
Sylvain Piffeteau – Les entreprises sont-elles le moteur de l’économie ?
1- LE MARCHÉ MONDIALISÉ DES BIENS ET SERVICES REPOSE SUR
L’OFFRE PROPOSÉE PAR LES ENTREPRISES
1.1- La polysémie de la notion d’entreprise fait que celle-ci peut englober la majeure partie
du système économique actuel
1.1.1- Les entreprises peuvent avoir des capitaux publics ou privés ce qui estompe la dichotomie
classique entre Etat et Entreprise
A vouloir déterminer qui joue le rôle de « moteur de l’économie », on se rend compte
que la distinction traditionnelle des acteurs de l’économie entre ménages, entreprises, Etat et
système financier est peu opérante. Une entreprise se distingue certes d’une administration
(qui peut être publique ou privée), laquelle produit des services non marchands, et d’une
association qui produit des buts non lucratifs. Mais la séparation introduite entre sphère de
l’entreprise et sphère de l’Etat est remise en cause par la présence d’entreprises publiques
(ainsi la SNCF). Par le biais des entreprises publiques, l’Etat agit sur le marché et devient
producteur de services, plus rarement de biens. A l’inverse, les capitaux d’une entreprise
peuvent être entièrement privés comme cela est le cas d’une quasi-totalité des entreprises. Le
faible nombre d’entreprises publiques ne rend pas pour autant celles-ci subalternes ; en effet,
les entreprises publiques opèrent généralement dans des secteurs-clés et constituent souvent
des « géants » susceptibles d’entrer en compétition avec les plus grands groupes mondiaux
(ainsi EDF, Thalès ou EADS). Cette distinction entre entreprises privées et entreprises
publiques est par ailleurs susceptible d’évolution. C’est ainsi qu’en 1981-1982 le
gouvernement Pierre Mauroy a procédé à une grande vague de nationalisations dans de
nombreux secteurs (l’industrie avec Thomson, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson, Rhône-
Poulenc, etc. ; la finance avec Paribas, Suez, CIC, Crédit du Nord, etc.), suivie en 1986 d’une
vague inverse de privatisations ou dénationalisations (Paribas, Saint-Gobain, Suez, TF1, etc.).
La porosité de la frontière entre sphère de l’entreprise et sphère de l’Etat rend donc difficile
l’analyse d’un acteur isolé que serait l’entreprise.
1.1.2- Entreprises individuelles et sociétés : la disparition de la frontière entre entreprises et ménages
On comprend ainsi que la notion d’« entreprise » soit strictement économique et non pas
juridique. Le juriste parlera d’« entreprise individuelle », de « société anonyme » ou encore de
« société à responsabilité limitée ». Dans le cas d’une entreprise individuelle, une même
personne assure la direction de l’entreprise, l’apport des capitaux (donc la propriété de
l’entreprise) et l’activité productive. Il n’y a ainsi pas de séparation, dans le cas par exemple
d’un médecin disposant de son propre cabinet médical, entre patrimoine privé et patrimoine
professionnel, et l’entreprise individuelle n’a pas de personnalité morale. Si, depuis plus de
quinze ans, le nombre d’entreprises individuelles ne cesse de baisser en France, elles sont
encore en 2005 plus d’un million
. A l’opposé, les sociétés de personnes ou de capitaux
désignent des structures crées par plusieurs personnes, des actionnaires où propriété et
responsabilité sont diluées. La distinction est fondamentale, car l’on comprend que par
« entreprise » on peut désigner dans l’économie des structures juridiques tout à fait
différentes. Dans le cas de l’entreprise individuelle, la séparation entre « entreprise » et
« ménage » reste floue. Ainsi, « en comptabilité nationale, les entreprises individuelles ne sont
pas dissociées des ménages qui les possèdent. Leurs opérations sont donc retracées dans les
comptes du secteur institutionnel des ménages »
. Comme entre entreprise et Etat, la frontière
entre entreprise et ménage est donc problématique, remettant en cause la typologie
microéconomique traditionnelle entre « acteurs de l’économie ».
Florent Favre, « Les revenus des entrepreneurs individuels en 2005 » in Insee Première, n°1175, février 2008
Définitions de l’INSEE, entrée « Entreprise individuelle (Comptabilité nationale) »