Université d'été 2010 : l'intelligent design en débat : stratégies philosophiques et rhétoriques au cours du procès Dover
Université européenne d'été
Quelle place pour la science dans le débat public ?
25-29 août 2010 - Arc-et-Senans
COMPTE RENDU
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V. Perspectives (1)
L'intelligent design en débat : stratégies philosophiques et rhétoriques au cours du procès
Dover
Mathias Girel traite de l'intelligent design - le dessein intelligent -, plus particulièrement des stratégies
philosophiques et rhétoriques mises en oeuvre lors d'un procès qui a opposé, en 2005, des parents d'un lycée de
Dover, en Pennsylvanie, qui voulaient brider l'enseignement de l'évolution au profit de l'intelligent design, et d'autres
parents - les plaignants - qui militaient pour l'enseignement de la théorie de l'évolution. L'origine de la plainte est le
mémorandum du conseil d'administration du lycée, qui met en avant des considérations sur la nature de la science.
La théorie de l'évolution, énonce-t-il, sera enseignée au motif qu'elle fait partie du programme, et non parce qu'elle
serait une donnée centrale pour la compréhension de la biologie. Il précise aussi qu'il s'agit bien d'une théorie qui
présente des lacunes. Aussi propose-t-il une solution de rechange : l'intelligent design, tout en recommandant
ouverture d'esprit et esprit critique. Ce faisant, la dispute sur l'enseignement de l'évolution porte sur la nature de la
science.
Les éléments de cette dispute se mettent en place dès 1925, lors du procès Scope, occasion d'un affrontement entre
un avocat athée et un fondamentaliste protestant. Ce procès aura des conséquences désastreuses pour les
fondamentalistes, l'argumentation de l'avocat consistant à prendre au pied de la lettre le récit de la Genèse et à le
considérer comme une théorie scientifique. Il aura une influence très forte sur l'enseignement de l'évolution dans le
secondaire et sera suivi d'une série de combats constitutionnels, subordonnant la science à un point de vue
constitutionnel. Si un Etat ne peut brider l'enseignement de l'évolution, c'est uniquement parce qu'il ne saurait donner
avantage à une religion au détriment d'une autre. Il s'agira aussi d'examiner si telle ou telle discipline est une
science, pour évaluer sa constitutionnalité. Enfin, la prétention scientifique du créationnisme va s'affirmer à partir des
années soixante. Pour les créationnistes, les espèces ont été créées en une seule fois, à la suite d'un déluge
mondial unique, la théorie de l'évolution ne pouvant avoir valeur universelle, au motif qu'elle présenterait des « trous
».
Mais le procès de Dover est également précédé par un second procès, qui s'est déroulé en 1982, pour déboucher
sur la décision d'Overton, juge de l'Etat d'Arkansas. Ce procès a été l'occasion de juger l'idée d'un traitement égal ou
équilibré du créationnisme. Overton affirme que ce traitement est anticonstitutionnel, le créationnisme n'étant pas
une science. Pour le démontrer, le juge met en avant la philosophie de Karl Popper, rappelant qu'une théorie
scientifique doit avoir une vertu explicative, en référence aux lois de la nature. Ses conclusions sont provisoires. Les
énoncés scientifiques ont un caractère faillible et réfutable, à l'inverse des Ecritures. Aussi les créationnistes
seront-ils condamnés au nom de ces critères. La conséquence sera l'essor de l'intelligent design, mouvement qui ne
fait plus référence aux Ecritures, mais qui estiment que certains traits de l'univers s'expliquent mieux par une cause
intelligente. Cette doctrine, qui se veut scientifique, a un programme en trois points : un travail d'enquête scientifique
; un agenda de formation pour les professeurs ; un travail de conseil en cas de procès.
C'est dans ce contexte d'une montée en puissance de l'intelligent design, dont les racines religieuses n'échappent à
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