Monsieur le Président - Ministère du Travail, de l`Emploi et de l

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Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
Monsieur le Président, je voudrais d’abord vous féliciter pour votre élection à la Présidence de
cette 99ième Conférence internationale du Travail. Vous avez toutes les qualités pour conduire
les travaux de cette conférence. Nous nous réunissons à un moment particulièrement
important et critique pour l’économie mondiale. Nos pays ont été ébranlés par la crise
financière et économique qui, dans un grand nombre de pays, risque de provoquer une crise
sociale.
Vous-même, Monsieur le Président, avez été un ministre du travail novateur. Des lois
importantes réformant l’organisation du travail ont d’ailleurs porté votre nom.
Nous devons aborder le rôle de l’OIT dans cette phase difficile précisément avec un esprit
innovateur. L’économie globalisée ne sera plus identique à la sortie de cette crise à ce qu’elle
a été avant. Nous avons besoin d’une nouvelle gouvernance mondiale au sein de laquelle
l’OIT qui a un grand passé doit occuper une place plus importante. Notre organisation
préfigure aussi, grâce à son fonctionnement tripartite qui ne réunit pas seulement les Etats
mais aussi les employeurs et les salariés et leurs organisations qui les représentent, une
participation active de la société civile à l’échelle de la gouvernance du monde.
Il ne s’agit sûrement pas de rejeter en bloc la mondialisation. Elle a été durant les dernières
décennies un puissant moteur économique permettant à des dizaines de millions de personnes
de sortir de la pauvreté. En même temps, cette évolution positive ne doit pas nous faire
oublier que la forte croissance qu’à connue l’économie mondiale n’a pas empêché une
aggravation des inégalités. La crise est le résultat de marchés financiers débridés, laissés à
eux-mêmes et qui, en exploitant des déséquilibres économiques ont fini par les aggraver. Il est
aujourd’hui urgent de réguler les marchés financiers et de mettre en place les mécanismes qui
doivent prévenir de telles dérives. L’impact du système financier considérable sur l’économie
réelle de la crise se mesure notamment au niveau de l’emploi : 34 millions de chômeurs en
plus en moins de trois ans. D’après le Rapport du Directeur Général, près de 110 millions de
travailleurs occupant un emploi vulnérable ou précaire en plus, une augmentation rapide du
nombre des travailleurs pauvres.
Monsieur le Directeur, vous avez donné à votre Rapport adressé à la 99ième session de la
Conférence internationale du Travail le titre « Placer la reprise et la croissance sous le signe
du travail décent ». En effet, nous partageons entièrement cet objectif et les moyens identifiés
dans le Pacte mondial pour l’Emploi : nous ne réussissons pas à maîtriser les difficultés
actuelles sans une croissance suffisante créatrice d’emplois et sans une répartition plus
équitable des fruits de cette croissance.
Les consolidations budgétaires aussi nécessaires qu’elles soient ne doivent pas être mises en
œuvre dans un esprit comptable qui remettrait en cause la croissance, l’emploi et la protection
sociale. Il serait totalement erroné de revenir sur les politiques d’ajustement structurel
prodiguées dans le passé et qui faisaient précisément peu de cas de l’emploi et de la protection
sociale.
Vous voyez juste, Monsieur le Directeur, quand vous préconisez l’investissement dans le
dynamisme économique et l’innovation. Nos pays, nos économies et en fin de compte la
planète toute entière fait face à des défis gigantesques : le changement climatique, la
raréfaction des énergies fossiles, une pauvreté absolue dont souffrent encore des centaines de
millions d’êtres humains privés de tout. Ces menaces peuvent se transformer en opportunités
nouvelles, si nous le voulons et si nous nous en donnons les moyens. La croissance verte avec
des millions d’emplois à la clé ; le développement des énergies alternatives, notamment de
l’énergie solaire notamment dans les pays de l’hémisphère sud qui pourrait favoriser un
nouvel essor économique et social, à condition de bien organiser les transferts de
technologies, d’investir massivement dans l’éducation et la formation et d’encourager
l’entreprenariat grâce à un meilleur accès au crédit.
Le Pacte mondial pour l’Emploi est en fait la seule voie réaliste pour soutenir à l’échelle
mondiale une croissance plus créatrice d’emploi, plus économe en ressources naturelles et
plus conforme à l’esprit de justice sociale. Le monde a aujourd’hui besoin d’une vision à plus
long terme qui soit fondée prioritairement sur les valeurs humaines et non pas sur les valeurs
du marché comme l’a relevé le Directeur Général dans son discours. Le marché est sans
aucun doute un instrument nécessaire, qu’il s’agit d’encadrer et de réglementer, il ne peut être
une fin en soi.
Dans ce processus, nous avons besoin d’une Organisation internationale du Travail active,
présente et qui parle au nom de ses Etats membres mais aussi au nom de cette société civile
pour laquelle elle est une tribune unique. Une régularisation plus sociale de la mondialisation
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nécessite une meilleure coopération entre l’OIT et l’OMC. Dans cette crise, nous avons évité
le pire parce que la dérive protectionniste a pu être empêchée. Certes, le cycle de Doha n’est
toujours pas conclu. Il faut espérer que les négociations pourront être relancées
prochainement. Mais en même temps les questions des clauses sociales, des libertés et droits
syndicaux, de l’interdiction du travail des enfants, de la sécurité et de la santé au travail tout
comme celles relatives à une meilleure intégration des pays du sud dans l’économie mondiale
ne peuvent plus être éludées. Certes, elles ne doivent pas devenir un prétexte pour renforcer
les mesures protectionnistes. Mais des avancées dans ces domaines qui relèvent
principalement de la compétence de l’OIT devraient permettre bien au contraire de consolider
un système ouvert des échanges. C’est dans cet esprit que nous nous prononçons aussi en
faveur du statut d’observateur de l’OIT à l’OMC, afin de renforcer la coopération et l’échange
continu entre ces deux organisations.
Monsieur le Directeur Général, vous mettez l’accent sur le travail décent. Nous attachons une
importance particulière à l’amélioration des conditions de travail respectueuses de la sécurité
et de la santé des travailleurs. Toute notre sympathie va vers les travailleurs qui réclament
aujourd’hui leur dû, c'est-à-dire des salaires qui leur permettent de vivre dignement et de
bénéficier d’une protection sociale appropriée. Ils doivent disposer du droit à faire valoir leurs
droits légitimes, y compris celui d’appartenir à un syndicat de leur choix.
Je voudrais aussi relever tout particulièrement notre soutient à la lutte contre le travail des
enfants. 215 millions d’enfants exécutant souvent des travaux pénibles, sans être rémunérés
correctement, sans pourvoir accéder à l’école, à des soins. Cette situation inacceptable doit
interpeller chaque citoyen. Chacun d’entre nous peut contribuer à lutter contre ce fléau. Vous
avez raison, Monsieur le Directeur, de proposer une intensification de cette lutte, étant donné
que la crise et l’aggravation de la pauvreté risque de nous éloigner de l’objectif 2016. Nous
devons en effet renforcer nos moyens et mobiliser des ressources supplémentaires pour offrir
à ces enfants un nouvel espoir. Mon pays y est tout à fait disposé.
Monsieur le Président, pour conclure j’aimerais dire un mot sur le Rapport du Directeur
général concernant la situation des travailleurs des territoires arabes occupés. Dans le contexte
dramatique des récents événements et d’une dégradation continue des conditions de vie, cette
situation mérite un suivi particulier. Si rien ne peut jamais justifier les actes terroristes, rien ne
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peut légitimer le bouclage de toute une population privée des denrées nécessaires à une vie
décente. Condamner la majorité d’une population et notamment des jeunes au chômage et à la
pauvreté ne peut contribuer d’aucune manière au dialogue et au lancement d’un véritable
processus de paix qui doit avoir comme but de concrétiser le droit légitime du peuple
palestinien à un Etat et d’assurer à tous les peuples de la région la sécurité et le
développement économique et social, indispensable à la construction d’une paix durable.
Monsieur le Président, l’OIT symbolise l’idée du partenariat et du dialogue social. Pour sortir
de cette crise économique et sociale, nous devons reconstruire des solidarités au sein de
l’économie mondiale, entre nos Etats, au sein de nos Etats et de nos sociétés. L’OIT nous y
aide, d’autant plus si elle est reconnue pleinement comme un des acteurs de la réforme du
système économique mondial. Cette conférence internationale et tout le travail préparatoire
dirigé par le Directeur général mais aussi les travaux et les échanges au sein des commissions
doivent nous servir à poursuivre ce dialogue dans un esprit de justice et d’innovation dont
nous avons aujourd’hui plus besoin que jamais.
Nicolas Schmit
Ministre du Travail, de l’Emploi
et de l’Immigration
Luxembourg
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