http://www.figaroscope.fr/theatre/2004091400014327.html Michel Bouquet au coeur d’un opéra macabre. Un comédien au sommet. DR au théâtre Hébertot « Le Roi se meurt » Jean-Louis PINTE, mercredi 15 septembre 2004 Insurpassable Michel Bouquet Eugène Ionesco était obsédé par la mort et ne s’en cachait pas. « J’écris pour crier ma peur de mourir, mon humiliation de mourir », disait-il. C’est au cours d’une hospitalisation traumatisante, qu’il écrit « Le Roi se meurt », un projet qu’il qualifie « d’apprentissage de la mort ». La pièce est terminée en un peu plus de quinze jours. Ionesco en a pourtant interrompu l’écriture un moment. D’où une certaine césure que l’on peut sentir dans l’oeuvre. Celle-ci devait s’intituler au départ « Cérémonie ». C’est d’ailleurs à un cérémonial que nous convie Ionesco à travers la mort annoncée du roi Bérenger 1er. Un cérémonial qui le conduira vers le néant. Il ne reste plus grand-chose dans le royaume de Bérenger 1er. Tout a été dévasté, nature, bâtiment et même population dont il ne reste qu’une petite poignée d’individus. Autour de lui ses deux reines, celle de la raison et celle du coeur, son médecin, sa servante et un garde, sorte de choeur antique. Tout ce monde comme surgi d’un opéra macabre va pousser Bérenger 1er vers son inéluctable destin. Jacques Mauclair en compagnie de Tsilla Chelton créa la pièce à l’Alliance Française en 1962. CRITIQUE. Humour, dérision, absurdité. Ionesco s’en donne à coeur joie. Dans cet exercice périlleux sur l’être et le néant, il s’en tire avec les honneurs d’un auteur qui joue avec la puissance verbale des mots. S’amuse avec la métaphysique pour en faire un théâtre de réflexion et de plaisir. Cette agonie, cette course ralentie vers le néant, il la rend joyeuse, triviale. Le réalisme s’est échappé vers les coulisses. Sur scène, les personnages sont comme les marionnettes du destin sur lesquelles la vie n’a plus aucune prise. Personnages emblématiques d’une peur, d’une angoisse qui s’exprime à travers l’ironie, la raillerie. Au centre de cette pièce, il y a Bérenger 1er, incarné, « vécu » par Michel Bouquet. Enfantin, perdu, dépossédé de sa vie, il est au-delà de ce que l’on peut imaginer dans le jeu d’un acteur. Insurpassable. C’est tout son corps, sa voix, son regard qui s’abîment petit à petit vers le néant. Il semble qu’il joue sa propre mort sans jamais laisser partir l’âme immortelle de l’acteur. Autour de lui, une belle troupe cohérente, fidèle à l’esprit de la pièce. Un grand spectacle. Théâtre Hébertot, 01.43.87.23.23. 21 h : 78 bis, bd des Batignoles (XVIIe). Tél. :