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Fiche pédagogique réalisée
dans le cadre du projet Inforoutes
TICE et enseignement bilingue francophone en Roumanie, Bulgarie et Moldavie
avec le soutien de l'Organisation Internationale de la Francophonie
www.vizavi-edu.ro Partenaires :
Fiche pédagogique enseignant
ÉCONOMIE
Stéphane Boisson, professeur de sciences économiques et sociales, Lycée Jean Monnet, Montpellier
MINISTERUL EDUCAŢIEI,
CERCETĂRII, TINERETULUI
ŞI SPORTULUI
La consommation :
entre satisfaction et
construction des besoins
Document 2 : Deux villages
Ces deux villages s’appellent l’un Madère, l’autre
Cessac. Le lecteur reconnaîtra sans peine dans le
premier un village « sous-développé » ; dans le second
éclatent les traits majeurs du développement
économique.
Le village de Madère - je pourrais écrire la paroisse de
Madère, car tous ses habitants sont chrétiens baptisés, la
majorité pratique chaque dimanche, et de mémoire
d’homme, l’on n’y a encore vu que quatre enterrements
civils - a d’après les chiffres du recensement, 534 hab.
Les quatre cinquièmes sont nés à Madère ou dans des
paroisses voisines, distantes de moins de 20 km, soit
moins de quatre heures de marche. Cela marque déjà un
certain acheminement vers des temps nouveaux car,
cinquante ans plus tôt, c’étaient 97 % des habitants qui
étaient nés sur le terroir.
Sur ces 534 habitants, 40 ont plus de 70 ans, et 210
moins de 20 ans. Il y a environ 12 naissances en
moyenne par an, et 8 décès, dont près de 3 chaque deux
ans sont des décès de bébés de moins d’un an. Tous ces
chiffres sont très inférieurs à ceux qui étaient
enregistrés à Madère au siècle précédent, où la mortalité
infantile dépassait 30 %, la natalité 40 %. Mais la
plupart des autres éléments du niveau de vie et du genre
de vie des habitants de Madère sont restés très proches
de ce qu’ils étaient à la fin du 19ème siècle. Par
exemple, la taille moyenne des adolescents à l’âge de
20 ans est de 165 cm pour les garçons et de 155 cm
pour les filles. Très peu d’enfants dépassent le niveau
de l’école primaire élémentaire, où l’on apprend à lire, à
écrire la langue nationale et à compter. J’ai sous les
yeux la liste des enfants nés à Madère depuis 1921 et
qui ont atteint ou dépassé le « niveau baccalauréat » : ils
sont moins de 50 sur 4000 enfants nés vivants.
Des 534 habitants de Madère, 279 sont recensés dans la
population active ; les autres étant des jeunes de moins
de 14 ans, des femmes « ménagères », et une quinzaine
de personnes désignées comme « retraités » : ces
retraités sont le petit nombre des hommes, nés pour la
plupart à Madère, qui ont fui la misère dans leur
jeunesse en obtenant des postes dans l’administration
publique (postes, contributions fiscales...) et dans
l’armée. De ces 279 « actifs », 208 sont agriculteurs, 27
artisans (maçons, menuisiers, charpentiers, un tonnelier,
maréchaux-ferrants, meuniers, cordonniers, tailleurs...)
et 12 commerçants : il y a en effet un très petit
commerce, trois ou quatre « boutiques », deux épiceries
- merceries, une boulangerie, une boucherie. Le boucher
ne travaille d’ailleurs qu’à temps partiel ; il ne vend en
général que du mouton, et seulement deux jours par
semaine. Les 19 personnes recensées comme «
employés » sont 5 instituteurs ou institutrices, le
receveur des postes et le facteur, la secrétaire de mairie,
le garde champêtre et quelques femmes de ménage
journalières, laveuses et « bonnes à tout faire ». Une
dizaine d’ouvriers non agricoles (cantonniers,
mécaniciens...) complètent les 279, qui ne comprennent
que 2 « cadres ou techniciens », le curé et un docteur en
médecine, qui, d’ailleurs, a quitté Madère peu après le
recensement, non bien sûr faute de malades, mais faute
de clients solvables. Les 208 agriculteurs sont groupés
en 92 « exploitations agricoles » dont la superficie
moyenne en culture est de l’ordre de 5 ha. Aucune
exploitation ne dépasse 20 ha. Ces 208 travailleurs
agricoles ne disposent en tout que de deux tracteurs,
souvent hors d’usage par bris d’une pièce dont la «
rechange » manque et ne peut être obtenue qu’après des
délais variant de quelques jours à quelques semaines.
L’auxiliaire fondamental du travailleur reste le boeuf
(parfois la vache mi-laitière, mi-charretière), quelques
chevaux et encore plusieurs ânes et mulets.
L’engrais chimique est très peu utilisé ; on « fume » la
terre avec le fumier des grands animaux, avec appoint
des poules, lapins, canards et dindons... Le rendement
par hectare cultivé ne peut, dans ces conditions, qu’être
très faible : à peine supérieur aux chiffres du 19ème
siècle. En année moyenne, le blé rend 7 à 8 fois la
semence ... L’alimentation forme les trois quarts de la
consommation totale. Elle est cependant pour sa moitié
composée de pain et de pommes de terre ; chaque
exploitation agricole élève un porc et une trentaine de
têtes de petits animaux, dont la consommation fournit
les trois quarts de la consommation de viande de la
famille. Une seule fois par semaine, en moyenne, on
achète et on consomme de la viande de boucherie, en
petite quantité et, s’il s’agit de bœufs, en qualité très
médiocre. Le beurre est inconnu ; le fromage n’est
consommé que dans sa forme locale. La base de
l’alimentation, plus de la moitié des calories absorbées,
est la soupe de pain et de légumes, à la graisse de porc.
Le reste de la consommation personnelle est
vestimentaire pour plus de sa moitié. Les dépenses de