Polycopié National des Enseignants de Cardiologie / 2002-2003
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INSUFFISANCE AORTIQUE
C Tribouilloy C LeFeuvre
Les 10 points importants
1 Les principales causes sont les dystrophies du tissus conjonctivo-élastique et l'endocardite
infectieuse dans les pays industrialisés et le rhumatisme articulaire aigü dans les pays en voie de
développement
2 L'insuffisance aortique augmente le travail ventriculaire gauche (VG) et le volume d’éjection
systolique VG, diminue la pression artérielle diastolique et le débit coronaire.
3 L’insuffisance aortique volumineuse est une affection grave en raison de son retentissement sur
le VG (risque d’insuffisance cardiaque et de mort subite) et du risque d’endocardite infectieuse. De
plus, les atteintes dystrophiques touchant l’aorte thoracique peuvent se compliquer de dissection de
l’aorte ascendante.
4 Dans l'insuffisance aortique chronique, le patient reste longtemps asymptomatique car le
ventricule gauche s'adapte à la surcharge volumétrique en se dilatant ; l'insuffisance aortique aiguë
quand elle est massive ne permet pas l'adaptation du ventricule gauche et se complique d'oedème
pulmonaire.
5 L'ECG n'est modifié que dans l'insuffisance aortique chronique importante, avec une surcharge
diastolique puis systolique ventriculaire gauche.
6 L'échocardiographie-Doppler permet de quantifier la fuite aortique, de préciser son
retentissement sur le VG, d'analyser son mécanisme et de rechercher une dilatation anévrysmale de
l’aorte ascendante (fréquente dans les atteintes dystrophiques).
7 L'exploration hémodynamique, angiographique et surtout coronarographique est réalisée avant
remplacement valvulaire aortique chez les patients avec risque de maladie coronaire surajoutée.
8 Le traitement de l'insuffisance aortique modérée se limite à la prévention de l'endocardite.
9 Le traitement de l'insuffisance aortique aiguë sévère avec insuffisance cardiaque repose sur le
remplacement valvulaire aortique en urgence.
10 L'insuffisance aortique chronique importante doit être opérée dès l'apparition des signes
fonctionnels, ou en l’absence de symptomes devant des critères de mauvaise tolérance ventriculaire
gauche dépistés lors des contrôles échocardiographiques.
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L'insuffisance aortique est caractérisée par le reflux diastolique de sang de l'aorte vers le ventricule
gauche (figure 1) par défaut d'étanchéité de la valve aortique.
I ÉTIOLOGIE
A - Endocardite infectieuse
C'est la cause la plus fréquente des insuffisances aortiques aiguës. Les lésions associent des
végétations intra-sigmoïdiennes (figure 2), et une destruction valvulaire par ulcération ou
perforation d'une ou plusieurs valvules sigmoïdiennes. Elle survient le plus souvent sur une
valvulopathie aortique pré-existante.
B -Dystrophie du tissu conjonctivo-élastique
C'est la cause la plus fréquente des insuffisances aortiques chroniques dans les pays industrialisés.
L'insuffisance aortique peut être isolée, sur valves myxoïdes, ou le plus souvent associée à un
anévrisme de l'aorte ascendante, comme dans la maladie annulo-ectasiante (figure 3) ou comme
dans le syndrome de Marfan (dilatation de l'anneau aortique et de l'aorte thoracique avec lésions de
médianécrose). Elle peut alors se compliquer de dissection de l’aorte ascendante. On en rapproche
l'insuffisance aortique survenant sur l'anévrisme athéromateux de l'aorte ascendante, souvent
associé à une hypertension artérielle.
C - Rhumatisme articulaire aigu
Son incidence diminue dans les pays industrialisés. L'insuffisance aortique est habituellement
chronique. Les lésions associent une fusion commissurale et une rétraction valvulaire. Un
rétrécissement aortique et/ou une atteinte mitrale sont souvent associés.
D - Dissection aortique
L'insuffisance aortique est fréquente dans les dissections de l’aorte ascendante, par dilatation de
l'anneau aortique et prolapsus d'une sigmoïde qui prend attache sur le segment clivé de la paroi
aortique.
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Cardiopathie congénitale
L'insuffisance aortique peut être secondaire à une malformation de l'orifice aortique (bicuspidie
aortique, rétrécissement aortique congénital), à un anévrisme du sinus de Valsalva, à une
communication interventriculaire (syndrome de Pezzi-Laubry), à un anévrisme congénital du
septum interventriculaire membraneux.
Autres étiologies
L'insuffisance aortique peut être secondaire à un rétrécissement calcifié idiopathique, à une
dysjonction commissurale dans un contexte de maladie inflammatoire (syphilis, spondylarthrite
ankylosante, polyarthrite rhumatoïde....), à un traumatisme thoracique (déchirure sigmoïdienne).
II PHYSIOPATHOLOGIE
L'importance de la fuite aortique augmente avec la taille de la déhiscence valvulaire, la différence
des pressions diastoliques entre l'aorte et le ventricule gauche, et la durée de la diastole.
Le retentissement artériel et ventriculaire gauche est fonction de la rapidité de l'installation de
l'insuffisance aortique (plusieurs années dans l'insuffisance aortique chronique, quelques semaines
dans l'insuffisance aortique aiguë).
L'insuffisance aortique chronique entraîne une surcharge volumétrique diastolique (le ventricule
reçoit en diastole le volume diastolique normale qui arrive de l’oreillette gauche auquel s’ajoute le
volume régurgité qui provient de l’aorte) à l’origine d’une dilatation progressive du VG et d’une
augmentation du volume d’ejection systolique. Cette augmentation du travail cardiaque entraîne une
hypertrophie ventriculaire. Après plusieurs années, survient à la longue une diminution de la
contractilité VG et de la fraction d'éjection avec élévation des pressions télédiastoliques et
insuffisance ventriculaire gauche.
L‘augmentation du volume d’ejection aortique explique les pressions systoliques intra-aortique
élevées et l'hyperpulsatilité artérielle. La fuite aortique explique la diminution de la pression
artérielle diastolique. Il peut exister une insuffisance coronarienne fonctionnelle (artères coronaires
normales) secondaire à l'augmentation des besoins myocardiques en oxygène et à la chute de la
pression aortique diastolique.
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L'insuffisance aortique aiguë ne permet pas une dilatation adaptatrice suffisante du ventricule
gauche et l'insuffisance ventriculaire gauche survient rapidement malgré une tachycardie
réactionnelle qui diminue le temps de régurgitation diastolique.
III DIAGNOSTIC
A Clinique
L'insuffisance aortique chronique modérée est habituellement asymptomatique et diagnostiquée
devant la découverte d'un souffle diastolique à l'occasion d'un examen systématique. L'insuffisance
aortique chronique chronique importante, longtemps bien tolérée, peut être responsable d'une
dyspnée d'effort, et plus rarement de crises angineuses spontanées.
L’insuffisance cardiaque apparaît très tardivement.
Le souffle d’insuffisance aortique est holodiastolique, perçu au niveau des 3ème et 4ème espaces
intercostaux gauches, en latéro-sternal. Il est doux, lointain et aspiratif, mieux perçu lorsque le
patient est en position assise pencen avant et en expiration forcée. Ce souffle est à distinguer de
celui d'une insuffisance pulmonaire, perçu au 2ème espace intercostal gauche et survenant dans un
contexte d'hypertension artérielle pulmonaire. Un souffle systolique aortique d'accompagnement lié
à la majoration du volume d’éjection aortique est souvent perçu au 2ème espace intercostal droit,
irradiant dans les vaisseaux du cou. Il peut aussi exister à la pointe un roulement protodiastolique de
Foster et/ou télédiastolique de Flint (traduisant le gêne à l’ouverture de la grande valve mitrale
provoquée par le jet de régurgitation ), et un galop proto-diastolique (en faveur d’une altération de
la fonction ventriculaire).
A la palpation, le choc de pointe est dévié en dehors et surtout en bas, temoignant de la dilatation
ventriculaire gauche. Il est parfois particulier par son caractère étalé et vigoureux réalisant le
classique choc en dôme.
Les signes artériels périphériques d'insuffisance aortique importante associent un élargissement de
la pression artérielle différentielle avec une minima effondrée et une hyperpulsatilité artérielle avec
des pouls amples et bondissants: danse des artères du cou à l’inspection, pouls capillaire (alternance
rougeur et pâleur de la peau)
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L'insuffisance aortique aiguë quand elle est vère se traduit par une insuffisance ventriculaire
gauche avec œdème pulmonaire. Le souffle diastolique est isolé ou associé à un souffle systolique
d'accompagnement et à un galop proto-diastolique.
B Électrocardiogramme
Il est normal dans l'insuffisance aortique aiguë et dans l'insuffisance aortique chronique modérée. Il
n'est modifié que dans l'insuffisance aortique chronique importante (figure 4), avec une surcharge
ventriculaire gauche initialement diastolique (augmentation de l'amplitude des QRS avec ondes T
positives dans les dérivations latérales), puis après plusieurs années d'évolution une surcharge
systolique avec inversion des ondes T en latéral.
C - Radiographie de thorax
La dilatation du ventricule gauche (arc inférieur gauche) n'est retrouvée que dans l'insuffisance
aortique chronique importante. L'arc supérieur droit est augmenté en cas de dilatation de l'aorte
ascendante (figure 5).
D - Échocardiographie-Doppler
C'est l'examen essentiel dans l'évaluation et la surveillance de l'insuffisance aortique. Il permet de
diagnostiquer (figure 6) et quantifier la fuite, de préciser son retentissement ventriculaire gauche et
sur les pressions pulmonaires, d'analyser son mécanisme, de rechercher une dilatation de l’aorte
ascendante et des lésions valvulaires ou de l'aorte ascendante associées.
L'échocardiographie en mode TM retrouve des vibrations diastoliques sur le septum ou la grande
valve mitrale (fluttering diastolique), et quantifie le degré de dilatation (mesure des diamètres
ventriculaires gauches) et d'hypertrophie ventriculaire gauche ainsi que la fonction systolique
(figure 7).
La quantification de l'insuffisance aortique repose sur un ensemble de paramètres Doppler*.
L'échocardiographie transoesophagienne est utile chez les patients peu échogènes par voie
transthoracique, ou lorsqu'il existe une suspicion d'endocardite ou de dissection aortique.
* Les arguments Doppler en faveur d'une insuffisance aortique importante sont :
- au Doppler couleur : une largeur du jet à l'origine > 6 mm,
- au Doppler pulsé : la vitesse télédiastolique > 0,18 m/sec dans l'aorte thoracique descendante en aval de l'artère
sous-clavière gauche, une fraction de regurgitation > 50 % et un volume regurgité par battement > 60 ml.
- au Doppler continu : un temps de demi-décroissance du gradientt de pression < 350 ms ou pente de décroissance
> 3 m/sec2.
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