Synthèse sur le discours du vieillard dans le Supplément au voyage de Bougainville
Ce qui concerne la cruauté, la violence, l'immoralité et l'injustice :
o la cruauté et la violence :
o les Tahitiens jettent des "regards de dédain sur eux", la tonalité est donc critique.
o Le champ lexical appartenant à la cruauté est riche : "enchaîner", "égorger",
"assujettir", "servirez", "se haïr", "asservir"...
o Il manifeste en même temps l'attitude des Européens et l'attitude des Tahitiens entre
eux. On a une contamination de la violence. Il y a beaucoup de termes de violence qui est celle de la
colonisation pour la souligner : "funeste avenir", "fureurs inconnues", "folles", "féroces", "esclaves",
"teintes de votre sang".
o Diderot emploie aussi des termes qui connotent le mépris : "vis", "corrompus", "vils",
"ambitieux" qui renvoient à la question rhétorique : "Sommes-nous dignes de mépris ?". On a une
mise en cause du bien fondé de la colonisation.
o L'injustice et l'immoralité :
o L'injustice est marquée par l'intrusion de la notion de possession. (l.29) On a aussi
l'émergence de besoins nouveaux : des besoins factices qui créent une hiérarchie, une jalousie. Cette
injustice s'exprime par la loi du plus fort qui est marquée par l'attitude des occidentaux qui arrivent sur
la côte : ligne 25 : "Ce pays est à nous". Cette loi du plus fort s'oppose à la loi naturelle qui est louée
dans la seconde partie de ce texte.
Les méfaits de la civilisation, l'éloge de la vie naturelle.
o C'est un monde d'innocence et de bonheur :
o Ligne 16 : "nous sommes innocents, nous sommes heureux". Ceci est rattaché à la
nature : "nous suivons le pur instinct de la nature". Une des causes est le fait que l'on est en régime de
copropriété : ligne 18 : "tout est à tous" et ligne 36 : "nos mœurs sont plus sages et plus honnêtes que
les tiennes". Ce que les Européens appellent l'ignorance est en fait une innocence qui équivaut à une
sagesse.
o C'est un monde de liberté et de tolérance :
o Ligne 22 : "nous sommes libres." La liberté se manifeste également par opposition
dans le terme "esclavage". Elle s'exprime aussi par le souci de tolérance : la compréhension d'autrui est
marquée par l'expression "nous avons respecté l'image qui est en toi." et aussi par les questions
rhétoriques de la ligne 31 à 35.
o C'est un monde où la vie est simple : on a une forte insistance sur l'absence de
superflu à la fin de cet extrait : ligne 38 : "Tout ce qui est ... possédons.", "Lorsque nous avons faim ...
vêtir.". Ils revendiquent un minimum qui rend la vie facile : le bien être et le repos sont loués : "laisse-
nous reposer".
L'art de persuader dans le texte :
o Le discours est divisé en deux paragraphes : dans le premier, il s'adresse aux Tahitiens
et dans le second, il s'adresse à Bougainville.
o Dans le premier paragraphe de ce discours, on remarque qu'il y a un jeu d'opposition
entre vous et eux : "un jour vous les connaîtrez mieux", "aussi malheureux qu'eux", "vous servirez
sous eux" et en face on a "ils" qui désigne les "hommes ambitieux et méchants".
o Dans le second paragraphe de ce discours, "nous" désigne le vieillard et les Tahitiens
et "tu" désigne le "chef des brigands". Ces deux pronoms s'opposent : "Et toi, chef des brigands qui
t'obéissent" / " nous sommes innocents" ; "nous sommes heureux" / "tu ne peux que nuire à notre
bonheur"... Cette opposition marque leur style de vie. Il y a une interpellation de la personne par ce jeu
d'interpellations.
o On a également un certain nombre de symétries en chiasme : "elles sont devenues
folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs". La structure en chiasme permet de souligner
l'opposition. La symétrie exprime l'hypothèse inversée : le vieillard met les Européens à la place des
Tahitiens. Il utilise également des questions oratoires à la fin de cet extrait, dont la réponse est
contenue dans la question : à partir de la ligne 25 : "Ce pays est à toi ! Et pourquoi ? parce que tu y a
mis le pied ?" "... qu'en penserais-tu ?", "Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ?", "avons-nous
pillé ton vaisseau ?". Ces questions animent le discours et elles montrent l'assurance du vieillard.