Marine Le Pommelet Laure Daniel 30 novembre 2010 Sémio réa, Insuffisance rénale aigüe, Y. Le Tulzo INSUFFISANCE RENALE AIGUE (IRA) C’est une pathologie létale, retrouvée dans plein de situations, avec des valeurs diagnostique et pronostique importantes. Définition : Arrêt brusque, en quelques heures ou jours, de la fonction excrétrice du rein avec diminution extrême ou interruption complète de la filtration glomérulaire. I. Conduite à tenir (+ ou - urgente en fonction des paramètres) A. Faire le diagnostique clinique Le signe le plus évident est l’anurie, spécifique, vérifiée au besoin par sondage urinaire ou échographie sus pubienne. Diagnostic différentiel : la rétention aiguë d'urine. L’anurie est souvent liée à un obstacle sur les voies excrétrices basses (prostatique) pouvant générer une IRA. Mais il peut aussi y avoir : Oligurie < 500 mL/j ou 20 mL/h, peut être exprimé en mL/kg/h (pédiatrie) Diurèse conservée : urines émises mais sans les caractéristiques voulues Autres signes dits "d'urémie", ni sensibles, ni spécifiques : altération de l’état général, anorexie, nausées n’oriente pas vers une IR Le ionogramme sanguin doit faire partie du bilan d’une AEG B. Faire le diagnostique biologique Elévation de valeurs sanguines : - Urée > 5 mmol/l L’urée augmente vite en cas d’IRA mais aussi en cas d’IRC. C’est un marqueur peu spécifique car elle augmente dans beaucoup de cas. Ex : ulcère ou varices oesophagiennes absorption de protéines en grande quantité augmentation de l’urée (faux positif) A l’inverse, si le foie ne fabrique pas d’urée (cirrhotique) le taux d’urée n’augmente pas en cas d’IR (faux négatif) - Créatinine > 110 mmol/l (ou augmentée/valeurs chroniques d’une IRC) C’est le reflet de la masse musculaire, le chiffre absolu peut être trompeur chez les personnes maigres ou âgées. Préférer la clairance. Baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG): calcul de la 1 Clairance de la créatinine: cl créat = [créat U] x vol urine/ [créat plasm] (normale > 60 ml/mn) Les autres formules sont inadéquates en cas d’IRA (ex : Cockroft : bien pour IRC) Attention au volume et à l’homogénéité du recueil d’urine sur la durée choisie Traditionnellement on prend les urines mixées des 24h (attention si l’IRA se produit au cours des 24h) 3 niveaux de gravité : modérée: 30 à 60 ml/mn (peu de conséquences physiologiques dangereuses) sévère: 15 à 29 ml/mn grave: < 15 ml/mn NB : Aucune adaptation des doses médicamenteuses si > 30 mL/min. Adaptation pour une clairance < 30 mL/min, si la diurèse est conservée ou si le patient est en hémodialyse chronique. C. Affirmer le caractère aigu Idéalement : normalité d’un bilan préalable, absence d’ATCD néphrologiques… Sinon : Taille des reins en échographie, normale ou un peu augmentée dans l'IRA et le rapport cortico-médullaire est conservé. Taille du rein réduite dans l'IR chronique (atrophie dans pyélonéphrites chroniques) ou augmentée (polykystose, diabète,amylose) Absence d’anémie dans l’IRA mais présence dans l’IRC, même si elle reste peu spécifique car elle peut provenir d’autres pathologies (patient cirrhotique, saignement digestif, carences alimentaires..) Normo ou hypocalcémie modérée dans l’IRA ( 2 mmol..) Hypocalcémie dans l’IRC carence en vit. D par diminution de sa synthèse diminution de l’absorption du calcium hypocalcémie chronique. Mais la stimulation permanente de la parathormone peut entraîner le développement d’un adénome à PTH provoquant une hypercalcémie. Le plus important est de rechercher la cohérence des signes. Attention : ces signes sont prépondérants dans l’IRC sévère mais pas toujours dans l’IRC légère. D. Faire le diagnostic complications et traiter les (le syndrome d’urémie aiguë (souvent mode de découverte)) Hyperkaliémie pas d’autre voie pour perdre du potassium que le rein (sauf en cas de pathologie du tube digestif). Hyperkaliémie à suspecter suivant le contexte et à diagnostiquer uniquement sur des signes biologiques (ionogramme sanguin) et électriques (ECG : modification du QRS : permet de quantifier la gravité), mais ne pas attendre les signes cliniques (Arrêt cardiaque : se réveiller avant avec le iono !) 2 Acidose métabolique : sorte d’hibernation. La cellule acide résiste mieux car l’acidose permet de diminuer un certain nombre de métabolismes intracellulaires. En soi elle n’est pas très dangereuse et n’est pas traitée, sauf dans circonstances particulières : valeur diagnostique, renseigne sur le niveau d’IR et aide à définir la prise en charge thérapeutique. Hyperhydratation : rétention hydro-sodée par le rein qui ne marche plus. Augmentation volémie augmentation du milieu interstitiel œdème. Risques quand œdème pulmonaire ou cérébral. Hypocalcémie – hyperphosphorémie : marqueur de la gravité mais peu de conséquences Hyperuricémie : marqueur de la gravité. A long terme, risque de cristallurie (lithiases) et de dépôts d’acides uriques (crise de gouttes). Rare dans l’IRA. Anémie : peu profonde, non grave, apparaît après 15 jours Thrombopathie : problématique dans la réalisation de tous les gestes invasifs éventuels : le patient saigne facilement. Embêtant car l’IRA survient souvent chez gens alités ou qui ont d’autres pathologies nécessitant la prise d’anti coagulants/antiagrégants (coronarien : anticoagulants pour phlébite…) Le saignement est vite déclenché voire spontané. Malnutrition, catabolisme azoté : l’IRA entraîne une réduction des apports caloriques. En effet, les médecins restreignent le régime alimentaire des patients : apport azoté, sel. A l’hôpital, apport de solutés ternaires (lipides, glucides, protides) par perfusion de volume de 2L à 2,5L/j. La solution est de dialyser le patient tous les jours pour retirer le volume d’eau superflu et non de diminuer les apports alimentaires ou le volume de perfusion : risque de malnutrition. Très important car toutes les enquêtes faites dans les hôpitaux montrent 60% de patients sont mal nourris. L’IR ne doit jamais être une cause de réduction des apports alimentaires. Surdosage médicamenteux : lorsque l’IR apparaît sans signe visible ; cela entraîne alors des complications. E. Traitement de l’IRA et de ses complications Immédiat ou dans les 24h suivant le diagnostic Appel Réanimation ou Néphrologie Traitement des urgences : Hyperkaliémie, acidose métabolique, OAP (œdème aigu pulmonaire) par EER (épuration extra-rénale = dialyse) Mais d’autres traitements d’urgences sont possibles : - chlorure de Ca ou gluconate de Ca (hyperkaliémie symptomatique) - bicarbonates (acidose métabolique + hyperkaliémie) 3 - insuline et glucose : augmentation de l’activité cellulaire consommation de potassium - bêta mimétiques (ventoline) : stimulent le métabolisme enzymatique dans la cellule (AMPc, protéine kinase A, ATP) consommation de potassium Traitement « conservateur » (gérer un malade en IRA en dehors de l’urgence) : - Maintien de l’équilibre hydro sodé : boire moins de ¾ L d’eau par jour - Apports potassiques réduits + kayexalate (résine échangeuse d’ions qui empêche l’absorption du potassium par le tube digestif) + alcalins - Nutrition (prise en charge diététique : arrêter le chocolat et les bananes riches en potassium, préférer les protides végétaux…) - Prévention des hémorragies digestives - Adaptation des posologies de médicaments +++ EER: Epuration extrarénale (passage du sang du malade en extérieur) - Par cathéter central (veines fémorale, jugulaire ou sous-clavière ou fistule artértioveineuse fabriquée artificiellement - Intermittente ou continue - Mécanisme de filtration Indications de l’épuration extra-rénale au cours de l’IRA (A savoir) Urgentes : (à faire dans la minute) -Hyper K > 6 mmol/l ou signes ECG -OAP et Insuffisance respiratoire Aigue -Œdème cérébral -Acidose métabolique (pH < 7.2, marqueur de gravité de l’IR) -Urée > 50 mmol/l Il est bien sur préférable de ne pas attendre de voir apparaître de telles anomalies…pour dialyser un patient ! Toutes les substances ne sont pas dosées, seules certaines sont le reflet de l’IR, leur évolution permet donc de déduire celle de toutes les autres Non urgentes : -DFG < 10 - 15 ml/mn et durée de l’IRA > 2 J -Oligo-anurie persistante -Dialyse « prophylactique » 2 à 3 fois/semaine, voire journalière dans les situations avec catabolisme azoté important. Le nombre de dialyse peut être augmenté si le catabolisme du patient est élevé : exemple : malades en réa (néoglucogénèse à partir des protides) , cancéreux (lyse cellulaire par chimio) F. Faire le diagnostique étiologique Le ionogramme et la bandelette urinaire sont indispensables Diagnostiquer une insuffisance rénale aigue fonctionnelle (pré-rénale)…et sa cause : l’organe n’est pas réellement touché, ce n’est pas une IR réelle mais une réaction physiologique du rein qui arrête de fonctionner quand il est mal perfusé, et ce quelle qu’en soit la cause 4 Diagnostiquer une insuffisance rénale aigue organique: – Eliminer une IRA obstructive +++ : facile à corriger, arrête du fonctionnement du rein lié à l’augmentation de la Pression Hydrostatique (lithiase, sténose). Problématique si infection en amont de l’obstacle – Diagnostiquer une IRA parenchymateuse : • Nécrose tubulaire aiguë • Néphrite interstitielle aiguë • Néphropathie glomérulaire aiguë • Néphropathie vasculaire aiguë Chaque compartiment peut être touché par une ou des maladies 1. Diagnostiquer une insuffisance rénale aigue fonctionnelle (pré-rénale)…et sa cause L’IRA fonctionnelle est marquée par une élimination de la créatinine plus importante que celle de l’urée car c’est une fausse IR. En effet, le rein continue d’éliminer les molécules essentielles pour garantir la survie de l’organisme. De ce fait l’urée est moins éliminée car son augmentation est moins grave. Le rein fonctionne donc bien même s’il y a rétention hydrosodée. Objectif : le rein doit faire le maximum de travail dans un minimum d’urines : - urines colorées - diurèse basse - concentration de l’urée et de la créatinine urinaire Elévation anormale dans le plasma de l’urée par rapport à celle de la créatinine, Urines peu abondantes, concentrées, riches en créatinine, pauvres en Na, avec une cause de mauvaise perfusion rénale. Insuf rénale aiguë Diurèse Na U mmol / L NaU/Ku FE Na %* U osm U/P creat Urée /Creat P Fonctionnelle Oligurie < 20 <1 <1% > 1.5 P osm >40 > 100 Organique Variable > 40 >1 >1-2% 1 < 20 50-70 *FENa =( UNa/PNa) / (Ucreat / Pcreat) Echographie rénale : indispensable chez un patient anurique Taille des reins normale (sauf si survient sur IRC...) Echostructure inchangée Index de résistance doppler normal (< 0,75) Evolution favorable sous traitement +++ a) Trouver la cause de l’IRA fonctionnelle 5 Chocs et hypotension artérielle Attention, l’IRA est fonctionnelle au début, mais devient rapidement organique (tubulopathie) si le choc ou le bas débit rénal sont trop sévères et persistants +++ Insuffisance cardiaque avec hypotension artérielle et/ou bas débit rénal. - hypotension : IRA fonctionnelle obligatoire - TA normale : lors d’IC vasoconstriction réflexe rétention hydro-sodée œdème + majoration de l’insuffisance cardiaque Hypovolémie vraie ou relative : – Déshydratation EC hypovolémique (hypovolémie vraie, diminution du capital hydro-sodé) – Syndrome hépato-rénal des cirrhoses oédémato-ascitiques (3ème secteur) – Syndrome néphrotique (perte de protides hypovolémie) – Toxémie gravidique, hyperstimulation ovarienne induite... La diminution du débit rénal et de la volémie avec une rétention hydrosodée et un compartiment vasculaire qui reste vide (troubles de la perméabilité capillaire, anomalie des protides, foie fibreux) entraînent des œdèmes et la création d’un autre compartiment liquidien : ascite Médicaments altérant la perfusion rénale (vasoconstriction de l’artère rénale ou modification des veines efférentes) : - AINS (vasoconstricteur de l’artère rénale pouvant entraîner une IRA) - IEC (Inhibiteurs enzyme de conversion de l’angiotensine) diminution brutale de la perfusion rénale IR fonctionnelle - Traitement immunosuppresseur (cyclosporine, tacrolimus) surtout pour greffés d’organe : effets sur les vaisseaux b) Traiter la cause de l’IRA fonctionnelle La régression de l’IRA signe son caractère fonctionnel Restaurer un débit et une pression de perfusion rénale Evaluer la volémie et la fonction cardiaque (écho doppler cardiaque) – Corriger un bas débit cardiaque – Corriger une baisse de la pression artérielle ? (la PAM doit être >65 mmHg, voire +) La pression de perfusion rénale nécessaire augmente avec l’âge. – Supprimer un néphrotoxique – Normaliser l’hydratation extra cellulaire si elle est insuffisante (par ex 1L sur 1 h de NACL 90/00) à répéter sous surveillance surtout si il existe une pathologie cardiaque sous jacente – Les diurétiques n’ont aucun d’intérêt pour améliorer la fonction rénale. En effet, les diurétiques ne doivent être utilisés qu’en cas de nécessité de perte d’eau ou de sel (=œdème) mais ne restaure en aucun cas le fonctionnement du rein. En résumé : toutes IRA fonctionnelles ne sont pas liées à une hypovolémie vraie, il ne faut donc pas avoir le réflexe de « remplir » le patient. La conduite à tenir est de normaliser l’hydratation et de restaurer la pression artérielle. 6 2. L’IRA est organique Insuf rénale aiguë Diurèse Na U mmol / L NaU/Ku FE Na %* U osm U/P creat Urée /Creat P Fonctionnelle Oligurie < 20 <1 <1% > 1.5 P osm >40 > 100 Organique Variable > 40 >1 >1-2% 1 < 20 50-70 La diurèse est variable, même si l’anurie et l’oligurie sont les plus souvent rencontrées. Et plus l’agression est sévère, plus la diurèse est anurique. L’anurie implique forcément que les deux reins soient touchés. L’ensemble des chiffres s’explique par le fait que le rien de fonctionne plus du tout, il ne concentre plus rien. Cela entraine des urines claires. En premier lieu: Eliminer un obstacle des voies excrétrices: histoire, échographie, ASP, TDM -L’échographie doit être le premier examen, quasi systématique pour voir les cavités qui seront dilatés en amont d’un obstacle ou d’un cancer. Attention : si un choc infectieux est associé, la dilatation des cavités peut être absente ; dans ce cas l’IR n’est pas visible. -La TDM permet de voir l’obstacle. L’injection de l’iode est parfais nécessaire, mais problématique car il présente une toxicité rénale. 7