus des demandeurs sans baisser celui des
offreurs). C’est la situation optimale définie
par Pareto
L’équilibre partiel = la meilleure situation
individuelle et collective possible. Le bien être
individuel se confond avec le bien être collectif
(le marché est « guidé » par une main invisible
pour réaliser l’intérêt général alors que cet
objectif n’est pas ce qui motive les décisions
individuelles)
En cas de déséquilibres, le marché est auto-
régulateur (flexibilité des prix)
Les variations des prix relatifs permettent
l’équilibre simultané de tous les marchés
En cas de déséquilibres, les marchés sont
auto-régulateurs
L’équilibre général =
la meilleure situation individuelle et collective
possible.
Le bien être individuel se confond avec le bien
être collectif.
Le marché est « guidé » par une main invisible
pour réaliser l’intérêt général alors qu’il n’est
que l’agrégation des décisions individuelles.
De l’équilibre partiel à l’équilibre général :
ce qui est vrai pour un marché est également
vrai pour tous les marchés
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