24 décembre lorsque les premières nappes de pétrole frappent les plages,
se double d’un naufrage pour le groupe Total incapable d’une
communication cohérente. Total communique tardivement, minimise sa
responsabilité, « nous ne sommes pas juridiquement responsables », ne
fait preuve d’aucune empathie, hésite à se rendre sur les lieux, se laisse
piéger lors des interviews « Je suis prêt à donner une journée de mon
salaire ». La crise de la communication supplante largement la
communication de crise.
A l’exemple de la crise Perrier, un élément doit toujours être considéré pour
évaluer une action : l’impact économique et financier. A la suite de l’Erika,
le groupe Total n’a perdu que 0,1 % de parts de marché, le cours de son
action s’est accru de 40 % et les bénéfices 2000 se sont élevés à
60 Mds de F, le montant le plus élevé pour une entreprise française.
L’image du groupe a certes fortement chuté puisque le groupe Total se
retrouva aussitôt en dernière position au classement Ipsos / Nouvel
Economiste
. Dans le domaine des sciences de l’information, un des
principes de base repose sur l’analyse de toute action de communication
en fonction d’un enjeu, d’un objectif et d’une cible. Si l’on considère que
l’objectif d’une entreprise est d’abord de réaliser des bénéfices, si l’on
considère que l’enjeu d’une communication maladroite est limité s’agissant
d’une entreprise réalisant les trois quarts de ses résultats à l’étranger
et
que la cible principale n’est peut-être pas le grand public mais la
communauté financière internationale, on peut comprendre que la
communication grand public n’ait peut-être pas été privilégiée.
L’exemple Total rejoint la longue liste d’exemples d’entreprises dont
l’objectif économique et financier apparaît pleinement lorsque, à l’exemple
du groupe Michelin le 21 septembre 1999, l’entreprise annonce le même
jour une hausse de 20 % de ses bénéfices semestriels et,
concomitamment, la suppression de 7.500 postes en Europe dont 1.880 en
France. Comme auparavant pour le cas Renault-Vilvoorde, il s’agit
vraisemblablement d’une maladresse. Toutefois, ici également,
l’événement doit se resituer dans une logique de gestion économique et
financière. Michelin réalise 85 % de son chiffre d’affaires à l’international, le
risque sur le marché français est réduit, la cible n’est pas le grand public. Ici
aussi, le groupe doit affronter une tempête médiatique, il n’empêche que la
première conséquence de cette « erreur de communication » fut que le 21
septembre 1999, le titre Michelin gagna 12 % à la Bourse de Paris.
Le cas Danone est également révélateur en ce qu’il ruine toute certitude
sur l’effet bouclier de la bonne réputation. Lorsque le 11 janvier 2001,
Le Monde annonce le plan de restructuration du groupe Danone, celui-ci
bénéficiait d’une image solide. 80 % des français en avaient une bonne
opinion et chacun s’accordait à considérer que son image basée sur des
valeurs de responsabilité, de citoyenneté et d’avancée sociale le protégeait
: cf notamment Le Nouvel Economiste, n° 1148, 24 mars 2000, p. 50-51
: Sylvie Hattemer-Lefèvre, « Ces entreprises qui se moquent de la France », Le Nouvel Economiste, n° 1153,
31 mai 2000, p. 52