1 BERTHOZ A, JORLAND G. (Sous la direction de): "L'empathie", Editions Odile Jacob, Paris, 2004. 1' BERTHOZ A, JORLAND G, SIRONI F, DEPRAZ N : "L'empathie", Document audio phonique de France culture, Emission "La vie comme elle va ", jeudi 16 décembre, 15h00, décembre 2004. Contexte et place dans ma thèse : faire la part entre intuition, sympathie et empathie. Passer du survol nécessaire pour la vue d'ensemble, à la navigation autour der réseaux et des hommes pour poser et chercher des bornes et des repères puis à la rencontre et le terrain en faisant la différence entre moi et l'autre, voir près des corps et parler de la souffrance, des soins et des regards... 1 BERTHOZ A, JORLAND G. (Sous la direction de): "L'empathie", Editions Odile Jacob, Paris, 2004. Page 7 : " C’est à résoudre ce paradoxe de l’ambivalence de l’homme à l’égard de ses semblables qu’est conviée la faculté d’empathie, une aptitude à se mettre à la place des autres, distincte de la sympathie et qui rend compte de tous les élans solidaires et dont l’absence ou le déficit explique la cruauté au quotidien ou au Champ d’honneur " Page 8 " La conception d’un cerveau calculateur ,sorte d’ordinateur central qui traite les données que lui fournissent les capteurs sensoriels périphériques à laide de programmes innés ou acquis, comme, en tout premier lieu, le langage Cette conception issue de la philosophie du langage d’inspiration chomskyenne plonge ses racines dans la philosophie analytique. L’autre conception fait du cerveau un simulateur du monde extérieur, programmé par des modèles internes en vue de l’action. Le cerveau projette dans le monde ses élucubrations et se sert des informations que lui donnent en retour les capteurs sensoriels périphériques pour en tester la pertinence, à moins qu’il ne s’en remette à eux pour en assurer la réalisation. Cette conception s’inscrit dans la tradition phénoménologique." Pages 14 et 15 " Se mettre à la place de l’autre, adopter son point de vue, se transposer à son point zéro d’orientation, rien de tout cela n’a de sens si le sujet est incapable de troquer un système de référence centré sur luimême contre un système centré hors de lui-même et notamment sur autrui Cette analyse neurophysiologique du changement de point de vue lui permet de penser le problème du fanatisme sectaire et de son exploitation par l’endoctrinement dont il explique la terrible efficacité par le fait qu’au lieu de changer librement de points de vue, de les multiplier pour saisir toute la complexité et la beauté des choses, de laisser jouer la diversité des opinions et des regards sur le monde et sur les autres, au lieu de se jouer des pièges du narcissisme de l’égocentrisme, le sujet se limite délicieusement au seul point de vue d’un chef, ou d’un gourou, auquel il s’identifie. Il s’enferme ainsi dans un système de référence égocentré qui ne donne du monde qu’une image en noir et blanc, détruisant ainsi la faculté d’empathie, et de sympathie, destruction source de haine." Page 20 et 21 "Une remarque s’impose au préalable. Il convient de distinguer, ce que ne font pas toujours les auteurs dont il sera question, l’empathie et la sympathie. L’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre sans forcément éprouver ses émotions, comme lorsque nous anticipons les réactions de quelqu’un ; la sympathie consiste inversement à éprouver les émotions de l’autre sans se mettre nécessairement à sa place, c’est une contagion des émotions, dont le fou rire peut être considéré comme typique. Autrement dit, on peut être empathique sans éprouver de sympathie de même qu’on peut avoir de la sympathie sans être empathique ". Pages 32 et 33 "Martin Hoffman a proposé une ontogenèse des sentiment moraux et de justice à partir de l'empathie. Là encore, les définitions sont idiosyncrasiques. Alors que la plupart des auteurs distinguent la détresse en retour de l'empathie, il identifie les deux et parle de "détresse empathique "qu'il définit comme un sentiment d'aversion pour la détresse physique, émotionnelle ou économique d'autrui", tel qu'on cherche à le faire disparaître. Et c'est la manière dont l'individu s'y prend pour le faire disparaître qui va le constituer en sujet, égocentrique dans un premier temps puis altruiste dans un second. " Pages 34 et 35 "Hoffman montre que l'empathie conduit à sélectionner un principe de justice égalitaire ou de répartition selon les besoins, c'est-à-dire la théorie de la justice de Rawls Celle-ci est en effet fondée sur ce que Rawls appelle le "principe de différence" qui articule les deux principes d'égalité et d'équité : le mérite ne justifie une répartition inégale des ressources que s'il bénéficie aux plus défavorisés. " P 43 et 44 : « C’est Adam Smith qui a introduit, sinon le terme, du moins la réflexion contemporaine sur le phénomène de l’empathie. Il conçoit la vie sociale comme un spectacle, dont chacun d’entre nous est à la fois spectateur et acteur : nous regardons les autres vivre et nous vivons sous le regard des autres. Mais le regard sur l’autre ne suffit pas à connaître l’autre : Comme nous n’avons aucune expérience immédiate de ce que les autres hommes ressentent, écrit-il, nous ne pouvons nous faire aucune idée de la manière dont ils sont affectés, sinon en concevant ce que nous ressentirions nous-même dans une pareille situation. Bien que notre semblable soit dans les tourments, tant que nous sommes tranquilles, nos sens ne nous informeront jamais de ce qu’il souffre ». P 46 : « A force de vivre sous le regard des autres et de se mettre à leur place, le sujet finit par se faire une idée d’un spectacle impartial qu’il va intérioriser –Adam Smith l’appelle the man within, l’homme intérieur –et qui va constituer sa conscience, lui donnant un recours contre le jugement d’autrui et le moyen de s’en libérer dans une certaine mesure. Autrement dit, chaque sujet va se juger à l’aune de sa propre conscience, seule manière de distendre les mailles des regards croisés sur lui ». P 48 et 49 : « On peut en effet montrer que l’empathie est une relation d’équivalence entre les consciences : elle est réflexive, que ce soit sous la forme du cogito –je ne doute pas que je doute –ou du stade du miroir ; elle est symétrique sous la forme de l’injonction : mets-toi à ma place !, je me mets à ta place. Et elle est transitive sous la forme de l’injonction mets-toi à sa place ! Une relation réflexive, symétrique et transitive est une relation d’équivalence ». PSYCHOLOGIE COGNITIVE : P 53 : « Dans ce chapitre, je développerai l’idée que l’empathie, définie comme la capacité à se mettre à la place de l’autre pour comprendre ses sentiments et ses émotions, n’est pas seulement un outil développé par les psychologues. C’est avant tout une capacité propre à la nature humaine qui repose sur des systèmes neurologiques que l’on commence à comprendre. Nous sommes des animaux sociaux assez particuliers, car non seulement nous passons une grande partie de notre existence à interagir avec nos congénères, mais même lorsque nous faisons une promenade solitaire, nous pensons à eux ». P 54 : « J’avance l’idée que l’empathie repose sur une simulation mentale de la subjectivité d’autrui en m’appuyant essentiellement sur des travaux empiriques réalisés dans les sciences du comportement et du cerveau. Cette simulation est possible parce que nous possédons une disposition innée à ressentir que les autres personnes sont comme nous et parce que nous développons rapidement au cours de l’ontogenèse la capacité de nous mettre mentalement à la place d’autrui ». P 77 : « L’hémisphère droit et les régions qui sont engagées dans le traitement émotionnel sont préférentiellement recrutés lorsque nous ressentons de la sympathie envers autrui. C’est ce que démontre une étude dans laquelle les variations du débit sanguin cérébral ainsi que d’autres mesures physiologiques, comme la réaction électrodermale, ont été mesurées chez des volontaires auxquels étaient présentés des vidéo-clips d’acteurs racontent des histoires tristes ou neutres comme si elles leur étaient arrivées. Les histoires neutres étaient fondées sur des évènements de la vie quotidienne, comme faire des courses. Les histoires tristes se rapportaient à des événements qui peuvent survenir à n’importe qui, comme la maladie d’un proche parent ou un décès par noyade. Il avait été demandé aux acteurs de raconter chacune de ces histoires avec trois expressions émotionnelles différentes, neutres, gaie ou triste ». P 77 : « Les résultats montrent que lorsque les sujets écoutent des histoires racontées avec une expression émotionnelle congruente (par exemple une histoire triste avec un ton et un visage tristes), ils ressentent de la sympathie pour les acteurs. Dans ces conditions, les variations de débit sanguin cérébral sont détectées dans les régions cérébrales impliquées dans le traitement des émotions ainsi que celles impliquées dans les représentations motrices partagées. Ainsi ressentir de la sympathie, c’est non seulement reconnaître l’état émotionnel d’autrui, mais c’est aussi se mettre à sa place dans la situation qu’il décrit ». PHILOSOPHIE : Page 131 : « Improprement nommée jugement esthétique, l’évaluation, par exemple, que comporte le sentiment de la beauté ou de la laideur exige le contraire de la mise à distance objectivante où un sujet s’oppose à un objet. La valeur esthétique d’une forme perçue s’éprouve directement, comme libre expansion (ou morne contrainte), par projection des vécus subjectifs dans l’objet perçu ». Page 145 : « Un des rapports originaux de Husserl est d’assurer cette transition d’une Einfulhung indifférenciée aux formes déterminées de la socialité (d’une sociologie compréhensive : Simmel, Weber). La faiblesse d’une théorie de la relation à autrui fondée sur l’Einfulhung, c’est précisément qu’elle est incapable de faire comprendre la diversification des rapports sociaux comme conditions concrète de la relation à autrui. La difficulté est de savoir comment introduire une différenciation qui ne soit pas purement arbitraire –en appeler aux conventions, et faire commencer le social au langage –mais qui procède du même enracinement que l’Einfulhung elle-même dans l’expérience corporelle et l’interaction pratique ». Page 147 : « La doctrine cognitive des objets physiques dotés de propriétés mentales nous fait manquer l’intersubjectivité. En vérité, l’autre n’est pas un objet déjà tout constitué auquel j’attribuerais des états mentaux en plus de ses états physiques. L’autre est pour moi parce qu’il a valeur d’être pour moi en tant qu’alter ego, une valeur qui le distingue absolument des simples choses, qui n’en ont pas moins, elles aussi, une certaine valeur d’être. Remontant des profondeurs de l’enracinement corporel de chacun, nos contributions respectives s’éprouvent comme indispensables à la constitution d’un monde commun. L’autre est pour moi en tant que sujet constituant égal en dignité à moi-même ». L’EMPATHIE ET SES DEGRES Page 150 : « Par empathie, on désigne aujourd’hui la capacité de se mettre à la place d’autrui afin de comprendre ce qu’il éprouve. L’empathie, ainsi caractérisée, se distingue à la fois de la sympathie, de la contagion émotionnelle et du phénomène plus général de la simulation d’autrui. Les distinctions qui seront proposées ici sont quelque peu arbitraires dans la mesure où l’usage de ces termes a fluctué, mais, au-delà de l’arbitraire des étiquettes, il existe des différences réelles entre les phénomènes concernés. La contagion émotionnelle désigne le phénomène de propagation d’une émotion d’un individu à d’autres. C’est un phénomène bien connu de la psychologie des foules et qui se rencontre également chez les bébés, qui répondent aux pleurs d’un autre bébé en commençant eux-mêmes à pleurer. On s’accorde généralement pour penser que la contagion émotionnelle se caractérise par une forme d’indifférenciation entre soi et autrui, soit, dans le cas des bébés, que les bases de cette différenciation ne soient pas encore suffisamment établies, soit, dans le cas des phénomènes de foule, que l’on assiste à une forme d’abolition momentanée de la distinction des moi individuels confondus en un moi collectif. L’empathie se distingue de la sympathie sur un autre plan. Dans les deux cas, la distinction soi/autrui est préservée. La différence essentielle entre les deux phénomènes tient, selon Wispé, aux fins poursuivies. La sympathie, comme son étymologie l’indique, suppose que nous prenions part à l’émotion éprouvée par autrui, que nous partagions sa souffrance ou plus généralement son expérience affective. La sympathie met en jeu des fins altruistes et suppose l’établissement d’un lien affectif avec celui qui en est l’objet. L’empathie en revanche est un jeu de l’imagination qui vise à la compréhension d’autrui et non à l’établissement de liens affectifs ». Page 180 : « Je voudrais, en guise de conclusion, revenir sur les fonctions de l’empathie. Jusqu’ici j’ai surtout mis l’accent sur son rôle d’instrument de la connaissance des émotions d’autrui. Si l’empathie a bien cette fonction épistémique, ce n’est pas là sa seule utilité. J’ai déjà indiqué, en parlant de la référence sociale, un autre rôle qu’elle peut jouer. Nous interprétons les émotions d’autrui comme des commentaires sur des situations ou des événements. L’empathie peut ainsi être un vecteur de transmission de connaissances sur le monde. Mais c’est sur une autre fonction de l’empathie que je voudrais maintenant attirer l’attention. J’ai mentionné plus haut les émotions dites sociales, telles que la fierté, la honte, la culpabilité, le mépris, qui se caractérisent par leur objet double : la personne qui en est la cible, soi-même ou autrui, et le comportement ou trait de caractère sur lequel porte l’évaluation. Ces émotions ont deux autres caractéristiques importantes : elles font intervenir les notions de responsabilité personnelle et de normes sociales. Ce qui m’intéresse particulièrement ici sont les émotions sociales portant sur nous-mêmes et leur dimension normative ». PHYSIOLOGIE DU CHANGEMENT DE POINT DE VUE Page 254 : « Il peut paraître audacieux de spatialiser le problème de l’empathie. Il y a pourtant à cela plusieurs raisons. D’abord le fait que changer de point de vue c’est changer de référentiel, c’est-à-dire résoudre un problème spatial. Se mettre à la place de l’autre, c’est adopter le regard de l’autre. Changer de point de vue, c’est changer de perspective. De plus, l’empathie est mon propre regard (dans le sens le plus fort et plein du mot) que je porte sur le monde à la place de l’autre. Or, la physiologie du regard est une physiologie des manipulations de l’espace par l’action, l’émotion, l’attention et l’intention ». Page 260 : « Cette stratégie typique de ce que nous appelons la stratégie égocentrée de navigation fait intervenir le regard, rivé à l’espace comme référence dans le guidage de la locomotion. Puis, peu à peu, l’enfant dissocie son regard de sa navigation. Je pense que cela correspond à l’acquisition de la stratégie dite de survol qui lui permet de s’affranchir du caractère séquentiel de la navigation égocentrée et de commencer à changer de point de vue pour envisager des chemins variés, des détours, etc. Il n’est plus prisonnier du déroulement pas à pas de son exploration du monde, il peut prendre de la hauteur, pour ainsi dire. Ma thèse est que cette évolution est fondamentale pour toutes les fonctions cognitives et notamment pour la capacité de prendre le point de vue de l’autre ». Page 263 : « Ce n’est pas seulement non plus être comme l’autre : Gérard Jorland insiste sur la différence entre sympathie et empathie dans son chapitre. Par conséquent, le secret de l’empathie ne se trouve pas seulement dans les neurones miroirs. Il ne réside pas non plus seulement dans la capacité de simuler mentalement les actions de l’autre ou d’en éprouver les émotions. Il exige cette capacité de changer de point de vue tout en gardant le sentiment de soi ». « La première de ces stratégies cognitives peut être appelée la stratégie de route. Elle consiste à se souvenir des mouvements, des tournants, des translations que nous avons effectués et de les associer à des repères visuels que nous avons remarqués. C’est pour cela que je l’ai nommée kinesthésique car elle inclut la mémoire des kinesthèses au sens où, par exemple, Husserl l’emploie. L’environnement y est construit par le cerveau à partir de visées successives, de points de vue séquentiellement organisés. Elle est épisodique car elle peut aussi comprendre des événements complexes comme la rencontre d’une personne, un évènement inattendu, etc. Elle est fondamentalement égocentrée, le point de vue de l’analyse du monde est à la première personne. Nous avons montré qu’elle est sous-tendue par un réseau neuronal qui implique particulièrement des couples d’aires pariéto-frontales et certaines aires temporales comme le parahippocampe qui code des scènes visuelles liées à l’environnement. L’importance en est que l’imagination de notre trajet est une véritable simulation mentale de nos mouvements et des événements vécus dans l’ordre où ils sont apparus. Le flux du vécu y est reproduit. Nous en sommes en quelque sorte les prisonniers. J’appelle cela la tyrannie du vécu. Une deuxième stratégie cognitive pour se rappeler un trajet a été désignée par les psychologues qui l’ont étudiée stratégie de survol. Elle consiste à évoquer une carte de l’environnement vue de dessus et à suivre un trajet sur cette carte mentale. Cette stratégie de survol, qui consiste à visualiser une carte ou à en faire une description propositionnelle, est utilisée en particulier lorsque nous cherchons à nous souvenir de grandes distances. Elle a été étudiée par l’imagerie cérébrale. Cette stratégie est allocentrique. Dans le cas de la présence d’autres personnes dans la scène à mémoriser, elle peut impliquer l’usage de la troisième personne, c’est-à-dire la prise en compte du point de vue d’agents dans le monde. Une troisième stratégie a été décrite par Thorndyke et Hayes-Roth. Lorsque, par exemple, nous essayons de nous rappeler où est le bureau d’un de nos collègues dans un bâtiment, notre cerveau construit une représentation interne d’une sorte de maquette du bâtiment. De nombreux auteurs ont élaboré des classifications de ces stratégies mentales. Par exemple, Touretzky et Redish ont proposé de diviser les stratégies de navigation en quatre sortes : les deux précédentes (route et carte), plus deux autres qu’ils appellent la navigation par taxons (il s’agit de l’approche directe d’un but ou de l’évitement d’un obstacle, c’est la plus primitive des navigations), et la navigation praxique qui serait une navigation purement endogène par séquence de mouvements programmés internes (la trajectoire d’une ballerine sur la scène pourrait être un exemple de cette navigation). Page 273 : « La capacité d’avoir une vision d’ensemble, d’une situation ou d’un problème est associée à la remarquable capacité d’envisager le monde de façons diverses, de changer non seulement de point de vue mais aussi d’interprétation du réel, de lui attribuer des valeurs, de tolérer la différence, de décider. Ce jeu subtil entre le perçu et le vécu, or pour échapper à la tyrannie du fanatisme, il faut être capable d’être différent, c’est-à-dire de changer notre point de vue. » Page 274 : « Or, le regard pénètre l’autre, il le pénètre en se fondant, en se transformant. Nous savons, grâce à l’imagerie cérébrale, que le contact du regard active d’amygdale et tout le système des émotions. Supprimer le contact par le regard c’est supprimer un élément fondamental de l’échange. Car regarder n’est pas seulement orienter son regard vers l’autre, le viser. Echanger un regard, c’est aussi se faire pénétrer par le regard de l’autre. C’est devoir comprendre le sens du regard de l’autre. Car l’échange du regard est aussi la forme la plus fondamentale de compréhension et d’acceptation d’autrui. Je trouve dans l’échange du regard les trois composantes que je propose pour l’empathie : a) je vous regarde (égocentré) ; b) vous me regardez mais je dois comprendre ce que ce regard, vécu par vous, dirigé vers moi, signifie (égocentré mais à partir de vous) ; c) il naît de l’échange du regard un lien qui n’est plus ni à moi ni à vous mais entre nous (allocentré). Je perçois tout d’un coup ce lien qui nous lie dans le monde comme si je survolais la scène, je nous perçois ensemble comme un objet dans le monde. Ce mariage d’un instant volé aux liens officiels est effectivement insupportable à celui qui veut garder la possession égoïste de l’autre ». 1' BERTHOZ A, JORLAND G, SIRONI F, DEPRAZ N : "L'empathie", Document audio phonique de France culture, Emission "La vie comme elle va ", jeudi 16 décembre, 15h00, décembre 2004. Place dans ma thèse : faire le point sur ces concepts souvent mis à l'écart dans les recherches en sciences humaines. C'est la faculté se mettre la place des autres : coordonnées, les actions, des réactions, des humeurs cela nous rend solidaire les uns des autres. La pitié, la compassion et la sympathie sont des concepts très différents de l'empathie. La sympathie, elle, procède par contagion des émotions par exemple dans le fou rire, le deuil ou la tristesse ainsi que d'identification dans certains films. Elle part des émotions et va aux représentations, le concept d'empathie fait l'inverse. Les 64 films sur le handicap seront analysés avec les grilles de l'empathie / sympathie pour faire émerger un principe éducatif ou un principe dans l'altérité pour éduquer le regard et guérir image incorporée dans l'intériorité des personnes en situation de handicap. Voir à ce sujet le schéma sur l'intériorité/extériorité autour du concept des "trois S=soin, souffrance, stigmate". Les auteurs de cette émission Berthoz A, Jorland G, Sironi F, Depraz N soulignent que l'empathie est bien la faculté à se mettre la place des autres mais on peut ou ne peut pas comprendre forcément leurs émotions. Théorie et schémas simplifiés : d'après Gérard Jorland (2004) Emotions Empathie Représentations Sympathie On distingue deux courants philosophiques : l'un analytique basé sur le langage et la raison c'est dans la tradition cognitive et neuronal, le cerveau calculateur et l'autre phénoménologique basé sur la simulation par le cerveau du monde et d'autrui (les neurones miroirs). L'empathie resurgit aujourd'hui car il y a urgence, les grandes idéologies se meurent et s'effondrent et on remarque une sorte de déficit en altérité et intersubjectivité malgré l'individualisme (cf : Téléthon, grandes causes humaines, spectacles sportifs et film...) Les individus se regroupent en réseau de toutes sortes et multiples (voir J-C. Kaufmann et F. de Singly), en systèmes de relations intersubjectives qui forment une philosophie de l'intersubjectivité, elle-même base de la démocratie. Françoise Sironi : l'empathie nécessite une approche multi ou pluridisciplinaire, les individus ou les groupes se présentent, on va du local au global avec des identités et des appartenances multiples, on parle de pluri- identité et de pluriculturel et tout cela n'est pas antinomique. C'est l'égalité dans la différence prônée par certains mouvements de personne handicapée. Dans l'empathie (Einfühlung) en reconnaît les causes mais on peut agir ou rester loin. Edmund Husserl nous a enseigné ce rapport étroit et fort à l'altérité : "L'autre c'est maintenant la primauté mais sans dissoudre l'Ego, Autrui construit le soi." L'étude de l'objet (objectivité) passe par les relations entre sujets pour trouver des invariants, ou identifier des invariants La compassion est différente de l'empathie dans l'expérience IRM des bouddhistes en méditation c'est la zone de l'amygdale qui s'activait dans le cerveau. Les neurosciences permettent la localisation spatiale des zones d'activation L'objectivité c'est plutôt le dehors et la subjectivité le dedans (cela a à voir avec mon schéma sur l'intériorité et l'extériorité par rapport aux images, aux regards de et sur le handicap et le handicapé). Entre moi et autrui il y a couplage entre empathie et compassion mais ce n'est pas de la fusion car elle concerne le corps physique et comme le souligne E. Husserl on trouve une différence entre " corps vécu" et "corps physique", la fusion concerne ce corps physique, 'lieu d'utopies" comme le dit M. Foucault dans "Le corps lieu d'utopies", émission audiophonique, "L'utopie et la littérature ", France-culture, 21 décembre 1966, entretien de 18 mn. L'incarnation est différente aussi de la simulation. L'empathie est plutôt du coté de la simulation et de la compassion, c'est plus une action cognitive avec une mise à distance pensée et choisie. Dans l'analyse de la filmographie sur la figure du handicapé entre les "3C aux 3S" on analysera la compassion et non pas la fusion de type "christique". C'est, et on retrouve cela chez Emmanuel Lévinas quand il parle de la responsabilité au visage de l'autre, Emmanuel Lévinas, l'être dans la pensée de Heidegger, et, L'autre et son visage, Extraits de 10 et 13 mn dans l'émission, Ethique et Infini, consacrées à E. Lévinas par Philippe Nemo, Les chemins de la connaissance, France-culture, Paris, 03 et 10 mars 1981. On ne fusionne pas avec l'autre mais on "est l'autre " pour sortir de soi et faire "l'expérience de l"autre" et dans le handicap le champ expérientiel est saturé de religiosité d'un côté avec la fusion-compassion et une sympathie-empathie de l'autre, d'ailleurs le mot latin pour compassion a la même racine pour les mots compassion (souffrance morale) et sympathie (souffrance physique), on retrouve cette souffrance. Pour résumer dans l'empathie on est dans des phénomènes cognitifs, on maintient la distinction entre le soi et les autres, on fait la différence entre fusion et raison. Le risque c'est la contagion affective par identification, il faut sortir de cela pour enquêter dans ces terrains particuliers, sortir de : Sympathie Identification Contagion affective Fusion empathie distinction le "soi" et "autrui " implication distance/proximité recherche Deux systèmes de références égocentrés et allocentrés, c'est l'empathie avec ses multiplications de systèmes de références. On a deux stratégies d'exploration de l'espace donc du corps et de la corporéité, le corps c'est de "l'espace /temps" (M. Cassé et M. Bitbol sur le corps quantique) : Le survol (la carte, stratégie masculine = sociologie) comme panorama et distance de réflexion. Partie I c'est la découverte de loin du concept de handicap et de la figure historique de l'autre infirme c'est la découverte lente et difficile des "3C" qui se fait pas à pas, en se "mouvant dans la brèche " comme le souligne H. Arendt en 1954. La navigation comme prise de repères et de bornes (stratégie féminine = ethnologie). Partie II c'est faire l'expérience d'autrui dans le contemporain on passe, on se déplace du "3C aux 3S", Les rencontres sur le terrain de la vie pratique. Partie III c'est le dialogue, l'écoute car on multiplie les points de vue pour faire émerger une image plus juste et incarnée du handicap au quotidien. C'est mes 17 témoins qui par entretiens approfondis et sur le temps long qui nous permettent de montrer qu'il faut compléter et affiner au plus près les images et changer les regards sur la personne handicapée.