Le monde colonial XIXème-XXème siècle

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Guillaume P., Le monde colonial XIXème-XXème siècle, Paris, 1994
Première partie : Le partage du monde
Chapitre 1 : L’omniprésence anglaise
3. L’expansion anglaise
L’évolution de la domination anglaise dans l’Asie des moussons : Au cours de première moitié du
XIXème siècle Angleterre met la main sur ensemble des côtes de l’Inde. Toutefois, domination anglaise
affaiblie en 1857 par la révolte des Cipayes. Suite à cela Parlement britannique met fin aux activités de
Compagnie des Indes. Gouverneur général prend le titre de vice-roi et à Londres secrétariat d’Etat pour
l’Inde et Conseil de l’Inde sont institués. Que ce soit en 1839 ou en 1878 et 1880 l’Angleterre ne parvient
pas à établir sa domination, par l’intermédiaire de protégés, sur l’Afghanistan. En Birmanie ils mirent sous
coupe Rangoon en 1852 puis reste de la Birmanie peu après. En 1874 ce fut le tour du protectorat sur les
princes malais à partir de Singapour.
L’évolution des colonies blanches et de l’Afrique du Sud
Dès 1820 Angleterre cherche à assurer emprise sur l’Afrique du Sud, par le Cap. Au départ relations
entre colons anglais et Afrikanders ignorance, mais se tendent suite à politique libérale des Anglais vis-à-vis
des Noirs. Ceux-ci accordèrent égalité devant loi en 1828 puis esclavage aboli en 1833. Néanmoins
refoulement des Cafres, ou Zoulous, par le gouverneur d’Urban. La réplique des Boers est Grand Trek qui
aboutit à fondation de l’Etat libre d’Orange et République du Transvaal. Toutefois, en 1843 Anglais
annexent Natal puis, en 1848, Orange aux Boers. En 1852 reconnaissent l’existence du Transvaal et
rétrocède l’Orange aux Boers en 1854. Interdiction de l’esclavage imposée. En 1876 projet de fédération des
colonies, avorté en 1859, repris par Anglais, mais n’aboutit pas. Suite à guerre contre Zoulous en 1879, les
Anglais imposent protectorat et annexèrent Zoulouland en 1887. Libérés de menace zoulou les Boers se
soulèvent contre Anglais en 1880 et le Transvaal retrouve son indépendance l’année suivante.
Escales et comptoirs
Les escales et comptoirs anglais jalonnent deux routes essentielles : la route des Indes et de
l’Extrême Orient par la Méditerranée et la route des Indes ou de l’Australie à partir du Cap. Après leur
installation à Singapour en 1819 les Anglais s’établissent à Aden en 1839. En 1841 c’est Nankin et Hong
Kong qui deviennent des possessions anglaises. La même année les Britanniques obtiennent le droit de
commercer librement avec cinq autres ports chinois, dont Canton et Shanghai. En accord avec les Français
les Anglais intervinrent en 1856 et 1859 pour faire respecter le traité de Nankin, signé en 1842, et permettre
la pénétration des missionnaires chrétiens en Chine. On pourra noter également l’acquisition
d’établissements mineurs, tels que Labuan sur l’île de Bornéo et les îles Fidji. Au cours de la seconde moitié
du XIXème siècle les Anglais s’intéressent à la côte occidentale de l’Afrique et annexe Lagos en 1861. Leur
présence sur la Côte-de-l’Or est plus ancienne que cela et avait pour but de profiter du commerce de l’huile
de palme. Pour cela ils rachètent les installations danoises en 1850 et hollandaises en 1871 jusqu’à établir un
monopole.
4. Les entreprises françaises
En 1815 la France n’est plus une puissance coloniale du fait de la perte de ses différentes colonies.
Par ailleurs, l’idée que la colonisation peut permettre de résoudre les troubles sociaux ne trouve que peu
d’échos et la faiblesse du commerce n’amène pas à des visées expansionnistes. Par conséquent, l’expansion
coloniale française est avant tout une affaire politique.
L’Algérie
La capture d’Alger en juillet 1830 et sa conservation par la Monarchie de Juillet est avant tout une
affaire politique, le roi espérant un gain de prestige pour le pays. Une des conséquences est que le pouvoir
hésite entre occupation restreinte, grâce à l’appui d’un protégé, et mainmise totale. C’est seulement au
moment où les négociations échouent avec Abd el-Kader que les Français décident d’envahir l’Algérie en
1836. Au cours du Second Empire la politique était plutôt celle de l’association que de l’assimilation,
Napoléon III se présentant comme l’empereur des Arabes et des Français. De fait à partir de juillet 1865 les
Arabes pouvaient obtenir la nationalité française sur demande, sous condition d’accepter l’application du
droit civil français. Par la suite la centralisation et le rattachement des services algériens aux ministères
français engagèrent la France dans une politique assimilationniste. Celle-ci fut ressentie comme une
négation de l’identité arabe.
Escales, comptoirs et contrôle des voies maritimes
A partir des années 1830 la France considère les aventures coloniales, hormis l’Algérie, comme
devant relever du développement d’escales pour le commerce que la conquête de territoires lointains. Les
implantations et acquisitions à Madagascar (1841), Grand Bassam, Assinie, Gabon (1842), Obock (1857/62)
et Porto Nova au Dahomey (1863). Toutefois, cette visée n’est pas la seule puisque cela peut répondre à des
émotions de l’opinion publique suite à des évènements circonstanciers (Tahiti en 1847), prise de possession
de territoire (Saigon en 1859 et les îles Loyauté en 1864) ou la déportation de prisonniers (Nouvelle
Calédonie en 1853/4). Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de territoires limités, sauf dans les cas des
comptoirs de Gorée et Saint Louis au Sénégal ou de la Cochinchine autour de Saigon où il s’agit de
conquérir des territoires afin de protéger les comptoirs. A noter, par ailleurs, que les conquêtes seront
l’œuvre d’initiatives d’officiers jusqu’à la prise en main du gouvernement en 1880. Même si l’ensemble des
comptoirs lui permette de posséder une représentation dans de nombreux endroits et que la participation aux
expéditions anglaises en Chine lui également le commerce chinois, il n’en demeure pas moins que cela ne
permet pas de tenir la comparaison avec l’Angleterre. A tel point qu’en Inde, par exemple, les marchands
français s’appuient sur les réseaux des marchands anglais.
Chapitre 2 : Le Scramble
2. Rivalités et arbitrages
La zone méditerranéenne
C’est à partir de 1882 que l’Angleterre possède les pleins pouvoirs sur l’Egypte ottomane. Toutefois,
elle perd le contrôle sur le Soudan entre 1885 et 1898. En 1881 la France intervient en 1881 et établi un
protectorat. A partir de 1883 les affaires étrangères, finances, travaux publics et enseignement ont des
ministres français. En 1911 c’est le Maroc qui accueille un protectorat français suite au conflit avec
Allemagne. Cette dernière obtient une partie du Congo français en échange de l’abandon de ses prétentions
marocaines. L’année suivante c’est l’Italie qui s’installe en Italie en prenant la Lybie à la Turquie.
L’Afrique noire
En 1884 l’Allemagne affirme sa souveraineté sur le Togo, le Cameroun et le Sud-Ouest africain
(Tanzanie). En 1890 l’Afrique occidentale est découpée entre Français et Anglais à partir de la ligne SayBarroua. L’Afrique orientale est découpée en 1899, la France possédant le bassin du Tchad et l’Angleterre
obtient le Haut Nil. En 1891 les possessions portugaises de Rhodésie sont prises par l’Angleterre.
Les rivalités en Asie
A partir du XVIIIème siècle les Russes investissent peu à peu leur espace asiatique et fondent
Vladivostok en 1860 puis prennent Port Arthur. Au cours des années 1860 ils prennent Tachkent (1865) et
Samarkande (1868) puis établissent des protectorats sur les émirats de Khwa et Boukhara (1870). Dès le
départ une importante population russe (environ 300.000 entre 1863 et 1880) y est envoyée (notamment des
dissidents religieux et des cosaques) pour développer les terres. Après 1893 les migrations sont d’environ
100.000 par an. A la fin XIXème siècle l’Empire crée de nombreuses voies continentales de chemin de fer,
notamment le Transcaucasien en 1883, le Transcaspien en 1888 et le Transsibérien en 1895.
Des conflits importants existent entre la Russie et l’Angleterre en Afghanistan à partir de 1885. En
1895 un Etat tampon est créé entre les deux puissances. De même entre Français et Anglais au Siam en
janvier 1896. Dans le Sud-Est asiatique, la Nouvelle Guinée est partagée entre Anglais et Allemands en
1885. De même que les Samoa par un accord anglo-américano-allemand en 1889. Enfin, l’achat des îles
Carolinies et Mariannes contribuent à former un espace allemand dans la Pacifique sud.
En 1894 le Japon occupe la Corée, la Mandchourie méridionale, le Chantoung et Taïwan. L’année
suivante la Chine doit céder au Japon les terres susmentionnées ainsi que la presqu’île du Liao Toung avec
Port Arthur. Les Japonais doivent renoncer à cette dernière du fait des ambitions russes.
Chapitre 3 : Le poids des rivalités coloniales dans les conflits du XXème siècle
1. L’esprit et la lettre : les 14 points de Wilson et le partage des dépouilles à Versailles
La redistribution des territoires à Versailles
Colonies allemandes sont réparties parmi les vainqueurs et Angleterre possède mandat sur
Tanganyka et France le Cameroun, le Togo et le moyen Congo. La Belgique obtient un mandat sur le
Rwanda-Burundi. Italie quelques maigres territoires en Somalie et Afrique du Sud, le Sud-Ouest africain
allemand. Japon prend possession des Mariannes, des Marshall et des îles Carolines.
Problèmes du dépeçage de l’empire ottoman du fait des nombreuses revendications. Turquie doit
renoncer aux possessions arabes, France détient mandat sur Syrie et Liban. Angleterre : mandat sur Palestine
(avec distinction de Transjordanie et Cisjordanie) et l’Irak.
2. Nations pauvres et nations nanties : le national-socialisme et le fascisme devant les
problèmes coloniaux
Les ambitions coloniales de l’Italie fasciste
En 1924 l’Italie entreprend la pacification de la Tripolitaine puis de la Cyrénaïque à partir de 1929. A
partir de 1933 les Italiens envoient des colons et créent des infrastructures coloniales ainsi qu’une route vers
l’Erythrée. En mai 1936 c’est l’Ethiopie qui est annexée. Au cours des négociations suite à la défaite
française en 1940, les Italiens désirent prendre une partie de l’Algérie et Djibouti, mais sont déboutés.
L’impérialisme japonais et la politique américaine
Dès avant 1930 les Japonais mettent la main sur le chemin de fer de la Mandchourie du Sud et
installent des colons à Port Arthur et autour. Entre juillet et septembre 1931 les Japonais s’emparent de
Moukden. En 1932 ils occupent la Mandchourie puis en déclarent l’indépendance en lui annexant la
province du Jehol. Entre 1933 et 1937 ils mettent la main sur la Mongolie intérieure puis envahissent le nord
de la Chine. Selon P. Guillaume il s’agit, à l’instar de l’Italie fasciste en Ethiopie, d’une entreprise coloniale
classique.
3. L’évolution des esprits jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale
Au cours de l’entre-deux guerres les principes et buts de la colonisation sont peu à peu théorisés par
des penseurs comme F. Lugard ou A. Sarraut. Ceux-ci mettent l’accent sur l’action civilisatrice de
l’Occident tout en s’inspirant des principes wilsoniens, c’est-à-dire un respect plus grand pour les intérêts
des indigènes. En 1939 l’anticolonialisme n’est nulle part une pensée politique cohérente, mais chacun
possède une conception plus ou moins figée ou évolutive de la colonisation.
Deuxième partie : Christianisme et colonisation
Chapitre 4 : Le renouveau missionnaire
1. Les Eglises protestantes.
Grandes figures missionnaires et implantation des missions
Les missionnaires atteignent le Japon en 1859 et la Corée en 1884. En Océanie les missionnaires
s’installent vite, mais l’évangélisation est chose compliquée du fait des réactions parfois brutales des
indigènes. En Afrique les Hollandais sont présents au Cap, mais ne commencent à évangéliser qu’au milieu
du XIXème siècle. Les missionnaires français s’intéressent également à cette région du monde avec la
création de la Société des missions évangéliques de Paris au Lesotho en 1833. Plus tard l’Allemand Karl
Peters fonde la Mission évangélique pour l’Afrique orientale allemande en 1886.
2. L’Eglise catholique
La papauté et les missions
C’est seulement à partir du pontificat de Grégoire XVI (1831-46) que la papauté reprend la direction
d’un mouvement missionnaire et lui donner son contenu humanitaire, notamment contre la traite
esclavagiste. Par ailleurs l’Instruction Neminem Profecto (1845) met en avant la nécessité de former des
clercs indigènes ainsi que sur l’importance des œuvres d’éducation, de piété et de bienfaisance. L’idée de la
formation des clercs indigènes sera reprise dans les Encycliques Maximum illud (Benoît XV 1919) et Rerum
Ecclesiae (Pie XI 1926) ce qui montre les difficultés de réalisation de cet objectif.
Œuvres et ordres missionnaires
Le renouveau missionnaire prend place dans le contexte de la renaissance religieuse romantique de
l’Eglise catholique. Elle se matérialise par la refondation d’ordres anciens, tels les Jésuites ou les Lazaristes,
ou la création d’ordres nouveaux. Par exemple en 1856 Monseigneur Marion de Brézillac fonde les Missions
Africaines de Lyon. En Hollande la Société du Verbe Divin est fondée par le père Janssen en 1875.
L’implantation missionnaire
A partir de 1833 le clergé portugais est remplacé par des Jésuites en Inde. La Chine est difficilement
pénétrable par la parole missionnaire, les persécutions de prêtres étant nombreuses notamment les révoltes
des Taïpings et Boxers. En Afrique noire les implantations des missionnaires catholiques se voient opposées
assez peu de résistances. A partir du Congrès de Berlin de 1885 l’Afrique apparait comme terre d’élection
des missions.
Chapitre 5 : L’œuvre du missionnaire
1. L’évangélisation
Très vite les missionnaires comprennent la nécessité d’adapter leur foi et leur enseignement à la
mentalité des populations indigènes. La connaissance de la langue indigène est également désignée comme
un préalable à l’évangélisation. Toutefois, souvent certains pouvaient être tentés d’effectuer du
« rendement » avec le nombre de baptisés. Selon P. Guillaume on est toujours à « mi-chemin entre le
badigeonnage rapide et l’action patiente prévue pour s’exercer sur plusieurs générations ». La tâche étant
très importante les missionnaires se faisaient aidés de catéchiste formés au sein de la population indigène.
Toutefois, le catéchiste a un rôle complexe puisque s’il trop proche du missionnaire il peut donner un
enseignement formaliste et à l’inverse il peut mal relayer le message du missionnaire au sein de sa
communauté d’origine et faire naître des mauvaises interprétations.
2. L’action éducative
Le premier rôle éducatif des missionnaires étaient les catéchistes, mais aussi préparer la formation
d’Eglises indigènes. Dans les colonies françaises les missionnaires étaient agents de la politique
d’assimilation limitée. Dans les colonies anglaises les compromis entre langues européenne et locale sont
plus fréquents. Le plus souvent la mission tient lieu d’école élémentaire. Pour les puissances coloniales les
missions représentent des moyens simples, efficaces et bons marchés de mener une politique de scolarisation
des populations indigènes. Si souvent l’enseignement ne dépassait que rarement le stade élémentaire, les
puissances coloniales ont développé un enseignement plus élitiste dans les terres d’anciennes civilisations,
aux Indes et en Extrême-Orient notamment. De fait si dans ces terres l’enseignement universitaire
commença à la fin du XIXème siècle, il faut attendre les années 1920 pour voir la même chose en Afrique.
3. L’action sociale
Le missionnaire se fait souvent médecin auprès des indigènes même s’il n’y est pas préparé au
départ. Peu à peu ceux-ci se forment à la thérapeutique et à l’hygiène. Les ordres missionnaires féminins se
spécialisent peu à peu dans la médecine avec un personnel très qualifié. Les missionnaires cherchèrent à
faire triompher la monogamie. Par conséquent, selon P. Guillaume, « l’action missionnaire fut délibérément
émancipatrice, mais elle ne put l’être qu’en brisant les cadres des sociétés traditionnelles ». L’évangélisation
est toujours, peu ou prou, européanisation du converti.
Chapitre 6 : L’adaptation des Eglises aux réalités coloniales
Au XIXème siècle le mythe de la mission civilisatrice permet de recouvrir les objectifs de négoce et
de transmission de la connaissance et de la foi. De fait le missionnaire est, avec l’administrateur ou le soldat,
le représentant de l’Europe conquérante.
3. La formation des prêtres autochtones
De nombreux papes ont souligné la nécessité de former des prêtres autochtones. Toutefois, pendant
longtemps les ordinations de prêtres catholiques autochtones sont rares du fait de résistances des
missionnaires, mais aussi des fidèles indigènes. Par ailleurs, les Eglises nationales sont, en Afrique, encore
mal formées. Dans le monde protestant la dialectique des auxiliaires autochtones fut rapide à se mettre en
place, mais ceux-ci étaient cantonnés à des tâches subalternes. C’est au cours des années 1910/20 que des
pasteurs indigènes firent leur apparition. Toutefois, il ne faut pas prendre le cadre comme un et indivisible,
les régions se développant nettement différemment. Par exemple au Nigéria la christianisation aboutit, vers
la fin du XIXème siècle, à l’établissement d’une véritable Eglise nationale alors qu’à Sumatra il n’existait,
en 1940, que 50 prêtres autochtones pour 450.000 fidèles.
Troisième partie : La pénétration européenne
Chapitre 9 : La conquête militaire
1. Les armées coloniales
Un modèle : l’armée anglaise des Indes
Dès la formation de l’armée de la Compagnie des Indes des indigènes y furent intégrés. De fait au
moment de l’intégration de celle-ci au sein des forces royales suite à la révolte des Cipayes on comptait
65.000 Britanniques pour 140.000 indigènes. Le plus souvent les officiers supérieurs étaient anglais, mais
les officiers de troupe pouvaient être indiens. A noter que les princes indiens, libres mais inféodés à
l’Angleterre, continuent de posséder leurs propres armées.
Le soldat colonial à la fin du XIXème siècle
A la fin du XIXème le mythe de l’officier colonial se forge peu à peu par un mix entre bravoure,
humanité, compétences d’administration, mais aussi cruauté gratuite voir sadisme. Cela est souvent loin de
la réalité. Dans le même temps l’utilisation des auxiliaires indigènes suscite réserves et critiques puisqu’on
prête à l’indigène la responsabilité de nombreux excès. Il n’en demeure pas moins que, à la suite des idées
de Mangin, les soldats indigènes sont utilisés au cours de la première guerre mondiale en France. De même
pendant la deuxième.
3. Maintien de l’ordre et défense nationale
Au cours des guerres du XXème siècle la mobilisation de soldats indigènes fut importante. On
compte, par exemple, la levée de 113.000 hommes en Afrique noire et environ 400.000 au Maghreb au cours
de la deuxième guerre mondiale. Ils devinrent souvent des auxiliaires de la colonisation. Pour certains
l’engagement dans l’armée pouvait être le vecteur d’une possible intégration et de promotion sociale.
Quatrième partie : L’administration coloniale
Chapitre 10 : Les choix théoriques
1. Assimilation ou association
L’assimilation peut se définir comme la volonté de réduire les écarts existants entre la métropole et
les colonies jusqu’à la fusion complète. A contrario l’association est la reconnaissance des originalités de la
colonie et de la métropole avec la volonté de tisser des liens entre deux entités perçues comme
fondamentalement différentes. Assimiler c’est nier l’originalité de l’autre et affirmer la supériorité de la
civilisation métropolitaine. Si l’association accorde ce respect de l’altérité, cela revient souvent à l’enfermer
dans celle-ci et les traditions et les structures politico-sociales qui vont avec.
2. Centralisation et décentralisation ?
On pourrait être tenté d’associer assimilation et centralisation d’une part et association et
décentralisation de l’autre. Toutefois, plusieurs exemples mettent en évidence l’existence de forme de
gouvernement centralisatrice, mais qui prend des décisions dans une perspective associationniste et
inversement. Il y a centralisation lorsque les décisions sont prises par les autorités métropolitaines, avec ou
sans l’adjonction des représentants des colonies. En ce qui concerne la décentralisation il faudrait plutôt
parler de déconcentration puisque si l’administration coloniale peut prendre certaines décisions, celles-ci
restent malgré tout sous la tutelle de l’autorité métropolitaine. L’association ne se produit que si les
décisions de l’administration coloniale sont prises en concertation avec les corps représentatifs de la
population coloniale.
4. Les raisons des choix : les facteurs coloniaux
L’Angleterre et la France ont chacun, suivant les conditions, privilégiés des formes de gouvernement
différents. Par exemple la France a prôné l’association dans ses protectorats et l’Angleterre a mis en action
un système à tendance assimilationiste en Inde pendant toute une partie du XIXème siècle. Chaque modèle
administratif et de gouvernement est choisi fonction des idéaux et des intérêts métropolitains dans la colonie
donnée.
Chapitre 11 : Les administrations coloniales
1. Les conditions de la vie administrative
Les régimes d’exception originels
Le plus souvent l’officier apparaît comme le premier administrateur du territoire conquis. Gallieni et
Lyautey définissent celui-ci comme devant prendre le rôle non d’un conquérant, mais d’un pacificateur en
pensant au futur lointain de la colonie. L’importance de l’armée et la marine dans le processus colonial est
telle que pendant longtemps, 1854 en Angleterre et 1894 en France, le sous-secrétariat aux Colonies fut
rattaché au département de la Guerre ou de la Marine. Les militaires avaient, selon les métropoles, un grand
atout : le désintéressement qui les amenait autant à combattre les trafics illicites et à faire régner l’ordre dans
la colonie ainsi que faire respecter les droits des colons face aux indigènes. L’Allemagne et l’Angleterre
choisirent plutôt, jusqu’à environ la seconde moitié du XIXème siècle, la formule de la compagnie à charte,
ce qui leur permettaient de contrôler les colonies sans en assumer le rôle devant l’opinion publique.
La confusion des pouvoirs
Dans les colonies françaises, par exemple, le gouverneur général possède de grands pouvoirs que ce
soit en terme de forces armées, de nomination des fonctionnaires, de pouvoirs législatifs (promulgation lois
et décrets et pouvoir réglementaire en matière de haute police), de contrôle du budget et du pouvoir
judiciaire. Les magistrats coloniaux sont de fait sous la surveillance, ce dernier pouvant définir les délits
spécifiques et les peines applicables grâce au régime de l’indigénat. Enfin, le gouverneur général possède un
petit rôle diplomatique vis-à-vis des rapports de la colonie avec ses voisins. Dans l’Empire britannique le
gouverneur général est assisté d’un ou deux conseils, exécutif et législatif. Au départ ceux-ci étaient
nommés plus ils sont peu à peu devenu élus. Par ailleurs, leur rôle passe de consultatif à législatif. Hormis
pour les pouvoirs réglementaires, les pouvoirs du gouverneur général britannique sont relativement limités
comparés à ses homologues français, belges ou hollandais. Il n’en demeure pas moins que le gouverneur
anglais est toujours le chef de l’exécutif. De plus à partir de 1861 le gouverneur général britannique reçoit le
pouvoir de prendre des ordonnances de sa propre autorité ayant force de loi pendant 6 mois. En 1870 il lui
est également permis de légiférer pour les régions les moins évoluées d’Inde.
L’origine du droit
Hormis pour la Martinique, Réunion et Guadeloupe, c’est l’exécutif métropolitain et local qui édicte
les décrets et autres, les populations locales indigènes n’ayant aucun représentant pour statuer en assemblée.
C’est le cas également pour les colonies belges et hollandaises. Seules les colonies françaises précitées,
auxquelles s’ajoutent, provisoirement d’abord en 1848 puis définitivement à partir de 1870, l’Algérie, la
Guyane et le Sénégal, fonctionnent différemment puisqu’elles possèdent des représentants à l’Assemblée en
métropole. Pour les protectorats la loi est théoriquement élaborée localement, mais le droit d’initiative est
tenu étroitement sous tutelle. Par exemple aux Indes le degré d’indépendance est variable, mais tous doivent
respecter certains principes directeurs. Dans l’Empire français les autorités ont toujours été tiraillées par la
tentation uniformisatrice de l’administration directe. Ce désir était très marqué en Annam ou au Maroc et un
peu moins vrai au Laos, Cambodge ou Tunisie. Néanmoins, la législation peut être d’origine locale dans les
cas où une assemblée existe au sein de la colonie. Toutefois, dans certains cas ces assemblées existent, mais
elles ne sont là que pour des missions bien définies et limitées alors que dans d’autres on assiste à
l’existence d’une réelle assemblée aux pouvoirs importants. De même le recrutement des membres peut être
la nomination par la métropole ou le suffrage universel de l’ensemble de la population, blanche et indigène.
Enfin, les gouverneurs ne peuvent parfois être que les représentants de la colonie et choisi par elle, alors que
dans d’autres cas il concentre l’ensemble des pouvoirs et est nommé par la métropole.
Les structures administratives
Que cela soit dans les empires britanniques ou français, les structures administratives de rattachement
des colonies ou protectorats sont différenciées afin de mieux coller aux réalités des situations locales, même
si cela pénalise la coordination d’une politique coloniale. Par exemple, considérant que le problème colonial
n’était plus militaire, la France transfère le secrétariat d’Etat aux Colonies sous la tutelle du ministère du
Commerce en 1889. De même l’Algérie est rattachée administrativement au ministère de l’Intérieur en 1871.
Pour les Anglais cette différenciation administrative se matérialisera par la création du Colonial Office en
1854, de l’Indian Office en 1858 et du Dominion Office en 1924.
A partir de 1900 les frais de gestion des colonies françaises sont désormais à leurs charges. Les
métropoles gardant les dépenses de souveraineté, notamment militaires. Enfin, sur le plan administratif
certaines puissances, comme la France et l’Angleterre, cherchèrent à mettre en place des fédérations, telles
que l’Union Indochinoise (1887), l’AEF (1895/1904) ou l’AOF (1910) ou la prépondérance des autorités du
Bengale sur celles de Bombay ou Madras.
2. Les fonctionnaires européens
La spécificité du fonctionnaire colonial
Selon Lyautey le rôle du fonctionnaire colonial est administratif, mais aussi politique et social. L’une
des spécificités de l’administration coloniale est également de devoir toujours vérifier sur le terrain si les
décisions s’appliquent puisque tout est à faire. La matérialisation de ces vérifications est la tournée des chefs
de circonscription. Par ailleurs le fonctionnaire colonial endosse plusieurs casquettes (agent du fisc, juge
civil et criminel, policier, éducateur etc…).
Le recrutement des fonctionnaires coloniaux
Le fonctionnaire colonial devait savoir s’adapter à l’ensemble de ses tâches, mais aussi faire sienne
l’idéologie qui sous-tend les aventures coloniales et avoir une vocation forte pour surpasser les déceptions.
Au départ l’administration coloniale ne protégeait que les métropolitains, mais progressivement elle a
commencé à défendre les intérêts des indigènes. A partir des années 1850 les puissances coloniales ont
pensé que les militaires étaient le mieux amène de remplir le rôle de fonctionnaires coloniaux. Toutefois,
différents échecs, tel Clausel en Algérie, convainquirent les métropoles à mieux choisir leurs fonctionnaires
coloniaux. Lorsque les civils prirent le relais, les choix des hauts fonctionnaires étaient hautement politiques
ce qui faisait qu’à chaque changement de majorité les fonctionnaires coloniaux pouvaient changés. Même si
certaines nominations pouvaient avoir pour motivation l’envie de se débarrasser d’un gêneur, le plus souvent
cela avait lieu grâce à des concours. Les Anglais les instituèrent en 1853, les Hollandais en 1864, les
Français en 1889. Toutefois, malgré cela de nombreuses critiques se font jour, notamment avec le roman de
Claude Farrère Les civilisés.
3. Les auxiliaires indigènes
Les chefs indigènes
Pour Delavignette les chefs indigènes sont « les rouages entre l’autorité coloniale et la population ».
Ceux-ci peuvent être simplement conseillés par les Européens ou devenir des fonctionnaires au service des
Européens. Alors que les Français contrôlent les actes et décisions en amont, les Anglais le font en aval,
réprimant au besoin. De fait en Tunisie et au Maroc les Français se sont directement intégrés à
l’administration avec un haut fonctionnaire à la tête de tous les services et un secrétaire général chargé de
contrôler l’activité de l’administration centrale et de ses agents locaux. Les chefs indigènes sont des simples
fantoches.
En Afrique, la politique française jusqu’à la première guerre mondiale fut de démembrer l’ensemble
des structures locales, jugées trop grandes, et de chasser les dynastes étrangers qui se sont imposés aux
Africains au cours de l’Histoire. Toutefois, la faiblesse structurelle de la colonisation amène les Français,
après 1918, à s’appuyer sur les élites locales. A partir de 1932 et la circulaire Brévié, le chef est vu comme
« un représentant de la population ». Peu à peu l’idée s’installe de les instituer comme fonctionnaires d’une
future colonie moderne. De leur côté les Belges ont fait des chefs locaux des fonctionnaires, tout en leur
permettant de garder leurs prérogatives coutumières à partir de 1910. De même le colonisateur se base sur
les chefferies pour organiser les circonscriptions administratives. Le système anglais est légèrement
différent, le chef n’étant pas qu’un simple exécutant des décisions du colonisateur, mais un responsable mis
à l’école anglaise. Malgré tout cela, les différences entre systèmes français, belge et anglais sont plus
marquées dans les principes que dans les faits.
Même s’ils ne sont pas totalement discrédités du point de vue de la population, les chefs locaux sont
amenés à disparaître du fait de l’apparition d’auxiliaires indigènes formés à l’occidentale et de l’essor de
l’urbanisation. A partir des années l’extension de l’urbanisation dans les colonies belges et françaises fut
telle que tout système fondé sur les chefferies perdit de sa substance.
Fonctionnaires et employés
Même si les Anglais voulurent associer les Indiens à certaines tâches administratives par la fin de
toute sélection raciale ou religieuse en 1853, c’est seulement en 1870 que des Indiens furent reçus pour la
première fois aux concours de l’Indian Office. De même en 1885 le principe d’un quota est posé, mais celuici ne sera jamais atteint faute de candidats. Les tâches que l’on confiait à ces Indiens étaient le plus souvent
d’ordre technique, à partir de 1885, ou financier, à partir de 1909. Par ailleurs, les Anglais développèrent les
services provinciaux, largement ouverts aux Indiens, ce qui suscita des craintes chez les musulmans. Dans
l’Empire français, la règle fut, à quelques exceptions près, de ne recruter que des employés subalternes, lien
entre la population et le colonisateur. Peu à peu ces auxiliaires devinrent des fonctionnaires
Chapitre 12 : De l’administration au politique
1. L’indigénat
Droit et juridictions d’exception
Dans l’Empire français le système de l’indigénat est défini par rapport au cas de l’Algérie et s’établit
au fur et à mesure de façon empirique. Des tentatives de codification eurent simplement lieu en Afrique
noire entre 1924 et 1938. A noter que le régime de l’indigénat fut aboli en Indochine en 1903. La grande
force de ce système est sa souplesse qui permet de s’adapter aux réalités locales. Trois règles émergent
malgré tout : 1/ le gouverneur peut interdire à des non citoyens certaines manifestations ou activités non
prévues par la loi pénale. Sanctions pouvant atteindre 15 jours de prison et 100F d’amende. 2/ Les sanctions
ne sont pas prononcées par les tribunaux, mais par des agents administratifs, gouverneur ou administrateur.
3/ En cas de troubles à l’ordre public non prévus par la loi pénale, le gouverneur est doté de pouvoirs
étendus avec possibilité de prononcer internement du coupable, séquestration des biens de ce dernier ou
prononcer des pénalités collectives, en espèce ou en nature, aux communautés indigènes.
Au Congo belge le décret de juillet 1910 permet de punir d’interdiction de séjour « tout indigène qui, par sa
conduite, compromet la tranquillité publique ». De plus, outre l’indigénat, l’indigène est soumis au droit
coutumier. C’est une solution du colonisateur pour permettre de juger les cas qu’il comprend mal du fait de
leurs caractères typiquement locaux (sorcelleries etc…). Toutefois, le droit coutumier impliquait de
nombreux abus, c’est pourquoi les Anglais le règlementent en 1860 et 1861 ainsi qu’une tentative d’égalité
entre les prévenus indigènes et Blancs. Malgré tout en 1883 les Blancs jouissent toujours du privilège de
pouvoir demander à ce que la moitié du jury soit Blanc.
L’absence de droits politiques
Hormis les colonies anglaises qui eurent tôt le droit de constituer des syndicats et des forces
politiques, les autres puissances coloniales décidèrent de limiter les libertés publiques des colonies. Pour
l’Empire français les demandes de syndicats aboutiront en 1937 à l’autorisation des syndicats, mais
seulement pour les titulaires du certificat d’études. La liberté d’association est proclamée en avril 1946, mais
n’entre en vigueur qu’après le vote du code du travail en décembre 1952. Au Congo belge la liberté
syndicale fut accordée aux Européens en 1941 et aux indigènes en 1957. Auparavant ces derniers
disposaient du droit de grève depuis 1946. Les libertés de réunion et d’information furent peu souvent
appliquées. Toutes ces privations avaient pour but de retarder la formation d’une entité nationale. Dans le
même temps la représentation d’intérêts indigènes, par des conseils consultatifs, auprès de l’administration
centrale et la participation de la population indigène à l’administration locale permettent de former une
soupape de sécurité. Seuls les résidents des anciennes colonies françaises, après 1848, et les israélites
algériens, après 1870, étaient directement citoyens français, les autres avaient la possibilité de demander leur
citoyenneté de manière individuelle, uniquement pour les Algériens à partir de 1865 puis pour l’ensemble de
l’Empire après 1919. Néanmoins, pour être accepté il fallait, au choix, avoir servi dans l’armée, savoir lire et
écrire le français, être propriétaire au sens européen du terme, être titulaire d’un emploi public ou électif et
être décoré, ainsi que se soumettre à la loi française. Au Congo belge, le système fut plus nuancé puisque
qu’en 1948 les Belges mettent en place le statut de « l’évolué » grâce à une « carte du mérite civique », puis
en 1952 une « carte d’immatriculation » qui donne accès à des lieux interdits aux autres indigènes ainsi que
certains privilèges honorifiques. Il s’agit de la tentative de création d’une catégorie intermédiaire entre
indigène et citoyen belge.
Les charges spécifiques
Les puissances coloniales veulent que les colonies participent au financement de leur développement.
Pour cela elles ont mis en place des systèmes fiscaux différents. Les Français ont privilégié la capitation en
Afrique et, à partir de novembre 1918, une assimilation fiscale entre Algérie et métropole plus ou moins
bien appliquée. De fait le passage à l’impôt sur le revenu en Algérie a obligé les indigènes à s’intégrer dans
un système monétaire et donc rechercher un emploi salarié. Les Anglais eux ont institué des land-taxes
(basées sur l’estimation du revenu des terres) d’environ 6 à 8% en Inde. Au Congo belge l’impôt en nature
est parfois conservé, mais il est lié à un système de culture et de cueillette forcées.
Corvées et cultures forcées
Aux environs des années 1830 et jusqu’aux années 1860 les Hollandais utilisèrent un système où
l’administration prenait 1/5 des terres des paysans et chaque homme adulte y travaillait 1/5 de son temps,
puis les denrées produites étaient cédées à l’Etat qui s’occupait de sa vente à l’export. Toutefois, ce système
est devenu lourd donc il est progressivement abandonné. Au Congo belge l’Etat déclare son monopole sur le
commerce du caoutchouc et de l’ivoire en 1892. De même obligation était faite aux chefs locaux de mettre
en culture les terres vacantes avec des plantations de café et de cacao, le tout sous la direction d’un
agronome d’Etat.
Si l’opposition des représentants indigènes est importante il n’en demeure pas moins que le poids des
corvées a été extrêmement variable au cours des époques et des régions. Très lourd lors des grands travaux
d’équipement (voies ferrées du Yun-Nan en Indochine ou de Matadi à Léopoldville). Le travail forcé est
également pratique courante dans les colonies portugaises alors que les Anglais limitent son usage.
Toutefois, en Afrique du Sud cette pratique est nettement en usage par les entreprises privées. Tout cela
jusqu’à sa condamnation par la SDN.
Impôts de consommation et régies
Importance des impôts de consommation et des monopoles d’Etat. Les barrières douanières
dépendent de nombreux éléments : conventions internationales (Congo et Maroc), politiques d’ensemble
(open door anglais ou assimilation douanière française) et souvent des objectifs spécifiques (taxes sur coton
et cotonnades dans l’Inde anglaise). Les régimes coloniaux d’Asie ont tiré de nombreux revenus des
monopoles sur certains produits (sel, alcool et opium). Du fait des déséquilibres entre les régions de l’ouest
et de l’est, une douane intérieure est instaurée en Inde sur le sel.
Les impôts traditionnels
Outre tous ces impôts les indigènes étaient également assujettis aux droits coutumiers. Par exemple
dans l’Est congolais le chef exige au minimum une cuisse et une épaule, mais cela peut aussi aller jusqu’à ce
qu’il ne reste que la dépouille au chasseur. En Algérie française les impôts arabes persistent jusqu’à la fin de
la Première Guerre Mondiale. On pouvait compter : l’achour (dîme religieuse), le zekkat (taxe sur les
bestiaux) ou la lezma (impôt de capitation). De fait on peut établir des parentés entre les colonies et l’Ancien
Régime pour ce qui est du comportement fiscal puisque le paysan supporte tout le poids.
2. L’évolutionnisme anglais
Les colonies de la Couronne
La situation est complexe en Jamaïque puisque puisqu’entre 1664 et 1865 une Assemblée élue existe,
mais suite à des agitations locales suscitées par l’Assemblée, les autorités anglaises la supprime et transfère
ses prérogatives au gouverneur et à un Conseil de 12 membres nommés. Puis à partir de textes de 1884 et
1895 un nouveau Conseil législatif fut créé avec 5 hauts fonctionnaires, 10 membres nommés et 14 élus. Par
ailleurs, suite à l’incapacité du gouverneur à faire passer ses mesures fiscales, la Couronne prit le contrôle
des finances de l’île en 1899. A cette époque l’ensemble des colonies anglaises des Antilles, hormis les
Bahamas et la Barbade, sont plus ou moins sous la tutelle de la Couronne britannique.
Dès 1803 les Anglais installent à Ceylan un gouverneur aidé d’un Conseil consultatif nommé. En
1833 ils créent un conseil Exécutif et un conseil Législatif, ce dernier étant composé de 15 membres
nommés. A partir de 1910 des membres non officiels sont élus par les Européens et les assimilés et en 1920
ils deviennent majoritaires. En 1931 l’île est dotée d’une constitution et d’un Conseil d’Etat, composé de 11
membres de droit et 50 membres élus par tous les adultes (hommes et femmes) de l’île. Le pouvoir exécutif
est assuré par 10 ministères dont 3 (Affaires étrangères, Administration publique et Finances) sont attribués
à des membres de droit. Les autres appartiennent à 7 comités élus au sein du Conseil d’Etat. Chaque comité
élit son président qui est responsable devant le Conseil alors que les 3 ministres choisis parmi des membres
de droit sont responsables seulement devant le gouverneur. Ce dernier peut dissoudre le Conseil et légiférer
par ordonnances.
En Afrique la mise en place d’institutions représentatives est gênée par l’hétérogénéité des
populations réunies artificiellement dans un même espace territorial. Toutefois, en Côte-de-l’Or l’unité
territoriale permet l’institution d’un Conseil législatif en 1889. Des conseils similaires apparaissent dans les
autres colonies africaines sous domination après la Première Guerre Mondiale, tel le Sierra Leone en 1922.
Après la Deuxième Guerre Mondiale la puissance colonisatrice élabore de nouvelles constitutions qui se
veulent aussi respectueuses que possible de tous les intérêts en présence.
L’Inde
Au début du XIXème siècle le gouverneur général est assisté d’un Conseil privé. En 1833 un Conseil
législatif apparait et est ouvert à des représentants des gouvernements provinciaux en 1853. En 1861 le
Conseil législatif est réformé et compte désormais, outre des membres officiels, des membres choisis par le
vice-roi pour une durée de 2 ans et qui pouvaient être indiens. Dans le même temps des assemblées
provinciales sont créées sur le même modèle. Toutefois, toutes ces instances restaient purement
consultatives. Suite à la constitution de l’Indian National Congress en 1885, une nouvelle réforme des
conseils est actée en 1892. Le vice-roi choisi toujours des membres, mais désormais sur proposition de la
Chambre de commerce de Calcutta et des sections non officielles des conseils provinciaux. En 1909 le
Conseil législatif de l’Inde est composé de : 7 membres du Conseil exécutif, 28 fonctionnaires, 5 nonfonctionnaires désignés par le vice-roi, 13 élus par les membres non officiels des conseils provinciaux, 6
élus par les plus grands propriétaires terriens des 6 provinces, 6 élus par la population musulmane des 6
provinces et 2 élus par les chambres de commerce européennes de Calcutta et Bombay. Même si la
puissance coloniale daigne partager le pouvoir législatif avec les indigènes, elle conserve pour elle
l’intégralité du pouvoir exécutif. A partir de 1919 le vice-roi conserve la compétence sur certains grands
sujets et délègue les autres aux autorités provinciales, cabinets provinciaux responsables devant les
assemblées provinciales, composées à au moins 70% par des membres élus par ceux qui payent un impôt
d’un montant déterminé ou qui ont servi dans l’armée. La réaction à cette intégration fut relativement
négative de la part de l’Indian National Congress puisque ce sont différents groupes spécifiques qui y sont
représentés et non les territoires et leur population. C’est pour cela que Gandhi prône dès lors une politique
de non-coopération. De nombreuses protestations eurent lieu en 1927. Toutefois, durant les années suivantes
des négociations s’instaurent par l’intermédiaire des représentants des partis anglais et indiens. Tout cela
aboutit, en 1935, à l’élargissement du droit de suffrage et la responsabilité des gouvernements provinciaux,
même si le gouverneur conserve certains pouvoirs et devoirs spéciaux, notamment dans la protection des
minorités. Le nouveau gouvernement central est bicaméral et englobe l’Inde des princes et l’Inde anglaise. A
côté des membres élus, les assemblées comportent des représentants des minorités élus au suffrage indirect.
La défense et la politique extérieure restent aux mains du vice-roi et du gouvernement de Londres. Peu
après, en 1937, l’Indian National Congress appelle ses membres à démissionner des gouvernements
provinciaux ce qui a pour effet de bloquer tout le système. C’est donc un sentiment de demi-échec que
l’Angleterre ressent vis-à-vis de sa volonté d’entente entre les communautés.
3. Les attitudes françaises
L’assimilation dans les vieilles colonies
Abolis en 1848 les Conseils Généraux sont réintroduits dans les « vieilles colonies » en mai 1854.
Au départ ils sont à moitié nommés et à moitiés élus par les municipalités, puis en 1870 ils sont entièrement
élus au suffrage universel. Des Conseils sont créés en Guyane en 1878, dans les Comptoirs de l’Inde et au
Sénégal en 1879 et en Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon et les autres territoires d’Océanie en
1885. Ils votent le budget, mais les propositions de dépenses sont faites par le gouverneur et les délibérations
ne rentrent en action que si elles sont approuvées par le gouverneur. A l’instar des gouverneurs des colonies
plus récentes il peut également définir des délits sanctionnés de peines de quinze jours de prison par simple
décision d’arrêté.
L’Algérie : contradictions et incohérences
Le cas de l’Algérie est complexe puisqu’elle possède des structures de types coloniale (gouverneur
général, Conseil supérieur de gouvernement, Délégations financières etc…) et métropolitaine (communes,
préfets et conseils généraux ainsi que députés et sénateurs). Hormis les sénateurs, l’ensemble des personnels
relevant de la structure administrative métropolitaine est élue au suffrage universel direct. Au sein de
chacune des structures on trouve des corps élus ayant pour but de représenter les intérêts distincts de tous.
Dans ceux-ci pouvaient collaborer des métropolitains et des indigènes, les premiers étant élus au suffrage
universel direct alors que les seconds l’étaient suite à un scrutin censitaire ou indirect. A noter que la
définition de la citoyenneté est limitative en Algérie puisque, selon la loi de 1898, est citoyen français toute
homme de plus de 25 ans ayant trois ans de résidence en Algérie et la nationalité française depuis au moins
douze ans. Les membres algériens des Délégations financières étaient élus au suffrage indirect, dont le corps
électoral s’élargit peu à peu en 1919 et 1922. Jusqu’en 1908 les membres algériens des Conseils généraux
sont nommés, puis après cette date ils sont élus par les conseillers municipaux des communes de plein
exercice. Le nom de communes de plein exercice désigne celles qui possèdent un conseil bipartite (moitié
français/moitié algérien), mais dont le maire et les adjoints sont nécessairement français. Entre 1884 et 1919
ils sont aidés par des adjoints indigènes, mais ceux-ci sont peu à peu remplacés par des caïds nommés par
l’administration. Les communes mixtes sont quant à elles dirigées par un administrateur assisté d’adjoints
français et de caïds indigènes. De fait les indigènes participent à la vie des villes, mais sans jamais partage
d’autorité.
Le décret du 7 mars 1944 accorde un droit de suffrage métropolitain, mais seulement à une minorité
de musulmans. Toutefois, il s’agit d’une avancée puisque désormais on peut voter pour des instances
métropolitaines tout en ne devant pas perdre son statut personnel d’indigène. Un précédent était déjà
intervenu à Saint Louis du Sénégal et à Gorée quelques années plus tôt. La loi Lamine Gueye de mai 1946
élargit les droits électoraux des sujets français, du moins en théorie. Même si les sujets étaient amenés à élire
des députés pour l’Assemblée Constituante, ils le faisaient sous le régime du double collège. De plus des
restrictions existaient, ce qui a conduit à une participation de seulement 1/5 du corps électoral indigène. La
loi dite du statut de l’Algérie, votée en septembre 1947, ne change rien au système du double collège, qui
par essence protège la domination de la minorité européenne. De fait l’Assemblée algérienne est divisée en
deux collèges de 60 membres, un pour les métropolitains et l’autre pour les Algériens. Néanmoins,
l’Assemblée algérienne peut s’occuper des questions de vote du budget, de réformes fondamentales, des
structures municipales ou l’extension à l’Algérie du droit de vote des femmes.
L’évolution de l’Afrique noire
Dès les constitutions de l’AOF (1904) et de l’AEF (1910), des indigènes participent aux conseils de
gouvernement qui assistent les gouverneurs généraux. Au départ nommés, les notables locaux sont par la
suite élus par les conseils d’administration des différentes colonies de chaque groupe. Les membres
indigènes des conseils d’administration étaient eux-mêmes élus par un corps électoral restreint comprenant
des fonctionnaires, commerçants, propriétaires urbains et ruraux d’importance français et chefs coutumiers
indigènes. A partir de mai 1939 la représentation indigène est légèrement élargie, mais reste aux mains des
notables indigènes. Par ailleurs, le Sénégal comprend un Conseil général puis, à partir de 1920, un Conseil
colonial élu par les citoyens français et les indigènes, mais dans deux collèges différents. A Madagascar ce
sont les Délégations économiques et financières qui sont élues grâce à deux collèges à partir de 1924. Cette
extension des droits politiques des indigènes par la généralisation du système du double collège est
paradoxale avec la volonté assimilatrice française puisqu’elle n’inclut pas du tout la prise de la citoyenneté
française. Malgré tout il ne demeure pas moins que les assemblées n’ont qu’un rôle consultatif.
Même si le système du double collège est conservé, les indigènes peuvent élire, au suffrage universel, des
députés au sein des Assemblées constituantes métropolitaines. Localement des assemblées territoriales
furent mises en place. Celles-ci se virent adjoindre des Grands Conseils en AEF et AOF. Ces assemblées
territoriales sont très proches des Conseils généraux métropolitains puisqu’elles votent le budget et les
impôts, décident des dépenses, donner des avis en matière législative et ont un droit de surveillance sur
l’administration. Toutefois, les Assemblées métropolitaines étant les seules responsables de l’édification des
lois et comme le gouverneur conserve le pouvoir exécutif, les Assemblées territoriales dans les colonies ont
des rôles essentiellement administratifs. C’est seulement à partir de la loi-cadre de juin 1956 que les
Assemblées territoriales peuvent élire un président et un Conseil de gouvernement, même si le gouverneur
demeure « chef du territoire ».
La politique française dans les protectorats et les territoires à mandat
Les habitants des protectorats restent théoriquement sujets de leur souverain traditionnel donc aucun
droit politique ne leur est accordable. Néanmoins, des représentations se mettent en place par l’intermédiaire
des intérêts économiques et financiers. Dès 1896 une Conférence consultative est créé en Tunisie. Celle-ci
est découpée en trois collèges, pour les colons, les industriels et commerçants et les autres Français. En 1922
cette Conférence devient le Grand Conseil de Tunisie. Il compte deux sections (française et tunisienne), la
deuxième étant composée de plusieurs groupes, dont les israélites, et les membres étaient désignés par les
notables et les caïds. Le Conseil de gouvernement créé au Maroc en 1919 est calqué sur le modèle
précédent.
L’Indochine
La Cochinchine accueille depuis 1880 un Conseil colonial. Celui-ci est réformé en 1922 et compte 10
conseillers français élus par les citoyens français, 10 conseillers indigènes élus par les notables, 2
représentants de la Chambre de commerce de Saigon et 2 représentants de la Chambre d’agriculture de
Cochinchine. Dans les autres territoires des chambres indigènes, dont les membres sont élus par les notables,
existent depuis 1913 et émettent des vœux en matière budgétaire. A partir de 1928 les Français sont
représentés par des Conseils français des intérêts économiques et financiers. La même année est créé le
Grand Conseil des intérêts économiques et financiers de l’Indochine, qui compte 11 conseillers élus par les
citoyens français, 23 conseillers indigènes élus par les assemblées locales et 20 conseillers élus par les
chambres de commerce et d’agriculture. A noter qu’il n’est pas divisé en collèges, mais que son rôle est
purement consultatif. De plus il s’agit d’une tentative pour lier des solidarités entre élites économiques,
française et indigène, et que cela n’a pas but d’y associer une représentation populaire.
4. Les autres colonisations
L’attitude hollandaise
Si au XIXème siècle les autorités hollandaises se sont appuyées sur les chefs traditionnels, ils tendent
peu à peu à s’associer à d’autres éléments de la population au cours du XXème siècle. Au début de ce siècle
on crée une hiérarchie de conseils municipaux, de régence et de provinces dont les membres indigènes sont
élus à un suffrage censitaire et dont le rôle est consultatif. A noter que cela ne vient pas se supplanter aux
communautés villageoises traditionnelles. En 1916 le Conseil du peuple, Volksraad. Au départ il est
constitué pour moitié de conseillers nommés. A partir de 1927 la proportion tombe au tiers. Les membres
nommés représentent les minorités religieuses, les provinces extérieures et les chambres de commerce. Les
membres élus sont quant à eux répartis en trois collèges : Néerlandais, Indonésiens et étrangers résidant en
Indonésie. Dès 1927 un président du Volksraad est nommé par la Couronne et celui-ci contrôle les impôts,
l’immigration et le régime douanier. Néanmoins, ses décisions ne sont pas exécutoires sans l’accord du
gouverneur général.
Les attitudes de refus
Les Belges n’ont jamais voulu de représentation de la population africaine au sein des élus. Un
conseil consultatif composé de hauts fonctionnaires, de membres de droit et personnalités est nommé. Il a
pour but d’assister le gouverneur. L’apparition de membres africains dans le Conseil de gouvernement n’est
autorisée qu’à partir de 1957. De même dans les conseils provinciaux, même si les membres étaient choisis
parmi l’administration sur des listes présentées par les organismes professionnels et syndicaux. A partir de
1923 les villes européennes peuvent avoir des corps élus. Il ne demeure pas moins que l’ensemble des
Conseils sont consultatifs. Les premières chambres élues et représentatives des minorités africaines
n’apparaissent qu’en janvier 1959.
Cinquième partie : L’action humanitaire
Chapitre 14 : La santé publique
1. Le coût humain de la pénétration européenne
Certains exemples du développement des colonies montrent que les pertes humaines pouvaient être
importantes. On peut parler, par exemple, des 14.000 morts durant la construction du Congo-Océan entre
1921 et 1932 ou des 15.000 morts Chinois et Annamites pour la construction de la voie de chemin de fer du
Yun-Nan. On peut y ajouter les différentes formes d’exploitation, comme la production de caoutchouc, ou
l’introduction et la diffusion de maladies tropicales liées au brassage des populations. Toutefois, on ne peut
pas rendre la colonisation responsable des grandes famines, fréquentes en Afrique ou en Inde.
2. Le populationnisme colonial
La pénétration a engendré, dès la seconde moitié du XIXème siècle, une augmentation de la
population indigène. Par exemple en Algérie les Arabes étaient 2.3M en 1872 et 2.8M en 1913. Les
puissances coloniales y voient dans un premier temps l’appoint d’une main d’œuvre nombreuse et donc pas
chère. Seuls les Anglais s’inquiètent légèrement d’une augmentation trop importante de la population
indienne à la fin du XIXème siècle. Outre la main d’œuvre l’utilisation des indigènes comme troupes
combattantes est vite vue. En France il faut attendre Mangin et sa « Force noire » en 1911 pour que ce
recours se développe.
3. La formation du personnel médical
Très tôt il est apparu que le salut physique des colons européens passait par le salut de l’ensemble des
populations indigènes. De celle-ci dépendait le succès de la mise en valeur des territoires coloniaux.
Toutefois, on s’aperçut que l’expérience de santé publique était faible dans les pays européens et que les
moyens financiers alloués étaient insuffisants pour la tâche à entreprendre. Dans l’Empire français le
développement de la médecine passa par la recherche sur les différentes maladies que l’on rencontre dans les
colonies, ce qui fut l’œuvre des instituts Pasteur. Le premier fut ouvert à Saigon en 1891 puis un peu partout
dans l’Empire. Les instituts Pasteur furent fondamentaux jusqu’à la décennie 1940 et l’arrivée des
antibiotiques. De plus, même si les corps militaire de médecins forment des praticiens de haut niveau, ils
sont peu nombreux ce qui nécessite l’adjonction d’auxiliaires et les variations sont très importantes suivant
les territoires. En effet Hanoi elle la seule ville à bénéficier d’une école de médecine en 1902. Celle-ci sera
rattachée à la faculté de médecine de Paris en 1923 avant de se constituer en faculté autonome en 1936. En
revanche, en Algérie les facultés de médecine s’ouvrent difficilement (mais ne se ferment pas) aux
musulmans et en Afrique noir la formation médicale s’arrête à de simples officiers de santé. A Madagascar
on dit noter la présence d’une école de médecine dès 1896.
A contrario l’Angleterre, la Belgique et la Hollande formèrent directement des services civils de santé. Par
exemple en Belgique le premier service de santé est organisé en 1888 auquel on ajoute une direction du
service d’hygiène en 1909. Dès le début du XIXème siècle les Anglais s’intéressent aux médecines hindoue
et musulmane au Sanskrit College de Bénarès et à la Madrasa de Calcutta. Dans cette dernière les Anglais
ouvrirent une école de médecine occidentale en 1822 puis des collèges médicaux en 1835, à Bombay en
1848 et Madras en 1852. L’effort fut également fait dans les autres territoires coloniaux relevant de l’Empire
britannique.
4. Les dispositifs sanitaires et médicaux
La prise en charge des indigènes est gratuite dans toutes les colonies de l’Empire français à des dates
différentes. Cela fut instauré en 1896 à Madagascar, en 1902 en Indochine, en 1905 en AOF, 1908 en AEF
et 1912 en Nouvelle Calédonie. Toutefois, l’organisation du dispositif médical a toujours hésité entre
quadrillage par territoires grâce à des omnipraticiens ou opérations d’envergures de luttes contre des
maladies spécifiques. L’élément initial fut l’hôpital ouvert dans les villes portuaires pour les soins des
Européens. Dans l’Afrique sous domination anglaise, tous les districts, plus petite subdivision
administrative, possédaient leur docteur en médecine. Par ailleurs le chef-lieu du district était souvent équipé
d’un hôpital d’une centaine de lits et qu’il comptait des médecins blancs, mais des auxiliaires indigènes.
Parfois les auxiliaires pouvaient être en charge de dispensaires ruraux ou de petits hôpitaux secondaires. Au
Congo belge l’effort est également important puisqu’on peut compter, en 1953, pas moins de 459 hôpitaux,
2.483 dispensaires ruraux, 99 centres spéciaux (lépreux, aliénés etc…). Les efforts portugais et allemands
pour la santé sont également importants dans leurs territoires respectifs.
5. La pratique médicale
Celle-ci est marquée par les difficultés de « dialogue » entre les médecins, blancs ou auxiliaires
indigènes, et les malades puisque ces derniers ne comprenaient pas nécessairement le bien fondé et la
finalité de ce qu’on leur faisait subir. La recherche médicale dans les campagnes des colonies a permis
l’édification de nombreux centres de formation pour les auxiliaires (Ayos au Cameroun à partir de 1922 par
exemple), de recherche sur les maladies (Institut de la lèpre et Institut d’ophtalmologie à Bamako en 1931,
Office de recherche sur l’alimentation et la nutrition en Afrique à Dakar etc…) ou de luttes contre celles-ci
(Services généraux d’hygiène mobile et de prophylaxie à partir de 1944). Toutefois, cette action médicale
fut également relayée par les missionnaires et des bénévoles laïques.
Chapitre 15 :L’éducation
1. Les interrogations initiales
Dès l’origine le projet colonial possède, en théorie, tout un volet éducatif puisqu’il est sensé amené le
peuple colonisé vers la civilisation et l’autonomie. Toutefois, même si les besoins d’auxiliaires indigènes se
sont vite fait ressentir, le colonisateur craint que les hiérarchies sociales qui lui sont favorables tendent à être
bouleversées par ces changements et donc que l’hégémonie blanche ne soit plus aussi prégnante. Il est
intéressant de noter que les élites des puissances colonisatrices ont les mêmes soucis avec les couches
sociales basses de leurs propres pays. Les solutions mises en place dépendent essentiellement de la société
colonisée préexistante et de la politique éducative de la puissance colonisatrice. Dans certains cas les colons
s’appuient sur les élites traditionnelles et dans d’autres le but recherché est d’élever une nouvelle élite,
acquise à ses vues, afin de renverser l’élite traditionnelle en place.
2. Les choix anglais aux Indes
Les Anglais font, dès la fin XVIIIème/début XIXème siècle, le choix d’une éducation à l’occidentale
des élites afin que celles-ci enseignent à leur tour à la population. Cela garde donc en vie le principe
d’éducation des indigènes tout en conservant intacts les équilibres sociaux traditionnels. Dès 1845 des
étudiants indiens partent étudier en Angleterre. En 1854 et 1857 ce sont des écoles d’ingénieurs, des collèges
médicaux ou des universités qui sont créées à Calcutta, Bombay ou encore Madras. Toutefois, de
nombreuses critiques furent émises contre la bureaucratisation du système universitaire et le caractère trop
« anglais » des études. A partir de 1902 des réformes sont entreprises et en 1924 une conférence des
universités indiennes propose une unification des exigences et qualifications. Toutefois, les formations
universitaires ne correspondent pas aux attentes de la société puisque, par exemple, au début du XXème
siècle 85% des diplômés le sont de disciplines littéraires. Les milieux musulmans sont plus réticents à
l’éducation occidentale. Ce n’est qu’en 1875, avec la construction du Collège musulman anglo-oriental
d’Aligarth, qu’une convergence commence à émerger. L’éducation de la masse populaire est quant à elle
laissée à la discrétion d’initiatives privées, plus ou moins soutenues par l’Etat. De même les situations sont
très différentes selon les régions. Au Bengale une « Anglo-vernacular school » est implantée dans chaque
district. Dès 1870 la charge de l’éducation est conférée aux provinces. Toutefois, le chemin à parcourir était
trop important, les illettrés représentant encore 90% de la population en 1947. Les femmes sont relativement
exclues puisque la première université féminine est fondée uniquement en 1926 par une initiative privée.
3. Indochine et Indes néerlandaises
Dès avant la colonisation l’Indochine possédait une base solide de traditions d’éducation. Après
l’arrivée des colons français, l’Etat met en place un Code de l’Instruction publique mettant en place un
enseignement franco-indigène à partir de 1917. Le texte sera remanié en 1924, mais maintenu durant
l’ensemble de la période coloniale. Toutefois, la sélection était extrêmement sévère sur la maîtrise du
français. Au départ l’enfant est scolarisé dans sa langue natale puis en français à partir des cycles primaires.
Par ailleurs, de nombreux établissements privés (écoles de mission, écoles chinoises ou pagodes) se mettent
parallèlement en place. La création en 1898 de l’Ecole Française d’Etrême-Orient met en lumière l’intérêt de
la métropole pour la culture et l’histoire de sa colonie. Même si, en 1940, de nombreux étudiants de
l’université d’Hanoi sont Indochinois et qu’à cette date des Indochinois ont déjà intégrés l’Ecole
polytechnique, il n’en demeure pas moins que, en 1944, les taux de scolarisation sont faibles, environ 18%
de moyenne avec de grandes disparités régionales). Par ailleurs, si les réussites scolaires du colonisateur sont
indéniables, cela s’est fait au prix d’une négation totale des spécificités de l’enseignement traditionnel et du
rôle des mandarins.
Dès 1818 les Hollandais exercent une ségrégation scolaire, les Hollandais et les rares indigènes
parlant hollandais pouvant accéder aux écoles hollandaises, les autres étant laissés, sous contrôle, aux
fondations musulmanes. Ce n’est qu’en 1925 que l’enseignement de ces dernières sera officialisé. Les
ouvertures successives d’écoles normales (1852), d’écoles de chefs (1878), de médecins (1882) répondent à
des besoins et non une libéralisation. Enfin, à partir de 1882 la ségrégation raciale se double d’une
discrimination sociale, les fils de notables faisant 5 années d’études et les fils d’indigènes seulement 3, et ce
au sein des mêmes écoles publiques. L’université d’Indonésie n’apparait, en tant que telle, qu’en 1941.
4. Le Maghreb
L’Algérie
Pour les populations européennes des structures scolaires sont créés tôt, tels qu’un lycée en 1835 et
des facultés en 1879, structurées en université en 1909, à Alger. Si les musulmans n’étaient pas interdits de
fréquenter ces établissements, des problèmes culturels et financiers les empêchaient. Pour les populations
arabes le système traditionnel des medersa, réorganisé en 1850 avec un enseignement bilingue, déclina peu à
peu, mais des écoles arabes françaises sont créés jusqu’en 1870. A partir de 1889 des écoles publiques pour
les indigènes se mettent peu à peu en place. Dans celles-ci l’enseignement était en arabe et des travaux
pratiques d’agriculture et d’atelier permettaient d’aboutir à un certificat d’études. Toutefois, ce dernier est
moins bien côté que le diplôme métropolitain. Ces efforts eurent des résultats limités puisqu’en 1907 seul 4,
5% des enfants indigènes étaient scolarisés. En 1937 ce chiffre est monté à environ 10%, dont 1/6 de filles.
Le Maroc
A l’instar de l’Algérie les populations métropolitaines disposèrent très vite d’un réseau
d’établissements primaires et secondaires. Pour l’enseignement primaire indigène les écoles coraniques
continuèrent d’exercer. De même des écoles franco-musulmanes furent peu à peu créées. Des collèges
musulmans commencèrent à apparaître en 1915 à Fez et Rabat. Ceux-ci conduisaient à un diplôme d’études
secondaires musulman. En 1936 une école franco-berbère fut ouverte à Azrou. Pour l’enseignement
supérieur, Lyautey interdit l’import du système universitaire européen. A la place on créa l’Ecole supérieure
de la langue arabe et de dialectes berbères en 1912. Quelques années plus tard, en 1920, ce dernier se
transforma en Institut des hautes études marocaines. L’année suivante on lui ajouta un Institut scientifique
chérifien.
5. L’Afrique noire
L’Afrique anglaise
Dès 1827 les Anglais acceptent le principe d’intégrer des élites indigènes occidentalisées dans leurs
écoles avec la fondation du collège de Fourah Bay au Sierra Leone. Durant l’entre-deux guerres des
établissements d’enseignement supérieur s’ouvrent à Achimota en Côte-de-l’Or (1925), à Yaba au Nigéria
(1934) et à Makerere en Ouganda (1937). De même certains africains pouvaient accéder aux universités de
Grande-Bretagne. Toutefois, le nombre ne fut jamais élevé.
Le Congo belge
Très tôt le colonisateur s’est déchargé des tâches d’enseignement vers les missions. Ce n’est qu’en
1950 que l’enseignement secondaire est ouvert aux Noirs. En 1955 une filiale de l’université de Louvain,
Lovanium, ouvre. L’année suivante l’université d’Elisabethville est créée.
L’Afrique française
Les colons français possédaient des établissements (école primaire et lycées) basés sur le modèle
métropolitain. A noter que quelques Africains, tel Léopold Sédar Senghor, ont réussi à y pénétrer. Pour le
reste de la masse de la population indigène, elle était scolarisée au sein des écoles primaires supérieures,
celles-ci ayant pour but de permettre une ascension sociale limitée. Des cours secondaires sont malgré tout
créés à Saint-Louis, Dakar puis Bamako. A l’instar de l’Ecole William Ponty en AOF (formation
instituteurs, médecins indigènes etc…), Le Myre de Vilers est ouvert en 1913 à Tananarive.
Chapitre 16 : L’attribution des terres
2. L’attribution des terres précédemment occupées
La colonisation blanche
En Afrique du Sud le Glen Grey Act de 1894 crée des villages où les Noirs sont propriétaires de
parcelles inaliénables ce qui a pour but de les enfermés dans des territoires bien circonscrit et donc de
pouvoir, pour les colons Afrikanders, prendre possession de l’ensemble des terres en dehors des limites des
villages. De même en 1913 une loi interdit le fermage pour les Noirs ce qui fait qu’ils sont nécessairement
ouvriers agricoles. A partir de 1958 les colons Afrikanders mirent en place la politique des Bantoustans,
c’est-à-dire un développement séparé des régions blanches et noires.
Au Kenya les colons Européens abusèrent d’une largesse culturelle des Kikuyu et prirent peu à peu
possessions de leurs terres pour les mettre en valeur. La main d’œuvre indigène fut maintenue sur place
grâce à un texte qui élevait le montant de la capitation et donc obligeait les Noirs à toucher un salaire et donc
travailler dans les usines ou plantations des Blancs. En 1915 le système des réserves est mis en place. Celuici permet de protéger les propriétés blanches et d’éviter les exactions des Blancs contre les Noirs.
Au sein de ses colonies le Portugal chercha à développer une colonisation blanche. Si au départ celleci pouvait être purement économique, elle devînt politique au XXème siècle, le but affiché étant de créer un
lien charnel entre la métropole et la colonie par la présence de nombreux colons portugais.
En Algérie les premières possessions de l’Etat français furent celles de l’Etat turc, les beylik, puis des
fondations religieuses, les habous, contre promesse du financement du culte musulman. De même avec les
maghzen, terres concédées aux soldats par les Turcs. A partir de 1851 ce sont les forêts et les ach, propriétés
collectives de tribus, qui sont captées. La pratique du séquestre fut également utilisée contre la rébellion
kabyle en 1871. Enfin, les ordonnances de 1844 et 1846 permettent d’ajouter au domaine public les terres
incultes sur lesquelles les propriétaires ne peuvent pas prouver leurs droits. Par la loi Warnier (1873),
imposant l’immatriculation des terres indigènes, une loi de 1874 instaurant la responsabilité collective des
tribus et le code de l’indigénat de 1881, le colonisateur a créé un ensemble de textes permettant la
dépossession relativement rapide des indigènes de leurs terres. Par la suite l’ensemble des terres prises aux
indigènes étaient redistribuées aux colons. Au début du XXème siècle entre 2.000 et 3.000 furent à nouveau
pris aux indigènes et redistribués aux colons. Alors que les confiscations de terres en Algérie répondent à
des intérêts de redistribution, celles de Tunisie ont pour souci la rentabilité grâce à la grande propriété. De
fait en Tunisie en 1892 416.000 des 443.000 hectares de terres confisqués sont possédés par 16 cultivateurs
seulement. Au Maroc le développement alla plutôt vers un système de moyenne propriété européenne, 80%
des exploitations faisant moins de 300 hectares en 1939.
L’économie de plantation
Très vite les Belges et les Français mirent en place de grandes parcelles prises dans les zones
géographiques de l’économie de cueillette à des fins de commercialisation, à l’instar des compagnies de
l’époque moderne et des compagnies à charte allemandes et anglaises, mais aussi de mise en valeur du
territoire. Ces objectifs étaient inscrits dans le contrat passé entre les sociétés exploitantes et l’Etat au
moment de la prise de concession. Par exemple dès 1900 la Compagnie du Katanga doit assurer la mise en
valeur et l’administration de l’ensemble de la province du Katanga. Même si les droits des indigènes étaient
protégés et qu’un texte de 1886 proclame que « Les terres occupées par des populations indigènes […]
continueront d’être régies par les coutumes et les usages locaux », ce système aboutit très vite à
l’implantation des indigènes dans des réserves. Si l’exemple belge marcha très bien et les sociétés
concessionnaires firent de gros bénéfices, le parallèle dans le domaine français est beaucoup plus mauvais,
les sociétés concessionnaires, que ce soit en Afrique ou dans le reste des colonies, ne survivant qu’en se
concentrant. L’échec fut si patent qu’entre 1929 et 1930 les sociétés concessionnaires échangèrent leurs
droits contre des droits de pleine propriété sur des territoires plus restreints. C’est seulement en Indochine
que ce système réussit, parce que sur des petits territoires, notamment pour les cultures de café, de thé et
d’hévéa.
En Inde à partir de 1892 les Anglais privilégie la petite propriété indigène pour mettre en valeur et
enrichir les terres. Ce système peut être rentable puisque, par exemple, la Gold Coast ne s’imposa comme
premier producteur de cacao que par le développement des plantations indigènes. Le même processus,
développement d’une agriculture indigène moderne et autonome, fut mis en place par les Français dans la
boucle du Niger en 1935.
3. Les conséquences de cette attribution de terres
Les mutations des sociétés indigènes
L’introduction de la médecine occidentale a permis un accroissement important de la population
indigène ce qui à long terme peut être préjudiciable à la sécurité alimentaire des populations concernées,
surtout si dans le même temps les cultures vivrières disparaissent peu à peu. De plus la monétarisation de
plus en plus forte de l’économie des sociétés indigènes a rendu les populations plus fragiles face au danger
des usuriers. Ce développement de l’usure aboutit à une prolétarisation de l’indigène, comme par exemple le
khammès algérien. De plus la dégradation des conditions de travail entraîne un exode rural vers la ville, sans
que celle-ci n’offre de possibilités de travail ce qui conduit au développement d’un certain parasitisme
urbain. En réponse, pour des raisons aussi bien humanitaires que politiques et sociales, les puissances
coloniales tentèrent d’empêcher la vente de terres indigènes, à Java à partir de 1870 et en AOF à partir de
1904.
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