HEMORRAGIES INTRACRÂNIENNES SPONTANEES
T. Roujeau, E. Mireau, M.Zérah
Les hémorragies du nouveau-né concernent essentiellement les grands prématurés ; Elles
proviennent de la couche germinative sous épendymaire, et entraînent une hémorragie
intraventriculaire. Leur gravité (hydrocéphalie et séquelles neuro-cognitives) est fonction de
l’importance du saignement et leur traitement difficile.
Passée la période néonatale, elles sont beaucoup plus rares que chez l’adulte. Elles révèlent le
plus souvent une rupture de malformation artérioveineuse cérébrale. Ces ruptures sont parfois
cataclysmiques pouvant entraîner le décès d’un enfant en quelques heures. Elles sont donc des
urgences neurochirurgicales absolues pouvant conduire à une intervention dès la réalisation
du scanner et avant celle de l’artériographie.
Définitions Terminologie
Selon le siège de l’hémorragie, on parlera de :
Hématome extra-dural (HED), par hémorragie dans l’espace extra-dural.
Hématome sous-dural (HSD), par hémorragie dans l’espace sous-dural.
Hémorragie sous-arachnoïdienne, ou méningée (HSA), par hémorragie dans les
espaces sous-arachnoïdiens.
Hémorragie intraparenchymateuse, dont l’hémorragie sous-épendymaire (HSE).
Hémorragie intraventriculaire (HIV), par hémorragie dans les ventricules.
Les différentes topographies peuvent être associées.
On distingue les hémorragies du nouveau-d’une part et les hémorragies de l’enfant et du
nourrisson d’autre part.
Hémorragie intracrânienne du nouveau-
Les lésions hémorragiques intracrâniennes surviennent durant la vie fœtale et la période
néonatale avec une fréquence bien plus importante que durant toute autre période de la vie.
Par contre les hémorragies par rupture de malformations intracrâniennes sont exceptionnelles
à cet âge.
Epidémiologie :
Il s’agit le plus souvent d’une hémorragie de la zone germinative souspendymaire,
pouvant diffuser vers les ventricules. Ainsi, 80% des hémorragie intraventriculaires (HIV) du
nourrisson sont associées à une hémorragie sous-épendymaire (HSE), le sang ayant diffusé à
travers la paroi du ventricule depuis la matrice germinative sous-épendymaire.
Une HSE est retrouvée chez 40 à 45% des prématurés avec PN < 1500 g et/ou < 35 SA
lorsqu’elle est recherchée de façon systématique. Elle est souvent asymptomatique.
Plus rare chez le nouveau-né à terme, elle est retrouvée de façon asymptomatique dans 5%
des naissances. La fréquence des formes symptomatiques est de 5.2 cas/10000 naissances.
Les autres localisations sont rares, à l’exception de l’hémorragie sous-arachnoïdienne
qui est sans gravité sauf à être abondante ou associée à des troubles de l’hémostase. Elles sont
le plus souvent traumatiques.
Physiopathologie
L’augmentation du débit et l’élévation de la pression de perfusion cérébrale (favorisées par
l’hypoxie) vont être à l’origine de l’hémorragie dans une zone le réseau vasculaire est
demeuré immature (prématurité) ou a été préalablement lésé (hypoxie-ischémie ou
traumatisme obstétrical).
La zone marginale sous-épendymaire joue un rôle prépondérant dans le cerveau en
développement et, de ce fait, est très richement vascularisée, expliquant qu’elle soit le siège
préférentiel de ce type d’hémorragie.
Toutes ces hémorragies surviennent dans les 72 premières heures, la très grande majorité
avant la 24ème heures et 30% dans les 6 premières heures.
Facteurs de risque et étiologies :
Prématurité et/ou faible poids de naissance ( < 32 SA ou <1500 g).
Les troubles de l'hémostase (hypovitaminose K, hémophilie, Thrombopénie,
hyperviscosité en rapport avec une polycythémie ou une cardiopathie congénitale
cyanogène…) sont plus souvent des facteurs aggravants que la véritable cause de
l’hémorragie
Perfusion trop rapide de bolus intraveineux pendant la période néonatale.
Traumatisme obstétrical
Asphyxie périnatale
Malformation vasculaire
Elles sont exceptionnellement mises en évidence chez le nouveau-né rendant inutile
leur recherche systématique par artériographie cérébrale, d'autant que cet examen est
non dénué de risque.
Un cas particulier est celui de l'anévrysme de l'ampoule de Gallien. En effet, rarement
responsable d'une hémorragie intracrânienne, qui, quand elle survient, est
exceptionnellement révélatrice et ne survient jamais en période néonatale. Il se
manifeste le plus souvent sous la forme d'une insuffisance cardiaque néonatale.
Clinique
Elle est souvent asymptomatique. Les signes le plus souvent retrouvés sont :
Tension de la fontanelle antérieure
Augmentation trop rapide du périmètre crânien (PC)
Pâleur associée à une chute de l’hématocrite
Nouveau- hypotonique, aréactif
Ou à l’inverse nouveau-né hypertonique, douloureux
Examens complémentaires
ETF (Echographie transfontanellaire)
Elle est de réalisation systématique chez tout prématuré avant la 32ème semaine. Elle
permet le diagnostic, en néonatologie. Elle peut être facilement répété pour la surveillance.
Elle permet de déterminer la localisation de l’hémorragie, sa taille, ses limites et de détecter
une hydrocéphalie. En l’absence de signes aigüs néonataux, on la réalisera entre le 3ème et le
7ème jour.
L’hémorragie est classée en 4 stades de gravité croissante :
GRADE
DESCRIPTION
I
Hémorragie isolée de la zone germinative
II
Hémorragie intraventriculaire sans dilatation ventriculaire
III
Hémorragie intraventriculaire avec dilatation ventriculaire
IV
Hémorragie intraparenchymateuse
Scanner cérébral
Atraumatique, il est plus précis que l’ETF dans la détermination du siège, de la taille et des
limites de l’hémorragie.
Le sang est spontanément hyperdense dans les 24-72 premières heures, puis évolue ensuite
vers l’isodensité.
Il ne doit pas être de réalisation systématique. Les informations qu’il fournit devant être
pondéré par le risque à transporter un nouveau-né prématuré jusqu’ au scanner.
IRM
Son intérêt en urgence est en cours d’évaluation. Il semblerait que les séquences en
perfusion et diffusion permettrait une évaluation précoce de l’importance des lésions
cérébrales et serait d’un intérêt pronostique majeur.
Bilan d’hémostase
Systématique, à la recherche d’un déficit en facteurs vitamine K dépendants, en facteurs VIII
et IX, à la recherche d’une thrombocytopénie.
Angio-IRM
Remplace de plus en plus l’angiographie conventionnelle dans ses indications car permet la
visualisation de malformation vasculaire de façon atraumatique.
Complications
L’hémorragie intraventriculaire peut conduire à 3 complications majeurs
Décès
La mortalité est directement en rapport avec la gravité de l’hémorragie.
GRADE
MORTALITE
I
5 à 10%
II
25 à 35%
III
50 à 65%
IV
90 à 100%
La gravité des grades IV (mortalité immédiate et séquelles à long terme) quel que soit le
traitement entrepris doit faire discuter les modalités de la réanimation néo-natale.
Hydrocéphalie post-hémorragique
C’est la complication immédiate principale de l’hémorragie intraventriculaire. Son traitement
est difficile et il n’existe pas de consensus actuel à sa prise en charge. Les différentes
solutions thérapeutiques proposées peuvent être résumées en :
Mesures anténales
- Accouchement dans une maternité attenante à un service de réanimation néonatale
Différentes études ont montré une surmortalité et une surmorbidité chez les
grands prématurés transportés en néonatal de leur lieu d’accouchement vers
une réanimation néonatale
- Corticostéroides
L’administration anténatale de corticostéroïdes à la mère diminue de façon
significative le risque d’hémorragie chez le nouveau-né
- Lutte contre l’infection en cas de rupture de la poche des eaux
L’administration anténatale d’antibiotique à la mère diminue de façon
significative le risque d’hémorragie chez le nouveau-né
Mesures postnatales
- Prévention de l’hémorragie
Aucune des mesures préconisées (VitK anténatale, césarienne, plasma frais
congelé, VitE, Indométacine…) n’a fait la preuve d’une réduction de la
fréquence et de la gravité de l’hémorragie
- Traitement de l’hydrocéphalie
- Furosémide et Acétazolamide
Leur utilisation systématique est maintenant abandonnée, les
complications du traitement étant supérieure au bénéfice escompté
- Ponction lombaire soustractive
C’est souvent la première mesure utilisée. Elle permet de contrôler
initialement l’hydrocéphalie. Sa fréquence est appréciée en fonction de
l’évolution clinique et l’échographie. Son efficacité s’épuise rapidement
et impose de passer à des traitements plus agressifs. Parmi ses
complications à long terme, il faut citer le risque de kyste dermoïde
intradural. Pour limiter ce risque, il est impératif d’utiliser des aiguilles à
mandrin (aiguille à PL) pour réaliser ces ponctions.
- Ponction ventriculaire
Elle est contrindiquée. La fragilité cérébrale et la pression
intraventriculaire entraînent des cavités porencéphaliques sur le trajet de
la ponction.
- Mise en place de réservoir intraventriculaire
La pose d’un réservoir intraventriculaire limite le risque de porencéphalie
et permet la réalisation de ponction quotidienne si nécessaire. Son risque
infectieux majeur (jusqu’à 40% de méningite) l’a fait abandonner par de
nombreuses équipes. L’injection de fibrinolytiques par le réservoir pour
diminuer le risque d’hydrocéphalie est encore en cours d’évaluation
- Dérivation externe
Elle permet une soustraction de liquide continue, plus régulière que le
réservoir. Par contre le risque infectieux est identique à celui du réservoir
et son management souvent difficile chez un grand prématuré.
- Dérivation ventriculo-sousgaléale
Préconisée par certaines équipes, elle permet de diriger le LCR en extra-
crânien sans avoir les risques infectieux des deux précédentes techniques.
Son principal inconvénient est son épuisement rapide. Elle devient en
règle inefficace au bout d’une quinzaine de jour
- Dérivation ventriculo-péritonéale
C’est théoriquement le traitement de choix. Elle présente néanmoins des
risques infectieux et des risques de lésions cutanées sur le trajet du
cathéter.
Elle est au mieux réalisée quand le nouveau-né pèse plus de 2000g.
Cependant l’utilisation de cathéter sans valve permet dans certaines
équipes de proposer cette dérivation dès un poids de 1000g.
La multiplicité de ces traitements prouve l’absence de solutions idéales actuellement. La
philosophie actuelle peut être résumée ainsi :
- Vérification de l’absence de souffrance cérébrale à l’IRM.
- Ponction lombaire soustractive tant qu’elle permet de contrôler
l’hydrocéphalie.
- En cas d’augmentation excessive du PC ou apparition de signes de
souffrance clinique, discussion d’un traitement neurochirurgical fonction
de l’expérience des équipes concernées.
Séquelles neurologiques et neuro-cognitives
L’existence d’une hémorragie intraventriculaire majore le risque de séquelles chez les
nouveaux-nés prématurés. Il est directement lié à la gravité de l’hémorragie initiale
GRADE
SEQUELLES NEURO-COGNITIVES
SIGNIFICATIVITE
Pas d’HIV
10 à 20%
I
15 à 35%
NS
II
35 à 65%
S
III & IV
> 75%
S
Naissance antérieure à la 30ème semaine
Les hémorragies spontanées du nouveau-né à terme sont beaucoup plus rares. Leur peauci-
symptomatologie contraste avec des hématomes volumineux, le plus souvent sus-tentoriels. Il
sont en règle bien supportés, l’évolution se faisant vers la résorption spontanée. Dans
quelques cas, une ponction de l’hématome permettra d’en hâter l’évolution. Les séquelles
neurologiques (déficit, épilepsie, retard psycho-moteur) sont rares et sont fonction de la taille
et de la topographie de l’hématome.
Hémorragie intracrânienne spontanée de l’enfant
Elles sont beaucoup plus rares que les hémorragies traumatiques. Elles sont dominées par les
ruptures de malformations artérioveineuses (MAV). Elles représentent souvent une véritable
urgence neurochirurgicale
Présentation Clinique
Deux tableaux cliniques peuvent se rencontrer :
Rupture suraiguë
Il s’agit typiquement d’un enfant dont l’âge est supérieur à 5 ans. Aucun antécédent, ni aucun
signe prémonitoire ne sont retrouvés à l’interrogatoire.
Le premier signe est souvent une céphalée brutale ou une crise comitiale, suivie en quelques
minutes ou au plus en deux ou trois heures de troubles de conscience et de l’apparition d’un
déficit neurologique.
L’évolution clinique ensuite très rapide et se fait vers le décès en quelques heures si
l’évacuation chirurgicale de l’hématome n’est pas réalisée en extrême urgence. Il s’agit
toujours de la rupture d’une malformation artérioveineuse. C’est dans ces formes que l’enfant
doit être intubé et ventilé sur les lieux de l’accident puis conduit directement en
neurochirurgie où seulement un scanner sera réalisé avant la décompression chirurgicale. Il
s’agit de la plus extrême urgence neurochirurgicale où chaque minute compte.
Rupture subaiguë
Le début est également souvent brutal, marqué par une céphalée violente ou une crise
comitiale. Puis vont s’installer des troubles de conscience moins profonds et/ou un déficit
neurologique sur quelques heures. Le tableau clinique va ensuite souvent se stabiliser
permettant une étape diagnostique plus complète. Plus rarement en cas d’hémorragie
méningée pure, le tableau est marqué par un simple syndrome méningé peu ou pas fébrile.
Examens complémentaires
Scanner cérébral
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