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AIX-en-PROVENCE
20-01-2012
Prof. Michel LIMME
Service d’Orthodontie et de Pédodontie
Centre Hospitalier Universitaire /UNIVERSITE de LIEGE
Belgique
INFLUENCES DES FONCTIONS
DALIMENTATION SUR LE
DEVELOPPEMENT BUCCO-DENTAIRE
CHEZ LES JEUNES ENFANTS (2)
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LES DEFICITS DE CROISSANCE TRANSVERSALE
1. ENCOMBREMENTS ANTÉRIEURS PRIMAIRES
Jadis appelé (à tort !) endognathie vraie antérieure ou encombrement vrai antérieur
(EVA), il constitue un groupe de chevauchements antérieurs très variables, dont la
cause commune est que la place suffisante à un alignement correct n’a jamais existé.
C’est un encombrement qui, s’il n’est pas traité, va se consacrer définitivement. On ne
peut donc jamais espérer d’autocorrection. Au contraire, l’absence de points de
contact interdentaires corrects peut être la cause d’aggravations.
La cause de ces dysharmonies dentomaxillaires peut être de deux natures différentes :
a)la place nécessaire est trop grande :
les incisives présentent des diamètres mésio-distaux trop larges. On considère que
l’on est en présence de dents trop larges lorsque la somme des diamètres mésio-
distaux des incisives supérieures est plus grande que 33 mm et/ou que la somme des
incisives inférieures est plus grande que 24 mm.
Dans ces cas, le manque de place résulte donc d’un excès de matériel dentaire par
rapport à des maxillaires de taille normale.
b)la place disponible est insuffisante :
le maxillaire est trop étroit soit héréditairement ou congénitalement (syndromes
malformatifs de la face), soit, plus souvent, parce que la croissance est insuffisante
ou en retard. Cette insuffisance d’expansion transversale est très fréquente dans
nos sociétés et est liée à des troubles fonctionnels qui conjuguent souvent leurs
effets négatifs :
sollicitations masticatoires insuffisantes (alimentation
« molle »/peu de force et peu de mouvements de latéralité)
déglutitions atypiques (langue basse ou interposée ne s’appuyant pas
sur le palais)
respiration buccale (sous développement de l’étage maxillaire)
succion du pouce (langue basse et forces centripèdes compressives)
parfois l’occlusion peut perturber l’expansion et l’alignement correct de l’arcade :
occlusion croisée antérieure avec axes dentaires déviés
supraclusion antérieure importante bloquant l’expansion transversale
de la distance intercanine inférieure
relation de classe II/2 (supraclusion + rétrusion incisive supérieure)
occlusion croisée dans les secteurs latéraux, situation
l’engrènement inversé peut être une contrainte à l’expansion
transversale du maxillaire
Ces encombrements antérieurs sont très fréquents dans la population et constituent
souvent une des premières motivations pour un traitement orthodontique, aussi
bien chez l’enfant que chez l’adulte qui n’a pas eu la chance de bénéficier d’un
traitement durant l’enfance ou l’adolescence.
L’alignement incorrect des incisives peut présenter des aspects très variables et
montrer des malpositions incisives pouvant aller jusqu’à des rotations dépassant les
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90°, des versions mésio-distales de plus de 30° ou des rétrusions de plus de 30° par
rapport à la normale.
Au-delà de l’aspect inesthétique de ces dysharmonies, d’autres conséquences
néfastes peuvent résulter de ces malpositions avec le temps :
- la zone de contact entre deux dents voisines qui se chevauchent ne favorise
pas le nettoyage interdentaire et prédispose ainsi à l’apparition de carie dans
ces zones de contact
- la place étant insuffisante et les dents se chevauchant en étant souvent
accolées sur de longues surfaces coronaires, le parodonte interdentaire et en
particulier la papille disposent de peu d’espace pour présenter une
morphologie respectueuse de la physiologie parodontale. Ce « pincement »
gingival interdentaire peut, à la longue, être responsable d’une perte d’os
alvéolaire et de signes de déchaussement
- l’absence d’alignement des fronts incisifs ne permet pas l’installation d’une
occlusion antérieure stable. L’absence d’un « guide incisal » pour toutes les
incisives prive le sujet d’une fonction incisive efficace mais peut aussi être
responsable d’extrusions secondaires qui perturberont plus encore
l’alignement.
Prévention et interception des encombrements antérieurs primaires
Ces encombrements antérieurs apparaissent tôt, entre 6 et 8 ans, c’est à dire au
moment les incisives définitives viennent remplacer les incisives
temporaires, dont le diamètre mésio-distal est plus étroit. Or, pendant la petite
enfance et surtout à l’approche de la riode d’éruption des incisives
définitives et pendant toute la durée de celle-ci, la croissance transversale des
maxillaires, qui s’exprime notamment par l’expansion de la distance
intercanine, va permettre aux arcades de s’élargir suffisamment pour pouvoir
accueillir les incisives définitives beaucoup plus larges. Ainsi, apparaissent
normalement et progressivement les espaces de BOGUE. Or, il faut rappeler
que pour des dents de taille normale, le remplacement des incisives nécessite
7,7 mm au front supérieur et 5,2 mm au front inférieur.
Ces encombrements sont souvent prévisibles avant la fin de l’éruption des
dernières incisives et même parfois avant même l’éruption des centrales
définitives.
L’apparition des espaces de BOGUE et l’augmentation de la distance
intercanine sont des facteurs favorables de même que la présence d’une usure
attritionnelle importante des reliefs occlusaux de la denture de lait.
Bien sûr, si le diamètre mésio-distal des incisives est excessif par rapport à la
moyenne, aucune prévention n’est possible. Mais dans la plupart des cas,
l’encombrement existant ou potentiel résulte d’une insuffisance de croissance
par manque de stimulation.
Et donc, en terme de prévention, une véritable campagne d’éducation des
comportements alimentaires devrait être entreprise :
- allaitement prolongé au sein maternel
- encourager la fonction préhension-morsure
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- manger des aliments variés, naturels, non attendris, ramollis ou liquéfiés
- ne pas céder à la facilité, à certaines modes, à la publicité, …
- prendre le temps de choisir les aliments, de les préparer et surtout de les
mastiquer !
- veiller à ce que les dysfonctions telles que déglutition atypique, succion du
pouce et respiration buccale soient traitées précocement.
En termes d’interception, le praticien dentaire a un grand rôle à jouer dans la
surveillance et la détection mais aussi en aidant la nature. Dès le plus jeune
âge (3 ans), la fonction masticatoire doit être évaluée quant à son efficacité
(mastication unilatérale alternée).
Les MEULAGES SELECTIFS
Il faut surveiller l’aplatissement progressif des angles fonctionnels
masticatoires de PLANAS (AFMP) suite au développement d’une occlusion
attritionnelle équilibrée.
Le cas échéant, des meulages occlusaux d’équilibration doivent être réalisés
afin d’aider les mouvements d’excursion latérale en réduisant la hauteur des
cuspides.
Il faudra toujours veiller à ce que ces meulages aboutissent en fin de séance à
des AFMP réduits mais égaux à gauche et à droite.
Cette usure artificielle de la denture lactéale est devenue aujourd’hui
nécessaire pour la plupart des enfants et c’est un bon service à leur rendre que
de réaliser périodiquement ces meulages.
On a vu que, aujourd’hui, chez beaucoup d’enfants, le régime alimentaire
« moderne » ne nécessite plus guère de travail masticateur ni de mouvements
de diduction.
Le déficit de frottements dentaires occlusaux ne permet pas l’usure progressive
des reliefs cuspidiens. Le déficit fonctionnel s’accompagne ainsi d’une
absence d’évolution de la morphologie occlusale qui à son tour sera
responsable de contraintes et de limitations dans les déplacements
mandibulaires latéraux et antérieurs.
Souvent alors, les AFMP sont très ouverts, traduisant la difficulté des
excursions latérales qui ne peuvent se réaliser qu’au prix d’une augmentation
importante de la dimension verticale. L’enfant ne présente pas une mastication
unilatérale alternée énergique et réalise plutôt des mouvements masticateurs
verticaux et symétriques peu générateurs de frottements dentaires et d’abrasion
mais aussi de sollicitations de croissance.
Lorsque cette « impotence » masticatrice est détectée, à savoir des AFMP trop
ouverts mais néanmoins symétriques, il faut le plus tôt possible aider cette
denture à réaliser sa maturation en usant artificiellement les reliefs cuspidiens
afin de faciliter les mouvements de latéralité des deux côtés et ainsi réhabiliter
la fonction masticatrice.
Ces meulages appelés « sélectifs » par PLANAS constituent en fait des
meulages « attritionnels artificiels » qui visent à réaliser l’usure adaptatrice
que la nature aurait dû produire identiquement à gauche et à droite.
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Le but est donc, par le meulage sélectif de certains versants cuspidiens, de
faciliter les mouvements de latéralité en créant une occlusion « attritionnelle »
équilibrée où toutes les dents antagonistes restent en contact.
La quantité d’émail dentaire à éliminer progressivement sera dictée par la
visualisation répétée des AFMP en cours de meulage. Ces AFMP doivent
diminuer, ce qui se traduit par des trajectoires plus horizontales dans les
déplacements mandibulaires latéraux. Mais il faut être vigilant au cours de ces
meulages à bien respecter et maintenir une parfaite symétrie entre les AFMP
gauche et droit en fin de séance de meulage, car la réduction trop importante et
asymétrique de l’AFMP d’un côté pourrait induire le développement d’une
mastication unilatérale prédominante, voire exclusive, de ce côté.
Le premier grand principe à respecter dans la réalisation de ces meulages est
qu’il faut maintenir la dimension verticale en occlusion centrique et qu’il est
donc interdit de toucher aux cuspides et fosses antagonistes correspondantes
qui maintiennent cette dimension verticale. Ces points d’appui primaires sont
localisés aux endroits suivants :
- le bord libre des incisives inférieures
- le versant distal de la cuspide canine inférieure
- les cuspides vestibulaires des prémolaires inférieures
- les cuspides mésio-palatines des molaires supérieures.
Bien sûr, d’autres cuspides contribuent au maintien de la dimension verticale
mais avec moins d’importance. Ces points d’appui « secondaires » sont situés
au niveau des cuspides palatines des prémolaires supérieures et des cuspides
vestibulaires des molaires inférieures.
En outre PLANAS a très bien décrit dans son livre94, non seulement ces points
d’appui importants en occlusion centrique, mais aussi la localisation des
versants de chaque cuspide antagoniste qui entrent en contact dentaire lors des
frottements latéraux réalisés à la fin de chaque cycle masticateur. C’est à ces
endroits, dont la distribution est précise et systématique, qu’apparaîtront des
facettes d’usure physiologique, qui progressivement modifieront le relief des
surfaces occlusales vers un nivellement de plus en plus marqué avec le temps.
C’est essentiellement au niveau de ces versants cuspidiens que nous devrons
réaliser les meulages sélectifs pour adapter, le plus physiologiquement
possible, la morphologie occlusale à l’instauration d’une fonction masticatrice
performante.
De manière synthétique, on peut dire que, du côté travaillant, les surfaces
concernées siègent, à l’arcade supérieure, au niveau des versants mésiaux des
cuspides vestibulaire et palatine et, à l’arcade inférieure, au niveau des
versants distaux des cuspides linguales et distovestibulaires des cuspides
vestibulaires.
Lorsque les obstacles occlusaux à ces mouvements sont progressivement
levés, les trajectoires mandibulaires s’horizontalisent et l’augmentation de la
dimension verticale se réduit ce qui permet l’apparition de contacts, de
frottements occlusaux et de facettes d’usure du côté balançant.
Ces facettes (et donc le degré de meulage du côté balançant) sont situées sur
les versants distaux des cuspides palatines supérieures et sur les versants
mésio-linguaux des cuspides vestibulaires inférieures.
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