thème du programme

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EPREUVES COMMUNES N°2, Avril 2009
EPREUVE DE SPECIALITE SES : 1 heure
TES 1, TES 2
(L’usage de la calculatrice n’est pas autorisé)
SUJET N°1
Thème du programme : Conflits de classe et changement social.
Document 1
La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les
divise d’intérêts*. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu’ils ont contre leur maître, les réunit dans une
même pensée de résistance-coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la
concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste. Si le premier but de résistance n’a été que
le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les
coalitions, d’abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l’association
devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire. [...]
Les conditions économiques avaient d’abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination du capital a
crée à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsi cette masse est déjà une classe vis–à-vis du
capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte [...], cette masse se réunit, elle se constitue en classe pour
elle-même. Les intérêts qu’elle défend deviennent des intérêts de classe.
Source : Karl MARX, Misère de la philosophie, UGE, Collection 10/18, [Première édition 1847].
*La concurrence les oppose les uns aux autres.
Document 2
Le développement du syndicalisme comme forme sociale n’a pas seulement correspondu à un impératif
d’organisation du mouvement ouvrier, pas plus qu’il n’a simplement été indexé sur une histoire des luttes sociales. La
structuration du phénomène syndical et sa reconnaissance légale – en 1884 – a également répondu à une contrainte
de régulation sociale. Moyen de « défense » et de « conquête » pour ceux qui ont les artisans directs de son
histoire, le syndicalisme a aussi été perçu comme un principe d’organisation d’une société d’individus, nécessaire
pour la rendre plus aisément gouvernable. Les conditions dans lesquelles la loi de 1884 a été discutée et votée le
montrent bien. On attend d’abord d’elle qu’elle valorise une canalisation constructive des revendications et des
protestations.
P. Rosanvallon, La question syndicale, Calmann-Lévy, 1988.
QUESTIONS
1. À l’aide de vos connaissances et du document 1, vous expliquerez le rôle que la classe ouvrière est appelée à tenir
dans le changement social des sociétés capitalistes, selon Karl Marx. [9 pts]
2. Expliquez le passage souligné dans le document 1. [5 pts]
3. Montrez en quoi le document 2 nuance la vision marxiste du rôle du syndicalisme (que Marx nomme « coalitions »
dans le texte) [6 pts].
Eléments de corrigé – Bac blanc Spécialité : sujet sur Marx
Q1 : Comme les sociétés qui l’ont précédée, la société bourgeoise moderne est une société de classes.
Marx perçoit l’histoire comme une succession d’étapes, chacune étant caractérisée par son mode de production.
Ainsi, dans la société bourgeoise, le prolétaire ne dispose que de sa force de travail pour vivre (l’unique moyen de
subsistance est donc de la vendre) alors que le capitaliste possède les moyens de production.
C’est le salariat qui lie les prolétaires aux capitalistes : les prolétaires vendent leur force de travail aux capitalistes.
Dans le système capitaliste, le travail est une marchandise comme une autre, mais seul le travail crée de la richesse (théorie de
la valeur travail). Par conséquent, seule la classe ouvrière crée de la richesse.
Or, la bourgeoisie fixe le montant du salaire qui permettra au travailleur de renouveler sa force de travail. Les salaires versés
sont les plus faibles possibles, c’est un salaire de subsistance, tout juste suffisant pour permettre aux ouvriers et à leurs
familles de survivre. L’exploitation capitaliste de la classe ouvrière repose sur l’enrichissement de la bourgeoisie qui récupère,
extorque, sur le travail des ouvriers, une plus-value (« surtravail » pendant lequel l’individu produit de la valeur qui ne lui sera pas
rétribuée).  Il s’agit d’un rapport de force inégal dans lequel un groupe s’approprie sans contrepartie directe le fruit du travail
d’un autre groupe.
D’abord isolés, il y a division entre les ouvriers : il note: «La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de
gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise… »
Puis, les travailleurs s’organisent ; dans l’entreprise capitaliste (grande usine où division du travail, densification du prolétariat
et un nivellement de ses conditions d'existence par le bas), les prolétaires prennent conscience qu’ils doivent s’unir pour résister
à la baisse des salaires, ce qui va les pousser à se réunir pour agir, d’où la formation de coalitions (des syndicats) qui, à l’origine,
ont pour objectif de défendre les intérêts économiques des ouvriers.
La coalition et la lutte syndicale vont faire cesser la concurrence entre les ouvriers.
Les syndicats organisent les luttes, font des grèves, négocient, etc. Le prolétariat prend conscience qu’il constitue une classe
dont les intérêts particuliers doivent être défendus face à la bourgeoisie. Progressivement le prolétariat devient « une classe
pour elle-même ».
Enfin « l'association prend un caractère politique », Elle prend conscience qu’en prenant le pouvoir elle peut mettre fin à
l’exploitation capitaliste et changer la société. « La lutte de classe à classe est une lutte politique.
 La lutte de la classe ouvrière commence d’abord par une lutte économique dans l’entreprise et devra se poursuivre par une
lutte politique avec la création de partis politiques dont l’objectif sera de prendre le pouvoir afin de mettre fin à l’exploitation
prolétarienne.
Les conflits vont alors conduire à une révolution qui doit renverser le capitalisme, voire émerger une société sans classe
et instaurer le socialisme.
La classe ouvrière est donc bien le moteur du changement social, puisque l’exploitation cessera alors puisque la propriété privée
des moyens de production sera collective.
Q2 : « Cette masse est déjà une classe vis-à-vis du capital » : Une classe sociale est définie par sa place dans les rapports
de production  Les membres appartenant à une même classe sociale sont situés dans une position identique au sein des
rapports de production donc les classes sociales se définissent par rapport à la propriété privée des moyens de production.
Ainsi, les ouvriers partagent des conditions matérielles communes : vendent leurs forces de travail, subissent l’exploitation de la
bourgeoisie capitaliste… Ils constituent alors une classe en soi.
« mais pas encore pour elle-même » car à ce stade, il n’y a pas pas de conscience des intérêts communs et de la nécessité de
s’organiser. Ce n’est qu’à travers la lutte que les ouvriers prendront conscience de leurs intérêts communs (conscience de classe).
Ainsi, grâce à l’action collective, lutte des classes d’abord économique puis politique (organisation en syndicats, puis en partis) la
classe ouvrière n’est plus seulement une classe en soi (situation, intérêts communs à ses membres) mais devient une classe pour
soi (prise de conscience de leur appartenance à une même classe, destin commun, solidarité) et du fait qu’ils ont des intérêts
opposés à ceux de la bourgeoisie, ils mettent en œuvre un projet de transformation sociale et politique).
L’absence de la conscience de classe rend une classe incapable d’être dominante politiquement.
Q3 : Dans l’analyse marxiste, les coalitions jouent un rôle essentiel dans la lutte des classes et la capacité ensuite de la classe
ouvrière à renverser le capitalisme. Historiquement, Marx, mort en 1883, n’a pas connu la loi le Chapelier autorisant les
syndicats.
Or, Pierre Rosanvallon explique que, dès les débuts du syndicalisme, à la fin du 19ème siècle, celui-ci a été permis afin de contenir,
canaliser la révolte ouvrière : il remplissait donc un rôle social plus ambivalent, complexe que ne le prévoyait Marx.
L’évolution du rôle des syndicats n’a pas conforté l’analyse marxiste dans la mesure où l’on a assisté à une institutionnalisation
progressive à la fois des conflits et des syndicats : les revendications ont pu plus facilement être négociées et déboucher sur
des compromis durables plutôt que sur la révolution. Le syndicalisme a donc été plutôt le vecteur de l’institutionnalisation des
conflits, de la pacification des relations sociales et donc vecteur de régulation sociale.
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