ASSOCIATION « DELPHINE CENDRINE » Mr STAWOSKI Mr ALZIEU « La Garlande » 31590 VERFEIL 05.61.35.67.34 06.03.39.29.93 05.61.53.91.52 www.delphine-cendrine.org PROPOSITIONS DE L’ASSOCIATION DELPHINE-CENDRINE INTRODUCTION : L’association DELPHINE-CENDRINE a été créée en janvier 2003. Elle est née de la rencontre de la famille ALZIEU et de la famille STAWOSKI, qui se battaient individuellement pour comprendre et essayer d’admettre les drames dont ils ont été victimes et qui les ont personnellement touchés. Pourquoi avoir créé cette association ? L’évolution de la société française conduit au développement des droits de la défense de l’individu soupçonné ou convaincu d’avoir commis une infraction de haute gravité susceptible de générer un trouble important à l’ordre public. Nul doute que cette évolution doit être poursuivie pour le respect des droits de l’homme, si indispensable dans toute société démocratique. Cependant, cela ne doit pas permettre que certains crimes de sang échappent à l’appréciation judiciaire consécutive à un véritable procès. En effet, les victimes sont celles qui subissent l’acte commis, mais aussi les proches confrontés à un nécessaire et très difficile travail de deuil. La constatation a été faite qu’aujourd’hui, notre système juridique est construit de telle sorte que l’auteur d’actes de barbarie inqualifiables échappe parfois à une sereine appréciation de la justice, parce-que, déclaré irresponsable du fait de l’abolition ou de l’altération du discernement au moment de la commission des faits incriminés. De plus, la mise en cause des actes ou omissions qui ont, d’une manière ou d’une autre, permis la commission de l’acte incriminé se heurte à de multiples obstacles et « disparaît » à la faveur de la non intervention de la justice. C’est ainsi qu’aucun crime de sang ne doit échapper à l’appréciation de la justice, et aucune mesure, de quelque nature qu’elle soit (internement psychiatrique, suivi psychologique…) ne doit être prise par une autorité autre que le juge et après un véritable procès. Aussi, c’est contre cet espace de non-droit et de non-reconnaissance de la douleur que l’Association DELPHINE-CENDRINE entend agir, pour promouvoir la nécessaire évolution du droit de l’irresponsabilité pénale. L’association est composée de représentants politiques de tous bords ainsi que de membres de la société civile. Le présent rapport est destiné à présenter nos objectifs, pour ensuite étudier le droit actuellement en vigueur de la responsabilité et de l’irresponsabilité pénale et enfin, envisager des perspectives de modifications de la loi. Cette note est donc destinée à faire le point sur la question juridique de l’irresponsabilité pénale et de tirer les conséquences de différentes affaires médiatisées et de formuler un certain nombre de propositions, susceptibles d’être retenues dans le cadre d‘une modification législative. I - L’ASSOCIATION Le but de l’association est d’obtenir : - que l’assassinat soit, non seulement reconnu, mais que l’auteur lui-même, s’il est dit malade, soit aussi reconnu comme assassin ou meurtrier, car aujourd’hui, il y a assassinat sans assassin, et certains psychiatres affirment que la prise de conscience de l’acte du malade par lui-même, doit faire partie de sa thérapie ; - obtenir le droit à une véritable enquête, pour ne plus avoir besoin de faire appel avec demande de contre-expertise, dont les frais restent à la charge de la victime et, qui dans 95% des cas ne sert à rien. Ou comme dans de nombreux cas, faire un dépôt de plainte avec constitution de partie civile en versant une consignation auprès du Tribunal, pour avoir un semblant d’enquête, entre 5 et 10 ans après le drame ; - une modification de l’article 122-1 du Code Pénal, pour avoir un vrai débat contradictoire en toute gratuité pour ces victimes de crimes de sang ; 2 - avoir par le débat contradictoire la possibilité de faire appliquer l’article 121-3 sur la responsabilité de l’entourage qui a pu permettre par ses manquements à ce dit « malade » de devenir assassin et pire un récidiviste ; - qu’il y ait un cadre juridique pour protéger les victimes et leurs familles, sur le plan physique mais aussi sur le plan moral, avec des interdits aux auteurs de ces drames d’approcher de cellesci. - que l’encadrement judiciaire du malade assassin soit sous la tutelle d’un J.A.P (Juge d’Application des Peines). Le malade remis dans la société aurait obligation d’un contact social, celui-ci informant immédiatement le J.A.P si les règles et les soins imposés par la procédure ne seraient pas respectés par le malade, ceci afin d’éviter les récidives trop nombreuses. Aujourd’hui, une de nos adhérentes, est pratiquement obligée de vivre cachée, car son agresseur, trois fois récidiviste, vit en toute liberté dans la ville où elle travaille. De nombreux cas similaires existent malheureusement encore. Qu’elle est donc la législation en vigueur ? II - LE DROIT POSITIF L’article 122-1 du Code Pénal donne, en somme, le droit à tout déficient mental ou personne médicalisée de tuer en toute impunité en ne permettant pas l’application de l’article 121-3 du Code Pénal. La responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction est subordonnée à la faculté pour ce dernier d’avoir pu décider librement de commettre les faits incriminés. Ainsi, l’article 122-1 du Code Pénal distingue selon que le discernement de la personne a été aboli par un trouble psychique ou neuropsychique, ce qui entraîne l’irresponsabilité pénale de l’intéressé (alinéa 1) ou simplement altéré par un tel trouble, ce qui atténue sa responsabilité pénale sans la remettre en cause (alinéa 2). Cependant, le trouble psychique ou neuropsychique ne peut constituer une cause d’irresponsabilité pénale qu’à la condition d’être concomitant aux faits et en rapport direct avec l’infraction commise. 3 Ces éléments sont bien évidemment souverainement appréciés par les juges du fond, qui forment le plus souvent leurs convictions après avis d’un expert psychiatre, qui ne les lie pas. Les responsabilités pénales d’un individu pour troubles mentaux peuvent être prises en compte par l’autorité judiciaire à différents stades de la procédure. En l’état actuel du droit, toute déclaration d’irresponsabilité pénale pour troubles mentaux ne donne pas lieu à un procès, même si, en cas d’appel d’une ordonnance de non-lieu, motivé par l’existence de tels troubles, une audience publique peut être tenue devant la Chambre de l’instruction, en présence de l’intéressé si la partie civile en fait la demande et si son état de santé le permet. Néanmoins, cette procédure n’est pas satisfaisante pour les victimes, le Président de la Chambre de l’Instruction n’ayant en particulier pas la possibilité de faire comparaître d’office la personne mise en examen. En outre, en dépit de la récente modification législative précitée, les informations communiquées aux victimes sur les circonstances de l’infraction sont parfois incomplètes, les investigations du magistrat instructeur étant généralement moins approfondies dés lors que l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal paraît susceptible de s’appliquer. Du reste, la note d’orientation de décembre 2003 et le rapport BURGELIN reconnaissent tous deux, que les investigations sont souvent stoppées dès lors que l’article 122-1 est susceptible d’être appliqué. L’ordonnance de clôture de l’information intervient en effet plus rapidement et comporte souvent une motivation plus succincte sur le déroulement des faits. Enfin, la société contemporaine aidée en cela par la vulgarisation du discours psychiatrique, tend à penser que l’audience pourrait constituer une étape nécessaire au « travail de deuil » du plaignant, en ce qu’elle permettrait à ce dernier d’obtenir une explication plus détaillée sur les faits et d’être publiquement reconnu en sa qualité de victime. Reste alors le problème actuel de l’hospitalisation d’office des personnes déclarées pénalement irresponsables pour troubles mentaux. L’article L 3213-7 du Code de la Santé Publique dispose que « lorsque les autorités judiciaires estiment que l’état mental d’une personne qui a bénéficié d’un non-lieu, d’une décision de relaxe ou d’acquittement en application des dispositions de l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal, nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public, elles avisent le Préfet qui prend 4 sans délai toutes mesures utiles, ainsi que la Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques (…) » Lorsque ces conditions sont réunies, le Préfet peut ordonner l’hospitalisation d’office, en se fondant sur un avis médical circonstancié portant sur l’état actuel du malade, document qui doit être rédigé par un médecin extérieur à l’établissement d’accueil dans les plus brefs délais. Dans le but de favoriser leur guérison, leur réadaptation et leur réinsertion sociale, les personnes hospitalisées d’office peuvent bénéficier de sorties d’essai, décidées par le Préfet, pour une durée de trois mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme que l’hospitalisation d’office. Malheureusement, le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. En effet, le dispositif légal actuel des hospitalisations d’office décidé après application de l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal, pâtit d’un manque de précision textuelle et sa mise œuvre pose des difficultés, tant en terme de sortie d’essai que de coordination entre les autorités administratives et judiciaires. On relèvera notamment le fait que le déroulement de ces sorties provisoires soit mal codifié et leur longue durée conduit trop souvent à en faire des obligations de soins en ambulatoire déguisées. De plus, l’article L 3213-7 du Code de la Santé Publique ne prévoit pas l’obligation, pour l’autorité judiciaire, d’aviser le Préfet en cas de classement sans suite pour irresponsabilité pénale due à des troubles mentaux ou pour tout état mental déficient. De fait, seuls certains Parquets informent l’autorité administrative à l’issue de décisions de cette nature. Manifestement, la Loi en cette matière, ne s’est pas adaptée aux comportements actuels de notre société. L’association milite donc en faveur d’une réforme législative en ce domaine. III- LA NECESSAIRE MODIFICATION DE LA LOI Le 22 décembre 2003, une note d’orientation de la Chancellerie était adressée à un groupe de travail, constitué de magistrats, de psychiatres, d’un avocat et d’un représentant d’association de victimes, afin d’envisager et de réfléchir autour de deux points : la tenue d’une audience permettant de statuer sur l’imputabilité des faits et la mise en place d’un suivi impliquant l’autorité judiciaire. 5 Sur ce point, la plupart des exemples étrangers démontraient en effet l’existence de régimes différents dont le dénominateur commun était la possibilité pour un Juge Judiciaire d’intervenir y compris en cas d’irresponsabilité pénale de l’auteur. La possibilité pour l’autorité judiciaire de prononcer le placement en hôpital psychiatrique est ainsi très largement répandue, au sein de l’Union Européenne, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Belgique. L’absence totale d’implication de l’autorité judiciaire en cas d’irresponsabilité de l’auteur des faits n’est guère compatible avec la nécessité de protéger les victimes et la société, notamment en cas d’éventuelle réitération de l’acte. Dans un premier temps, ce groupe de travail a donc fait les propositions suivantes : - L’organisation d’une audience, confiée à une juridiction ad hoc, statuant sur l’imputabilité des faits, les dommages et les intérêts et les mesures de sûreté ; - De même, ce groupe de travail a suggéré la modification des dispositions du Code de la Santé Publique relatives à l’hospitalisation d’office et aux sorties d’essai. La commission de crimes affreux et odieux durant l’année 2004 a conduit le Ministère de la Justice à mettre en place une commission Santé Justice présidée par Monsieur Jean-François BURGELIN, avec le soin d’étudier les voies d’amélioration de la prise en charge médico-judiciaire des auteurs d’infractions qui sont atteints de troubles mentaux ou qui présentent un profil dangereux, et de réfléchir au suivi des personnes qui, ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, nécessitent un suivi psychiatrique, en particulier lors de leur détention. Cette commission vient de déposer son rapport. Sur le premier point, à savoir la modification de l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal : la commission propose au terme de son rapport l’instauration d’une audience ad hoc sur l’imputabilité des faits devant une Chambre spécialisée du Tribunal de Grande Instance. En ce sens, la commission est dans le droit fil du groupe de travail de décembre 2003. Cette juridiction serait composée du Président du Tribunal de Grande Instance ou d’un magistrat désigné par lui-même et de deux assesseurs. 6 Elle serait saisie par le Juge d’Instruction, qui clôturerait son information en rendant simultanément ou successivement, d’une part, une ordonnance de non-lieu fondée sur l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal et d’autre part une ordonnance motivée de renvoi devant la Chambre spécialisée d’imputabilité du Tribunal de Grande Instance. Cette saisine pourrait être obligatoire en matière criminelle et facultative dans les autres cas. Dans cette dernière hypothèse, les parties devraient en faire la demande expresse lorsque la clôture de l’information leur serait notifiée et avant l’expiration du délai de 20 jours actuellement prévu par l’article 175 du Code de Procédure Pénale. Si, à l’issue de cette audience, les faits poursuivis apparaissent imputables au mis en cause, la juridiction devrait également pouvoir se prononcer sur l’opportunité d’ordonner des mesures de sûreté à l’encontre de l’intéressé, applicables soient immédiatement après l’audience, soit, en cas d’hospitalisation d’office, à la levée de cette mesure. La personne pourrait ainsi se voir imposer à titre de sûreté, un placement sous surveillance électronique, un suivi de protection sociale ou un placement dans un centre fermé de protection sociale. Cette décision serait périodiquement révisée au vu de l’évolution de l’individu. En outre, sur le second point du problème de l’hospitalisation d’office des personnes déclarées pénalement irresponsables pour troubles mentaux. La commission a notamment proposé que l’avis médical portant sur « l’état actuel de la personne », prévu par l’article L 3213-7 du Code de la Santé Publique avant toute décision d’hospitalisation d’office par le Préfet, doit être récent. En outre, la commission recommande que l’information immédiate de l’autorité administrative par les magistrats compétents après toute déclaration d’irresponsabilité pénale pour troubles mentaux soit effective, et également obligatoire après toute décision de classement sans suite fondée sur l’irresponsabilité pénale ou l’état mental déficient de la personne mise en cause. La commission préconise également que, dans le cadre des sorties d’essai, un contrôle sanitaire plus étroit soit exercé par la DDASS sous l’égide du Préfet. Afin de traduire symboliquement cette préoccupation, elle suggère que les « sorties d’essai » soient désormais dénommées « sorties thérapeutiques sous contrôle ». 7 Notre Association émet des réserves sur cette commission ad hoc et propose que même dans le cas du 1er alinéa de l’Art.122-1, la procédure s’ouvre quand même avec un vrai débat contradictoire où le malade serait représenté s’il n’est pas apte à une procédure, afin de permettre aux victimes de connaître s’il y a ou pas, des responsabilités indirectes, (Art.1213), et de ne plus avoir à vivre qu’avec des hypothèses et sans réponse à leurs questions. « La France est donc à l’heure des choix ». En effet, la question de la responsabilité pénale voit s’affronter deux blocs : la justice et la psychiatrie. Il y a une réalité qui frappe : il existe une double mise en accusation. Il est malheureusement fréquent de voir circuler l’idée selon laquelle trouble mental signifierait que la justice est impossible. L’association ne veut pas que le droit pénal reste fermé à la psychiatrie. Bien que l’article 122-1 du Code Pénal constitue déjà un progrès par rapport à l’ancien article 64 du Code Pénal de 1810, il ne faut plus que le terme de « fou » ou de « malade » vienne empêcher l’existence d’un procès. L’article 122-1 du Code Pénal n’est plus satisfaisant. Il fonctionne en effet sur le mode de la fiction juridique ou bien alors de l’escamotage légal de la réalité. Malheureusement la tuerie de Nanterre ou l’affaire DURAFOUR à Tours en sont de tristes illustrations. L’association raisonne sur l’intérêt général. Elle ne veut plus que soit utilisé le terme de juger « les fous » mais de juger des faits. Elle refuse en outre que la notion de non-lieu continue à exister. Quel est le risque pour les libertés individuelles de juger un individu qui se dit fou ? Aucun ! Car il ne faut pas oublier que l’assassin a enlevé la vie, la liberté d’autrui. L’association refuse en outre que l’avis d’expert psychiatre emporte la conviction et la décision du Juge d’Instruction. 8 Un médecin ne peut pas contrôler l’action de la justice. Ainsi, l’association constate avec soulagement que les choses évoluent et formule les quelques propositions de modifications légales suivantes : - Réaffirmer dans l’article 1er de la Loi la reconnaissance d’un droit des victimes et de leur famille dans les hypothèses de crimes de sang et de tentative de crimes de sang ; - Supprimer l’obligation de versement d’une consignation en cas de plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des Juges d’Instruction ; - Organiser un procès afin de déterminer les responsabilités directes et ou indirectes ayant accompagnées le passage à l’acte du malade ; - Prononcer une interdiction de séjour à l’auteur des faits dans la région administrative où l’infraction s’est produite ; - Réaffirmer la protection des enfants mineurs. - Mettre en place un véritable suivi de l’auteur des faits en impliquant l’autorité judiciaire, c'est-à-dire qu’une assistante sociale rende compte régulièrement d’un suivi du malade au juge d’application des peines. Fait à Toulouse, le 1.10.2005 Pour l’Association, Maître Denis BENAYOUN Avocat à la Cour Vice président de l’Association 9