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Module 4
Partie 2 Les politiques économiques
Chapitre 3 Les politiques structurelles
« La régulation intelligente des marchés par l’Etat permet de réduire au mieux leurs inefficacités tout en
limitant l’impact négatif de cet interventionnisme sur l’innovation et la créativité » Jean Tirole (2016)
1. Les sources de la croissance économique
1.1 Distinguer politiques structurelles et politiques conjoncturelles
Document 1
Document 2 : l’objectif des politiques structurelles
Les théories de la croissance endogène mettent l’accent sur les externalités que chaque type de capital produit
et qui ont des conséquences sur l’accumulation des autres « capitaux » ; ces théories montrent également que le
lien facteurs/croissance ne se limite pas au sens « facteurs vers croissance », mais que la croissance alimente
aussi l’accumulation des facteurs (sens « croissance vers facteurs »). Cela permet notamment de comprendre
que les conditions de la croissance au temps t vont affecter l’accumulation des facteurs à l’origine de la
croissance au temps t+1. Cela permet aussi de comprendre qu’il ne faut pas établir une coupure entre ce qui
serait de l’ordre de la conjoncture et ce qui serait de l’ordre du structurel.
On peut s’interroger sur les conditions d’accumulation de ces différentes sources de croissance et se demander
quel rôle la puissance publique peut jouer pour faciliter cette accumulation au cours du temps. L’objectif de
Capital physique (K)
Quantité de travail (L)
Productivité Globale
des Facteurs
Capital public
Capital technologique
Capital humain
Intensité capitalistique
(K/L)
Externalités : Savoirs
Externalités : Learning by doing
Externalités :
Obsolescence et
remplacement
capital
Externalités :
Infrastructures
Externalités :
Infrastructures
Externalités :
Recherche publique
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l’intervention publique consistera donc à accroître le potentiel de croissance de l’économie. C’est le rôle que
l’on confie aux politiques dites « structurelles ».
Document 3 : l’objectif des politiques « conjoncturelles »
On sait cependant que l’économie connaît des fluctuations qui se manifestent par des écarts de production
(output gap). Ces écarts à la production potentielle peuvent conduire alors à intervenir pour ramener l’économie
sur son tendance « normale » : c’est le rôle confier aux politiques « conjoncturelles »
Document 3: la distinction entre politiques structurelles et politiques conjoncturelles est-elle pertinente ?
Politique structurelle
Politique conjoncturelle
Agir en priorité sur
Offre globale
Demande globale
Action qui porte sur une durée
de
moyen et long terme :
(croissance économique)
Court terme :
(fluctuations économiques)
Objectif
Faire augmenter le potentiel de
croissance de l’économie
Réduire l’écart de production
entre la production réelle et la
production potentielle
Liens entre dimension
structurelle et dimension
conjoncturelle de la croissance
L’effort d’accumulation des
différents capitaux a un impact
sur l’activité à court terme
Le niveau de l’activité à court
terme a un impact sur la
capacité à accumuler les
capitaux cessaires à la
croissance potentielle
1.2 Comment augmenter le potentiel de croissance d’une économie ?
Document 4 :
Objectifs
Les politiques structurelles ont habituellement pour objectif de faire augmenter la
capacité productive de l’économie : action sur l’offre
Deux
canaux
Augmentation de la quantité de
facteurs (et de l’intensité
capitalistique)
Augmentation de la productivité globale des
facteurs (PGF)
Augmentation
de la quantité
de travail
Augmentation
de
l’investissement
Augmentation
de l’innovation
Augmentation des
compétences des
actifs
Augmentation
des
infrastructures
publiques,
R&D publique
Favoriser
Accumulation
du capital
physique
Accumulation
du capital
Technologique
Accumulation du
capital Humain
Accumulation
du capital
Public
1.3 Agir sur l’accumulation du capital physique et du capital technologique
Document 5: le cas du financement des activités innovantes et les défaillances de marché
L’effort financier (public et privé) en faveur de la R&D est plus faible en Europe qu’aux Etats-Unis et au
Japon, et cet s’écart s’accroît : la part des dépenses en R&D dans le PIB était de 1,8% en 2005 dans l’UE 27
contre 2,6% aux Etats-Unis. Au sein de l’Union Européenne, les efforts de R&D sont très inégaux, s’étageant
entre 3,7% du PIB en Suède à 0,4% à Chypre pour 2006.
La contribution du secteur privé est aussi moindre en Europe, ce qui handicape le passage de la recherche
fondamentale au développement de l’innovation. L’explication est à chercher du côté de la structure de
production (les Etats-Unis sont plus spécialisés dans des secteurs intensifs en technologie) et d’imperfections
de marché plus prononcées, qu’il s’agisse du marché du travail (mobilité et coût du travail qualifié) ou du
marché des capitaux (financement du capital risque). Certaines entreprises qui pourraient investir dans le
recherche sont en effet contraintes par leur accès au financement. (…) En France, une rie de dispositifs
fiscaux a été mis en place pour orienter l’épargne des ménages vers les activités innovantes, notamment les
fonds communs de placement dans l’innovation. Source : Bénassy-Quéré p. 503
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Document 6 : incitation à l’innovation et propriété intellectuelle
Au delà des « coups de pouce » publics, la question du financement privé de l’innovation renvoie à celle de
l’incitation à innover. (…) Les entreprises investissent pour développer de nouveaux produits qui leur
donneront un avantage concurrentiel ou dans de nouveaux procédés de production et de distribution qui
réduiront les coûts et amélioreront la qualité. L’innovation est vite copiée par les concurrents. La protection de
la propriété intellectuelle joue donc un rôle essentiel. Pour comprendre son importance, on peut opposer deux
cas polaires. Si la propriété intellectuelle est bien protégée, c’est-à-dire si un nouveau produit ou un nouveau
procédé est un bien rival, propriété exclusive de son inventeur, l’investissement en R&D est lucratif mais risqué
puisque toute nouvelle invention risque de réduire à néant les bénéfices de la précédente. les entreprises ont
intérêt à investir massivement en R&D. (…) Dans le cas où, en revanche, les entreprises ne peuvent
s’approprier la rente parce que l’invention est un bien non-rival qui peut être utilisée sans coût par les
concurrents, alors elles ont peu d’incitation à innover. L’innovation est un bien collectif, et c’est à l’Etat de la
financer.
Bien entendu, tout dépend de l’invention considérée. Certaines sont par essences non-rivales (une formule
mathématique, une idée). D’autres sont par essence rivales (une machine outil) ; certaines sont réplicables à
coût faible (les créations intellectuelles, les logiciels) d’autres non (une nouvelle technologie nucléaire). Mais
les bénéfices de l’innovation pour la société doivent aussi rentrer en ligne de compte, comme l’illustre
l’exemple de la recherche sur les médicaments. Source : Bénassy-Quéré p. 505
Document 7 : les limites de la protection des DPI, le cas de la vente de certains médicaments dans les
pays pauvres
Les molécules issues de la recherche privée sont protégées par des brevets qui donnent à l’entreprise le droit
exclusif de les produire et de les vendre durant une longue période, typiquement 20 ans. Mais leur prix élevé les
rend inaccessibles aux patients des PVD. En Afrique du Sud, le taux de prévalence du sida est
particulièrement élevé (15% de la population des 15-25 ans selon l’OMS), il a été estimé que traiter tous les
séropositifs coûterait 63 milliards de dollars soit 20% du PIB du pays. Les pays à bas revenus ont par
conséquent demandé à pouvoir accorder des licences obligatoires permettant de produire les médicaments
localement en dédommageant le propriétaire du brevet. L’accord ADPIC de l’OMC leur donne ce droit.
(…)Les firmes indiennes exportent désormais des anti-rétroviraux génériques dans certains pays africains. (…)
Les difficultés des discussions sur ce sujet à l’OMC illustre la difficulté de concilier incitation à innover et
accès au plus grand nombre aux inventions existantes. La protection des droits de propriété intellectuelle
demeure une condition sine qua non de l’investissement privé dans la recherche médicale.
Source : Bénassy-Quéré p. 505
Document 8 : faut-il breveter les logiciels ? la différence de position entre les Etats-Unis et l’Europe
Le débat sur la brevetabilité des logiciels illustre les questions soulevées par la protection de l’innovation. En
l’absence de brevet, l’incitation est réduite par la possibilité de copier des lignes de code. Mais le brevet
systématique décourage également l’innovation car le développeur doit commencer par acheter les brevets
correspondant au code inclus dans son futur logiciel et aux algorithmes permettant de compiler ce code, et
parce que la nature « pionnière » de l’innovation étant difficile à prouver, les éditeurs multiplient les demandes
de brevets pour paralyser les concurrents.
(…) Mais un logiciel est-il une invention ? En Europe, le logiciel est protégé par le droit d’auteur, mais n’est
pas brevetable en tant que tel, contrairement aux Etats-Unis et au Japon. Source : Bénassy-Quéré p. 504
Document 9 : la structure des marchés a un impact sur l’innovation
Les marchés financiers allouent l’épargne elle est la plus productive, les marchés du travail assurent
l’allocation de la main d’œuvre, et la concurrence sur les marchés des biens et des services détermine
l’incitation à innover. (…) La capacité des marchés à assurer cette fonction de réallocation, qui contribue à la
productivité globale des facteurs, a pris une importance dans l’évaluation de la performance économique.
Les études empiriques mettent en évidence l’impact positif sur la croissance de l’élimination des rentes créées
par une réglementation trop lourde et/ou des barrières à l’entrée sur les marchés. Nicoletti et Scarpetta (2005)
ont ainsi construit des indicateurs synthétiques mesurant l’intensité de la réglementation des marchés pour les
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pays de l’OCDE. La valeur de ces indicateurs est très dispersée entre les pays, et cette dispersion explique en
partie les écarts de taux de croissance de la PGF.
La concurrence est-elle une incitation ou un frein à l’innovation ? Dans les premiers modèles d’innovation
« schumpéterienne » comme celui d’Aghion et Howitt (1992), la concurrence réduit la rente extraite des
innovations et donc l’incitation à innover. Mais la concurrence favorise aussi l’apparition de nouveaux entrants,
pour qui l’innovation est le seul moyen de contester les entreprises en place. Au total, ceci suggère l’existence
d’une relation « en cloche » : trop de concurrence décourage l’innovation, pas assez de concurrence la tue. (…)
Les secteurs au « coude à coude » sont ceux aucune entreprise ne s’impose clairement face à ses
concurrents, on voit que ces secteurs sont plus innovants quel que soit le degré de concurrence.
Les procès engagés contre la société Microsoft, accusée d’empêcher par divers moyens ses concurrents de
pénétrer sur le marché, ont illustré ce débat. Certains économistes ont considéré que Microsoft étouffait ses
concurrents, d’autres, que la domination d’un acteur ne signifiait pas que le marché n’était pas contestable, et
mis en avant le fait que les profits de Microsoft étaient réinvestis dans la R&D. la Commission européenne a
tranché en faveur des premiers et Microsoft a perdu en appel en 2007. En d’autres termes, les autorités
européennes considèrent que l’industrie du logiciel se trouve à gauche de la courbe en cloche.
Au total, le rôle de la concurrence comme accélérateur ou comme frein à l’innovation est fortement débattu,
notamment dans l’UE. des « champions technologiques » comme Airbus sont issus des programmes
d’investissement publics dans un environnement monopolistique. Les adversaires de ce type de programmes
citent, quant à eux, les échecs cuisant du passé, tels que le « plan calcul » lancé en 1966 par la Général De
Gaulle. Le débat est particulièrement vif dans les industries de réseau qui ont été ouvertes à la concurrence,
comme les télécommunications ou plus récemment l’énergie. Dans les premières phases de la libéralisation, il
faut encourager l’entrée de nouveaux acteurs contestant l’ancien monopole public. Mais à mesure que la
concurrence s’intensifie, il faut aussi veiller à préserver une incitation à investir et à innover, ce qui suppose un
certain niveau de profitabilité. C’est aux autorités de la concurrence, aux autorités de régulation sectorielle
(comme en France l’ARCEP, l’autorité de régulation des communications électroniques et de la poste) et la cas
échéant aux tribunaux de veiller à cet équilibre subtil. Source : Bénassy-Quéré p. 508
1.4 Agir sur l’accumulation du capital public
Document 10
La collectivité peut considérer la production de certains biens et services comme indispensable au bien-être de
la population. Cette production peut être justifiée pour des raisons tutélaires mais aussi sur des critères
économiques de défaillances de marché. Elle peut également conduire la puissance publique a octroyer des
monopoles à des entreprises privées qui doivent alors respecter des obligations de services publics.
Les défaillances de marché ici évoquées concernent en priorité la nature économique de certains services qui
conduisent à une sous-production par le marché. C’est notamment le cas des biens dits « collectifs ».
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Elle peut aussi s’appuyer sur l’existence d’externalités positives.
Par exemple, le financement des infrastructures de transport est justifié par ces deux critères : biens collectifs et
externalités positives.
Document 11 : le capital public
A quoi bon fabriquer des produits s’il n’y a pas de route pour aller les vendre au marché ?
Le développement économique requiert des infrastructures adéquates : écoles, hôpitaux, chemin de fer,
aéroports, barrages, réseaux d’électricité et de télécommunication, approvisionnement en eau, collecte et
traitement des déchets. Ces infrastructures sont financées dans un premier temps par l’Etat ou par l’aide
internationale et, au fur et à mesure que les pays s’enrichissent et perfectionnent leurs marchés financiers, par le
secteur privé. L’investissement public en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Italie a reculé de 4% du
PIB au début des années 1970 à 2% au début des années 2000, alors qu’il a augmenté en Irlande, en Grèce, en
Espagne ou au Portugal.
Mais même dans le cas d’un financement privé, une intervention publique est nécessaire :
Premièrement, de nombreuses infrastructures sont des monopoles naturels. Ceux-ci peuvent être
possédés par des investisseurs privés mais l’Etat doit alors vérifier qu’ils ne s’approprient pas une fraction
excessive de la rente de monopole (c’est le cas des sociétés d’autoroutes dont les péages sont réglementés), et
peut parfois décider que leur accès doit être gratuit, par exemple pour certaines catégories de la population ;
Deuxièmement, ces infrastructures créent des externalités positives (gains de temps pour les ménages,
abaissement du coût pour les entreprises, amélioration de la santé publique) ou négatives (congestion et
pollution). ceci justifie selon les cas des subventions (pour compenser l’écart entre rendement public et
rendement privé) ou au contraire des prélèvements (par exemple, pour dédommager les riverains victimes de
dommages) ;
Troisièmement, les infrastructures ne peuvent souvent pas être financées par le marché. En effet, lever
des fonds pour financer des projets d’infrastructures requiert l’existence d’un marché pour des prêts ou des
obligations à très long terme, pour la couverture du risque d’inflation, et dans le cas des pays en
développement, pour la couverture du risque-pays.
Ces externalités justifient l’intervention publique, mais ne sont pas une excuse pour entreprendre des projets
dont le taux de rentabilité socio-économique (ie, le rendement après prise en compte des effets externes) est
négatif. Ainsi le rendement socio-économique du tunnel Lyon-Turin a été estimé à 3% soit moins que son coût
de financement.
La tendance dans les pays développés est de privilégier les investissements favorables à la diffusion et
l’utilisation des TIC : téléphonie mobile, internet haut débit, réseau satellites ces projets bénéficient de la
présomption d’un rendement social marginal supérieur, puisqu’ils permettent le développement d’activités dans
les secteurs qui concentrent les gains de productivité. Mais il n’existe pas d’étude empirique systématique de
leur impact sur la PGF. Plus généralement, la justification politique des grands projets renvoie souvent au jeu
des intérêts particuliers ou à des effets keynésiens attendus, souvent à tort, sur l’activité et sur l’emploi. Un
exemple extrême est le Japon, les projets d’infrastructure se sont multipliés dans les années 1990 sans
impact notable sur le niveau d’activité.
Source : A.Benassy-Quéré, B.Coeuré, J.Pisani-Ferry et P.Jacquet, « Politique économique », De Boeck, 2010,
p.506
Au final, on constate que vouloir stimuler la croissance potentielle implique une intervention des pouvoirs
publics dont l’objectif est de modifier l’allocation des ressources sur le long terme :
L’Etat créé les marchés : le marché des capitaux, le DPI
L’Etat réglementer les marchés : supervision du système financier, politique de la concurrence, aides aux
entreprises, fiscalité, production de services publics
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