INDIGÈNE

publicité
INDIGÈNE
Indigènes sort aujourd’hui. C’est le titre d’un film de Rachid Bouchared dont l’action se passe en 1943
et qui présente quatre soldats originaires des colonies, et qui, pendant l’Occupation, vont contribuer à
la libération du pays dans les unités françaises des forces alliées.
Ce mot d’« indigène » se rencontre bien souvent en ce moment, surtout que le mouvement des
indigènes a fait beaucoup parler de lui l’an dernier. C’est donc un mot qui bénéficie d’une mode
politique et idéologique.
Indigène est un vieux mot français, hérité du latin malgré sa racine grecque. Littéralement, il signifie
« qui est né là ». « Indu » est une variante de inde, préfixe latin qui signifie « là », « de là », et genos,
qui renvoie à l’idée de naissance ou d’origine, radical à quoi fait penser par exemple le verbe français
générer.
Donc au sens propre, l’indigène, c’est celui qui est né là, qui est né dans la région où il habite, qui
habite dans la région où il est né.
Le mot est utilisé assez tôt en français : on le trouve par exemple chez Rabelais, au XVIème siècle,
dans un sens plutôt dérivé : est indigène celui qui habite là depuis longtemps, mais on verra que ce
sens s’est gardé dans des contextes plus récents.
En tout cas le mot commence par être un adjectif. Et l’on parle au XVIIème siècle des plantes indigènes,
celles qui n’ont pas été transplantées, le contraire donc des plantes exotiques.
Vient le XVIIIème, commence la colonisation, et arrive alors un tout autre emploi pour le mot
« indigène ». Il devient vraiment un mot de colons, qui vont appeler indigènes les populations des pays
qu’ils occupent et soumettent.
Et toute une idéologie colonialiste, et même pire, va alors marquer le terme ; le mot va devenir tout à
fait péjoratif, au départ d’ailleurs, pas même insultant, mais simplement empreint de la supériorité que
le colon croit posséder sur celui qu’il colonise.
Ce qui fait que le mot d’indigène finira par désigner de façon générale le non-blanc, avec tous les
arrière-fonds qu’on peut imaginer, à partir de cette idée du « sauvage » qui naît au XVIIIème siècle.
Le mot alors abandonne son sens étymologique. Il ne s’agit pas uniquement de ceux qui sont nés sur
le sol où ils vivent : les colons d’Afrique du Nord, même installés sur place depuis plusieurs
générations ne seront pas des indigènes. Les créoles des Antilles non plus…
On a bien quelques synonymes : « autochtone », qui reste adjectif, relativement technique, mais qui
ne sera jamais très employé, à tel point que c’en est devenu un adjectif un peu rare et à l’écho un peu
ridicule.
Quant à « aborigène », même s’il a techniquement le même sens qu’indigène, son usage est différent.
Il n’est pratiquement employé que pour des populations océaniennes, d’Australie, ou de NouvelleZélande par exemple, qui en général vivent à l’écart de la civilisation occidentalisée qui s’est emparée
du pays.
Téléchargement