Le Voyage autour du monde (extraits) de Bougainville [Les Tahitiens] sont presque toujours en guerre avec les habitants des îles voisines. Nous avons vu les grandes dug-out canoe piroguesº qui leur servent pour les descentes et même pour des combats de mer. Ils ont pour armes l'arc, la frondeº et sling, pick une espèce de piqueº d'un bois fort dur. La guerre se fait chez eux d'une manière cruelle. Suivant ce que nous a appris Aotourou, ils tuent les hommes et les enfants mâles pris dans les combats; ils leur lèvent la peau du menton avec la barbe, qu'ils portent comme un trophée de victoire; ils conservent seulement les femmes et les filles, que les vainqueurs ne dédaignent pas d'admettre dans leur lit; Aotourou lui-même est le fils d'un chef tahitien et d'une captive de l'île de Oopoa, île voisine et souvent ennemie de Tahiti. [...] J'exposerai à la fin de ce chapitre ce que j'ai pu entrevoir sur la forme de leur gouvernement, sur l'étendue du pouvoir qu'ont leurs petits souverains, sur l'espèce de distinction qui existe entre les principaux et le peuple, sur le lien enfin qui réunit ensemble, et sous la même autorité, cette multitude region d'hommes robustes qui ont si peu de besoins. Je remarquerai seulement ici que, dans les circonstances délicates, le seigneur du cantonº ne décide point sans l'avis d'un conseil. On a vu qu'il avait fallu une délibération des principaux de la nation lorsqu'il s'était agi de l'établissement de notre camp à terre. J'ajouterai que le chef paraît être obéi sans réplique par tout le monde, et que les notables ont aussi des gens qui les servent, et sur lesquels ils ont de l'autorité. Il est fort difficile de donner des éclaircissements sur leur to spread out religion. Nous avons vu chez eux des statues de bois que scaffold nous avons prises pour des idoles; mais quel culte leur rendent-ils? La seule cérémonie religieuse dont nous ayons été témoins regarde les morts. Ils en conservent longtemps les cadavres étendusº sur une espèce d'échafaudº que couvre un hangar. L'infection qu'ils répandent n'empêche pas les femmes d'aller pleurer auprès du corps une partie du jour, et d'oindre d'huile de coco les froides reliques de leur to not know affection. Celles dont nous étions connus nous ont laissés quelquefois approcher de ce lieu consacré aux mânes: Emoé, il dort, nous disaient-elles. Lorsqu'il ne reste plus que les squelettes, on les transporte dans la maison, et j'ignoreº combien de temps on les y conserve. Je sais seulement, parce que je l'ai vu, qu'alors un homme considéré dans la nation vient y exercer son ministère sacré, et que, dans ces lugubres cérémonies, il porte des ornements assez recherchés. Nous avons fait sur sa religion beaucoup de questions à Aotourou et nous avons cru comprendre qu'en général ses compatriotes sont fort superstitieux, que les prêtres ont chez eux la plus redoutable autorité, qu'indépendamment d'un être supérieur, nommé Eri-t-Era, le Roi du Soleil ou de la Lumière, être qu'ils ne représentent par aucune image matérielle, ils admettent plusieurs divinités, les unes bienfaisantes, les autres malfaisantes; que le nom de ces divinités ou géniesº est Eatoua, qu'ils attachent à chaque action importante de la vie un bon et un mauvais génie, lesquels y président et décident du succès ou du malheur. Ce que nous avons compris avec certitude, c'est que, quand la lune présente un certain aspect, qu'ils nomment Malama Tamal, Lune en état de guerre, aspect qui ne nous a pas montré de caractère distinctif qui puisse nous servir à le définir, ils sacrifient des victimes humaines. De tous leurs usages, un de ceux qui me surprend le plus, c'est l'habitude qu'ils ont de saluer ceux qui éternuentº, en leur disant: Evaroua-teatoua, que le bon eatoua te réveille, ou bien que le mauvais eatoua ne t'endorme pas. Voilà des traces d'une origine commune avec les nations de l'ancien continent. Au reste, c'est surtout en traitant de la religion des peuples que le scepticisme est raisonnable, puisqu'il n'y a point de matière dans laquelle il soit plus facile de prendre la lueurº pour l'évidence. spirits to sneeze glimmer of light idleness La polygamie paraît générale chez eux, du moins parmi les principaux. Comme leur seule passion est l'amour, le grand nombre des femmes est le seul luxe des riches. Les enfants partagent également les soins du père et de la mère. Ce n'est pas l'usage à Tahiti que les hommes, uniquement occupés de la pêche et de la guerre, laissent au sexe le plus faible les travaux pénibles du ménage et de la culture. Ici une douce oisivetéº est le partage des femmes, et le soin de inclination, senses plaire leur plus sérieuse occupation. Je ne saurais assurer si le mariage est un engagement civil ou consacré par la religion, s'il est indissoluble ou sujet au to inhibit divorce. Quoi qu'il en soit, les femmes doivent à leurs maris une soumission entière: elles laveraient dans leur sang une infidélité commise sans l'aveu de l'époux. Son consentement, il est vrai, n'est pas difficile à obtenir, et la jalousie est ici un sentiment si étranger que le mari est ordinairement le premier à presser sa femme de se livrer. Une fille n'éprouve à cet égard aucune gêne; tout l'invite à suivre le penchantº de son coeur ou la loi de ses sensº, et les applaudissements publics honorent sa défaite. Il ne semble pas que le grand nombre d'amants passagers qu'elle peut avoir eu l'empêcheº de trouver ensuite un mari. Pourquoi donc résisterait-elle à l'influence du climat, à la séduction de l'exemple? L'air qu'on respire, les chants, la danse presque toujours accompagnée de postures lascivesº, tout rappelle à chaque instant les douceurs de l'amour, tout crie de s'y livrerº. Ils dansent au son d'une espèce de tambourº, et, lorsqu'ils chantent, ils accompagnent la voix avec une flûte très douce à trois ou quatre trousº, dans laquelle, comme nous l'avons déjà dit, ils soufflent avec le nez. Ils ont aussi une espèce de lutteº qui est en même temps exercice et jeu. Cette habitude de vivre continuellement dans le plaisir donne aux Tahitiens un penchant marqué pour cette douce plaisanterie, fille du repos et de la joie. Ils en contractent aussi dans le caractère une légèreté dont nous étions tous les jours étonnés. Tout les frappe, rien ne les occupe; au milieu des objets nouveaux que nous leur présentions, nous n'avons jamais réussi à fixer deux minutes de suite l'attention d'aucun d'eux. Il semble que la moindre réflexion leur soit un travail insupportable et qu'ils fuientº encore plus les fatigues de l'espritº que celles du corps. lascivioussexual to give in drum holes battle to flee the mind