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La consommation :
entre satisfaction et
construction des besoins
Dossier documentaire :
La consommation : entre satisfaction et construction des besoins
A.
Comment peut-on expliquer les besoins de
consommations ?
1)
Utilité marginale et satisfaction des besoins de
consommations
Document 1
2)
Les changements économiques et sociaux influencent
les besoins
Document 2
B.
Besoins et société de consommation
1)
Comportements mimétiques et ostentatoires
Document 3
2)
Doit-on repenser les besoins de consommation ?
Exercice de
synthèse et
argumentation
Stéphane Boisson, professeur de sciences économiques et sociales, Lycée Jean Monnet, Montpellier
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La consommation :
entre satisfaction et
construction des besoins
Document 1 : Le principe de l’utilité marginale décroissante
Pour ceux qui sont à l’origine de ce nouveau courant, l’Anglais Stanley Jevons (1835-1882), l’Autrichien Karl
Menger (1840-1921) et le Français Léon Walras (1834-1910), il existerait – au-delà de la diversité des goûts
individuels – une « loi psychologique » selon laquelle la satisfaction procurée par la consommation d’un bien
augmente avec la quantité qui en est consommée, cette augmentation se faisant à un rythme de plus en plus faible,
de sorte qu’il y ait saturation progressive , mais jamais totale. Cette « loi psychologique » - qui pour certains, tel
Jevons, s’explique par des raisons physiologiques- a été appelée loi de l’utilité marginale décroissante, le mot
« utilité » désignant la satisfaction, ou le plaisir, alors que l’adjectif « marginale » attire l’attention sur le fait que
c’est l’utilité de la dernière unité consommée qui diminue lorsque la consommation augmente. Ainsi, pour prendre
un exemple simple, si la consommation d’une pomme procure une utilité égale à 10, celle de deux pommes une
utilité de 15, et celle de trois pommes une utilité de 18, alors l’utilité marginale de la deuxième pomme est égale à
15-10 = 5 tandis que celle de la troisième est de 18 – 15 =3. Comme 3 < 5, la loi de l’utilité marginale décroissante
est bien vérifiée, du moins dans cet exemple.
Le choix du consommateur
Les marginalistes – nous appellerons ainsi les tenants de la loi de l’utilité marginale décroissante- vont utiliser une
telle « loi » pour expliquer la valeur des biens, en s’appuyant sur l’idée que les individus cherchent à obtenir la
satisfaction – ou le plaisir – le plus grand possible (ils ont un comportement hédoniste) et qu’ils sont rationnels,
c’est-à-dire qu’ils agissent dans le but d’atteindre cet objectif. Ainsi, le problème du consommateur – dont on
suppose qu’il est hédoniste et rationnel – est de choisir le panier de biens qui maximise son utilité, compte tenu de
ce qu’il dispose de ressources limitées (il subit une contrainte budgétaire). Ce choix dépend donc de la forme de sa
fonction d’utilité (de ses goûts), mais aussi du prix des biens. Plus précisément, il est tel que le rapport entre
l’utilité marginale et le prix de chaque bien soit le même pour tous les biens composant le panier retenu.
En effet, si tel n’était pas le cas, le consommateur pourrait augmenter son utilité en modifiant ce panier. Ainsi, si le
rapport entre l’utilité marginale et prix était plus grand pour le bien A que pour le bien B, alors le consommateur
aurait intérêt à vendre du bien B et à acheter du bien A avec la somme obtenue ; le panier considéré ne
correspondrait donc pas une utilité maximale. Et ce raisonnement est valable quels soient les biens A et B
considérés.
La « condition d’optimalité » qui vient d’être établie – égalité des rapports entre utilités marginales et prix, pour
chaque bien – peut aussi s’énoncer de la façon suivante : le panier qui maximise l’utilité sous la contrainte
budgétaire est tel que l’utilité marginale de chacun des biens qui le composent soit proportionnelle au prix de ce
bien, le coefficient de proportionnalité étant le même pour les biens. Ce coefficient dépend du revenu, puisque, si
celui-ci augmente, la contrainte budgétaire est moins « serrée », de sorte que la consommation des biens augmente
et que les utilités marginales diminuent ; comme on suppose les prix fixés, le rapport entre utilités marginales et
prix – c’est-à-dire notre coefficient de proportionnalité – diminue. D’ailleurs, les microéconomistes appellent ce
rapport utilité marginale du revenu.[…]
La loi de la demande
Lorsqu’un individu a déterminé le paner de biens qui maximise son utilité, il cherche à acquérir un tel panier et
formule donc des demandes pour chacun des biens qui le composent. Ces demandes dépendent évidemment des
prix de ces biens et on les représente généralement par une courbe (Cournot [1801-1877] a été le premier à utiliser
cette représentation, mais c’est Walras puis, surtout Marshall [1842-1924] qui ont mis en avant le lien entre
demande et maximisation de l’utilité).
Quelle est la forme des courbes de demande ? La réponse à cette question semble aller de soi : décroissante. N’estil pas évident que, lorsque le prix d’un bien augmente, on cherche à en acquérir moins, quitte à reporter ses achats
sur d’autres biens ?
Le propos des théoriciens marginalistes n’était pas pourtant d’en rester aux « évidences », mais de montrer que la
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La consommation :
entre satisfaction et
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décroissance de la courbe de demande (de n’importe quel bien) est une conséquence de la maximisation de l’utilité
par les individus.
Bernard Guerrien, La microéconomie, La pensée économique contemporaine, T.1, Points Seuil, 1995.
Questions
1) Définissez les termes soulignés dans le document. (n’oubliez pas que certains termes peuvent avoir un sens
courant et un sens économique différents).
2) Représenter graphiquement ci-dessous la courbe de la demande en fonction du prix.
3) Quelle vision ont les marginalistes de l’individu consommateur ?
4) Selon les marginalistes, quelles variables déterminent les comportements de consommation ?
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Document 2 : Deux villages
Ces deux villages s’appellent l’un Madère, l’autre
Cessac. Le lecteur reconnaîtra sans peine dans le
premier un village « sous-développé » ; dans le second
éclatent les traits majeurs du développement
économique.
Le village de Madère - je pourrais écrire la paroisse de
Madère, car tous ses habitants sont chrétiens baptisés, la
majorité pratique chaque dimanche, et de mémoire
d’homme, l’on n’y a encore vu que quatre enterrements
civils - a d’après les chiffres du recensement, 534 hab.
Les quatre cinquièmes sont nés à Madère ou dans des
paroisses voisines, distantes de moins de 20 km, soit
moins de quatre heures de marche. Cela marque déjà un
certain acheminement vers des temps nouveaux car,
cinquante ans plus tôt, c’étaient 97 % des habitants qui
étaient nés sur le terroir.
Sur ces 534 habitants, 40 ont plus de 70 ans, et 210
moins de 20 ans. Il y a environ 12 naissances en
moyenne par an, et 8 décès, dont près de 3 chaque deux
ans sont des décès de bébés de moins d’un an. Tous ces
chiffres sont très inférieurs à ceux qui étaient
enregistrés à Madère au siècle précédent, où la mortalité
infantile dépassait 30 %, la natalité 40 %. Mais la
plupart des autres éléments du niveau de vie et du genre
de vie des habitants de Madère sont restés très proches
de ce qu’ils étaient à la fin du 19ème siècle. Par
exemple, la taille moyenne des adolescents à l’âge de
20 ans est de 165 cm pour les garçons et de 155 cm
pour les filles. Très peu d’enfants dépassent le niveau
de l’école primaire élémentaire, où l’on apprend à lire, à
écrire la langue nationale et à compter. J’ai sous les
yeux la liste des enfants nés à Madère depuis 1921 et
qui ont atteint ou dépassé le « niveau baccalauréat » : ils
sont moins de 50 sur 4000 enfants nés vivants.
Des 534 habitants de Madère, 279 sont recensés dans la
population active ; les autres étant des jeunes de moins
de 14 ans, des femmes « ménagères », et une quinzaine
de personnes désignées comme « retraités » : ces
retraités sont le petit nombre des hommes, nés pour la
plupart à Madère, qui ont fui la misère dans leur
jeunesse en obtenant des postes dans l’administration
publique (postes, contributions fiscales...) et dans
l’armée. De ces 279 « actifs », 208 sont agriculteurs, 27
artisans (maçons, menuisiers, charpentiers, un tonnelier,
maréchaux-ferrants, meuniers, cordonniers, tailleurs...)
et 12 commerçants : il y a en effet un très petit
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La consommation :
entre satisfaction et
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commerce, trois ou quatre « boutiques », deux épiceries
- merceries, une boulangerie, une boucherie. Le boucher
ne travaille d’ailleurs qu’à temps partiel ; il ne vend en
général que du mouton, et seulement deux jours par
semaine. Les 19 personnes recensées comme «
employés » sont 5 instituteurs ou institutrices, le
receveur des postes et le facteur, la secrétaire de mairie,
le garde champêtre et quelques femmes de ménage
journalières, laveuses et « bonnes à tout faire ». Une
dizaine d’ouvriers non agricoles (cantonniers,
mécaniciens...) complètent les 279, qui ne comprennent
que 2 « cadres ou techniciens », le curé et un docteur en
médecine, qui, d’ailleurs, a quitté Madère peu après le
recensement, non bien sûr faute de malades, mais faute
de clients solvables. Les 208 agriculteurs sont groupés
en 92 « exploitations agricoles » dont la superficie
moyenne en culture est de l’ordre de 5 ha. Aucune
exploitation ne dépasse 20 ha. Ces 208 travailleurs
agricoles ne disposent en tout que de deux tracteurs,
souvent hors d’usage par bris d’une pièce dont la «
rechange » manque et ne peut être obtenue qu’après des
délais variant de quelques jours à quelques semaines.
L’auxiliaire fondamental du travailleur reste le boeuf
(parfois la vache mi-laitière, mi-charretière), quelques
chevaux et encore plusieurs ânes et mulets.
L’engrais chimique est très peu utilisé ; on « fume » la
terre avec le fumier des grands animaux, avec appoint
des poules, lapins, canards et dindons... Le rendement
par hectare cultivé ne peut, dans ces conditions, qu’être
très faible : à peine supérieur aux chiffres du 19ème
siècle. En année moyenne, le blé rend 7 à 8 fois la
semence ... L’alimentation forme les trois quarts de la
consommation totale. Elle est cependant pour sa moitié
composée de pain et de pommes de terre ; chaque
exploitation agricole élève un porc et une trentaine de
têtes de petits animaux, dont la consommation fournit
les trois quarts de la consommation de viande de la
famille. Une seule fois par semaine, en moyenne, on
achète et on consomme de la viande de boucherie, en
petite quantité et, s’il s’agit de bœufs, en qualité très
médiocre. Le beurre est inconnu ; le fromage n’est
consommé que dans sa forme locale. La base de
l’alimentation, plus de la moitié des calories absorbées,
est la soupe de pain et de légumes, à la graisse de porc.
Le reste de la consommation personnelle est
vestimentaire pour plus de sa moitié. Les dépenses de
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loisirs sont très faibles ; ni les jeunes ni les adolescents
ne reçoivent d’argent de poche. En dehors du service
militaire et de la guerre, la grande majorité des
habitants de Madère n’a fait de voyage que son voyage
de noce et quelques pèlerinages. On aura une image
concrète du niveau de consommation de cette
population, si l’on apprend que pour acheter 1 kilo de
pain, le travailleur moyen de Madère doit travailler 24
mn, contre 10 à Cessac. Mais il doit travailler une
journée entière de 8 h à Madère pour gagner
l’équivalent du prix d’un poulet, que le Cessacois
moyen gagne en 11 fois moins de temps ! L’écart est
encore plus fantastique pour certains produits
manufacturés ... pour la radio, de 300 à 20. C’est dire
que Cessac appartient à un pays hautement développé,
où le niveau de vie moyen est de 4 à 5 fois plus élevé
qu’à Madère.
Jean Fourastié, Les trente glorieuses, 1979.
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La consommation : entre
satisfaction et
construction des besoins
Questions
1) Complétez le tableau ci-dessous à l’aide des informations contenues dans le texte.
Madère
Cessac
Population active
Population totale
Population active
Agriculture
Ouvriers non
agricoles
Artisans
Tertiaire
Inactifs pour un
actif
670
215
53
35
25
102
Données démographiques
Taux de natalité
(/000)
Taux de mortalité
(id.)
Croissance
démographique
(id.)
Taux de mort.
infantile
Espérance de vie
à 20 ans
Hab. nés à - de 20
km
Taille moyenne à
20 ans
14
11
14
45 ans
Agriculture
Nombre d’exploitations
Travailleurs par exploit.
Superficie cultivée moyenne
Rendements /ha (q)
Nombre animaux de trait
Nombre de tracteurs
Niveau de vie
Nombre de maisons
dont < 20 ans d’âge
53 ans
44%
174
39
12
100
13 ha
35
1
40
163
3
212
50
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Réfrigérateurs
WC intérieurs
Chauffage central
Téléphones
Voitures particulières
Radios
TV
Prix réels
1 kg de pain
un poulet
une radio
5
10
2
5
5
50
2
La consommation : entre
satisfaction et
construction des besoins
210
150
100
110
280
250
200
2) Madère et Cessac, sont en fait un seul et même village. C’est en fait le village de Douelle qui est situé sur
la rivière Le Lot à 11 km en aval de Cahors. Madère, c’est Douelle en 1946. Cessac, c’est Douelle en
1975. A partir de cette information, repérez et analysez les facteurs qui ont joué un rôle déterminant sur
les besoins et comportements de consommation.
3) En quoi cette analyse s’oppose aux hypothèses du document 1 ?
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La consommation : entre
satisfaction et
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Document 3 : Un appétit insatiable
« Loin d'agir de façon rationnelle en vue de satisfaire leurs besoins
physiologiques, les hommes luttent pour acquérir toujours plus de biens.
Le cours de l'évolution tiendra simplement en ce que des classes
sociales toujours plus larges et des groupes humains toujours plus
nombreux seront délivrés pratiquement du problème de la nécessité
économique. ».
Le grand économiste anglais John Maynard Keynes décrivait ainsi, en
1928, l'avenir possible grâce à la croissance économique si l'on se
Dans les années 40, le psychologue américain
décidait enfin à suivre ses préconisations (1). Sur ce plan, il ne faisait Abraham Maslow avait mis au point un modèle
d'ailleurs que reprendre une idée déjà défendue avant lui par la plupart simple pour représenter la complexité des
humaines, connu depuis sous le nom
des théoriciens de l'économie, et notamment par Karl Marx. En effet, motivations
de pyramide de Maslow. Les besoins des hommes
dans la vision du monde héritée des Lumières, la maîtrise de la Nature sont représentés sous la forme de couches
devait permettre de satisfaire prochainement tous les besoins de superposées allant du plus physiologique au plus
la satisfaction des besoins de base
l'humanité. Les luttes que les hommes mènent les uns contre les autres immatériel,
permettant d'envisager celle des besoins "
pour accéder à des ressources limitées dans un contexte de rareté supérieurs ". La simplicité de ce modèle a fait son
permanente devaient ainsi être renvoyées aux oubliettes de l'histoire. Or, succès durable. Elle lui a valu également de
nombreuses critiques, notamment du fait de la
bien que les richesses nouvelles mises chaque année à la disposition de hiérarchie qu'il établit entre les différents besoins.
chacun d'entre nous aient été multipliées par plus de dix en Europe Or, même quand ils sont au bord de la famine, les
ont aussi un besoin vital d'estime et de
occidentale depuis 1820, selon les calculs de l'économiste Angus hommes
reconnaissance sociale. Ce type de représentation
Maddison (2), la perspective de cette société d'abondance recule au fur a néanmoins aidé à comprendre pourquoi il ne
et à mesure que le produit intérieur brut (PIB) progresse, comme suffisait pas que les hommes disposent en
suffisance de quoi se nourrir, se loger, se vêtir et
l'horizon pour le marin sur l'océan...
se chauffer pour que leur appétit de
Dans nos sociétés de consommation postmodernes, la lutte pour acquérir consommation soit rassasié.
toujours plus de biens et de services n'a guère perdu en âpreté depuis le XIXe siècle, même si les objets enjeux de
cette lutte ont profondément changé. Et bien que les sondages n'aient pas existé à l'époque, il y a fort à parier que
les hommes d'aujourd'hui sont à peu près aussi insatisfaits que les miséreux que décrivait Karl Marx dans les
banlieues de Londres ou de Manchester au début du XIXe siècle...
Rivalité mimétique
L'idée, commune autrefois, d'une abondance prochaine permise par la croissance reposait en fait sur une
conception erronée de la nature humaine : elle supposait que, dans leurs activités économiques, les hommes
agissent de façon rationnelle en vue de la satisfaction de besoins de nature essentiellement physiologique, ceux-ci
étant par définition finis. Or la motivation réelle des actions humaines est très différente, et ce depuis toujours.
Au-delà de la satisfaction des besoins physiologiques, notre appétit insatiable de consommation est lié en
particulier au phénomène que le philosophe français René Girard place au cœur de la dynamique sociale depuis la
nuit des temps : la rivalité mimétique. Vouloir en permanence ce que l'autre possède ou désire. Le développement
de la monnaie et de l'activité économique permettant simplement de traiter de façon moins violente cette question
qui, du temps de Caïn et Abel, se réglait de manière plus expéditive (3)...
L'un des premiers théoriciens à avoir compris combien le raisonnement classique des économistes sur la
consommation était erroné a été Thorstein Veblen (4). Cet Américain d'origine norvégienne vécut à la charnière
du XIXe et du XXe siècle ; il connut donc les effets du formidable enrichissement que produisit, dans une partie
de la société américaine, le décollage spectaculaire de l'économie des Etats-Unis, une dynamique très analogue
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par sa vigueur à celle que connaît la Chine aujourd'hui. Il comprit alors combien l'ostentation, la volonté d'épater
ses semblables était un moteur puissant de la consommation, et donc de l'activité économique, bien plus que la
simple satisfaction de besoins physiologiques. Ce que traduit notamment ce qu'on appelle depuis " l'effet Veblen "
: contrairement à ce qu'on pourrait attendre dans la vision du monde des économistes classiques, on constate
fréquemment que plus le prix d'un bien augmente, plus sa demande s'accroît.
Et ce mécanisme est loin de concerner seulement la demande de produits de grand luxe par les très riches. Il est
aussi à la base des phénomènes que l'on observe souvent avec étonnement dans les banlieues : des jeunes,
appartenant pourtant aux couches les plus défavorisées de la société, se saignent aux quatre veines pour disposer
eux aussi de telles lunettes de marque ou de telles chaussures siglées, bien qu'il existe des équivalents
parfaitement fonctionnels coûtant beaucoup moins cher.
Accumulation destructrice
Cet appétit de consommation, par nature insatiable, entretient évidemment un lien étroit avec les dégâts que
l'humanité cause à son environnement, au point de menacer désormais sa propre survie. Le capitalisme a certes
exacerbé le phénomène : en faisant sauter les barrières de caste, en abolissant les frontières, en permettant aux
pauvres de se nourrir et de se loger à peu près correctement (en tout cas dans les pays développés), il a
puissamment démocratisé la recherche de la consommation ostentatoire et étendu à toute la société et à toute la
planète le champ des rivalités mimétiques. Aujourd'hui, les multinationales jouent à fond sur l'effet Veblen : elles
tendent en permanence les ressorts de l'ostentation et de la rivalité mimétique pour accroître leurs ventes, par le
biais notamment de la publicité. On aurait tort cependant de considérer que le capitalisme aurait inventé ces
travers alors que, dans le passé, nos ancêtres vivaient de façon frugale et respectueuse de la nature. […].
Alternatives Economiques, n° 267 (03/2008), p.59, Guillaume Duval.
(1) Dans " Perspectives économiques pour nos petits enfants ", publié dans les Essais sur la monnaie et
l'économie, éd. Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1971.
(2) Voir une présentation des travaux d'Angus Maddison sur
www.theworldeconomy.org/publications/worldeconomy/index-fr.htm
(3) Personnages de la Bible, Caïn et Abel sont les enfants d'Adam et Eve. Jaloux du succès d'Abel auprès de Dieu,
qui agrée les sacrifices de son frère et pas les siens, Caïn le tue.
(4) Voir " Thorstein Veblen, pionnier de l'institutionnalisme ", Alternatives Economiques n° 215, juin 2003,
disponible dans nos archives en ligne. Veblen dans le texte : " Theory of the Leisure Class ", disponible sur
www.gutenberg.org/etext/833
(5) Le troisième chimpanzé, De l'inégalité parmi les sociétés et Effondrement, trois ouvrages publiés en France
chez Gallimard.
Questions
1) D’après le document, l’augmentation des richesses produites a-t-elle permis de faire disparaître la
concurrence entre les agents économiques pour les acquérir ?
2) D’après le document, quels processus économiques sont à l’œuvre dans la construction des besoins des
consommateurs ?
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La consommation : entre
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3) Expliquez l’effet « Veblen », et pourquoi l’augmentation du prix d’un bien n’entraîne pas forcément une
baisse de sa consommation.
4) Quelles conséquences les logiques de consommation ont-elles sur le fonctionnement de nos sociétés ?
Exercice de synthèse sur le dossier : Doit-on repenser les besoins de consommation ? Répondez cette question à
partir du dossier et rédigez une argumentation structurée.
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