Notions de stratification sociale
Au sens le plus général, on appelle stratification sociale l'existence, au sein d'une société, de groupes hiérarchisés en fonction de
différents critères (revenu, prestige, pouvoir, etc.). Les sociologues distinguent principalement trois types de hiérarchies sociales:
- Les castes sont des groupes sociaux hiérarchisés principalement sur la base de principes religieux. Les différentes castes
constituent des groupes fermés et séparés: on naît et on meurt dans la même caste , on se marie à l'intérieur de la caste. La société
indienne traditionnelle se composait ainsi en quatre castes fondamentales: prêtres (brahmanes), guerriers, producteurs et
marchands. Une dernière catégorie est constituée des « intouchables» qui sont « hors caste ». Chaque caste définit un ensemble de
rituels d'habitudes vestimentaires (couleurs particulières), alimentaires (les brahmanes sont végétariens), de façons de parler, de
professions.
- Les ordres sont des groupes sociaux hiérarchisés en fonction de la dignité accordée aux différentes fonctions sociales. Par
exemple, dans la France, de l'Ancien Régime on distingue la Noblesse, le Clergé et le Tiers-Etat. La transmission des statuts sociaux
est fortement héréditaire et la mobilité entre les ordres réduite. Même déchu, un noble reste noble.
- Le concept de classe est plus ambigu. Soit on parle de classe soit on parle de strate.
Dans les analyses en termes de classes, les classes sont des groupements ayant leur identité propre significativement différente de
l'identité des autres groupes, Pour Marx (mais aussi pour certains sociologues non marxistes), le terme de classe est utilisé pour
désigner toutes les formes de hiérarchies sociales. Une classe sociale est alors un groupe social de grande dimension ayant une
existence de fait et non de droits, relativement héréditaire, avec une certaine homogamie mais fondé sur des principes
méritocratiques, sur une idéologie égalitaire, ce qui le distingue d’une caste ou d’un ordre. Pour exister une classe sociale doit
avoir une conscience collective de son existence, elle doit être une communauté d’intérêt et de valeur, se situer de manière
hiérarchique par rapport à un degré de pouvoir et par rapport à une place dans le processus de production.
Pour d’autres, on parle de classe lorsqu'on est en présence d'une situation de fait et non de droit , il y a entre les « classes » ( strates
) des différences de niveau plutôt que de nature.
. Les approches en terme de stratification sociale
. Démocratie et égalisation des conditions chez Tocqueville
Pour A. de Tocqueville (1805-1859), la modernisation et l'avènement de la démocratie ont fait éclater les structures sociales
traditionnelles, celles de l'Ancien Régime, dominées par l'aristocratie foncière. Le système de valeurs se transforme, le travail est
valorisé ainsi que le bien être et la recherche d'un statut social plus avantageux. Les individus se pensent égaux les uns aux autres et
n'acceptent plus les privilèges. Les conflits de classement opposent des strates sociales proches les unes des autres.
Les structures sociales se caractérisent alors par l'avènement d'une vaste classe moyenne aux frontières perméables et parcourues de
tensions et de conflits explicables en termes de « comparaison envieuse ». La lutte pour les places remplace alors la lutte des classes:
« le prestige qui s'attachait aux choses anciennes ayant disparu, la naissance, l'état, la profession ne distinguent plus les hommes ou
les distinguent à peine, il ne reste plus guère que l'argent qui crée des différences très visibles entre eux » (De la démocratie en
Amérique).
. La stratification sociale chez Warner
L. Warner (1898-1970) et son équipe ont mené une série d'études sur une petite ville de la Nouvelle Angleterre entre 1941 et 1949
(les Yankee City Series). Les individus sont classés dans différentes strates sur la base de deux méthodes d'investigation:
La première consiste à avoir recours à des « informateurs ». Ceux-ci sont des individus choisis dans les différents milieux de la
population. Au cours d'entretiens, on les questionne sur la perception générale qu'ils ont de la stratification et on leur demande de
classer une série de personnes dans un certain nombre de classes ( strates ) .
La seconde consiste à construire un « indice statutaire» en faisant la somme pondérée de diverses caractéristiques ordonnées selon
des échelles hiérarchiques: profession, revenu, quartier habité, nature de l'habitat. On aboutit à une série de groupes rassemblant les
individus ayant un indice statutaire similaire.
La classification de Warner est donc simultanément subjective (les groupes sont délimités d'après la perception qu'en ont les
informateurs et plus généralement les habitants de la ville) et objective (à partir d'une évaluation des caractéristiques socio-
économiques des individus recensés). Les classes sociales sont ici réduites à de simples agrégats d'individus, à des catégories
sociales. Pour Warner « nous entendons par classes, certaines catégories de la population qui, selon l'opinion nérale, se trouvent,
dans leurs rapports, placées en situation inférieure ou supérieure ».
A partir des résultats obtenus on construit trois grandes classes: supérieure (upper), moyenne (middle), inférieure (lower). Chaque
classe se divise en deux niveaux (on obtient donc au total six groupes) : la « upper-upper class » regroupe 1' aristocratie sociale et
représente environ 1,44 % des individus. La « lower-upper class » regroupe les milieux supérieurs fortunés « nouveaux riches »
(l,56 %). La « upper-middle class » représente la classe moyenne aisée (hommes d'affaires, professions libérales) (10,22 %). La «
lower-middle class » est constituée de la petite-bourgeoisie (23,12 %). La « upper-lower class » représente la « classe inférieure
honnête » (boutiquiers, petits employés, ouvriers plutôt qualifiés) et c'est la classe la plus importante (32,6 %). La « lower-lower
class » représente la population à statut précaire (25,2 %).
Cette conception, essentiellement individualiste, remplace entièrement les classes sociales par le concept de stratification sociale,
qui peut recouper celui de classe, mais désigne un phénomène tout à fait différent .
. Les approches en terme de classes sociales
. Le concept de classe sociale chez Marx
Pour K. Marx (1818-1883), les classes sociales se définissent à partir des rapports de production et d'échange. Les individus
appartiennent à une classe en fonction de leur place dans le système de production. Les classes n'existent pas en dehors de la lutte
des classes qui porte notamment sur le partage du surplus économique. Marx distingue la classe en soi qui résulte de l'organisation
objective de la production et la classe pour soi qui suppose la prise de conscience collective des intérêts de classe. Au sein du mode
de production capitaliste (MPC), l'exploitation repose sur la contradiction entre travail et capital, eux-mêmes constitués en classes
sociales antagonistes, le prolétariat et la bourgeoisie.
Chez Marx, « les individus isolés ne forment une classe que pour autant qu'ils doivent mener une lutte commune contre une autre
classe » et on ne peut donc penser la classe sans son rapport avec une autre classe: « l'histoire de toute la société jusqu'à aujourd'hui
est l'histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et cerf, maître et compagnon, bref
oppresseurs et opprimés dressés les uns contre les autres dans une opposition constante, ont mené une lutte ininterrompue, tantôt
cachée, tantôt ouverte, une lutte qui s'est chaque fois terminée par un bouleversement révolutionnaire de toute la société ou par la
ruine commune des classes en lutte. » (Manifeste du parti communiste).
Selon Marx, la France de la monarchie de Juillet serait constituée d'au moins sept classes et fractions de classes qui vont faire et
défaire leurs alliances durant les grands conflits allant de février 1848 au coup d'Etat du 2 décembre 1851 (le 18 brumaire de Louis
Napoléon Bonaparte) :
- L'aristocratie financière: fraction de la bourgeoisie française qui régnait sous Louis-Philippe: « banquiers, rois de la bourse, rois des
chemins de fer, propriétaires des mines de charbon et de fer, propriétaires de forêts ».
- La bourgeoisie industrielle, qui constituait l'opposition officielle sous Louis-Philippe.
- La petite bourgeoisie, constituée d'artisans et de commerçants. Elle s'opposait aussi à Louis Philippe.
- La classe ouvrière, ou prolétariat industriel.
- Le lumpenprolétariat, « prolétariat en haillons» ou sous-prolétariat. Il est le fruit de l'exode rural ou de l'exclusion des ouvriers de
la grande industrie par le machinisme. Il s'agit de la surpopulation relative dont parle Marx, produite en permanence par le
capitalisme et qui entretient par sa simple présence la concurrence entre les ouvriers.
- La paysannerie parcellaire, dite aussi classe paysanne. Il ne s'agit pas d'une classe au sens fort du concept, puisque ses membres
sont dispersés et inorganisés politiquement parce que sans ennemi bien désigné. .
- Les grands propriétaires fonciers. Ils entrent en rivalité avec la bourgeoisie dans le partage de la plus-value.
. La critique de l'analyse marxiste par R. Dahrendorf
Pour R. Dahrendorf en 1929, (Classes et conflits de classes dans la société industrielle), contrairement à ce que pense Marx, le
changement structural n'a pas toujours un caractère révolutionnaire.
De plus, les classes ne sont pas toujours forcément des groupes ouvertement antagonistes. On assiste dans le capitalisme
contemporain à une institutionnalisation des conflits de classe qui fait qu'une classe « opprimée » peut obtenir par la discussion et la
négociation des changements structurels.
Le principal reproche que fait en définitive Dahrendorf à Marx est d'avoir tenu pour une généralité ce qui n'était que des conditions
particulières de la société capitaliste naissante qu'il observait.
Pour Dahrendorf, plutôt que la propriété, c'est le contrôle ou l'exercice de l'autorité qui est le critère essentiel de la formation des
classes aujourd'hui. : « les classes ne sont liées ni à la propriété ni à l'industrie ni aux structures économiques en général, mais, en
tant qu'éléments de la structure sociale et facteurs produisant le changement, elles sont aussi universelles que leur déterminant, à
savoir l'autorité et sa distribution spécifique ».
L'analyse des conflits sociaux consiste alors pour Dahrendorf à s'interroger sur les groupes conflictuels qu'engendrent les relations
d'autorité prévalant dans une société. Il existe en effet un conflit d'intérêt entre ceux qui exercent l'autorité et ceux qui y sont
assujettis, ceux qui ont intérêt au maintien du statu quo et ceux qui ont intérêt à son renversement. Dans l'analyse de Dahrendorf, il
n'y a plus ni parti de classe, ni culture de classe, ni religion de classe, etc. Il existe bien sûr des différences, mais cet agencement très
diversifié et complexe de groupes en conflits offre aux individus une liberté de manœuvre, une variété de projets et de stratégies
personnelles qui sont le ressort de la mobilité sociale.
. L'analyse de Max Weber
M. Weber (1864-1920) , tout en s'opposant à Marx en maints domaines, reprend à sa façon certains aspects de sa problématique (
lutte de classes liée aux enjeux économiques, domination sociale, etc.). Parallèlement à T. Veblen (1857-1929), il inaugure une
réflexion basée sur la compétition statutaire par la consommation et les styles de vie. Enfin, il influence directement les analyses
américaines de la stratification avec la notion de statut social.
L'analyse de M. Weber est en effet pluridimensionnelle. Il distingue:
- les classes, qui correspondent à l'ordre économique.
- Les groupes statutaires, qui correspondent à l'ordre social.
- Les partis, qui correspondent à l'ordre politique.
L'ordre économique est « le mode selon lequel les biens et les services sont distribués et utilisés ».
L'ordre social « sphère de répartition de l'honneur» est le mode selon lequel le prestige se distribue dans une communauté.
Quant à l'ordre politique il peut être défini comme la compétition pour le contrôle de l'Etat. Les « partis» qui en résultent procurent
éventuellement un pouvoir supplémentaire aux classes et aux groupes de statut.
M. Weber donne une définition strictement économique de la situation de classe. Les individus, du fait de leur famille, de leur
profession, des capitaux qu'ils possèdent, de la région où ils habitent, ou de tout autre cause déterminante, ont des chances (au sens
de possibilité) inégales, différentes, d'accéder aux biens. Ces différences finissent des situations de classe différentes. Les classes
ne sont par conséquent qu'une dimension de la stratification sociale même si Weber sous-entend qu'elles en sont la trame la plus
importante dans les sociétés modernes.
Selon Weber, une classe se définit notamment par deux critères.
- La possession des moyens d'édifier une fortune ou de constituer un capital. Les classes de possession privilégiées sont d'abord
celles des rentiers. Les classes de possession négativement privilégiées sont les esclaves, les déclassés, les débiteurs et les pauvres
en général.
- La mise en œuvre des moyens de production. Les classes de production positivement privilégiées comprennent les marchands, les
armateurs, les entrepreneurs industriels, les banquiers, les professions libérales, etc. Les classes de production négativement
privilégiées sont celles des travailleurs (ouvriers spécialisés, qualifiés et non qualifiés);
Pour M. Weber, les classes ne sont pas des communautés, elles représentent simplement des bases possibles, fréquemment utilisées
pour une action commune. Des gens dont la situation est commune peuvent prendre conscience de cette situation et organiser une
action commune. Les intérêts de classe peuvent n'entraîner aucune action commune, mais seulement ce que Weber appelle des
actions de masse, simples résultats communs d'une même situation sans prise de conscience. Une action de classe, au contraire,
répond au sentiment d'une communauté d'intérêts, et elle est orientée vers une défense commune de ces intérêts. Elle se constitue
seulement si les contrastes entre les différentes classes sont suffisants pour motiver l'action. On peut donc parler de luttes de classes,
à condition qu'il n'y ait pas seulement des intérêts de classes définis objectivement, mais aussi une prise de conscience des intérêts.
Pour Marx, c'est parce qu'il y a lutte que les classes se définissent. Pour Weber, c'est parce qu'il y a situation de classe sur le marché
qu'il peut y avoir lutte de classes et ces luttes se transforment avec l'évolution économique.
Les débats contemporains.
. P. Bourdieu: stratégie de distinction et classes sociales
L'analyse des classes sociales de P. Bourdieu tente de faire une synthèse des différents points de vue concernant les classes sociales.
Dans La Distinction, P. Bourdieu étudie les pratiques des classes sociales. Celles-ci sont définies:
- par leur position dans la société;
- par un principe de cohérence des pratiques (un même habitus);
- par leur histoire (ascension ou « descension » collective).
Il utilise les CSP pour effectuer des regroupements: classe dominante, petite bourgeoisie, classe populaire.
- La classe dominante est sans doute la plus hétérogène. Bourdieu y oppose les professeurs et cadres administratifs supérieurs, plus
dotés de capital culturel que de capital économique aux Professions libérales et Industriels, en situation inverse. Les premiers
s'orientent systématiquement vers les loisirs les moins coûteux et les plus austères. Les seconds « collectionnent les consommations
les plus coûteuses (...) et les plus prestigieuses ». Bourdieu parle d' « aristocratie ascétique» dans un cas, de « goûts de luxe» dans
l'autre.
- La petite bourgeoisie est caractérisée par la « restriction par prétention, volontarisme rigoriste d'appelés non encore élus qui fondent
dans l'invocation permanente du devoir leur prétention à être un jour le devoir-être réalisé ». Situées en position de dominés, les
catégories petites-bourgeoises aspirent aux pratiques gitimes, c'est-à-dire les pratiques des catégories supérieures qui détiennent,
notamment par l'école, la capacité de faire reconnaître comme la norme légitime leurs propres pratiques. Mais tout en révérant ces
pratiques, les catégories petites-bourgeoises les connaissent mal.
- Les catégories populaires se caractérisent notamment par des pratiques qui « ont pour principe le « choix du nécessaire » au sens à
la fois de ce qui est techniquement nécessaire, « pratique », ou, dans un autre langage, fonctionnel, c'est-à-dire nécessaire pour être «
comme il faut, sans plus », et de ce qui est imposé par une nécessité économique et sociale condamnant les gens « simples» et «
modestes» à des goûts « simples» et « modestes» ». La faiblesse des moyens financiers, culturels dont disposent les classes
populaires leur interdit tout luxe et l'habitus de classe correspondant implique une forme d'adaptation à la nécessité. La formule « ce
n'est pas pour nous» désigne ce que les classes populaires se refusent ou ce qui leur est refusé. Ainsi, par exemple, les ouvriers
déclareront aimer les vêtements de qualité avantageuse qui sont, de toute façon, les seuls accessibles.
. La remise en cause du concept de classe sociale: La constellation d'H. Mendras
Pour H. Mendras en 1927, ni la lutte des classes ni la pyramide de Warner ne sont des modèles satisfaisants pour rendre compte
des évolutions récentes de notre société. En repartant du point de vue de Dahrendorf et des études de mobilité sociale, il constate un
« émiettement des classes sociales ». il faut donc construire un autre modèle les groupes sociaux se répartissent en constellations
qui ne sont pas hiérarchisées sur une échelle unique mais qui se distribuent sur un espace à deux dimensions.
Mendras donne ainsi une image « cosmographique » de la société à la fin des années quatre-vingt La structure sociale prend l'allure
d'une toupie ou « strobiloïde » (du grec strobilos, toupie), les groupes sociaux s'organisent en « constellations» plus ou moins
cristallisées:
- La constellation populaire est formée des ouvriers et des employés, proches par leur niveau de revenus, d'éducation et de conditions
de travail. Elle regroupe environ la moitié de la population.
- La constellation centrale regroupe les cadres supérieurs et les profes sions intermédiaires. Elle représente environ un quart de la
population.
- Les indépendants regroupent les chefs d'entreprise, les artisans et les commerçants, les professions libérales et les agriculteurs
exploitants. Cette constellation est très dispersée dans l'échelle des revenus et des diplômes.
- Enfin, L'élite d'un côté et les pauvres de l'autre forment les deux pointes de la toupie.
Le« modèle de la toupie» n'est pas stable. Il peut « prendre du ventre» ou s'allonger en fonction des transformations sociales.
Mendras explique qu'il n'y a plus de classes au sens marxiste du terme, ni même au sens commun du terme, c'est-dire qu'il n'existe
plus de grands groupes dotés d'une capacité d'action autonome: « Si on prend le terme de « classe » au sens marxiste, je soutiens que
celles-ci n'existent plus. Pourquoi? Une classe est un ensemble qui a des intérêts communs, possède une « civilisation » commune,
est en conflit avec les autres groupes. Or, il n'y a plus d'organisation de classe qui structure la classe ouvrière, il n 'y a pas de conflit
de classes qui serait le moteur de la dynamique sociale ».
Mendras conteste l'existence de couches sociales empilées les unes sur les autres. Pour lui, il n'existe que des groupes sociaux
fluctuants, dont la profession est néanmoins toujours la caractéristique principale. Par ailleurs, le fait qu'il y ait de plus en plus de
différences entre position professionnelle, niveau de revenus et niveau d'instruction montre que la notion de catégorie
socioprofessionnelle n'est plus un indicateur aussi discriminant que dans les années cinquante. Par contre, H. Mendras se prononce
pour l'existence de Classes d'âge, qui auraient en quelque sorte remplacé les classes sociales .
. Le débat sur la fin de la classe ouvrière
En France les effectifs ouvriers augmentent en longue période comme le montrent les travaux de C. Thélot et O. Marchand. Les
recensements montrent que la catégorie « ouvriers » voit sa part dans la population active augmenter jusqu'en 1975 et que
cette proportion décline depuis. A partir de cette date, la crise qui frappe les secteurs industriels traditionnels ( mines, sidérurgie,
textile, construction navale...), les transformations dans l'organisation du travail, la montée du secteur tertiaire (où l'on trouve des
ouvriers, mais dont les caractéristiques sociales sont différentes de celles des ouvriers des industries traditionnelles), l'accroissement
des effectifs des employés et des cadres moyens apparaissent comme autant de facteurs d'un déclin de la classe ouvrière.
Par ailleurs, le déclin du parti communiste et la crise du syndicalisme remettent en cause La place centrale occupée par le
mouvement ouvrier dans la contestation de l'ordre social.
Pour certains sociologues ces évolutions constituent une remise en cause du paradigme marxiste. A. Touraine considère par
exemple que nous sortons de la société industrielle et que le mouvement ouvrier a cessé d'être le mouvement social central. Cela ne
signifie pas que l'action ouvrière et les organisations ouvrières disparaissent, mais elles s'institutionnalisent et deviennent une
composante de l'organisation sociale. Le mouvement ouvrier n'est plus porteur d'un projet d'historicité alternatif à celui des
catégories dirigeantes.
Pour H. Mendras, une large fraction de la classe ouvrière est absorbée dans le mouvement de moyennisation, de sorte que les
ouvriers perdent peu à peu leurs spécificités culturelles.
D'autres sociologues au contraire soulignent d'une part que les chiffres de l'INSEE ne sont pas nécessairement représentatifs de la
classe ouvrière au sens marxiste du terme. Des employés, certains membres des professions intermédiaires se trouvent, du fait de
leur position sociale (classe en soi), mais aussi de leur conscience de classe (classe pour soi) sur les positions de la classe ouvrière.
Des enquêtes conduisent à penser qu'une culture ouvrière existe (travaux d'O. Schwartz et de M. Verret). Enfin, un certain nombre
d'évènements sociaux (en particuliers les grèves de novembre et décembre 1995) conduisent certains à soutenir que la classe
ouvrière reste au cœur des conflits sociaux et qu'elle est capable de mobiliser autour d'elle des fractions importantes des couches
moyennes salariées.
Si la thèse du déclin de l'importance historique de la classe ouvrière a connu de nouvelles formulations depuis environ 20 ans, elle
n'est pas nouvelle. Dans les années soixante c'est la prospérité et la consommation de masse qui constituaient, selon certains, la
cause principale d'un embourgeoisement de la classe ouvrière. On a pu parler d'un « ouvrier de l'abondance » (Goldthorpe)
optant pour le confort matériel plutôt que pour l'action collective .
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