Égalité de considération à ces deux droits et nécessité de

Michaud c. Gazette (The)
2014 QCCQ 2525
COUR DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
TERREBONNE
LOCALITÉ DE
St-Jérôme
« Chambre criminelle »
:
700-01-101736-117
DATE :
24 mars 2014
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE NORMAND BONIN, J.C.Q.
______________________________________________________________________
FRANCE MICHAUD (003)
GAÉTAN MORIN (004)
ROSAIRE FONTAINE (007)
ROBERT POIRIER (008)
Requérants
c.
THE GAZETTE
Le DEVOIR
LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
La PRESSE LTÉE
CORPORATION SUN MÉDIA
GROUPE TVA INC.
Intimées
et.
LE DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES DU QUÉBEC
Mis-en-cause
JB3158
700-01-101736-117 PAGE : 2
DÉCISION SUR REQUÊTE POUR OBTENIR UNE
ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION
______________________________________________________________________
Interdictions de publication émanant d’autres juridictions ou du Tribunal :
[1] La présente décision est rendue sans porter atteinte à la validité d’autres ordonnances de non-publication de
certains faits connexes au présent dossier. Sont portés à la connaissance du Tribunal les ordonnances existantes
suivantes :
_Décision du 11 juin 2012 de l’Honorable Sophie Bourque à la Cour supérieure dans le dossier 700-36-
00090-121;
_Décision du 8 novembre 2012 de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics
dans l’industrie de la construction (témoignage de Lino Zambito);
_Décision du 15 février 2013 de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans
l’industrie de la construction; (témoignage de Michel Lalonde, Jacques Victor et Joseph Farinacci)
_Décision de l’Honorable Michel Bellehumeur de la Cour du Québec rendue le 26 février 2014 dans le cadre
du plaidoyer de culpabilité de madame Sylvie Berniquez St-Jean interdisant la publication de tous les faits
rapportés à cette audience traitant de la période du 1er janvier 2009 au 1er novembre 2009.
Or, les paragraphes 111 à 156, 159, 166, 171, 172 et 186 à 193 de l’exposé conjoint des faits versé dans le
cadre du plaidoyer de culpabilité de madame Sylvie Berniquez St-Jean visent précisément cette période et
sont associés à deux procès devant jury à venir.
La demande de maintien de confidentialité de l’exposé conjoint des
faits fait dans le cadre du plaidoyer de culpabilité de madame Sylvie
Berniquez St-Jean :
[2] Le 16 avril 2012, un acte d'accusation privilégié est déposé dans
le
dossier
700-01-101736-117 comprenant 13 chefs d'accusations, dont complot pour fraude,
fraude, abus de confiance, fraude envers le gouvernement, actes de corruption dans les
affaires municipales, commissions secrètes, abus de confiance par un fonctionnaire
public et complot à ce dernier égard, concernant distinctement : Sylvie
Berniquez St-Jean, France Michaud,
Gaétan
Morin, Rosaire Fontaine et Robert Poirier.
[3] Ces accusations émanent du service des enquêtes sur les crimes économiques
de la Sûreté du Québec dans le cadre du projet « Fiche » comportant des événements
concernant la ville de Boisbriand et certaines firmes d’ingénieurs y offrant des services.
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[4] Au cours du mois de décembre 2013, les accusés dans le présent dossier -
optent devant un juge de la Cour du Québec.
[5] Le 26 février 2014 Madame St-Jean enregistre des plaidoyers de culpabilité dans
un autre dossier. Le 17 mars 2014, les accusations la concernant sont retirées dans le
présent dossier.
[6] Deux autres procès sont prévus devant la Cour supérieure à l’égard d’autres
accusations ou d’autres individus.
[7] Le 26 février 2014 est déposé devant le juge Bellehumeur, un exposé conjoint des
faits auquel adhèrent la Poursuite, madame St-Jean et son avocat. Cet exposé
comprend 196 paragraphes. Pour bon nombre de ces paragraphes, il s’agit d’éléments
qui sont à la connaissance personnelle de madame St-Jean. D’autres paragraphes
comprennent l’historique du dossier. D’autres parties du document consistent, en
quelque sorte, en un exposé détaillé de la cause concernant aussi les accusés dans le
présent dossier. Ceux-ci demandent que la grande partie du document qui les concerne
soit maintenue confidentielle par le Tribunal.
[8] Le Tribunal entend cette demande au même moment le procès doit
commencer.
Les arguments des parties :
Les procureurs des accusés
[9] Malgré que le présent procès se tienne devant juge seul et non devant jury, les
procureurs des accusés estiment que, sans cette ordonnance de non-publication ou de
maintien de confidentialité de ce document, représentant la théorie de la Poursuite dans
le présent dossier, leur droit à un procès équitable est en péril du fait que des témoins
seront en mesure de prendre connaissance de leur moignage anticipé rendu public
avant de le rendre.
[10] Ils font valoir qu’ils n’ont pu béficier d’une enquête préliminaire, la Poursuite
s’étant prévalue d’un acte daccusation direct, que le plaidoyer de culpabilité de madame
St-Jean ne prêtait pas à un contre-interrogatoire, qu’ils ne pourront la contre-interroger
dans le contexte la Poursuite a annoncé qu’elle ne comptait pas la faire témoigner au
procès.
[11] Plus particulièrement à l’égard des paragraphes 19 à 24, 26 à 31,37, 42 à 44, 50
à 52, 74 à 78, 83, 86 et 87 la publication de l’exposé de cause nuirait à l’équité du
procès.
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[12] Les procureurs de la Défense sont d’avis qu’il existe un risque sérieux que la
diffusion de ces paragraphes confine les témoins dans une version des faits influencée
par la diffusion dans les médias, dans un contexte un juge a accepté un plaidoyer de
culpabilité d’un complice allégué, que cette personne était assistée d’un avocat et qu’elle
devait avoir enregistré un plaidoyer de culpabilité avec la conviction que la Poursuite
détient la preuve hors de tout doute raisonnable.
[13] Selon eux la diffusion des paragraphes suivant lesquels la preuve démontre qu’il y
avait une entente entre certaines firmes d’ingénieurs et la municipalité de Boisbriand
aurait pour effet de laisser croire à une certaine véraci de ces faits aux yeux du public
et des moins. Notamment certains co-conspirateurs allégués pourraient être influencés
croyant que leur version se trouve appuyée ailleurs dans la preuve, ce qui rendrait un
contre-interrogatoire plus difficile.
[14] Certains paragraphes feraient l’affirmation de l’existence d’une preuve alors qu’ils
seraient basés sur du ouï-dire, ce qui aurait pour effet d’induire une possible confusion
chez les témoins.
[15] Selon les procureurs des accusés, un témoin qui serait l’un des instigateurs du
système allégué et qui ne serait pas accusé se serait contredit, même parjuré devant
d’autres instances. Les Procureurs des accusés sont d’avis qu’il y a un risque sérieux
quun témoin quils estiment à la fiabili douteuse pfère se ranger derrière son
témoignage annoncé en public.
[16] Les procureurs sont d’avis que certains paragraphes ne sont pas supportés par la
preuve divulguée. La poursuite est en profond désaccord avec cette allégation et toutes
les parties conviennent que la divulgation de la preuve est complétée.
Les procureurs de la Poursuite :
[17] Les procureurs de la Poursuite ne voient pas d’atteinte à l’équité du procès ou à
sa bonne administration et sont essentiellement d’avis que la demande des procureurs
de la Défense ne rencontre pas les critères Dagenais
1
/Mentuck
2
.
Les procureurs des médias :
[18] Les procureurs des médias font valoir, avec ample jurisprudence à l’appui, qu’un
procès équitable est d’abord un procès public, que la liberté de presse, composante de la
1
Dagenais v. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 S.C.R. 835.
2
R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442.
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liberté d’expression protégée par la Charte doit être favorisée pour permettre aux médias
de jouer leur rôle de surveillance des institutions dans une société démocratique ainsi
que leur rôle fondamental d’enquête et d’information. Ils insistent pour signaler que selon
eux, les procureurs de la Défense n’ont produit qu’une prétention générale hypothétique
et non la preuve nécessaire pour faire la démonstration de leurs prétentions, qu’ils n’ont
pas rempli le fardeau de la preuve qui leur incombe et qu’ils n’ont surtout pas démontré
la nécessité d’une telle ordonnance de non-publication. Ils sont d’accord que ceux-ci
n’auraient pas rencontré les exigences des arrêts Dagenais/Mentuck
3
.
Les dispositions pertinentes :
[19] La Charte canadienne des droits et
libertés
4
édicte :
L’article 2b)
:
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et
d'expression,
y
compris
la
liberté de la presse et des autres moyens de
communication;
L’article 11d)
:
11. Tout inculpé a le
droit:
d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable,
conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un
procès public et équitable;
Égalité de considération à ces deux droits et nécessité de les
concilier :
[20] D’abord, il est nécessaire de se rappeler que ces deux droits ne sont pas toujours
en confrontation. Le procès public est une composante d’un procès équitable.
5
En cas de
conflit de ces valeurs, il y a lieu de considérer qu’il s’agit de deux droits fondamentaux
dans la société et que les arguments favorables à la tenue d’un procès plus équitables
3
Voir notes 1 et 2 précitées.
4
Charte canadienne des droits et
libertés,
annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
ch. 11 (R.-U.).
5
Dagenais c. Société radio-Canada., [1994] 3 R.C.S. 835, par. 82.
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