IV – BULLETIN DE L’ASSOCIATION BUREAU NATIONAL 22 septembre 2012

L’enseignement philosophique – 62eannée – Numéro 3
IV BULLETIN DE LASSOCIATION
BUREAU NATIONAL
22 septembre 2012
Rédaction du compte rendu : Gérard SCHMITT.
Présents: Stéphane Clerjaud, Éric Delassus, Henri Dilberman, Bernard Fischer,
Nicolas Franck, Simon Perrier, Gérard Schmitt, Patricia Verdeau.
Excusés : Édouard Aujaleu, Philippe Blanc, Charles Coutel, Frédéric Dupin,
Bernard Gittler, Jean Lefranc, André Pérès, Marie Perret.
OUVERTURE DE LA SÉANCE
L’ordre du jour adressé par S. Perrier aux autres membres du Bureau national
comportait les points suivants.
1. L’horaire des séries technologiques et la question des épreuves.
2. La création d’écoles supérieures du professorat et la formation des professeurs.
3. Le nouveau site.
4. Réflexion sur le projet d’enseignement d’une morale laïque.
5. Questions diverses: retour sur la rencontre avec M. Peillon, projets de l’année,
etc.
Après avoir transmis les excuses des nombreux collègues qui s’étaient trouvés,
avec de sérieux motifs, dans l’impossibilité de venir et rappe l’ordre du jour,
S. Perrier, demande s’il y a des points à y ajouter. Lui-même se propose de faire état
des contacts qu’il a eus récemment avec le SNES. Il voudrait en outre que l’on prenne
une décision au sujet de la pétition contre la suppression des dédoublements qui
arrive à échéance sur le site elle est hébergée: faut-il continuer à la faire signer et
par conséquent renouveler l’abonnement qui a été pris ? N. Frank en est tout à fait
partisan, suivi par les autres membres du Bureau.
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I. L’HORAIRE DES SÉRIES TECHNOLOGIQUES ET LA QUESTION DES ÉPREUVES
1. La mise en place d’un groupe de travail par l’Inspection générale
S. Perrier procède à un rappel rapide d’éléments dont il a informé les membres
du Bureau par courrier électronique. Il a reçu, le 9 septembre, un message du Doyen
du groupe de philosophie de l’Inspection générale, Paul Mathias, lui annonçant la
formation d’un groupe de travail chargé de « réfléchir aux évolutions de l’épreuve de
philosophie au baccalauréat technologique » et lui demandant s’il serait
« l’interlocuteur privilégié de l’Inspection et, potentiellement, le participant au groupe
de travail, ou si cette fonction sera confiée à quelque autre membre de l’APPEP ». Ce
message, il l’a aussitôt communiqué aux membres du Bureau national, afin qu’ils
fassent connaître leurs propositions au plus vite, sans attendre la réunion fixée au
22 juin qui aurait lieu trop tard. Le jour même, M. Perret faisait savoir que,
connaissant bien les élèves de STI et les difficultés que rencontrent les concepteurs
des sujets de baccalauréat dans ces séries depuis que l’épreuve dite du « sujet-texte »
a été réformée, ayant pris une part active au travail de la commission mise en place
par notre association sur les sujets des séries technologiques, elle serait d’accord, le
cas échéant, pour participer à ce groupe de travail proposition que S. Perrier a tout
de suite jugée intéressante, parce qu’elle lui évite d’alourdir une charge de travail déjà
considérable et parce que, tout compte fait, il vaut peut-être mieux que ce ne soit pas
son président qui représente l’Association au sein d’un groupe de travail qui sera
amené à envisager des réformes dont il faudra bien s’assurer qu’elles rencontrent
l’accord des collègues. S. Perrier conclut : il est important que les choses évoluent ;
mais s’il n’est pas question d’accepter un statu quo absurde, on ne saurait non plus
tolérer ce qui constituerait une atteinte majeure à la raison d’être de notre
enseignement, et, par exemple, introduirait un autre type de programme.
2. Que pouvons-nous proposer ?
Il est clair que nous ne pouvons pas rester sans rien faire, car les épreuves sont
devenues aujourd’hui impossibles, ajoute N. Franck, qui fait observer cependant que
certains nous reprochent de nous être engagés dans cette affaire et considèrent que
nous avons ouvert la boîte de Pandore. On nous aurait reproché plus sûrement de
n’avoir rien proposé, remarque G. Schmitt.
Il faudra, reprend S. Perrier, se défendre contre le risque de débordement ou de
détournement; ce ne sera pas forcément facile, car, étant donné que nous n’avons pas
en cette affaire des positions rigides, il est à craindre, comme on a pu le voir avec
diverses réformes de l’Éducation nationale, que ce soient ceux qui, face à de réels
problèmes, ont des solutions toutes faites à proposer, même les pires, qui l’emportent,
pour cette raison, en quelque sorte mécanique, qu’il faut qu’un processus, une fois
lancé, aboutisse à quelque chose. Nous avons certes dégagé quelques pistes de travail
au sein de la commission que nous avions formée. Une épreuve orale conviendrait
bien à des élèves qui ont du mal à rédiger et ne remettrait pas en cause la conception
à laquelle nos collègues sont très majoritairement attachés. À défaut, puisque
l’organisation d’une telle épreuve pose, à ce qu’on nous dit, des problèmes
d’organisation, il faudrait que les candidats puissent être guidés dans leurs
compositions écrites : on pourrait ainsi, pour l’explication de texte, inverser l’ordre
des questions de façon à conduire plus aisément à la thèse, suggérer davantage plutôt
que de prétendre laisser deviner et en tout cas renvoyer à un savoir acquis en classe
au sujet des notions ; pour la dissertation il ne faudrait pas hésiter à décomposer les
étapes dans la progression du travail. Il reste qu’on ne peut pas espérer améliorer les
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choses dans ces séries sans faire entrer en ligne de compte l’horaire d’enseignement :
les discussions sur les sujets ne sauraient faire l’impasse sur ce point.
P. Verdeau suggère que l’on demande aux élèves des séries technologiques des
moments de pensée réduits, autrement dit, que l’on accepte des copies plus courtes ;
elle évoque un travail effectué par des enseignants stagiaires qui avaient montré
qu’on pouvait obtenir de meilleurs résultats avec des réponses n’excédant pas sept à
huit lignes. On lui fait remarquer qu’on en est déjà là, et que la plupart des copies
remises à l’examen comportent à peine deux pages. Mais pour H. Dilberman, la
suggestion est loin d’être inutile, parce qu’il y a toujours beaucoup de collègues pour
sanctionner les copies courtes, quand bien même elles ne seraient pas mauvaises,
considérant automatiquement comme paresseux l’élève qui les a rendues, ce qui, bien
entendu, est une faute, comme le signalent S. Clerjaud et G. Schmitt: on se trompe la
plupart du temps quand on juge une copie sur l’impression qu’elle peut donner quant
à son auteur.
On conclut la discussion en insistant sur ce point que, dans ces séries
technologiques, le dédoublement est pour nous aussi important que la modification
des épreuves et qu’il est évidemment hors de question qu’on le fasse passer par profits
et pertes.
II. LA CRÉATION D’ÉCOLES SUPÉRIEURES DU PROFESSORAT ET LA FORMATION DES
PROFESSEURS
1. Où en est-on en ce qui concerne les IUFM ?
S. Perrier avait inscrit à l’ordre du jour la question de la création des écoles
supérieures du professorat, en espérant disposer d’informations quand la réunion du
Bureau aurait lieu. Mais le moment venu, il doit bien constater qu’on ne connaît
toujours pas le projet du ministre. Il demande si quelqu’un a pu obtenir quelques
lueurs d’information.
P. Verdeau précise l’intitulé exact : « Écoles supérieures du Professorat et de
l’Éducation (ÉSPÉ) ». Son sentiment est que les choses sont sans doute beaucoup plus
avancées qu’on ne le laisse croire : ces écoles devraient être mises en place en 2013 et
liées à des Pôles régionaux d’Éducation.
Y a-t-il au Ministère des groupes de travail sur ces questions ? demande
S. Perrier. P. Verdeau n’en sait rien, mais signale qu’en tout cas rectorats, universités
et IUFM travaillent là-dessus, non pas en collaborant, mais chacun de son côté en
quelque sorte. Dans les universités et les IUFM, on craint manifestement que les
nouvelles écoles soient trop dépendantes des rectorats. On essaie, dans les IUFM
devenus écoles internes, de maintenir la recherche et d’assurer en même temps la
préparation aux concours de recrutement et la formation.
H. Dilberman observe que V. Peillon paraît prendre à la lettre la déclaration de
N. Sarkozy selon laquelle les IUFM ont été supprimés en fait, il n’en a rien été
puisqu’ils ont été intégrés aux universités et, de plus, portent toujours le même nom –
et qu’il semble vouloir revenir à une formation de type « école normale » pour les
enseignants du primaire. Mais, comme le remarque P. Verdeau, on ne reviendra pas
en arrière. S. Perrier se demande si V. Peillon n’entendait pas parler de l’année de
stage qui a été supprimée sous le gouvernement précédent.
P. Verdeau précise ce qu’elle a dit au sujet de la recherche dans les IUFM : selon
la CDIUFM la Conférence des directeurs d’IUFM elle doit être le fait d’équipes
travaillant indépendamment des universités. Elle en vient ensuite au problème du
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moment doivent avoir lieu les concours et elle considère que ce serait une
catastrophe que de les placer en fin de troisième année de licence, comme cela a été
envisagé, qu’il faut de toute façon en finir avec les écrits du CAPES en novembre qui
interdisent en fait toute préparation et que le mieux serait sans doute qu’ils aient lieu
de nouveau en mars. Elle soulève enfin le problème de la validation détudes
supérieures (V.E.S.) qui permettent à des étudiants ayant obtenu un master 2 de
recherches de se présenter aux concours.
H. Dilberman ajoute qu’en ce qui concerne les IUFM les situations sont très
diverses selon les Académies: à Poitiers par exemple, les enseignants d’IUFM n’ont
pas affaire aux stagiaires de philosophie. C’est la me chose à Nancy, indique
G. Schmitt qui ajoute que, dans beaucoup d’universités de province, avec des petits
effectifs, il est difficile pour les enseignants de mener de front masters de recherches
et masters d’enseignement.
Il faut de toute façon distinguer, explique N. Franck, la préparation des étudiants
de philosophie aux concours de recrutement et, dautre part, la place de la
philosophie dans la formation des enseignants. La seconde pourra être fixée
nationalement par le Ministère qui pourra alors faire en sorte quune culture
philosophique soit exigée lors du concours pour toutes les disciplines.
2. La question de la « morale laïque »
En relation avec ce qui vient d’être dit, P. Verdeau fait état d’informations qu’elle
a pu obtenir de source sûre au sujet de l’enseignement de « morale laïque » que le
ministre a décidé de mettre en place dans les écoles. Il apparaît que cet enseignement
justifierait que la philosophie soit présente dans tous les concours. La question se
pose cependant de savoir pourquoi on a choisi cette appellation de « morale laïque »
et non pas celle d’éthique ou d’« éthicité » à laquelle on aurait pu s’attendre. Serait-ce
pour des raisons médiatiques?
L’expression est nettement connotée, fait remarquer G. Schmitt, puisqu’en
Belgique elle désigne un enseignement d’instruction civique et de philosophie, qui est
destiné aux élèves qui ne vont pas au cours de religion et qui a été mis en place sous
l’influence des francs-maçons très actifs en Wallonie.
S. Perrier soulève la question de la spiritualité et se demande en quel sens précis
il faut entendre les propos du Ministre sur le « pouvoir spirituel » que l’École doit
exercer dans la société. Et comment faut-il concevoir ce cours de morale laïque à
l’école élémentaire? ajoute N. Franck. Y aura-t-il un catéchisme ? Il semble, intervient
G. Schmitt, que l’on envisage une pédagogie nouvelle, car on sait bien que les leçons
de morale à l’ancienne ne passeraient pas. Selon S. Perrier, le ministre n’a sans doute
pas une idée très précise de la façon dont les choses doivent se passer, mais on ne
peut pas pour autant lui reprocher d’être intervenu sur cette question: il est clair en
tout cas que l’enseignement qu’il envisage n’a d’intérêt qu’à la condition de s’intégrer
pleinement à toutes les matières et ne saurait exister à part des autres. Il s’agit donc
de faire valoir une dimension spirituelle évidemment non religieuse –, autrement
dit, de procéder à une réflexion.
N. Franck est d’accord sur ce point que l’enseignement d’une discipline comme
les mathématiques ne saurait se résumer à du calcul; il regrette cependant que le
ministre ne se soit pas davantage expliqué sur ce qu’il faut entendre par laïcité et il ne
peut s’empêcher de trouver quelque peu suspect ce qui est proposé. P. Verdeau ne
peut se garder de l’impression d’un retour en arrière ; des travaux existent, qui ont
montré que les choses sont tout de même un peu plus complexes.
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Pour H. Dilberman, on fait valoir la morale laïque dans l’intention de remédier
aux maux dont souffre l’École, qui est aussi en butte à la résistance de groupes
religieux; mais dans les autres pays, c’est l’enseignement religieux qui fait office de
morale. On voudrait ainsi en France remédier à certains manques en recourant à une
morale universelle.
Sans doute peut-on redouter que ce projet aboutisse à une sorte de catéchisme
républicain, admet S. Clerjaud, qui est néanmoins porté à y voir comme une réponse
au fameux discours de Latran de l’ancien président de la République, lequel, comme
on s’en souvient, mettait le curé ou le pasteur au-dessus de l’instituteur en ce qui
concerne « la transmission des valeurs » et « l’apprentissage de la différence entre le
bien et le mal ». Il estime qu’un tel enseignement de morale laïque doit conduire
l’éve à s’interroger et à réfléchir sur ce qu’il apprend au lieu de se soumettre
aveuglément à des savoirs ou à des dogmes. B. Fischer dit avoir cru comprendre la
me chose et avoir effectivement pen sur le moment au discours de Latran.
G. Schmitt n’écarte pas cette interprétation, mais il est aussi tenté de rapprocher les
propos de l’actuel ministre de ceux de son prédécesseur, lequel, avant une rentrée qui
s’annonçait également difficile, disait vouloir faire revenir la morale à l’école. Mais,
en réalité, font remarquer H. Dilberman et P. Verdeau, on fait toujours de la morale à
l’école, on n’a jamais vraiment cessé d’en faire.
Tentant de dégager ce qui ressort de la discussion en cours, S. Perrier dit qu’il
faut évidemment attendre de voir ce que la mise en œuvre du projet va donner, mais
souligne que nous sommes opposés à toute espèce de catéchisation et il marque un
certain scepticisme au sujet de cette croyance que l’on va changer la société par
l’École. Ce qu’il juge important en revanche, ce qui selon lui donne tout son intérêt au
projet du ministre, c’est la volonté de faire valoir la rationalité des disciplines
enseignées, car c’est bien en cela qui est essentiel dans la laïcité. H. Dilberman se
montre plus nuancé à propos du rôle que l’École peut avoir à jouer pour la
transformation de la société, et il prend l’exemple de ce qui s’est passé en 2011 en
Tunisie: le mouvement auquel on a assisté n’est-il pas fortement lié à l’importance de
la scolarisation qui a caractérisé la Tunisie?
G. Schmitt revient sur cette idée qu’il s’agit sans doute pour le ministre de
remédier, avec une pédagogie nouvelle, à ce qui est ressenti comme un manque en
matière d’éducation tenant au vivre-ensemble, à l’exercice de la citoyenneté ou au
rapport à l’autorité ; il évoque au passage des tentatives comme celle que Meirieu
avait pconisée avec la « construction de la loi » : le ministre entendrait aussi
répondre à ce qui est considéré comme une insuffisance de l’école publique par
rapport à l’école privée où, selon l’opinion, on s’attacherait davantage à la dimension
éducative. À propos de la pratique de la « construction de la loi », H. Dilberman
remarque que si elle n’est certes pas abandonnée, elle est sans doute bien moins
généralisée qu’autrefois, parce que l’influence de la pédagogie – ou du pédagogisme –
de Meirieu tend à décliner.
B. Fischer évoque ce qui se fait en Allemagne l’on part de cas pratiques des
viols, des assassinats, etc. pour s’interroger sur la conduite qu’il convient d’avoir ; il
y a là, ajoute-t-il, quelque chose qui devient vite insupportable.
S. Perrier tente de conclure : il serait en tout cas utile de bien faire comprendre ce
qu’est la laïcité et qu’elle n’est pas la simple neutralité; cela, les enseignants ont aussi
besoin de le savoir. Il insiste, pour finir, sur notre refus d’un enseignement de morale
laïque qui existerait en quelque sorte pour lui-même, séparé des autres.
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